Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/547/2024 du 28.06.2024 ( LCA ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1781/2022 ATAS/547/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 28 juin 2024 Chambre 3 |
En la cause
A______
| demandeur |
contre
AXA ASSURANCE SA
| défenderesse |
A. a. Monsieur A______ (ci-après l’assuré), au bénéfice d’une formation d’auxiliaire de santé, a travaillé comme aide-soignant à 80% dans l'établissement médico-social (EMS) B______ (ci-après l’employeur) à compter du 15 décembre 2013, pour un salaire brut de CHF 3'250.- par mois.
Cette activité impliquait notamment une alternance des positions assise et debout, ainsi que le port de charges de plus de 15 kg.
b. L’employeur a conclu une police d’indemnités journalières en cas de maladie auprès du GROUPE MUTUEL, assurant les conséquences économiques d'une incapacité de travail pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019.
Ladite police prévoyait le versement d'indemnités journalières en cas de maladie à hauteur de 80% du salaire, pour une durée maximale de 730 jours, avec imputation d'un délai d'attente de 30 jours.
B. a. A partir du 26 octobre 2018, l’assuré a été en incapacité de travail totale pour cause de maladie, déclarée au GROUPE MUTUEL le 30 novembre 2018.
Une imagerie par résonance magnétique (IRM) du 31 octobre 2018 a notamment révélé une protrusion discale modérée L3-L4 latéralisée à gauche, des critères osseux en faveur d'un canal lombaire étroit étagé constitutionnel, une volumineuse protrusion discale latéralisée au niveau L4-L5, une protrusion discale modérée également latéralisée à droite au niveau L5-S1 et une arthrose interapophysaire postérieure bilatérale étagée modérée, à caractère inflammatoire aux trois derniers niveaux.
b. Le GROUPE MUTUEL a versé des indemnités journalières de CHF 114.32 dès le 24 novembre 2018.
c. Une nouvelle police d'assurance d’indemnités journalières a été conclue par l’employeur avec AXA ASSURANCES SA (ci-après AXA) avec effet au 1er janvier 2019.
AXA a poursuivi le versement des indemnités journalières à l’assuré dès cette date.
d. Dans un rapport du 14 janvier 2019, la docteure C______, praticienne FMH, a indiqué que l’assuré l'avait consultée le 26 octobre 2018 en raison de douleurs lombaires basses. Le diagnostic était celui de protrusion discale. L'incapacité de travail était totale jusqu’au 21 janvier 2019, date au-delà de laquelle elle ne serait plus que de 50% dans l’activité habituelle.
À partir du 22 janvier 2019, l’assuré a repris son activité d'aide-soignant à 50%.
e. À compter du 14 mai 2019, la Dre C______ a attesté d’une totale incapacité de travail à nouveau en raison du même diagnostic que précédemment (cf. rapport du 16 juin 2019).
f. Le 21 mai 2019, l’employeur a résilié les rapports de travail pour le 31 août 2019.
g. Le 28 mai 2019, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après l’OAI), en invoquant des problèmes de dos.
h. AXA a confié au docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, le soin de procéder à une expertise.
Dans son rapport du 5 juillet 2019, l’expert a conclu à des protrusions discales latéralisées en L3-L4, L4-L5 et L5-S1 et à une arthrose interapophysaire postérieure étagée, dans un contexte de canal lombaire rétréci. Les lombalgies entraînaient un déplacement à tout petits pas.
L’expert a admis une totale incapacité de travail, sans reprise possible de l'activité antérieure, le risque de lombalgies persistantes étant important en cas d’efforts de soulèvement. Il a en revanche considéré qu’une activité professionnelle permettant l’alternance des positions assise et debout, avec port de charges ponctuel limité à 10 kg, sans efforts répétés de flexion du tronc, sans accroupissement ou agenouillement, serait possible à 100% sans baisse de rendement une fois le cas stabilisé.
Les mesures de réinsertion de l’assurance-invalidité étaient alors incompatibles avec l’état de santé de l’assuré, mais seraient probablement bénéfiques après la stabilisation.
Les douleurs évoluant depuis plus de six mois et le traitement médical ayant atteint ses limites, une intervention chirurgicale de type discectomie et recalibrage du canal lombaire était à discuter.
i. À partir du 31 juillet 2019, l’assuré a bénéficié d’un suivi auprès du Service de neurochirurgie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG).
Dans ce cadre, une infiltration péri-radiculaire L5 gauche a été réalisée le 23 août 2019 (cf. rapport rédigé le 25 août 2019 par le docteur E______, notant à titre de comorbidité une dépression en cours de traitement).
Une seconde infiltration en L3 a été pratiquée le 27 août 2019.
Dans un rapport du 17 octobre 2019, la docteure F______ a constaté l'inefficacité du traitement par antalgie, infiltration et physiothérapie. Une prise en charge chirurgicale par décompression sélective L4-L5 était proposée. L’assuré souhaitait prendre le temps de la réflexion et informerait les HUG de sa décision. Ce médecin notait également à titre de comorbidité une dépression traitée.
j. Dans un rapport du 7 février 2020 à l’OAI, le docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie, a diagnostiqué une dépression moyenne à sévère, avec thymie abaissée, humeur triste, affects congruents à l'humeur peu modulable, léger ralentissement psychomoteur, appétit variable, difficultés à se projeter dans l'avenir, troubles du sommeil, anhédonie, troubles de la concentration et fatigabilité. L’anamnèse révélait que l'humeur était en baisse depuis l’arrêt de travail, en raison de la hernie discale et des violences psychiques et physiques de l’ex-épouse de l’assuré, qui s’étaient aggravées depuis 2016-2017. Le traitement consistait en une consultation par semaine avec Madame H______, psychologue, des consultations régulières avec le Dr G______ et un traitement médicamenteux depuis le 11 octobre 2019. Le Dr G______ estimait la capacité de travail de son patient à 0%, y compris dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.
k. Le 27 février 2020, le docteur I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin-conseil d'AXA, a rappelé que, selon l'expertise, aucune activité ne pourrait être mise en place avant une stabilisation du cas et qu’une indication neurochirurgicale était à discuter. Fin décembre 2019, il n'existait toutefois pas d’indication opératoire claire. Selon le Dr I______, à défaut d’une telle indication, il fallait considérer que le cas était stabilisé et que l’assuré était capable d’exercer à 100% une activité adaptée. Une indication opératoire justifierait la poursuite de l'arrêt de travail.
l. Par courrier du 16 avril 2020, AXA, se référant à l’expertise du Dr D______ et à l'avis de son médecin-conseil, a indiqué à l’assuré qu’elle l’estimait capable d’exercer à 100% une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Elle l’invitait dès lors à chercher un emploi correspondant et annonçait qu’elle lui verserait des indemnités journalières jusqu'au 16 juillet 2020.
m. Le 27 avril 2020, les HUG ont attesté qu'en raison de la pandémie de COVID-19, l'intervention prévue n'avait pu avoir lieu.
L’assuré a précisé par téléphone que son opération, initialement prévue au printemps 2020, avait dû être repoussée en raison de la pandémie. Le gestionnaire d'AXA lui a répondu que s'il devait se faire opérer, son cas n'était pas stabilisé médicalement et que, dès lors, la « décision d'activité adaptée » serait caduque (cf. note d’entretien téléphonique du 19 juin 2020).
n. Dans un rapport du 3 juillet 2020, la Dre F______ a indiqué que l’assuré souffrait toujours d'une discopathie lombaire et de lombosciatalgies, entraînant une incapacité de travail dans une activité physique. A la question sur la capacité de travail dans une activité raisonnablement exigible, le médecin a répondu : « sera possible, sans travail physique ». La capacité de travail devrait être réévaluée à la suite de l’IRM prochainement planifiée. Sous traitement prévu, le médecin a indiqué : « chirurgie vs traitement conservateur ».
Par la suite, la Dre F______ a indiqué que divers examens, dont une IRM lombaire, des radiographies et un électroneuromyogramme (ENMG), étaient prévus avant une nouvelle consultation (cf. rapport du 11 juillet 2020).
o. Par courrier du 21 juillet 2020, AXA a confirmé sa position du 16 avril 2020.
p. Dans un rapport du 24 juillet 2020, la Dre F______ a notamment indiqué qu’à la suite des examens radiologiques réalisés le 23 juillet 2020, une nouvelle infiltration L5 et une consultation en rhumatologie avaient été proposées. En cas d'échec de ces traitements, une indication chirurgicale serait probablement donnée. L’assuré était toujours traité pour dépression.
À la suite de la consultation du 1er septembre 2020, ce médecin a en outre proposé une nouvelle infiltration au niveau des articulations facettaires L4-L5 bilatérales et foraminales L4 gauche.
Les 4 et 18 septembre 2020, deux nouvelles infiltrations péri-radiculaires en L4-L5 et en L3 ont été pratiquées.
q. Dans un rapport du 12 novembre 2020 à l’OAI, le Dr G______ a mentionné que le traitement avait débuté le 24 septembre 2019. Il a confirmé le diagnostic de dépression moyenne à sévère et les symptômes constatés, ainsi que la capacité de travail, de 0% dans toute activité. Le traitement psychothérapeutique et médicamenteux continuait.
r. Le docteur J______, médecin au Centre K______ de traitement de la douleur, a adressé l’assuré au docteur L______, spécialiste FMH en neurologie, pour un bilan, en raison d’une suspicion de méralgie paresthésique, précisant qu’après cet examen, l’assuré serait reconvoqué pour un traitement intracanalaire (cf. rapport du 13 juillet 2021).
Dans son rapport du 14 juillet 2021, le Dr L______ a conclu à une méralgie paresthésique du nerf fémoro-cutané et à des signes en faveur d'une neuropathie sensitive axono-myélinique du nerf fémoro-cutané gauche. L'examen mettait en évidence des signes en faveur d'une atteinte radiculaire S1 gauche et d'une dénervation aigüe dans les muscles du membre inférieur gauche, de même qu'en regard de la musculature paraspinale L5-S1 gauche, où il existait une composante radiculaire irritative.
Le 22 juillet 2021, l’assuré a subi une infiltration épidurale L4-L5, qui a permis de diminuer les douleurs de 6-7 à 2-3.
Il a en outre subi une infiltration au niveau du nerf cutané latéral de la cuisse gauche le 27 septembre 2021.
s. Le 19 mai 2021, l’assuré a invité AXA à lui indiquer quels éléments l’amenaient à conclure que son état se serait stabilisé le 27 février 2020, puisque le Dr D______ n'avait pas fixé de date et que, par ailleurs, ses troubles psychiques, attestés par les rapports du Dr G______ des 7 février et 12 novembre 2020, n’avaient pas été investigués. Il demandait la poursuite du versement des indemnités journalières.
Par courrier du 12 août 2021, AXA lui a répondu qu’à défaut d’opération planifiée à la date de la prise de position du Dr I______, elle considérait que son état de santé était stabilisé et sa capacité à exercer une activité adaptée totale. La prise en charge des troubles psychiques avait débuté le 24 septembre 2019, date à laquelle les rapports de travail étaient déjà résiliés. Une pleine capacité de travail était exigible de l’assuré à compter du 17 juillet 2020.
t. Le 22 juin 2021, le docteur M______, spécialiste FMH en psychiatrie et médecin-conseil d'AXA, a admis, sur la base des rapports du Dr G______, l’existence de trois critères majeurs (thymie abaissée, léger ralentissement psychomoteur et fatigabilité, anhédonie) et de trois critères mineurs (difficultés de projection dans l'avenir, troubles du sommeil, trouble de la concentration), permettant de conclure à une dépression d'intensité moyenne tout au plus. La posologie de Cymbalta était faible et n'avait pas été modifiée. Dès lors, il émettait deux hypothèses : soit un traitement non conforme à l'état clinique, soit une altération de la santé moins manifeste et limitante qu'indiquée. Se posait par conséquent la question de l’éventuelle influence de facteurs non médicaux, tels que les aspects financiers. Le Dr M______ indiquait ne pas être en mesure d'évaluer la capacité de travail actuelle dans l'activité antérieure, le délai depuis le dernier rapport étant trop long. La capacité de travail ne pouvait pas être estimée, en l'absence d'expertise. On pouvait tout au plus subodorer une capacité résiduelle de travail dans une activité n’impliquant ni niveau de concentration élevé, ni contacts interpersonnels fréquents. Au chapitre relatif à l’incapacité de travail, le médecin n notait : « développement de l’incapacité de travail à partir de la mise en œuvre de la thérapie : incapacité de travail 100% pendant six semaines, nombre de semaines jusqu’à la capacité de travail : 14 ».
L’assuré a été hospitalisé au service de psychiatrie des HUG du 25 septembre au 1er octobre 2021.
Le 30 novembre 2021, il a transmis les pièces suivantes à AXA :
- un rapport du 29 mars 2021 des docteures N______ et O______, médecins à l’unité des troubles de l'humeur des HUG, établi à la suite de trois consultations en novembre 2020, mentionnant un épisode dépressif sévère évoluant depuis 2018 et disant suspecter un probable syndrome de choc post-traumatique lié à des traumatismes dans l'enfance ; l'hypothèse d'une décompensation du traumatisme suite aux violences vécues durant le dernier mariage de l’assuré était émise, ce qui expliquait l'effondrement des capacités adaptatives de l’intéressé ; celui-ci avait débuté un traitement au Centre Ambulatoire de Psychiatrie et Psychothérapie Intégrée (CAPPI) avec la docteure P______ en 2018 ;
- un courrier du 23 novembre 2021 du Dr G______, indiquant qu’il était probable que l’assuré ait eu des problèmes psychiques de longue date ; le rapport du Dr M______ ne tenait pas compte du fait que d'autres antidépresseurs et un plus fort dosage du Cymbalta avaient été attestés, mais que ces traitements avaient entraîné trop d'effets secondaires.
Le Dr M______ s’est déterminé en relevant que les diagnostics posés avant le 26 octobre 2018 étaient exclusivement d'ordre somatique et qu’il ne disposait d'informations ni sur un suivi psychiatrique antérieur à la prise en charge par le Dr G______, débuté le 24 septembre 2019, ni sur les antécédents personnels évoqués en 2018.
u. Dans un courrier du 11 mars 2022, la Dre F______ a indiqué que le traitement conservateur ambulatoire n’avait pas réussi à améliorer la situation. Elle demandait une hospitalisation de l’assuré pour réhabilitation.
C. a. Le 27 mai 2022, l’assuré a saisi la Cour de céans d’une demande contre AXA en concluant, sous suite de dépens, au versement de CHF 16'233.45 avec intérêts à 5% dès la date moyenne, sous réserve d'amplification, cas échéant après mise en œuvre d’une expertise rhumatologique, neurologique et psychiatrique avec consilium entre les experts.
Le demandeur soutient que les conditions générales applicables (CGA) sont celles du GROUPE MUTUEL. Il indique avoir reçu des indemnités journalières après le délai d’attente de 30 jours suivant son arrêt de travail le 26 octobre 2018, soit du 24 novembre 2018 au 16 juillet 2020, sauf pour la période du 29 avril au 10 mai 2019, durant laquelle il était en vacances. Il a été indemnisé 588 jours et le nombre de jours jusqu'à épuisement du droit est de 142.
Selon lui, la défenderesse a mis un terme au versement des indemnités journalières à tort. Elle n’a pas pris en compte l’atteinte à sa santé psychique, mal évalué son atteinte physique et n’a pas concrètement examiné ses chances de trouver une activité adaptée.
S’agissant de savoir si l’atteinte psychique est née durant la couverture d’assurance, le demandeur soutient que l’épisode dépressif diagnostiqué a débuté avant la fin des rapports de travail (le Dr G______ a signalé une humeur en baisse depuis l’arrêt de travail et les médecins des HUG ont mentionné un épisode dépressif sévère évoluant depuis 2018). Il fait remarquer que le médecin-conseil ne s'est pas prononcé sur ce point. Il en tire la conclusion que l’atteinte à sa santé psychique doit également être prise en considération dans l'évaluation de sa capacité de travail, nulle selon ses psychiatres et que, partant, son incapacité de travail a été totale jusqu’à la fin du droit aux indemnités journalières.
Le demandeur ajoute qu’au plan somatique, son état ne s’est pas stabilisé le 27 février 2020. Dans l’avis qu’il a émis ce jour-là, le Dr I______ a procédé à un raccourci insoutenable des conclusions du Dr D______, la stabilisation ne dépendant pas uniquement d’une intervention. Au printemps 2020, une indication opératoire a été posée, mais l’intervention a dû être repoussée à cause de la crise sanitaire. Le rapport du 3 juillet 2020 de la Dre F______ ne permettait pas de retenir qu’une activité adaptée était possible. Le demandeur a subi de nombreuses infiltrations en été 2020, ainsi que des examens, qui ont révélé notamment une méralgie paresthésique. Enfin, la défenderesse ne pouvait retenir qu’une activité adaptée était exigible sans examiner concrètement les possibilités de trouver un emploi adapté, nulles au vu des nombreuses limitations fonctionnelles, tant physiques que psychiques, de l’âge de l’assuré et de son absence d'expérience professionnelle en dehors du domaine des soins. Si l’hypothèse contraire était retenue, il faudrait tout de même admettre que le délai d'adaptation de trois mois qui lui a été accordé était insuffisant et le porter à six mois.
Le demandeur estime avoir encore droit à 142 indemnités journalières de CHF 114.32, ce qui correspond à un montant total de CHF 16'233.44, arrondi à CHF 16'233.45, que la défenderesse devrait lui verser avec intérêts à 5% dès la date moyenne. Il argue que la suppression des indemnités journalières pendant la durée de ses vacances était basée sur une clause insolite sur laquelle son attention n’a pas été attirée, de sorte que la défenderesse n'était pas en droit de refuser le versement des indemnités journalières durant la période considérée.
b. Dans sa réponse du 30 septembre 2022, la défenderesse a conclu au rejet de la demande.
Elle fait valoir que l’intervention évoquée lors de l’entretien téléphonique avec le demandeur n’a finalement jamais été planifiée, l’intéressé préférant un traitement moins invasif, avec pour conséquence que le cas devait être considéré comme stabilisé. Quant au délai de trois mois accordé à l’assuré pour trouver un emploi adapté, il est suffisant.
Il ressort clairement de ses CGA et de celles du GROUPE MUTUEL qu'en cas de vacances à l'étranger, l'assuré doit au préalable demander l'accord de l'assureur, faute de quoi aucune indemnité journalière n’est due. Ces conditions, « claires et déterminables », ne sauraient être qualifiées de clauses insolites.
La défenderesse rappelle que le demandeur a été licencié pour le 31 août 2019. Or, le traitement médical de l’état dépressif a débuté postérieurement, le 24 septembre 2019. L’état dépressif latent mentionné dès 2018 dans les certificats médicaux n’avait pas de caractère invalidant.
c. Lors des débats devant la Cour de céans du 27 octobre 2022, le demandeur a déposé une réplique, dans laquelle il allègue avoir consulté le service de psychiatrie des HUG en juillet et en août 2019 et avoir été hospitalisé du 31 août au 20 septembre 2022 à la Clinique Q______. Il affirme n’avoir jamais été réticent à subir une intervention chirurgicale, la pandémie en ayant simplement empêché l’organisation. Un traitement par infiltrations est désormais préconisé.
Le demandeur a en outre déposé une liste de témoins à entendre et produit les pièces suivantes :
- un courriel de la Dre C______ relançant les HUG le 7 mai 2020 pour connaître la date de l’opération ;
- un courrier à la défenderesse du 28 juin 2022 de la docteure P______, médecin au service de psychiatrie des HUG, indiquant avoir évalué le demandeur en juillet et août 2019 à la demande de Madame H______, qui le suivait au centre des Charmilles et avoir retenu le diagnostic d’épisode dépressif modéré dans un contexte de maladie somatique et de conflit de couple ; le demandeur était alors déjà en arrêt de travail pour des raisons somatiques ; la symptomatologie dépressive entraînait en elle-même une incapacité de travail de 50%, probablement depuis janvier 2019, mais en tout cas depuis avril 2019 ;
- la garantie de prise en charge du 11 août 2022 durant 21 jours à la Clinique Q______ ;
- une attestation du 18 octobre 2022 de la Dre P______, indiquant qu’elle a été consultée par le demandeur les 30 juillet et 8 août 2019.
Le demandeur allègue que, depuis l’arrêt de travail de 2018, il ne s’est pas senti bien du tout psychiquement. L’intervention chirurgicale discutée a été repoussée en raison de la situation sanitaire. Plusieurs infiltrations ont eu lieu dans l’intervalle, les médecins voulant investiguer toutes les pistes. C’est sa généraliste qui a demandé des infiltrations au vu du fait que l’intervention était retardée. Celles-ci ne l’ont soulagé que quelques heures.
À l’issue de l’audience, un délai a été imparti à la défenderesse pour se déterminer.
d. Dans ses déterminations du 8 novembre 2022, la défenderesse s’est étonnée que la Dre P______, qui a évalué l’assuré en juillet et août 2019, puisse affirmer qu’il était en incapacité de travail de 50% depuis avril 2019, voire même janvier 2019. La défenderesse argue que deux consultations avec une psychiatre ne sont pas suffisantes pour conclure à une incapacité de travail avant septembre 2019. Elle fait remarquer que le demandeur n’a pas mentionné de troubles psychiques dans sa demande à l’OAI, pas plus que la Dre C______. L’opération prévue n’a pas eu lieu, et le demandeur a depuis privilégié les traitements moins invasifs.
e. Le 22 septembre 2023, le demandeur a transmis à la Cour de céans le projet de décision établi par l’OAI le 31 juillet précédent (admettant une incapacité de travail de 100% dans toute activité dès le 26 octobre 2018, de 50% dès le 21 janvier 2019, et de 0% dès le 14 mai 2019), ainsi que l’avis du Service médical régional de l’assurance-invalidité (SMR) du 5 juillet 2023, retenant une capacité de travail nulle dans toute activité pour motifs psychiatriques et signalant à titre d’autres atteintes les problèmes lombaires et la méralgie.
Le demandeur exprime son désaccord avec le projet de décision de l’OAI en tant que celui-ci impute l’incapacité de travail aux seules atteintes psychiatriques. Il ne s’y opposera toutefois pas, dès lors qu’il lui reconnaît le droit à une rente. Ce projet confirme en tout cas ses troubles psychiques et leur caractère durablement incapacitant dès mai 2019 à tout le moins, soit à une date antérieure à la fin des rapports de travail, ce qui justifie la poursuite du versement d'indemnités journalières.
Pour le surplus, le demandeur maintient que ses troubles somatiques ne se sont pas stabilisés avant la fin du droit aux indemnités journalières.
Le demandeur a sollicité l’audition de la Dre S______, médecin au service des spécialités psychiatriques des HUG, et a produit les pièces suivantes :
- un rapport du 20 juillet 2021 du Dr G______ à l'OAI, confirmant un début de prise en charge le 24 septembre 2019 et attestant une capacité de travail nulle ;
- un rapport du 10 août 2021 du docteur T______, médecin au service de troubles de l’humeur des HUG, à l'OAI, indiquant que, selon les éléments du dossier médical, si le demandeur avait rapporté une tristesse et un mal-être évoluant depuis l’adolescence, le début des troubles daterait de 2018 ; le médecin mentionne un début de suivi psychiatrique en 2018 auprès du Centre médical R______ et une capacité de travail nulle ;
- un rapport du 28 octobre 2022 de la Dre S______, médecin au service de psychiatrie des HUG, qui suit le demandeur depuis février 2022, confirmant le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques, avec évolution vers un diagnostic probable de troubles schizo-affectifs, de type dépressif, et concluant à une capacité de travail nulle ;
- la lettre de sortie de la Clinique Q______ du 8 février 2023 indiquant que le demandeur y a séjourné pour un épisode dépressif moyen à sévère.
f. Par écriture du 23 octobre 2023, la défenderesse a demandé que ces pièces soient écartées de la procédure, au motif qu’elles auraient été produites tardivement : les rapports des Drs G______ et T______ des 20 juillet et 10 août 2021 à l’OAI étaient connus du demandeur lors du dépôt de sa demande, et auraient dû être produites à l’appui de celle-ci.
g. La Cour de céans a entendu les parties le 2 novembre 2023, ainsi que plusieurs témoins.
Le Dr J______ a exposé en quoi consiste le traitement (infiltrations pour diminuer la douleur).
Le Dr L______ a déclaré avoir constaté les signes d'une irritation et d'une discrète lésion du nerf fémoro-cutané à gauche et a rappelé les diagnostics posés. Il a précisé que le problème de sensibilité n'entraine aucune limitation fonctionnelle, mais que la sciatique était douloureuse au jour de l’examen.
La Dre F______ a rappelé le diagnostic de troubles dégénératifs et rétrécissement foraminal lombaire L4-L5 et L5-S1, qui a finalement donné lieu à une opération en décembre 2022. Les infiltrations n’ont pas amené d’amélioration durable. Il n’y a pas eu d’évolution, si ce n’est une chronicisation des douleurs. S’agissant de la capacité de travail, la Dre F______ a indiqué ne pouvoir se prononcer précisément, mais au vu des douleurs, elle ne peut imaginer une capacité supérieure à 20% dans une activité adaptée.
La Dre S______ a indiqué suivre l’assuré depuis février 2022 ; elle a succédé au Dr T______, qui avait posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent d'intensité sévère avec symptômes psychotiques. Elle a décrit le traitement, avant de se prononcer sur la capacité de travail, nulle selon elle. Elle pense que tel était également le cas durant le traitement par le Dr T______, sans pouvoir se montrer catégorique. Selon le dossier, le demandeur a d’abord été suivi au centre R______ par la Dre P______, puis par le Dr G______. Le témoin a indiqué ne pas se souvenir d’où elle tire cette indication, qui figurait peut-être dans le dossier informatique du demandeur ou dans les pièces remises à la Cour, que son patient lui a données.
Le Dr G______ a déclaré avoir suivi le demandeur entre juillet 2019 et juillet 2021, en parallèle avec Mme H______. Il a retenu une dépression de longue date ou chronique sur la base de l'anamnèse qui révélait une situation relativement complexe sur les plans de la famille et de la migration, qui ne laissait pas indemne. Il pensait que le demandeur avait consulté en 2018, dans un contexte de violences conjugales, mais ignorait qui et quand exactement. La capacité de travail du demandeur a été nulle durant tout le suivi d'un point de vue psychiatrique. Interpellé sur le fait que son rapport du 12 novembre 2020 à l’OAI mentionne un début du suivi en septembre 2019, le témoin a expliqué qu’il est possible que Mme H______ ait débuté le suivi en juillet, et lui en septembre.
La Dre C______ a également été entendue. Elle a fait état d’une aggravation des troubles depuis le 26 octobre 2018. Des problèmes psychiques se sont ajoutés par la suite aux troubles physiques. Le demandeur laissait peu paraître sa détresse, de sorte que ce n’est qu'au cours de l'été 2019 qu’elle a réalisé que son état psychique était plus grave qu’elle ne l’avait pensé. Elle ne s’en est pas rendu compte auparavant, car le psychiatre du demandeur ne l’avait pas informée du suivi. La Dre C______ a indiqué avoir lu dans un courrier du conseil de la défenderesse (recte : demandeur) du 22 septembre 2023 que le suivi psychiatrique avait débuté en 2018. Ce courrier lui a été remis par son patient. Au plan somatique, une dizaine d'infiltrations ont eu lieu. Chaque infiltration a amené une légère amélioration, qui n’a jamais duré plus de deux semaines. L'opération a finalement été pratiquée le 13 décembre 2022. Au plan physique, l’incapacité de travail a été totale d’octobre 2018 jusqu'à l'opération. Depuis l'opération, le demandeur a recouvré une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée.
Mme H______ a indiqué avoir suivi le demandeur entre juillet 2019 et juillet 2021, à raison d'une fois par semaine, voire deux en 2020. Les symptômes correspondaient à un diagnostic de dépression moyenne à sévère, dans un contexte personnel compliqué, également réactionnel aux douleurs, à l’incapacité de travail et aux difficultés financières. La capacité de travail, nulle selon ce témoin, était entravée non seulement par les troubles psychiques, mais également par les problèmes physiques. Elle ignorait depuis combien de temps les symptômes étaient présents avant qu’elle ne soit consultée.
h. Par écriture du 6 novembre 2023, la défenderesse a soutenu que les Dres C______ et S______ s’étaient référées à des faits dont elles avaient eu connaissance à la lecture de la procédure, notamment des allégués du demandeur, pour fixer l’atteinte psychique à octobre 2018. Or, ce n’est pas la date à laquelle le demandeur a consulté un psychiatre. La défenderesse en tire la conclusion que ces médecins ont eu accès à la procédure et se sont préparés à leur audition, de sorte que leurs déclarations ne sauraient se voir reconnaître de valeur probante. Selon la défenderesse, il en va sans doute de même de la Dre P______.
i. Le 27 novembre 2023, le demandeur a souligné que les témoins avaient une parfaite connaissance de son état de santé. Il est absurde de considérer qu’ils ont préparé l’audience au plan juridique, domaine dans lequel ils ne sont pas qualifiés. Il est normal qu’il se confie à ses médecins sur la procédure, au vu du stress qu’elle entraîne. Sans connaissances juridiques, il ne pouvait préparer ses médecins à leur témoignage.
j. Le 11 décembre 2023, la défenderesse a qualifié d’inadmissible le comportement du demandeur, à qui elle a une nouvelle fois reproché d’avoir préparé ses médecins afin qu’ils exposent des faits dont ils n’ont pas été témoins. Elle persiste dans les termes de sa demande du 6 novembre 2023.
k. La Cour de céans a entendu la Dre P______ le 24 janvier 2024.
Ce témoin a déclaré n’avoir vu l’assuré qu’à deux reprises, le 30 juillet et le 8 août 2019. Elle a établi un rapport en 2022 pour la défenderesse, dans laquelle elle a posé le diagnostic d'épisode dépressif modéré dans un contexte de maladie
somatique et de pertes (problèmes de couple et professionnels). Elle a prescrit un antidépresseur. Il lui a paru que l'état du demandeur s'expliquait par les aspects dépressifs d'une part, par les douleurs chroniques d'autre part. La question qui lui a été posée par la défenderesse était celle du lien entre l'état psychique du demandeur et l'incapacité de travail. Elle a répondu que, d'un point de vue strictement psychique, il y avait une incapacité de travail de 50% au moins. Cela étant, son évaluation s’est limitée à deux entretiens. Elle s’est prononcée sur la situation qu’elle a observée en 2019. Si elle a fait remonter le début probable de l'incapacité de travail psychique à avril 2019, voire janvier 2019, c’est en se fondant sur l’anamnèse, c’est-à-dire sur les dires du demandeur.
l. A l’issue de l’audience, les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions respectives. La défenderesse a requis l’application de l’art. B13.1 de ses CGA si le demandeur devait obtenir gain de cause.
1. Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA - RS 221.229.1).
Selon la police d’assurance, le contrat est régi par la LCA.
La compétence de la Chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. L'art. 46a LCA prescrit que le for se définit selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors (LFors) qui a été abrogée au 1er janvier 2011 par l’entrée en vigueur du CPC, auquel il convient désormais de se référer. Sauf disposition contraire de la loi, pour les actions dirigées contre une les personnes morales, le for est celui de son de leur siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.
En l’occurrence, l’art. 33 des CGA du GROUPE MUTUEL dispose que l'assuré ou l'ayant droit peut choisir soit les tribunaux de son domicile suisse, soit ceux du siège de l'assureur, soit ceux du lieu de travail suisse pour l'assuré domicilié à l'étranger. L’art. A9.2 des CGA de la défenderesse prévoit que les tribunaux suisses ordinaires sont compétents pour juger les litiges relevant du contrat d'assurance.
Le demandeur ayant son domicile à Genève, la Cour de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la demande.
3. Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).
La loi fédérale sur la surveillance des entreprises d’assurance du 17 décembre 2004 (LSA - RS 961.01) ne contient pas de règles spécifiques concernant les délais relatifs aux contestations de droit privé qui s’élèvent entre les entreprises d’assurance et les assurés.
La demande respectant en outre les exigences de forme prévues à l’art. 244 CPC, elle est recevable.
4. Tel que défini par les conclusions de la demande, le litige porte sur le droit du demandeur à 142 indemnités journalières supplémentaires.
5. En l’espèce, il convient en premier lieu d’examiner les requêtes de la défenderesse, tendant à ce que les pièces transmises à la Cour de céans par le demandeur le 22 septembre 2023 soient retranchées de la procédure car tardivement produites, et à ce que les témoignages des Dres C______ et S______ soient écartés au motif que ces médecins auraient eu accès aux écritures de la procédure.
5.1 La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la Cour de céans établit les faits d'office (cf. art. 247 al. 2 let. a CPC).
Aux termes de l’art. 229 al. 3 CPC, lorsqu’il doit établir les faits d’office, le tribunal admet des faits et moyens de preuve nouveaux jusqu’aux délibérations. Ni le texte légal ni les travaux préparatoires ne précisent ce qu'il faut entendre par «jusqu'aux délibérations». Pour les juridictions fonctionnant avec un juge unique, la délibération correspond en réalité au moment de la prise de décision, activité purement intellectuelle et qui ne s'extériorise d'aucune manière. Dans ce cas, la phase de prise de décision commence dès la clôture des débats principaux, soit la fin des plaidoiries orales, lorsqu'il y en a, ou l'échéance du délai, le cas échéant prolongé, pour déposer des plaidoiries écrites selon l'art. 232 al. 2 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_445/2014 du 28 août 2014 consid. 2.1).
Partant, les pièces produites par le demandeur en septembre 2023, soit avant les plaidoiries, n’ont pas été produites tardivement et n’ont donc pas à être retirées de la procédure.
5.2 L’art. 12 let. a de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (LLCA – RS 935.61) prévoit que l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence. Cette obligation implique notamment que l’avocat doit en règle générale s’abstenir de tout comportement susceptible d’entraîner un risque d’influencer les témoins, comme le prévoit l’art. 12 du Code de déontologie de la Fédération Suisse des Avocats. En effet, la prise de contact avec une personne qui peut être considérée comme témoin semble problématique puisqu’une telle procédure est toujours associée à un risque à tout le moins abstrait d’influence. Ainsi, le contact avec un témoin potentiel n’est exceptionnellement compatible avec le devoir de l’avocat d’exercer sa profession avec soin et diligence que s’il y a une raison objective de le faire en raison des circonstances concrètes du cas d’espèce. En règle générale, la recherche de la vérité et l’interrogatoire des témoins incombent au juge et non aux parties (arrêt du Tribunal fédéral 2C_536/2018 du 25 février 2019 consid. 2.2 et 2.3). L'audition privée de témoins n'est compatible avec le devoir de l'avocat d'exercer sa profession avec soin et diligence que lorsqu'il existe une nécessité objective d’y procéder, que celle-ci est dans l'intérêt du mandant et qu'elle est mise en œuvre de manière à éviter toute forme d'influence, ainsi qu'à garantir l'absence d'interférence dans l'établissement des faits par le tribunal ou l'autorité d'instruction (ATF 136 II 551 consid. 3).
On relève en premier lieu qu’il n’est pas certain que la transmission d’une écriture de procédure au témoin convoqué tombe sous le coup d’une prise de contact prohibée au sens des règles déontologiques régissant la profession. De plus, même si tel était le cas, un tel contact pourrait le cas échéant donner lieu à des sanctions disciplinaires, mais il n’entraîne pas ipso jure le retrait de la procédure des déclarations du témoin approché préalablement par l’avocat. L’éventuelle influence exercée par l’avocat sur un témoin devra être prise en considération lors de l’appréciation des preuves, à laquelle le tribunal procède librement pour établir sa conviction, conformément à l’art. 157 CPC. C’est dans ce cadre que le juge détermine, en fonction de son contenu et des circonstances, si un témoignage a force probante (cf. par exemple arrêt du Tribunal fédéral 6B_637/2012 du 21 janvier 2013 consid. 5.4).
Enfin et surtout, dans le cas d’espèce, c’est le demandeur lui-même qui a évoqué la présente procédure avec ses médecins, et qui semble avoir transmis certains actes aux Dres S______ et C______. La défenderesse ne cite aucune disposition légale qui l’interdirait expressément. Il est en effet patent que les règles précitées sont applicables aux avocats, non à leurs clients. Les liens et les contacts entre un justiciable et des témoins doivent également être analysés lors de l’appréciation du caractère probant des témoignages. De plus, rien ne démontre que le demandeur ait cherché à obtenir des témoignages de complaisance des Dres S______ et C______. Celles-ci ont du reste clairement distingué dans leurs déclarations les éléments qu’elles avaient elles-mêmes observés et ceux dont elles ont pris connaissance à la lecture du dossier, de sorte que les critiques de la défenderesse quant au contenu de ces témoignages tombent à faux.
Partant, ils n’ont pas à être écartés de la procédure.
6. Comme on l’a vu, la procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal, et le tribunal établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).
6.1 Il s'agit d'un cas où une disposition spéciale instaure la maxime inquisitoire, en lieu et place de la maxime des débats (ATF 138 III 625 consid. 2.1). Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale (arrêt du Tribunal fédéral 9C_541/2010 du 16 juillet 2010 consid. 1).
Cette maxime ne dispense pas les parties de collaborer à l’établissement des faits et de désigner les preuves à administrer. Le juge ne doit s’assurer du caractère complet des allégations et des moyens de preuve que s’il existe des doutes sérieux sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral 4A_491/2014 du 30 mars 2015 consid. 2.6.1). Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a). Lorsqu’une partie admet expressément un fait allégué par l’autre, le juge ne peut s’en écarter ou interpeller la partie désavantagée par cette admission que si l’inexactitude de l’allégué ressort clairement des pièces du dossier (arrêt du Tribunal fédéral 4A_360/2015 du 12 novembre 2015 consid. 4.2). En vertu de cette maxime, il n’est pas interdit au juge de fonder sa décision sur des faits qui n’ont pas été allégués mais qui sont parvenus à sa connaissance au cours de la procédure, qui ressortent par exemple des moyens de preuve offerts (arrêt du Tribunal fédéral 4A 388/2021 du 14 décembre 2021 consid. 5.1).
6.2 La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1).
6.2.1 En vertu de l'art. 8 du Code civil suisse (CC – RS 210), chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie, qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).
6.2.2 Aux termes de l’art. 150 CPC, la preuve a pour objet les faits pertinents et contestés (al. 1). La preuve peut également porter sur l'usage, les usages locaux et, dans les litiges patrimoniaux, le droit étranger (al. 2). En vertu de cette disposition, seules doivent être prouvées les allégations qui sont expressément contestées. Une telle contestation doit être suffisamment précise pour atteindre son but, c'est-à-dire permettre à la partie adverse de comprendre quels allégués il lui incombe de prouver. Le degré de précision d'une allégation influe sur le degré de motivation que doit revêtir sa contestation. Plus les affirmations d'une partie sont détaillées, plus élevées sont les exigences quant à la précision de leur contestation. Une réfutation en bloc ne suffit pas. Le fardeau de la contestation ne saurait toutefois entraîner un renversement du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4A_42/2017 du 29 janvier 2018 consid. 3.2.2 et les références).
6.2.3 Seule une expertise judiciaire est un moyen de preuve au sens de l’art. 168 al. 1 let. d CPC. Le juge civil peut se fonder sur une expertise réalisée dans une autre procédure (par exemple une expertise mise en œuvre par un assureur social) à titre d’expertise judiciaire (ATF 140 III 24 consid. 3.3.1.3), laquelle a valeur probante dans la mesure où le juge civil respecte le droit d'être entendu des parties (arrêt du Tribunal fédéral 4A_410/2021 du 13 décembre 2021 consid. 3.2). Une expertise privée n’est en revanche pas un moyen de preuve mais une simple allégation de partie (ATF 141 III 433 consid. 2.5.2 et 2.5.3). Lorsqu’une allégation de partie est contestée de manière circonstanciée par la partie adverse, une expertise privée ne suffit pas à prouver une telle allégation. En tant qu’allégation de partie, une expertise privée peut, combinée à des indices dont l’existence est démontrée par des moyens de preuve, amener une preuve. Toutefois, si elle n’est pas corroborée par des indices, elle ne peut être considérée comme prouvée en tant qu’allégation contestée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_626/2015 du 24 mai 2016 consid. 2.5).
6.3 Le principe de la libre appréciation des preuves s'applique lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des prestations en matière d'assurance sociale. Rien ne justifie de ne pas s'y référer également lorsqu’une prétention découlant d'une assurance complémentaire à l'assurance sociale est en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 4.2). Le principe de la libre appréciation des preuves signifie que le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de statuer sur le droit litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_253/2007 du 13 novembre 2007 consid. 4.2). En présence de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. Ce qui compte à cet égard, c'est que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et, enfin, que les conclusions de l'expert soient bien motivées. En ce qui concerne les rapports établis par le médecin traitant de l'assuré, le juge doit avoir égard au fait que la relation de confiance unissant un patient à son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci ; cela ne justifie cependant pas en soi d'évincer tous les avis émanant des médecins traitants. Il faut effectuer une appréciation globale de la valeur probante du rapport du médecin traitant au regard des autres pièces médicales (arrêts du Tribunal fédéral 4A_218/2023 du 22 juin 2023 consid. 3.1.2 et A_424/2019 du 31 octobre 2019 consid. 3.1 et les références citées).
6.4 Le degré de preuve ordinaire s'applique à l'incapacité de travail alléguée en lien avec la survenance du cas d'assurance. Par conséquent, la preuve est apportée lorsque le tribunal, en se fondant sur des éléments objectifs, est convaincu de l'exactitude d'une allégation de fait. Il suffit qu'il n'y ait plus de doutes sérieux quant à l'existence du fait allégué ou que les doutes qui subsistent éventuellement paraissent légers (ATF 148 III 105 consid. 3.3.1).
7. S’agissant du droit aux indemnités journalières, la Cour de céans rappelle ce qui suit.
7.1 En matière d'assurances complémentaires, les parties sont liées par l'accord qu'elles ont conclu dans les limites de la loi, les caisses-maladie pouvant en principe édicter librement les dispositions statutaires ou réglementaires dans les branches d'assurances complémentaires qui relèvent de la liberté contractuelle des parties, hormis quelques dispositions impératives en matière d’indemnité journalière (ATF 124 V 201 consid. 3d). Le droit aux prestations d'assurances se détermine sur la base des dispositions contractuelles liant l'assuré et l'assureur, en particulier des conditions générales ou spéciales d'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 5C.253/2000 du 6 mars 2001 consid. 4a). Si les parties sont convenues de dispositions individuelles qui sont en contradiction avec les clauses générales, les premières priment sur les secondes (ATF 125 III 263 consid. 4b/bb ; ATF 123 III 35 consid. 2c/bb).
7.2 La Convention de libre passage entre les assureurs d'indemnités journalières maladie du 1er janvier 2006 (ci-après la convention) s’applique aux contrats d’indemnités journalières selon la LCA notamment en cas de résiliation la résiliation d'un contrat indemnité journalière collective, lorsqu'est lié à ce passage un changement entre assureurs affiliés (art. 2 al. 1). Aux termes de son art. 3 al. 1, les assureurs affiliés s’engagent à accorder à toutes les personnes assurées jusqu’ici la couverture d’assurance prévue auprès du nouvel assureur.
Son art. 4 dispose que les personnes dont la capacité de travail n'est pas entière doivent, en dépit de dispositions contraires contenues dans les CGA déterminantes, continuer à bénéficier de la couverture chez le nouvel assureur dans la mesure de la capacité de travail existante, pour autant qu'elles soient engagées dans le cadre d'un contrat de travail (al. 1). Les sinistres en cours passent au nouvel assureur dès la date du changement d'assurance, à concurrence du montant de l'indemnité journalière, du délai d'attente et de la durée des prestations prévus par l'assureur antérieur, pour autant que le travailleur soit employé au même degré d'occupation chez le nouveau, respectivement chez l'employeur antérieur. En cas d'engagement dans les limites de la capacité de travail résiduelle, l'assureur antérieur prend en charge le cas de sinistre en cours. Les primes sont dues au nouvel assureur à partir de la date de passage (al. 2). Si un assuré a touché des prestations d'indemnité journalière de son assureur antérieur avant son transfert, celles-ci seront prises en compte par le nouvel assureur pour le calcul de la durée des prestations, pour autant qu'il s'agit d'une rechute selon les CGA de l'assureur antérieur ou d'un cas de sinistre en cours (al. 4).
L'art. 4 al. 2 de la convention de libre passage pour l’assurance collective d’indemnités journalières maladie, selon lequel le nouvel assureur doit reprendre les sinistres en cours aux conditions du contrat d'assurance antérieur en cas de changement d'assureur, ne viole pas l'interdiction de l'assurance rétroactive ancrée à l’art. 10 al. 2 LCA. Il s’agit d’une prolongation de couverture (Nachhaftung) selon l’ancien contrat, de sorte que ce sont les clauses de cette police qui restent applicables (ATF 142 III 767 consid. 7.2, sur l’applicabilité des anciennes CGA cf. également arrêt du Tribunal fédéral 9C_109/2020 du 17 novembre 2020 consid. 7.4.2).
Tant la défenderesse que le GROUPE MUTUEL ont adhéré à ladite convention.
Partant, dans le cas d’espèce, les CGA du GROUPE MUTUEL dans leur édition du 1er septembre 2016 sont applicables.
7.3 Dans les assurances collectives de perte de gain en cas de maladie, le Tribunal fédéral a considéré que le cas d’assurance est l’incapacité de travail causée par la maladie. Ce qui est assuré dans ce type de contrat est ainsi l’incapacité de travail imputable à une maladie, et le cas d’assurance ne survient pas déjà lors de la maladie (ATF 142 III 671 consid. 3.6 et 3.9).
7.4 Dans l'assurance privée selon la LCA, le droit aux prestations ne dépend pas d'une affiliation. Si le sinistre survient pendant la période de couverture, l'assureur doit verser les prestations convenues jusqu'à épuisement, aussi longtemps qu'elles sont justifiées selon les clauses conventionnelles ; la seule limite que connaisse la couverture réside non dans la fin des relations contractuelles, mais dans la durée des prestations convenues (Jean-Benoît MEUWLY, La durée de la couverture d'assurance privée, thèse Fribourg 1994, p. 185). Partant, en l'absence de clauses conventionnelles limitant ou supprimant le droit aux prestations au-delà de la période de couverture, l'assuré qui, après un événement ouvrant le droit aux prestations, sort d'une assurance collective parce qu'il cesse d'appartenir au cercle des assurés défini par le contrat, peut faire valoir son droit aux prestations également pour les suites de l'événement qui se produisent après l'extinction du rapport d'assurance (ATF 127 III 106 consid. 3).
En l’espèce, selon l’art. 11 al. 2 let. a des CGA, la couverture d’assurance cesse notamment à la fin du contrat de travail. En revanche, la sortie du cercle des assurés n’entraîne pas la cessation du versement d’indemnités journalières, dès lors qu’elle n’est pas énumérée dans les motifs entraînant la fin du droit aux prestations énumérés à l’art. 11 al. 3 des CGA.
7.5 Aux termes de l’art. 13 al. 1 CGA, l'indemnité journalière est allouée proportionnellement au degré d'incapacité qui doit être d'au moins 25%. Les jours d'incapacité inférieurs à ce taux, ne sont pas pris en compte pour le calcul de la durée des prestations et du délai d'attente (let. a). Les jours d'incapacité partielle indemnisés sont comptés comme jours entiers (let. b).
Selon l’art. 16 CGA, sous réserve de l'al. 3, lors d'un séjour à l'étranger, respectivement hors des environs du domicile pour le frontalier (rayon de 100 km), les prestations ne sont pas octroyées. Celles-ci sont allouées dès le retour dûment attesté de l'assuré en Suisse, respectivement dans les environs du domicile du frontalier. Toutefois, les prestations sont allouées durant la période où il se trouve hospitalisé pour autant qu'un rapatriement ne soit pas possible (al. 1). Pendant son incapacité, l'assuré qui désire se rendre à l'étranger, respectivement le frontalier qui désire s'absenter des environs de son domicile (rayon de 100 km),
doit en informer préalablement l'assureur. Ce dernier se réserve alors le droit de poursuivre l'octroi des indemnités journalières pendant un séjour limité, après analyse des circonstances. En l'absence de l'accord de l'assureur, les prestations sont refusées durant le séjour (al. 3).
Le Tribunal fédéral a confirmé qu’une clause dans les conditions d’assurance prévoyant que les indemnités journalières ne sont pas servies lors d’un séjour à l’étranger, sous réserve d’un accord préalable de l’assureur, n’est pas insolite et est usuelle dans ce domaine (arrêt du Tribunal fédéral 4A_592/2015 du 8 mars 2016 consid. 5.3). De nombreux assureurs exigent que les personnes ayant droit aux prestations séjournent en Suisse, ou à tout le moins requièrent l’autorisation de l’assureur de se rendre à l’étranger, et que les assurés tombés malades à l’étranger regagnent la Suisse dans les meilleurs délais (Christoph HÄBERLI / David HUSMANN, Krankentaggeld, versicherungs- und arbeitsrechtliche Aspekte, 2015, n. 274 p. 86).
7.6 L'art. 61 LCA dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2021 dispose que lors du sinistre, l'ayant droit est obligé de faire tout ce qui est possible pour restreindre le dommage ; s'il n'y a pas péril en la demeure, il doit requérir les instructions de l'assureur sur les mesures à prendre et s'y conformer (al. 1) ; si l'ayant droit contrevient à cette obligation d'une manière inexcusable, l'assureur peut réduire l'indemnité au montant auquel elle serait ramenée si l'obligation avait été remplie (al. 2). L'art. 61 LCA exprime un principe général du droit des assurances, qui s'applique également à l'assurance des personnes et aux assurances de sommes, notamment à l'assurance d'indemnités journalières, et qui entraîne l'obligation de l'assuré de diminuer le dommage par un changement de profession lorsqu'un tel changement peut raisonnablement être exigé de lui, pour autant que l'assureur l'ait averti à ce propos et lui ait donné un délai adéquat (ATF 133 III 527 consid. 3.2.1). Un délai de trois à cinq mois doit en règle générale être considéré comme adéquat (RAMA 2000 n° KV 112 p. 122 consid. 3a).
L’obligation de réduire le dommage commande que le lésé s'abstienne de choisir des soins ou toute autre mesure disproportionnés par rapport à son état de santé, telle qu'une cure dans une clinique de luxe. Tant que l’assuré choisit un des traitements efficaces et reconnus dans l'état actuel de la médecine, il ne viole pas son devoir de minimiser le dommage en s'y soumettant aux dépens d'un autre traitement, notamment celui qui entraîne un acte chirurgical. Il faut pour cela que son choix apparaisse encore soutenable au regard des résultats que ce traitement permet d'obtenir en comparaison avec les autres. Enfin, si les médecins consultés sont en désaccord sur l'efficacité du traitement, le lésé n'est pas non plus tenu d'y consentir. Il peut suivre un avis minoritaire tant que celui-ci paraîtrait encore pertinent à une personne raisonnable, placée dans la même situation. En cas de litige, le juge n'a pas à départager les écoles médicales opposées et il ne saurait choisir a posteriori la procédure thérapeutique la plus indiquée ni se déterminer à la place du médecin (ATAS/260/2014 du 27 février 2014 consid. 7a et les auteurs cités).
Selon l’art. 26 al. 4 CGA, l'assuré doit collaborer avec l'assureur et les tiers qu'il mandate (inspecteur de sinistres, gestionnaire, médecins, etc.). Il doit notamment suivre leurs prescriptions, fournir les documents demandés et répondre de manière complète et selon la vérité aux questions posées par l'assureur.
8. La défenderesse a mis fin au versement des indemnités journalières au 16 juillet 2020, retenant que le demandeur était en mesure d’exercer une activité adaptée aux limitations fonctionnelles dès le lendemain, à l’issue du délai d’adaptation accordé après stabilisation de son état de santé.
8.1 On relèvera d’abord que le Dr D______, dans son expertise – dont les parties ne contestent pas la valeur probante – a admis une incapacité de travail totale, qui perdurerait jusqu’à la stabilisation de l’état de santé du demandeur. S’il a évoqué l’éventualité d’une intervention chirurgicale – sans du reste poser d’indication catégorique à un tel geste –, il n’a aucunement émis de pronostic quant à la date de stabilisation, ni établi les critères selon lesquels cette stabilisation pourrait être retenue dans le futur. Il n’a pas non plus lié la survenance de la stabilisation à la réalisation d’une intervention dans un délai déterminé.
L’avis succinct du Dr I______ - qui n’a aucunement analysé l’évolution de l’état de santé du demandeur et ne s’est pas prononcé sur les traitements en cours ou les différentes alternatives thérapeutiques - ne suffit ainsi pas à conclure à une stabilisation au seul motif que le demandeur n’avait pas encore subi d’intervention. De plus, cet avis doit être considéré comme une allégation de partie, laquelle a été précisément contestée par le demandeur. Il ne satisfait par ailleurs pas aux réquisits jurisprudentiels en matière de force probante des rapports médicaux, puisqu’il ne contient pas tous les éléments nécessaires. Enfin, les conclusions que la défenderesse entend tirer de cet avis sont erronées, puisqu’il apparaît précisément qu’une indication opératoire a bien été posée, mais que l’intervention programmée a été repoussée en raison de la pandémie, comme l’ont attesté les HUG en avril 2020.
A défaut de toute indication concrète du Dr D______, il y a lieu de déterminer si on pouvait considérer la situation stabilisée en avril 2020, en appliquant par analogie la notion d’état stabilisé qui prévaut dans l’assurance-accidents.
À teneur de l’art. 19 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20), le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente. La loi ne précise pas ce qu'il faut entendre par « une sensible amélioration de l'état de l'assuré ». Eu égard au fait que l'assurance-accident est avant tout destinée aux personnes exerçant une activité lucrative (cf. art. 1a et 4 LAA), ce critère se détermine notamment en fonction de la diminution ou disparition escomptée de l'incapacité de travail liée à un accident. L'ajout du terme « sensible » par le législateur tend à spécifier qu'il doit s'agir d'une amélioration significative, un progrès négligeable étant insuffisant (ATF 134 V 109 consid. 4.3). Ainsi, ni la simple possibilité qu'un traitement médical donne des résultats positifs, ni l'avancée minime que l'on peut attendre d'une mesure thérapeutique ne confèrent à un assuré le droit de recevoir de tels soins (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 244/04 du 20 mai 2005 consid. 2). En matière de physiothérapie, le Tribunal fédéral a récemment précisé que le bénéfice que peut amener la physiothérapie ne fait pas obstacle à la clôture du cas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2018 du 11 juillet 2018 et les références). Il faut encore préciser que la stabilisation de l'état de santé doit être estimée de manière pronostique, et non à l'aune de constatations rétrospectives (RAMA 3/2005 n° U 557 p. 389 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_849/2011 du 29 mai 2012 consid. 3.2).
Comme on l’a vu, en avril puis en juillet 2020, l’intervention n’avait pas été définitivement annulée, et la stabilisation ne peut pas être admise pour ce motif déjà. Le rapport du 3 juillet 2020 de la Dre F______ révèle que des réflexions sur le traitement à poursuivre, chirurgical ou conservateur, étaient alors encore en cours. Le demandeur a en outre subi plusieurs infiltrations en septembre 2020 notamment, et le traitement s’est poursuivi jusqu’en septembre 2021 avec des examens spécialisés et des infiltrations, comme cela ressort notamment des indications du Dr J______. Enfin, l’intervention chirurgicale a eu lieu en décembre 2022. Le traitement n’était ainsi pas terminé en juillet 2020 et une évolution était encore attendue, de sorte que la stabilisation de l’état de santé ne saurait être admise à cette date. L’échec des gestes pratiqués et le fait que les traitements n’aient pas amené les progrès escomptés par la suite ne permettent pas de conclure sur la base d’une analyse rétrospective que l’état de santé était stabilisé en avril ou juillet 2020 déjà.
Le fait que le demandeur ait essentiellement suivi des traitements moins invasifs dans un premier temps ne signifie pas non plus que son état de santé était stabilisé et n’évoluerait plus. On doit à cet égard souligner que son parcours thérapeutique ne peut pas non plus lui être reproché sous l’angle de l’obligation de diminuer le dommage, conformément à la jurisprudence citée. On peut ici également se référer par analogie à l’art. 48 LAA, aux termes duquel l’assureur peut prendre les mesures qu’exige le traitement approprié de l’assuré en tenant compte équitablement des intérêts de celui-ci et de ses proches. Or, des mesures qui impliquent un danger pour la vie et l’intégrité physique – comme il faut bien admettre que c’est le cas d’une intervention pratiquée sous anesthésie générale – ne sont en soi pas exigibles. En revanche, les actes de routine anodins sont en règle générale exigibles (Kaspar GEHRING in KVG/UVG Kommentar, 2018, n. 6 ad art. 48 LAA). La défenderesse n’ayant de plus jamais formellement invité le demandeur à se soumettre à une intervention chirurgicale, on ne peut retenir que celui-ci n’aurait pas obtempéré à une prescription au sens de l’art. 26.4 des CGA.
De plus, si la survenance de l’incapacité de travail pour des motifs somatiques est bien établie par l’expertise du Dr D______, aucun élément médical probant ne permet de conclure que l’état de santé du demandeur aurait évolué dans une mesure permettant la reprise d’une activité adaptée. En particulier, on ne saurait tirer de telle conclusion du rapport du 3 juillet 2020 de la Dre F______, qui a uniquement évoqué la possibilité d’une activité non physique pour le futur, laquelle devait en toute hypothèse être réévaluée après les nouveaux examens.
La défenderesse – qui n’a pas requis de mesures probatoires particulières tendant à démontrer l’existence d’une capacité de travail dans une activité adaptée dès avril ou juillet 2020 – supporte les conséquences de l’absence de preuve sur ce point.
La stabilisation de l’état de santé du demandeur et sa capacité de travail dans une activité adaptée en avril, voire en juillet 2020 n’étant pas démontrées, la défenderesse doit poursuivre le versement des indemnités journalières après le 16 juillet 2020.
8.2 Par surabondance, il faut retenir que, du point de vue psychique, la Dre P______ a examiné le demandeur avant la résiliation des rapports de travail. Il est vrai qu’elle a fixé le début de l’incapacité de travail à une époque où elle n’avait pas encore été consultée sur la base de l’anamnèse (« en tout cas » en avril 2019). Une telle conclusion n’est pas suffisante à établir le début d’une incapacité de travail au degré de la preuve requis dès avril 2019, dès lors qu’elle ne repose pas sur un examen objectif, mais uniquement sur les dires du demandeur. En revanche, rien ne permet de mettre en cause l’incapacité de travail objectivement constatée par la Dre P______ lors de ses examens, qui ont eu lieu en juillet et août 2019, soit avant la fin de la couverture d’assurance. On ne voit pas en quoi le fait que cette psychiatre n’ait reçu le demandeur qu’à deux reprises ne lui permettrait pas d’apprécier valablement sa capacité de travail, étant souligné que, selon le Tribunal fédéral, la brièveté d’un entretien d’expertise n’est pas un critère déterminant pour examiner la fiabilité de l’expert (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_550/2020 du 30 novembre 2020 consid. 5.2).
Hormis cette critique toute générale sur le processus d’évaluation de la capacité de travail, la défenderesse n’avance aucun élément concret sur le fond mettant en doute les conclusions de la Dre P______. L’avis du Dr M______ n’y suffit pas, puisqu’il n’a pas eu accès aux rapports de cette psychiatre, dont il indiquait du reste qu’il serait opportun de les obtenir dans son avis de décembre 2021. De plus, la jurisprudence admet qu’on peut apprécier la valeur des allégations du médecin traitant de l'assuré au regard des autres éléments au dossier. En effet, dans certaines circonstances, les allégations précises résultant d'un rapport médical peuvent apporter la preuve de leur véracité si elles sont appuyées par des indices objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_42/2017 du 29 janvier 2018 consid. 3.3.3). Or, plusieurs éléments viennent corroborer l’incapacité de travail constatée par la Dre P______ dès sa prise en charge en juillet 2019. En effet, Mme H______, si elle n’est pas habilitée à attester des arrêts de travail en qualité de psychologue, a également observé une capacité de travail limitée pour des motifs psychiques dès juillet 2019. Enfin, on ne saurait faire abstraction de la position de l’OAI, et du SMR, lesquels ont admis le caractère incapacitant de troubles psychiques survenus avant la résiliation des rapports de travail.
L’incapacité de travail pour motifs psychiques, qui perdure aujourd’hui, est ainsi bien née pendant la couverture d’assurance, de sorte que la défenderesse en répond.
8.3 Compte tenu de ces éléments, la défenderesse doit prester jusqu’à l’épuisement du droit aux indemnités journalières.
Le demandeur soutient avoir encore droit à 142 indemnités journalières sur les 730 jours, compte tenu du fait que la défenderesse a déduit 12 jours correspondant à des vacances à l’étranger et qu’il a été indemnisé durant 588 jours.
Comme cela ressort de la jurisprudence et de la doctrine citées, la suppression du droit aux prestations durant des séjours à l’étranger non annoncés ne relève pas d’une clause insolite, si bien que la défenderesse était fondée à déduire 12 jours à ce titre. De plus, le GROUPE MUTUEL, puis la défenderesse, ont en réalité versé 589 indemnités journalières, l’année 2020 étant bissextile, sur une période couvrant 601 jours, du 24 novembre 2018 au 16 juillet 2020.
Partant, le demandeur a droit à un reliquat de 129 indemnités journalières de CHF 114.32, soit un montant de CHF 14'747.28, arrondi à CHF 14'747.30.
La défenderesse a plaidé l’application de l’art. B13.1 de ses CGA, qui prévoit en substance qu’elle complète les rentes de l’assurance-invalidité jusqu’à concurrence de l’indemnité journalière versée.
Cela étant, comme on l’a vu, ce sont les CGA du GROUPE MUTUEL qui s’appliquent. Celles-ci disposent en leur art. 27 al. 6 que dès l'octroi d’une rente par l’assurance-invalidité ou une autre assurance sociale, l’assureur est en droit de demander directement à celle-ci le remboursement des avances concédées.
Il n’y a ainsi pas de fondement contractuel permettant d’imputer sur le montant des indemnités journalières les rentes de l’assurance-invalidité, dont la quotité n’est du reste pas connue de la Cour de céans.
8.4 Le demandeur a requis le versement d’intérêts moratoires sur les indemnités journalières restant dues.
Les CGA du GROUPE MUTUEL ne prévoient aucun terme pour l'exigibilité des prestations.
En vertu de l'art. 41 al. 1 LCA, la créance qui résulte du contrat d'assurance est échue quatre semaines après le moment où l'assureur a reçu les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé de la prétention. Les « renseignements » au sens de l'art. 41 LCA visent des questions de fait, qui doivent permettre à l'assureur de se convaincre du bien-fondé de la prétention de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral 4A_489/2017 du 26 mars 2018 consid. 4.3). Le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier (art. 102 al. 1 du Code des obligations suisse [CO – RS 220]) en lien avec l'art. 100 al. 1 LCA). L'intérêt moratoire de 5% l'an (art. 104 al. 1 CO) est dû à partir du jour suivant celui où le débiteur a reçu l'interpellation, ou, en cas d'ouverture d'une action en justice, dès le lendemain du jour où la demande en justice a été notifiée au débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 5C.177/2005 du 25 février 2006 consid. 6.1). Toutefois, lorsque l'assureur refuse définitivement, à tort, d'allouer des prestations, on admet, par analogie avec l'art. 108 ch. 1 CO, qu'une interpellation n'est pas nécessaire ; l'exigibilité et la demeure sont alors immédiatement réalisées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_16/2017 du 8 mai 2017 consid. 3.1).
En l’espèce, on peut admettre que c’est à tort que la défenderesse a refusé de prester. En effet, elle a été informée en juin 2020 au plus tard par le demandeur de l’existence d’une indication opératoire – que le Dr I______ semblait considérer suffisante pour nier la stabilisation de l’état de santé et la reprise d’une activité adaptée –, et a refusé de revoir sa position malgré cet élément et l’attestation dans ce sens des HUG.
Force est dès lors de retenir que les indemnités journalières étaient exigibles dès leur échéance.
Compte tenu du solde de 129 indemnités journalières dès le 17 juillet 2020, la date moyenne d’exigibilité des indemnités journalières correspond au 18 septembre 2020 (64ème jour après l’exigibilité de la première indemnité non versée à tort).
9. Le demandeur obtenant en grande partie gain de cause et étant assisté d’un avocat, il a droit à des dépens.
9.1 L'art. 95 al. 3 let. b CPC prévoit que les dépens – inclus dans les frais selon l’alinéa premier de cette disposition – comprennent le défraiement d'un représentant professionnel. Le droit à une indemnité pour frais d'avocat découle ainsi du droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 4C_1/2011 du 3 mai 2011 consid. 6.2). Les cantons sont compétents pour fixer le tarif des frais comprenant les dépens (cf. art. 96 CPC).
9.2 À Genève, le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10) détermine notamment le tarif des dépens, applicable aux affaires civiles contentieuses (art. 1 RTFMC). Son art. 84 dispose que le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé. L’art. 85 RTFMC dispose que pour les affaires pécuniaires, le défraiement prend pour base le tarif ci-dessous. Sans préjudice de l’art. 23 de la loi d’application du code civil, il peut s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l’art. 84. Pour une valeur litigieuse entre CHF 10'000.- et CHF 20'000.-, le défraiement est de CHF 2'400.- plus 15% de la valeur litigieuse dépassant CHF 10'000.-
Selon l’art. 85 RTFMC, le droit aux dépens est ainsi de CHF 3'112.10. Au vu des difficultés de la cause et du nombre d’audiences nécessaire, la Cour de céans fera usage de la latitude que lui laisse cette disposition en augmentant de 10% ces dépens, ce qui les porte à un montant arrondi à CHF 3'420.-.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 114 let. e CPC).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare la demande recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Dit la défenderesse doit verser au demandeur la somme de CHF 14'747.30, assortie d’intérêts moratoires de 5% à compter du 18 septembre 2020.
4. Condamne la défenderesse à verser au demandeur une indemnité de dépens de CHF 3'420.-.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Diana ZIERI |
| La présidente
Karine STECK
|
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le