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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3160/2023

ATAS/548/2024 du 27.06.2024 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Normes : LPC.9a.al1.leta; LPC.11.al1.letc; LPGA.25; LPCC.5.letc.ch2; LPCC.7; LPCC.24; LPCC.28; LaLAMal.33.al1; LaLAMal.33.al2
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3160/2023 ATAS/548/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 juin 2024

 

En la cause

A______

représentée par le DCS-SPAd, soit pour lui Madame H______

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée ou la recourante), née le ______ 1994, a été mise au bénéfice d’une rente entière d’invalidité et d’une allocation pour impotent de degré grave à compter du 1er décembre 2012.

b. Par ordonnance du 6 novembre 2012, le Tribunal tutélaire a prononcé l’interdiction de l’intéressée, qui souffrait de quadriplégie sévère suite à un choc hémorragique, et a restitué l’autorité parentale à son père, Monsieur B______.

B. a. Le 3 décembre 2012, l’intéressée a déposé une demande auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC ou l’intimé).

b. Par décision du 13 février 2013, l’intéressée a été mise au bénéfice des prestations complémentaires cantonales et fédérales avec effet au 1er décembre 2012. Elle s’est également vu octroyer le subside de l’assurance-maladie.

c. Dès le 1er mai 2013, l’intéressée a eu une activité à des taux variables auprès de C______, ce dont le SPC a été informé.

d. Par ordonnance du 28 juillet 2020, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) a institué une mesure de curatelle de portée générale, a libéré B______ et désigné Madame D______ ainsi que Monsieur E______ du service de protection de l’adulte (ci-après : SPAd) aux fonctions de curateurs de portée générale.

e. Par décision du 5 décembre 2020, le SPC a fixé les droits de l’intéressée dès le 1er janvier 2021 en application du nouveau droit.

f. Par ordonnance du 2 février 2021, le TPAE a libéré E______, confirmé D______ et désigné Monsieur F______ en qualité de curateurs de portée générale.

g. L’intéressée a intégré la Résidence G______ en date du 21 mai 2021.

h. Par mail du 5 janvier 2023, le SPAd a communiqué au SPC la convention signée le 8 février 2022 avec les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) et leur assurance responsabilité civile relative au versement d’une indemnité de CHF 350'000.- en faveur de l’intéressée, étant précisé que ledit montant couvrait à hauteur de CHF 150'000.- son dommage ménager, ses frais médicaux, le dommage d’assistance et ses autres frais, respectivement de
CHF 200'000.- à titre de tort moral. Le versement avait eu lieu le 5 mai 2022.

Cette convention faisait suite à une opération des amygdales réalisée aux HUG le 10 novembre 2003, dont les complications avaient entraîné de graves atteintes à l’intéressée.

i. Par décision du 20 janvier 2023, le SPC a procédé à un nouvel examen des droits de l’intéressée suite au versement de l’indemnisation. Il a conclu au dépassement du seuil de fortune prévu par l’art. 9a al. 1 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires, LPC - RS 831.30), également applicable aux prestations cantonales selon l’art. 1A al. 1 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25) pour la période du 1er juin 2022 au 31 janvier 2023. Il en résultait que l’intéressée n’avait aucun droit aux prestations à compter du 1er juin 2022. Il sollicitait dès lors le remboursement de la somme de CHF 46'625.-, correspondant aux prestations versées à tort.

j. Par décision du même jour, le SPC a également réclamé le remboursement des réductions individuelles de primes d’assurance-maladie à hauteur de CHF 4'821.-, versées sur la même période.

k. Par décision du 23 janvier 2023, le SPC a demandé la restitution de la somme de CHF 463.80 à titre des frais de maladie et invalidité perçus indûment à compter du 1er juin 2022.

l. Par courrier du 16 février 2023, le SPAd a formé opposition au nom de l’intéressée. Le dépassement de seuil de fortune prévu par la loi était contesté. Il était relevé que la prise de position du SPC n’était pas motivée, ce qui ne permettait pas une analyse. Il était donc sollicité le détail du calcul du SPC ainsi qu’un délai pour compléter l’opposition. Il était pour le surplus sollicité la restitution de l’effet suspensif afin de maintenir la couverture du minimum vital de l’intéressée.

m. Par décision du 15 mars 2023, le SPC a admis la demande de restitution d’effet suspensif en ce sens que le remboursement des prestations versées à tort était différé jusqu’à l’entrée en force de la décision litigieuse.

n. Par décision du 22 mars 2023, le SPC a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif en ce qu’elle portait sur la continuation du versement des prestations complémentaires pendant la procédure d’opposition.

o. Par courrier du 21 avril 2023, l’intéressée a complété son opposition. Elle a contesté la prise en compte de l’indemnisation versée s’agissant du calcul des prestations complémentaires cantonales en invoquant l’art. 5 let. c ch. 2 LPCC. Elle concluait à l’annulation de la décision et à ce que le SPC retienne que sa fortune nette était inférieure au seuil sur le plan cantonal, ses droits devant être recalculés.

p. Par décision du 1er juin 2023 portant sur la période du 1er janvier au 30 juin 2023, le SPC a considéré que la fortune de l’intéressée était supérieure au seuil fixé, ce qui lui fermait le droit à toute prestation complémentaire.

q. Par décision du 30 août 2023, le SPC a rejeté l’opposition. Il a considéré que l’art. 5 let. c LPCC fixait uniquement la part de fortune à convertir en revenu dans le calcul des prestations complémentaires cantonales et non pas à conditionner l’éligibilité aux prestations complémentaires cantonales. Le montant versé à titre de dédommagement du préjudice corporel avait donc été pris en compte à juste titre pour fixer le droit aux prestations fédérales et cantonales.

r. Suite à la demande du SPAd du 28 septembre 2023, le TPAE a autorisé la désignation de Madame H______ à la fonction de curatrice aux fins de représenter l’intéressée dans le cadre du recours à déposer à l’encontre de la décision du 30 août 2023

C. a. Par acte du 29 septembre 2023, l’intéressée a interjeté recours contre la décision sur opposition auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : Cour de céans), concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné au SPC de fixer ses droits à compter du 1er juin 2022 sans tenir compte du montant de CHF 350'000.- pour le calcul des prestations cantonales, sa fortune étant en dessous du seuil fixé par la loi. Elle a fait valoir que la somme de
CHF 350'000.- ne devait pas être prise en compte pour fixer le seuil de fortune s’agissant des prestations cantonales en application de l’art. 5 let. c ch. 2 LPCC et citait un arrêt de la Cour de céans, soit l’
ATAS/442/2022. Il ne faisait pas sens de ne pas tenir compte d’une indemnisation pour préjudice corporel au moment de convertir la fortune en revenu, mais de la comptabiliser pour fixer le seuil de la fortune et donc l’éventuelle ouverture du droit aux prestations complémentaires. Cela aurait en effet pour conséquence que la personne doive puiser dans son indemnisation, ce que le législateur cantonal avait voulu éviter.

b. Invité à se déterminer, l’intimé a conclu au rejet du recours par acte du
27 octobre 2023. Il a contesté l’interprétation de la recourante. L’applicabilité des seuils de fortune de l’art. 9a LPC en matière de prestations cantonales avait été tranchée par la Cour de céans dans un arrêt rendu en plenum, soit l’ATAS/521/2023. Il relevait pour le surplus que l’art. 5 let. c ch. 2 LPCC s’inscrivait comme une dérogation à l’art. 11 al. 1 let. c LPC et avait pour seul but de fixer la part de fortune à convertir en revenu dans le calcul des prestations cantonales et non à conditionner l’accès à celles-ci, étant rappelé que les franchises sur la fortune ne s’appliquaient pas aux seuils de fortune de l’art. 9a LPC.

c. Par acte du 24 novembre 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LPC. Elle statue aussi, en application de
l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 LPCC.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

2.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA).

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10] et art. 43 LPCC).

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 43 LPCC).

4.             Le litige porte sur la question de savoir si c’est à juste titre que l’intimé a requis de la recourante la restitution des prestations complémentaires cantonales pour la période courant du 1er juin 2022 au 31 janvier 2023, lui refusant tout droit pour cette période, ce qui implique également le remboursement des réductions individuelles de prime d’assurance-maladie et des frais de maladie. Plus particulièrement, il s’agit de déterminer si une indemnisation suite à une atteinte corporelle doit être prise en compte dans la fortune nette pour fixer le droit aux prestations complémentaires cantonales.

5.              

5.1 Des modifications législatives et réglementaires sont entrées en vigueur au 1er janvier 2021 dans le cadre de la Réforme des PC (LPC, modification du
22 mars 2019, RO 2020 585, FF 2016 7249 ; OPC-AVS/AI [ordonnance du
15 janvier 1971 sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité ; RS 831.301], modification du 29 janvier 2020, RO 2020 599).

5.2 Conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de la modification du
22 mars 2019, l’ancien droit reste applicable trois ans à compter de l’entrée en vigueur de cette modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.

5.3 D'après le Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires [Réforme des PC] du 16 septembre 2016, « [p]lusieurs mesures proposées par la présente réforme peuvent influencer le calcul de la PC et engendrer pour certaines personnes une réduction du montant des PC ou une perte du droit aux PC. Pour permettre aux personnes concernées de s’adapter à la nouvelle situation financière, les mesures suivantes leur seront applicables trois ans seulement après l’entrée en vigueur de la réforme : adaptation du montant minimal de la PC (art. 9 al. 1) ; répartition de la fortune pour les couples dont un des conjoints vit dans un home ou dans un hôpital (art. 9 al. 3 let. b et c) ; droit des cantons de tenir compte dans le calcul de la PC de la prime effective si elle est d’un montant inférieur à la prime moyenne (art. 10 al. 3 let. d) ; abaissement du montant des franchises sur la fortune totale (art. 11 al. 1 let. c) ; prise en compte intégrale du revenu d’une activité lucrative des conjoints qui n’ont pas droit aux PC (art. 11 al. 1 let. a et art. 11a al. 1). Le nouveau droit s’applique immédiatement aux personnes qui acquièrent le droit aux PC après l’entrée en vigueur de la réforme » (FF 2016 7249 p. 7326).

Ainsi, un délai transitoire de trois ans est prévu pour les personnes dont le droit aux prestations est né avant la réforme. Ces bénéficiaires conservent leurs droits acquis selon l'ancien droit durant ce délai, si la réforme entraîne pour eux, dans l'ensemble, une diminution ou une suppression des prestations (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_161/2022 du 7 juillet 2022 consid. 3.1 ; arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud PC 41/22 - 14/2023 du 3 avril 2023 consid. 3b).

5.4 La Circulaire concernant les dispositions transitoires de la réforme des PC établie par l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS), valable dès le 1er janvier 2021 (ci-après : C-R PC), indique que :

‒ « La réforme des PC entre en vigueur le 1er janvier 2021. Conformément aux dispositions transitoires, l’ancien droit reste applicable pendant trois ans aux bénéficiaires PC pour lesquels la réforme entraîne une réduction des prestations » (ch. 1101) ;

‒ Si le calcul de la PC correspondant au nouveau droit entraîne une diminution de la PC annuelle ou si le montant de la PC annuelle reste le même, le calcul de la PC est établi selon le nouveau droit à partir du 1er janvier 2021 (ch. 1103) ;

‒ Les dispositions du droit transitoire ne s'appliquent qu'aux cas en cours
(ch. 1103) ;

‒ Sont considérés comme cas en cours ceux pour lesquels le droit à la PC a pris naissance avant le 1er janvier 2021 (ch. 1302) ;

‒ Afin de déterminer si l’ancien ou le nouveau droit est plus favorable aux cas en cours au 1er janvier 2021, il faut dresser une comparaison en établissant un calcul selon l’ancien droit et un autre selon le nouveau droit (ch. 2101) ;

‒ Durant le délai transitoire, il n’est nécessaire d’établir un calcul comparatif que pour les cas dans lesquels le calcul de la PC se fonde sur l’ancien droit. Dès que le calcul est établi selon le nouveau droit, ce dernier reste applicable pour le reste de la période transitoire. ».

5.5 Les directives administratives s'adressent aux organes d'exécution. Elles ne créent pas de nouvelles règles de droit mais sont destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier la pratique des organes d'exécution. Elles ont notamment pour but d'établir des critères généraux d'après lesquels sera tranché chaque cas d'espèce et cela aussi bien dans l'intérêt de la praticabilité que pour assure une égalité de traitement des ayants droit. Le juge peut les prendre en considération lorsqu'elles permettent une application correcte des dispositions légales dans un cas d'espèce. Il doit en revanche s'en écarter lorsqu'elles établissent des normes qui ne sont pas conformes aux règles légales applicables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_73/2022 du 26 janvier 2023 consid. 4.3.2 et les références).

5.6 Le principe du passage au nouveau régime juridique (réforme des PC) peut être revu lorsqu'il était fondé sur un état de fait erroné, à l'inverse de cas où, après ce passage, un nouveau changement de situation surviendrait et rendrait l'ancien droit plus favorable. La C-R PC semble viser de tels cas, et tendre à éviter la possibilité d'allers-retours entre l'ancien et le nouveau droit au gré de changements de situation (arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud PC 41/22 - 14/2023 précité consid. 8a).

5.7 Au vu de ce qui précède, le nouveau droit est applicable dès son entrée en vigueur aux bénéficiaires de PC pour lesquels la réforme des PC n'entraîne pas une diminution ou une suppression de la PC annuelle. Cela ressort de la lecture a contrario des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019.

Ces dispositions transitoires fixent, d'une part, l'élément juridiquement déterminant dans le choix du droit applicable, selon que la réforme des PC entraîne ou pas une diminution ou la suppression de la PC annuelle, au 1er janvier 2021. D'autre part, elles prévoient la période durant laquelle l'ancien droit « survit », dès le 1er janvier 2021, au détriment du nouveau droit pour les bénéficiaires de PC pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution ou la suppression de la PC annuelle.

Dans la mesure où des bénéficiaires de PC ne peuvent pas se prévaloir de la garantie des droits acquis, au 1er janvier 2021, à teneur des dispositions transitoires, il y a lieu de leur appliquer le nouveau droit dès son entrée en vigueur, conformément au principe de l'effet immédiat de la loi. Par voie de conséquence, à défaut de tomber dans le champ d'application des dispositions transitoires, les changements de situation postérieurs au 1er janvier 2021, sous l'empire du nouveau droit, seront régis exclusivement par celui-ci.

5.8 En l'espèce, la recourante était au bénéfice de prestations complémentaires lorsque la réforme des PC est entrée en vigueur. Il ressort du calcul comparatif selon l’ancien et le nouveau droit que cette réforme n'entraîne pas une diminution de ces prestations ou la perte du droit à celles-ci dès le 1er janvier 2021. Ainsi, au regard des dispositions transitoires, la recourante ne remplit pas les conditions permettant l'application de l'ancien droit pendant trois ans. C'est donc à juste titre que le calcul desdites prestations a été établi sur la base du nouveau droit à compter du 1er janvier 2021.

La période litigieuse concernant le droit aux prestations à compter du 1er juin 2022, le présent contentieux doit dont être tranché à l’aune du nouveau droit.

6.              

6.1 S'agissant des prestations complémentaires fédérales, selon l'art. 25 al. 1 1ère phrase LPGA, en relation avec l'art. 2 al. 1 let. a de l'Ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA ; RS 830.11), les prestations indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers.

L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision - formelle ou non - par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références ; ATF 138 V 426
consid. 5.2.1 et les références ; ATF 130 V 318 consid. 5.2 et les références).

En vertu de l'art. 25 al. 2 1ère phrase LPGA (dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2021), le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

6.2 Au plan cantonal, l'art. 24 al. 1 1ère phrase LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées. Conformément à l’art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).

La restitution peut être demandée dans un délai d'une année à compter de la connaissance du fait qui ouvre le droit à la restitution, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation (art. 28 LPCC).

6.3 Conformément à l’art. 33 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal – J 3 05), les subsides indûment touchés doivent être restitués en appliquant par analogie l'article 25 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (al. 1). Lorsque des subsides ont été indûment touchés par un bénéficiaire des prestations du service, ce service peut en demander la restitution au nom et pour le compte du service de l'assurance-maladie (al. 2).

6.4 En l'espèce, les parties s’opposent sur les droits et dès lors l’obligation de restitution s’agissant des prestations cantonales à compter du 1er juin 2022, la recourante considérant que l’indemnisation pour dommage corporel ne doit pas être prise en compte selon le droit cantonal, ce qui est contesté par l’intimé.

Concrètement, l'intimé a été informé le 5 janvier 2023 que la recourante avait reçu une indemnisation d’un préjudice corporel de CHF 350'000.- en mai 2022. Il s'agit d'un fait nouveau découvert après coup susceptible de modifier le calcul des prestations et justifiant avec effet ex tunc la révision procédurale des décisions précédemment rendues d'octroi de prestations complémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_522/2021 du 29 juin 2022 consid. 4.1). En réclamant, par décisions des 20 et 23 janvier 2023, la restitution des prestations complémentaires fédérales et cantonales versées, selon son appréciation, à tort du 1er juin 2022 au 31 janvier 2023, ainsi que des subsides et les frais maladies indûment touchés durant cette période (cf. art. 33 al. 1 et 2 LaLAMal), l'intimé a respecté tant le délai relatif de trois ans, respectivement d'une année pour les PCC, à compter du moment où il a eu connaissance des faits que le délai absolu de cinq ans après le versement de la prestation (art. 25 al. 1 1ère phrase et al. 2 – dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2021 – LPGA).

7.              

7.1 Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 5, 6 et 8 LPC, ainsi que les conditions relatives à la fortune nette prévues à l’art. 9a LPC, ont droit à des prestations complémentaires.

7.2 En vertu de l'art. 9a al. 1 let. a LPC en vigueur depuis le 1er janvier 2021, les personnes seules dont la fortune nette est inférieure au seuil de CHF 100'000.- ont droit à des prestations complémentaires.

7.3 La fortune nette d'un bénéficiaire de prestations complémentaires comprend notamment les biens mobiliers et immobiliers dont il est propriétaire, tels que les avoirs bancaires, les biens immobiliers sis à l'étranger et la fortune à laquelle il a renoncé (Erwin CARIGIET/Uwe KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 2021, ch. 572).

Selon les Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, chiffre 3443.01 (ci-après : DPC), état au 1er janvier 2024, l’origine des éléments de fortune n’est pas pertinente.

La fortune nette s'obtient après déduction des dettes, mais sans déduction de la franchise sur la fortune (FF 2016 7249 p. 7284).

7.4 Selon l'art. 11 al. 1 let. c LPC, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2021, la franchise sur la fortune s'élève à CHF 30'000.- pour les personnes seules, CHF 50'000.- pour les couples et CHF 15'000.- pour les orphelins et les enfants donnant droit à des rentes pour enfant de l’AVS ou de l’AI.

Toutefois, ces franchises ne trouvent application que pour autant que la personne puisse prétendre à des prestations complémentaires et dans le cadre du calcul du montant de celles-ci. L'art. 9a al. 1 LPC ne prévoit aucune franchise pour l'application du seuil de CHF 100'000.-. Seules les personnes dont la fortune nette est inférieure à ce montant, peuvent avoir droit aux prestations complémentaires, selon le sens littéral clair de la loi (CARIGIET/KOCH, op cit. ch. 570-571). C'est uniquement si la fortune nette n'atteint pas le seuil de fortune que la franchise selon l'art. 11 al. 1 LPC est déduite.

7.5 Selon l'art. 12 al. 3 LPC, le droit à une prestation complémentaire annuelle s’éteint à la fin du mois au cours duquel l’une des conditions dont il dépend cesse d’être remplie. Si, en cours de versement de la prestation complémentaire, la fortune d’une personne ou d’un couple dépasse le montant admissible, le droit à la prestation complémentaire s’éteint à la fin du mois au cours duquel le montant a été dépassé (CARIGIET/KOCH, op cit. ch. 572, note de bas de page ch. 717; Directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI établies par l'office fédéral des assurances sociales [ci-après : OFAS], dans leur état au 1er janvier 2024, ch. 2511.03 et 2121.03).

7.6 Le Tribunal fédéral des assurances a eu l’occasion de préciser que lorsqu’un nouveau calcul des prestations complémentaires est effectué dans le cadre de la révision impliquant une demande de restitution, il y a lieu de partir des faits tels qu’ils existaient réellement durant la période de restitution déterminante. Dans ce sens, on tiendra compte de toutes les modifications intervenues, peu importe qu’elles influencent le revenu déterminant à la hausse ou à la baisse. Ainsi, le montant de la restitution est fixé sans égard à la manière dont le bénéficiaire des prestations complémentaires assume son obligation d’annoncer les changements et indépendamment du fait que l’administration ait pris connaissance ou non des nouveaux éléments déterminants au gré du seul hasard. Il serait choquant, lors du nouveau calcul de la prestation complémentaire destiné à établir le montant de la restitution, de ne tenir compte que des facteurs défavorables au bénéficiaire de la prestation complémentaire. Le Tribunal fédéral a alors précisé que seul un paiement d’arriérés est exclu (ATF 122 V 19 consid. 5c ; VSI 1996 p. 212). Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a indiqué qu'à défaut d'une disposition d'exécution s'écartant de l'art. 24 al. 1 LPGA, dans le cadre d'une demande de restitution, la règle jurisprudentielle prévue par l'ATF 122 V 19, selon laquelle le paiement d'arriérés est exclu, est contraire au droit (ATF 138 V 298 consid. 5.2.2).

8.             Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. aussi ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références).

9.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence

10.         En l'espèce, en mai 2022, le SPad a reçu pour la recourante la somme de
CHF 350'000.- à titre d’indemnisation d’un dommage corporel survenu en 2003. Elle invoque que ce montant ne doit pas être pris en compte dans la fortune nette au niveau du calcul des prestations complémentaires cantonales, ce qui est contesté par l’intimé.

Conformément au principe rappelé ci-dessus, selon le droit fédéral, l’origine des éléments de fortune est sans pertinence, de sorte que c’est à juste titre que l’intimé a tenu compte de ce versement pour déterminer les droits de la recourante à des prestations complémentaires fédérales, ce qui n’est pas contesté.

Compte tenu du dépassement du seuil de fortune nette de CHF 100'000.- selon l'art. 9a al. 1 let. a LPC, duquel l'on ne retranche pas la franchise sur la fortune, c'est à raison que l'intimé a constaté que la recourante ne pouvait plus prétendre aux prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF), sans qu'il ne soit donc nécessaire d'établir un plan de calcul des PC, comme le mentionne la décision du 20 janvier 2023.

C'est au cours du mois de mai 2022 que le seuil de fortune a été dépassé. Ainsi, le droit à la prestation complémentaire annuelle s’est éteint à la fin de ce mois. En conséquence, c'est à compter du 1er juin 2022 que la recourante n'a plus droit auxdites prestations comme l’a retenu à juste titre l’intimé.

11.          

11.1 Reste à déterminer si, comme le considère l'intimé, le droit aux prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC) s’éteint également au 1er juin 2022, contrairement à l’interprétation de la recourante.

11.2 Dans un arrêt du 29 juin 2023 (ATAS/521/2023), la Cour de céans a reconnu que l'extinction du droit à la prestation complémentaire en raison du dépassement du seuil de fortune nette de CHF 100'000.- (art. 9a al. 1 let. a LPC) s'applique également en matière de prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC), vu le renvoi de l'art. 1A al. 1 LPCC à la LPC.

Il faut désormais examiner si le droit cantonal prévoit des spécificités pour déterminer les éléments de fortune, notamment en lien avec leur origine.

11.3 Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui remplissent les conditions de l’art. 2 LPCC et dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LPCC).

Le montant de la prestation complémentaire correspond à la différence entre les dépenses reconnues et le revenu déterminant du requérant (art. 15 al. 1 LPCC).

Aux termes de l’art. 5 al. 1 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations, notamment : les prestations complémentaires fédérales sont ajoutées au revenu déterminant (let. a) et en dérogation à l'article 11, alinéa 1, lettre c, de la loi fédérale, la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est de un huitième, respectivement de un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, et ce après déduction des franchises prévues par cette disposition (n° 1) ; du montant des indemnités en capital obtenues à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice corporel, y compris l'indemnisation éventuelle du tort moral (n° 2) (let. c).

En tant qu’il exclut du revenu déterminant le montant des indemnités en capital obtenues à titre de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice corporel, y compris l’indemnisation éventuelle du tort moral, l’art. 5 let. c ch. 2 LPCC reprend mot pour mot les termes de la loi du 6 octobre 1989, modifiant la loi sur les prestations en faveur des personnes âgées, des veuves, des orphelins et des invalides du 25 octobre 1968 (LAPA – J 9 7).

En tant que l’art. 5 let. c LPCC emploie le terme « préjudice corporel », il y a lieu de préciser que selon que le bien atteint a une valeur patrimoniale ou, au contraire, une valeur personnelle (ou extrapatrimoniale), la victime subit, dans le premier cas, une diminution de son patrimoine, soit un dommage au sens propre, et dans le second, une diminution de son bien-être, soit un tort moral. En droit de la responsabilité civile, le terme « préjudice » recouvre donc à la fois les notions de dommage et de tort moral (Franz WERRO, La responsabilité civile, 2005,
p. 18, n. 38 ; Henri DESCHENAUX, Pierre TERCIER, la responsabilité civile, 2ème éd. 1982, p. 39, n. 15). Lorsqu’il prend la forme d’une perte patrimoniale résultant d’une atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la victime, le dommage est dit « corporel ». Les postes du dommage corporel sont les frais consécutifs aux lésions corporelles, le dommage actuel consécutif à l’incapacité de travail (perte de gain actuelle) et/ou à l’incapacité d’exercer une activité ménagère (dommage ménager) ainsi que le dommage consécutif à l’atteinte portée à l’avenir économique (Franz WERRO, op. cit., n. 59, n. 996ss).

Aux termes de l’art. 7 LPCC, la fortune comprend la fortune mobilière et immobilière définie par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution.

11.4 Sous la note « Droit applicable », l'art. 1A al. 1 LPCC stipule que, en cas de silence de la LPCC, les prestations complémentaires cantonales à l’assurance-invalidité sont régies par :

-          la LPC, et ses dispositions d'exécution fédérales et cantonales (let. a) ;

-     la LPGA, et ses dispositions d'exécution (let. b).

11.5 À la suite de l'entrée en vigueur de la réforme de la LPC le 1er janvier 2021, et en particulier de l'art. 9a al. 1 LPC, la LPCC n'a pas été modifiée. La loi cantonale n'a donc pas expressément introduit un seuil d'entrée basé sur la fortune, tel que fixé à l'art. 9a al. 1 LPC, pour l'octroi des PCC.

11.6 Sous l'angle systématique, la LPCC ne subordonne pas l’octroi de prestations complémentaires cantonales à la condition que le requérant ait droit à des prestations complémentaires fédérales (ATAS/748/2017 du 31 août 2017 consid. 8c).

11.7 Selon l'art. 2 al. 1 LPC, la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 LPC des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux.

Selon l'art. 2 al. 2 1ère phrase LPC, les cantons peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la LPC et fixer les conditions d’octroi de ces prestations.

11.8 Les prestations complémentaires à l'AVS, qui appartiennent à la sécurité sociale et ne font pas partie de l'assistance, reposent à la fois sur la LPC et sur les lois adoptées par les cantons, qui en fixent certains éléments particuliers, désignent les organes d'application et peuvent aller au-delà du standard fédéral (ATF 138 II 191 consid. 5.3). Le droit fédéral n'impose pas aux cantons l'obligation d'allouer des prestations complémentaires allant au-delà de celles qui sont prévues par la LPC (ATF 141 I 1 consid. 5.2.2). Les prestations sociales que les cantons peuvent continuer à développer, à teneur de l’art. 2 al. 2 1ère phrase LPC, sont en général calculées selon le principe s’appliquant aux PCF, dont elles se distinguent notamment par des montants supérieurs pour les besoins vitaux, des limites plus élevées pour le loyer et la prise en compte d’autres catégories de dépenses (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, n. 3 ad art. 2 LPC).

11.9 Le canton de Genève a fait usage de la faculté laissée aux cantons par l'art. 2 al. 2 LPC en adoptant la LPCC. C'est ainsi qu'au niveau cantonal genevois, les dépenses reconnues sont plus élevées, en particulier le forfait pour la couverture des besoins vitaux (art. 6 et 3 LPCC en corrélation avec l'art. 3 al. 1 du règlement du 25 juin 1999 relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité [RPCC-AVS/AI - J 4 25.03]). En revanche, le forfait pour le loyer d'un appartement et les frais accessoires y relatifs est le même que celui fixé par le droit fédéral (ATF 141 I 1 consid. 4.2 ; voir à cet égard l'art. 6 LPCC qui renvoie à l'art. 10 al. 1 let. b LPC).

11.10 Au vu de ce qui précède, en vertu de l'art. 2 al. 2 LPC, le canton de Genève fixe librement ses prestations cantonales.

En l'occurrence, comme relevé ci-dessus, l'art. 1A al. 1 LPCC contient un large renvoi aux dispositions de la LPC pour ce qui concerne le droit applicable, en cas de silence de la LPCC. Il existe un lien étroit entre la LPC et la LPCC tant s'agissant du contenu que de la procédure (la LPGA est applicable en matière de PCC en cas de silence de la loi cantonale [art. 1A al. 1 let. b LPCC).

12.          

12.1 Dans l'exposé des motifs relatif au projet de loi 10101 du 30 août 2007 modifiant la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 14 octobre 1965, le Conseil d'État relève en particulier que, dans le cadre de cette réforme, la nouvelle LPC du 6 octobre 2006, ainsi que la loi fédérale sur les institutions destinées à promouvoir l’intégration des personnes invalides (LIPPI - RS 831.26), adoptée également le 6 octobre 2006, « ont des conséquences sur le dispositif cantonal genevois en vigueur en matière de prestations complémentaires et nécessitent l'adaptation » de la loi cantonale sur les PCF et de la loi cantonale sur les PCC (PL 10101 p. 8-9, voir la séance du Grand Conseil du jeudi 20 septembre 2007 à 17h - 56e législature - 2e année - 11e session - 54e séance, disponible sur : https://ge.ch/grandconseil/m/memorial/seances/560211/54/47/).

Au chapitre III concernant les conséquences sur les prestations cantonales, le Conseil d'État indique que, en faisant usage de la compétence que lui confère l'art. 1a al. 4 aLPC (du 19 mars 1965), le canton de Genève « verse, en sus des prestations complémentaires fédérales, des prestations complémentaires cantonales, destinées à couvrir un revenu minimum cantonal d'aide sociale. Ces prestations sont versées sur la base [de la loi cantonale sur les PCC]. La compétence de verser ces prestations est maintenue par le nouveau droit (cf. art. 2 al. 2 nouvelle LPC) ».

Il ajoute que « [d]ans la mesure où les conditions pour l'obtention des prestations complémentaires cantonales sont calquées sur celles du droit fédéral, la loi cantonale sur les PCC doit être adaptée à cette nouvelle loi » pour tenir compte des changements introduits par le droit fédéral. À cet égard, le Conseil d'État mentionne notamment :

« (…) Afin d'assurer une coordination optimale avec le droit fédéral, le présent projet propose, pour les dispositions relatives au calcul des prestations, un renvoi exprès aux dispositions du droit fédéral (cf. la modification des articles 5, lettre a, 6 et 7 de la loi cantonale sur les PCC). On évite ainsi tout risque de décalage entre le droit fédéral et le droit cantonal, tout en réservant les spécificités du régime cantonal. Cela n'a pas d'incidence sur le fond, ni sur la situation des ayants droits » (PL 10101 p. 13-15).

12.2 Le commentaire par article dudit projet de loi apporte la précision suivante à propos de l'art. 1A de la loi cantonale sur les PCC :

« La clause de renvoi général au droit fédéral est adaptée pour tenir compte de la nouvelle LPC. Par ce renvoi général au droit fédéral, on prévient toute lacune qui pourrait exister dans le régime cantonal ».

Tous les articles destinés à modifier les lois cantonales concernées par la réforme du droit supérieur ont ensuite été adoptés sans amendements et sans opposition par la Commission des affaires sociales chargée d'étudier ledit projet de loi (PL 10101-A p. 3, disponible sur : https://ge.ch/ grandconseil/data/texte /PL10101A.pdf).

12.3 Au vu de ce qui précède, le législateur, suivant en cela le Conseil d'État, a entendu soumettre les PCC à un régime similaire à celui qui régit les PCF, en alignant, au fil des révisions fédérales, le régime genevois des prestations complémentaires sur le régime fédéral, puis en opérant un renvoi aux dispositions du droit fédéral, tout en réservant expressément les spécificités du régime cantonal (par ex. : les adaptations énoncées aux let. a à c de l'art. 5 LPCC, le montant destiné à garantir le revenu minimum cantonal d'aide sociale défini à l'art. 3 LPCC qui remplace le montant destiné à la couverture des besoins vitaux [art. 10 al. 1 let. a LPC], le délai de carence ouvrant le droit du réfugié aux prestations complémentaires cantonales est plus long [10 ans ; art. 2 al. 3 LPCC] que dans la LPC [5 ans ; art. 5 al. 2 LPC]).

12.4 Le renvoi à la LPC prévu à l’art. 1A al. 1 let. a LPCC permet de définir des notions sujettes à discussion figurant dans la LPCC, tel qu’elles sont interprétées en matière de PCF.

Les termes « en cas de silence de la présente loi » au début de l’alinéa 1 de
l’art. 1A LPCC doivent donc être interprétés dans le sens que lorsqu’une condition du droit de fond n'est pas mentionnée dans la LPCC, la LPC (let. a), et donc, sa disposition topique en la matière, s’applique également aux PCC, sauf disposition contraire, à l'instar de l'application de la LPGA pour les PCC (let. b) lorsqu'un point du droit de procédure fait défaut dans la LPCC.

12.5 Dans son arrêt (ATAS/521/2023), la Cour de céans a considéré qu’il ressortait des développements qui précèdent que, en l'absence d'une révision législative de la LPCC à la suite de la réforme de la LPC entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (et donc en l'absence d'une disposition cantonale divergente), le canton de Genève applique également depuis cette date le seuil d'entrée sur la fortune pour l'octroi des PCC du fait du renvoi général qu'opère la LPCC à la LPC, la loi cantonale étant muette à ce sujet.

12.6 La problématique est toutefois ici particulière puisque ce n’est pas le seuil d’entrée en tant que tel qui est contesté, mais les éléments à prendre en compte à titre de fortune nette. En effet, la recourante fait valoir qu’il est contradictoire de ne pas tenir compte d’une indemnisation d’un dommage corporel pour convertir la fortune en revenu, mais de la comptabiliser pour évaluer le seuil d’entrée.

En d’autres termes, il convient à présent de vérifier si on se trouve en présence d'une lacune de la loi.

13.

13.1 L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune proprement dite suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point qu'il aurait dû régler et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante.

D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune proprement dite appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation des pouvoirs, de corriger les silences qualifiés et les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminant d'une norme ne soit constitutif d'un abus de droit, voire d'une violation de la Constitution (ATF 139 I 57 consid. 5.2 et les arrêts cités). Il faut encore relever qu'il n'y a lacune authentique que pour autant que l'on ne puisse pas procéder à l'application analogique de règles juridiques en vigueur afin de trouver une solution au problème posé. (ATF 94 I 305, 308 = JT 1969 I 302, 304 ; ATF 100 Ib 137 = JT 1975 I 354, 373). Il convient dès lors de procéder à l'interprétation de la loi pour déterminer s'il y a lacune authentique ou non.

13.2 En l'espèce, il faut donc en premier lieu déterminer si une solution se dégage des dispositions légales ou, si tel n'est pas le cas, si elles peuvent être interprétées afin de trouver une solution.

Selon la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) ; du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement, de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Si plusieurs interprétations sont admissibles, il convient de choisir celle qui est conforme à la Constitution. En effet, même s'il ne peut pas examiner la constitutionnalité des lois fédérales (art. 191 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), le Tribunal fédéral part de l'idée que le législateur fédéral ne propose pas de solution incompatible avec la Constitution, à moins que le contraire ne résulte clairement de la lettre ou de l'esprit de la loi (ATF 130 II 65 consid. 4.2 p. 71 ; 129 II 114 consid. 3.1
p. 118; 129 III 55 consid. 3.1.1 p. 56/57 et les arrêts cités). Par ailleurs, le Tribunal fédéral, s'il est lié par la loi, s'écarte exceptionnellement de celle-ci lorsque son interprétation littérale conduirait à des résultats manifestement insoutenables, qui contrediraient la véritable intention du législateur (ATF 105 V 47; ATF 101 V 190 consid. 5 et les arrêts cités).

L'interprétation littérale consiste en substance à tirer tous les renseignements possibles du sens littéral de la règle. Il s'agit ainsi de comprendre la signification de chaque mot pris individuellement et de se concentrer sur les relations grammaticales entre les mots telles que résultant de la syntaxe (accords, objet d'une négation) ainsi que de l'usage de la ponctuation. En outre, la manière dont le législateur a ordonné les alinéas d'un article, dont il a divisé le texte (au moyen de titres, sous-titres, etc.) et structuré les notes marginales relève également de l'interprétation littérale.

Quant à l'interprétation systématique, elle vise à prendre la mesure de la structure formelle dans laquelle la règle s'intègre : l'ordonnancement des titres, des notes marginales, des alinéas et des phrases donnant un rapport hiérarchique aux règles, ce qui permet souvent d'en déterminer le champ d'application. Il y a également lieu d'examiner les liens établis par le texte légal entre certaines règles, au moyen de renvois plus ou moins explicites à d'autres dispositions. Relève également de l'interprétation systématique le fait de comparer des normes et, lorsqu'elles ont des éléments communs et des différences, d'en tirer des conclusions sur les intentions du législateur (ATAS/1026/2022 du 24 novembre 2022 consid. 8 et la référence).

13.3 Le juge ne peut, sous peine de violer le principe de la séparation des pouvoirs, s'écarter d'une interprétation qui correspond à l'évidence à la volonté du législateur, en se fondant, le cas échéant, sur des considérations relevant du droit désirable (de lege ferenda) ; autrement dit, le juge ne saurait se substituer au législateur par le biais d'une interprétation extensive (ou restrictive) des dispositions légales en cause (ATF 130 II 65 consid. 4.2 et les références).

13.4 En l’espèce, c’est l’art. 7 LPCC qui donne une définition de la fortune :

« La fortune comprend la fortune mobilière et immobilière définie par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution (al.1). La fortune est évaluée selon les règles de la loi sur l'imposition des personnes physiques, du 27 septembre 2009, à l'exception des règles concernant les diminutions de la valeur des immeubles et les déductions sociales sur la fortune, prévues aux articles 50, lettre e, et 58 de ladite loi, qui ne sont pas applicables. Les règles d'évaluation prévues par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution sont réservées » (al.2).

À rigueur de texte, la fortune comprend dès lors les biens mobiliers et immobiliers tels que définis par la LPC. Le droit fédéral ne fournit pas vraiment de définition précise de ce qu’il y a lieu d’entendre précisément à titre de fortune nette, notamment quant à son origine, l’art. 9a al. 2 et 3 LPC se limite ainsi uniquement à exclure l’immeuble habité par le bénéficiaire de prestation de la fortune nette et à y inclure les revenus ou droits auxquels ce dernier aurait renoncé ou dont il se serait dessaisi.

L’absence de distinction quant à l’origine des biens est pour le surplus fixée par les DPC.

Dès lors, à rigueur de texte, il y aurait lieu de prendre en compte une indemnisation d’un dommage corporel pour fixer le seuil d’entrée de la personne

Cette solution choque le sens de l'équité au vu de l’existence de l’art. 5 let. c ch. 2 LPCC qui exclut les indemnisation d’un dommage corporel de la conversion de la fortune en revenu.

En effet, comme rappelé ci-dessus, le législateur genevois a souhaité éviter tout risque de décalage entre le droit fédéral et le droit cantonal, mais tout en conservant les spécificités du régime cantonal dont fait partie l’art. 5 let. c ch. 2 LPCC.

13.5 Il convient dès lors de se livrer à une interprétation historique de cette disposition.

Lors de la séance du Grand Conseil du 6 octobre 1989, un projet de loi a été discuté visant la modification de la loi de 1968 sur les prestations en faveur des personnes âgées, veuves, orphelins et invalides, des modifications étant considérées comme particulièrement urgentes.

Il ressort de l’exposé des motifs que ladite loi était en cours d’élaboration, ce qui prendrait plusieurs mois. Le projet de loi soumis visait en particulier deux points urgents, soit les ressources prises en compte pour fixer le revenu déterminant des bénéficiaires et les limites supérieures de fortune.

S’agissant des ressources prises en compte pour fixer le revenu déterminant, il était relevé que considérer une part de fortune comme une ressource était acceptable pour le plus grand nombre, mais qu’une situation conduisait à des conséquences peu satisfaisantes, soit quand la fortune avait pour origine la réparation d’un préjudice corporel subi par le bénéficiaire.

Il est ainsi motivé que

« Dans le traitement de la "fortune" d’un bénéficiaire, il est légitime de faire un sort particulier aux indemnités reçues à la suite d’un dommage corporel physique ou moral. Les indemnités compensent pour qui les reçoit une perte personnelle, une souffrance physique ou morale. Elles acquièrent de ce fait un caractère qui les distingue de l’épargne ordinaire. Les victimes dédommagées ne comprennent pas qu’ayant reçu une réparation, celle-ci leur soit en quelque sorte retirée, par tranches successives, au moment de percevoir les prestations complémentaires. Il naît chez elles un compréhensible sentiment d’injustice à voir l’État ou la collectivité tirer en somme profit du malheur qui les a frappées. Ce sont ces considérations qui ont amené les auteurs du projet à immuniser du prélèvement au titre de part de fortune "les indemnités obtenues à titre de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice corporel". Cette expression, tirée du droit de la responsabilité civile, comprend toutes les indemnités reçues pour les dommages subis par la victime personnellement (pertes de gains passés ou futur, tort moral) à l’exclusion des dommages aux biens ».

Il sied également de relever qu’avant ledit projet, la loi cantonale prévoyait, à l’inverse de la loi fédérale, des dispositions qui excluaient purement et simplement du bénéfice des prestations toute personne seule ou tout couple disposant d’une fortune nette dépassant respectivement CHF 40'000.- ou 60'000.-.

Il ressort de la « préconsultation » ayant eu lieu le 6 octobre 1989 au Grand Conseil, plus précisément des explications données par l’une des coauteurs du projet de loi, Madame Micheline CALMY-REY, alors députée de ce parlement, que :

« Vous connaissez très certainement le cas de cette personne qui, après six ans de procédure, a reçu CHF 200’000.- d’indemnité de l’État. Avec le système actuel, l’indemnité censée réparer le dommage lui est en quelque sorte retirée par tranches successives. De plus, les prestations complémentaires qu’elle a obtenues jusque-là ne lui seront plus versées, ses ressources devenant trop importantes si elles sont augmentées d’une part d’indemnité. Le résultat est évidemment choquant et notre projet demande en conséquence que les parts de fortune provenant d’indemnités soient exclues du calcul des ressources » (cf. Mémorial du Grand Conseil 1989, vol. V, pp. 6285-6288).

L’interprétation historique démontre ainsi que, d’une part, le législateur genevois a souhaité traiter de manière particulière les indemnités en capital obtenues à titre de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice corporel compte tenu de leur nature compensatoire, d’autre part, que conscient de l’importance éventuelle de ces montants, il ne voulait pas qu’ils impliquent de modification ou de suppression dans le droit aux prestations afin que les bénéficiaires n’aient pas à puiser dans l’indemnisation reçue pour subvenir à leurs besoins.

Il sied également de préciser que dans les discussions préalables à l’adoption du projet de loi étant à l’origine dudit art. 5 c ch. 2 LPCC, le cas exposé traitait d’une bénéficiaire ayant obtenu une indemnisation de CHF 200'000.-, soit un montant relativement conséquent, et que le souhait du législateur était qu’elle puisse continuer à toucher les prestations complémentaires sans changement pour préserver l’indemnité reçue. Il faut également relever que cette volonté de distinguer une indemnisation pour dommage corporel des autres biens en l’épargnant de toute prise en compte dans la conversion de la fortune en revenu est intervenue au même moment où le législateur cantonal a opté pour supprimer des seuils d’entrée de CHF 40'000.- respectivement CHF 60'000.- pour être cohérent avec la législation fédérale.

Enfin, on relèvera que l’exemple donné dans le cadre des délibérations et qui a justifié l’art. 5 let. c ch. 2 LPCC dépasserait le seuil d’entrée fixé par la LPC.

13.6 Sur le plan téléologique, on notera que tant aux niveaux cantonal que fédéral, les notions de revenu déterminant et de fortune sont étroitement liées.

Ainsi, par exemple l’art. 9a al. 2 LPC prévoit que « l’immeuble qui sert d’habitation au bénéficiaire de prestations complémentaires ou à une autre personne comprise dans le calcul de ces prestations et dont l’une de ces personnes au moins est propriétaire n’est pas considéré comme un élément de la fortune nette au sens de l’al.1 ».

Or, dans le cadre de la conversion de la fortune en revenus déterminants, force est de constater que les bénéficiaires propriétaires d’un immeuble qui sert d’habitation sont également privilégiés au niveau de la franchise qui est spécifique à ce cas (art. 11 al.1bis LPC).

Il est dès lors établi que, quand le législateur créé un régime privilégié, celui-ci s’applique tant au niveau de la fixation de la fortune nette que de la conversion de celle-ci en revenu déterminant.

Par conséquent, le législateur genevois ayant voulu créer un cadre spécifique pour les indemnisations de dommage corporel afin que celles-ci n’influencent pas le droit aux prestations et contraignent le bénéficiaire à l’épuiser pour vivre, raison pour laquelle il les a exclues de la conversion de la fortune en revenu déterminant, il serait incompréhensible que lesdites indemnisations permettent l’exclusion du droit aux prestations, ce qui mettrait à néant non seulement la volonté exprimée par le législateur cantonal, mais rendraient également quasiment lettre morte l’art. 5 let. c ch. 2 LPCC.

En définitive, l'analyse téléologique confirme que le but du législateur était qu’une indemnisation pour dommage corporel n’influence pas le droit aux prestations complémentaires cantonales au vu de sa nature compensatoire.

Enfin, il convient encore de se livrer à une interprétation conforme à la Constitution, interprétation qui permet d'évaluer la norme en regard du principe d'égalité de traitement garantie par l'art. 8 Cst. Selon la jurisprudence, un arrêté de portée générale est contraire au principe de l'égalité de traitement lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente (ATF 124 I 297). Par ailleurs, une décision viole le principe d'égalité de traitement lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente (ATF 118 Ia 1).

Pour en revenir au cas d'espèce, il est patent que le législateur cantonal n’a pas précisé les éléments à prendre en compte pour fixer la fortune nette puisque cela n’avait aucun sens au moment de l’introduction de l’art. 5 let. c ch. 2 LPCC, les seuils d’entrée ayant été supprimés. Il a donc légiféré en excluant la prise en compte des indemnités pour dommage corporel du revenu déterminant car il s’agissait du seul stade du calcul où elles pourraient avoir une influence. Il s’agissait comme relevé lors des délibérations de traiter le cas tout particulier de l’indemnisation du dommage corporel différemment de l’épargne classique.

À la lumière des interprétations historique, systématique et surtout téléologique, il apparaît que le législateur cantonal n'a pas pu vouloir que les indemnités versées pour un dommage corporel permettent d’exclure le droit aux prestations, mais bien plutôt qu'il n'a pas envisagé cette éventualité puisqu’il avait supprimé les seuils d’entrée.

Par ailleurs, compte tenu des différences entre une indemnisation pour dommage corporel et une épargne « classique », il n’est pas contraire au principe d’égalité de traitement de fixer des règles dissemblables pour leur prise en compte.

À première vue et compte tenu de ce qui précède, l'art. 7 LPCC paraît donc comporter une lacune. Avant de parvenir à cette conclusion, il convient cependant encore de vérifier si l'application par analogie d'une autre disposition appartenant à l'ordre juridique suisse peut être envisagée afin de trouver une solution respectueuse des principes d'égalité de traitement et de continuité des buts visés par la législation.

Le but du législateur genevois ayant été qu’une indemnisation pour dommage corporel n’influence pas le droit aux prestations complémentaires cantonales, il y a lieu d’appliquer par analogie l’exclusion de celle-ci telle que prévue à l’art. 5 let. c ch. 2 LPCC pour la conversion de la fortune en revenu déterminant.

En conclusion, l'application analogique d'une autre disposition légale, en l'espèce l'art. 5 let. c ch. 2 LPCC est possible et fournit la solution du cas d'espèce.

Le versement de la somme de CHF 350'000.- fait suite à un dommage corporel.

Il apparaît dès lors que le SPC n’aurait pas dû tenir compte du montant de
CHF 350'000.- pour évaluer le seuil d’entrée s’agissant des prestations cantonales.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, la décision sur opposition du
30 août 2023 annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour nouveaux calculs des prestations cantonales, au sens des considérants.

La décision querellée sera en conséquence annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour nouveaux calculs des prestations cantonales, au sens de considérants.

La recourante, représentée par sa curatrice, collaboratrice d'un service de l'État, ne peut prétendre à l'allocation de dépens devant l'autorité judiciaire cantonale, faute de justification économique (ATF 126 V 11 consid. 2 et 5).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 30 août 2023.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La vice-présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le