Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/520/2024 du 27.06.2024 ( PC ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/2621/2023 ATAS/520/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 27 juin 2024 Chambre 5 |
En la cause
A______ représentée par Me Ndaté DIENG, avocate
| recourante |
contre
SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES
| intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en ______ 1955, de nationalité camerounaise, est bénéficiaire de prestations complémentaires fédérales et cantonales. Suite à une infection par la COVID-19 et à un AVC intervenu le 2 octobre 2021, elle a été hospitalisée du 19 septembre 2021 jusqu’au 11 février 2022.
b. L’assurée partage son logement avec l’un de ses enfants, Monsieur B______ (ci-après : le fils ou B______), né en ______1976. Sa fille, C______ (ci-après : la fille ou C______), habite également à Genève mais a un domicile séparé de celui de sa mère ; les six autres enfants de l’assurée habitent le Cameroun.
c. Le fils de l’assurée, B______, a remporté un gain de CHF 1'000'000.-, à la loterie romande (ci-après : la loterie), selon courrier de confirmation du 5 août 2021, montant qu’il a, en partie, déposé sur les comptes bancaires de l’assurée ouverts dans les livres de la Banque cantonale de Genève (ci-après : BCGE) suivants : soit CHF 130'000.- crédités sur le compte n° 1______, date valeur 23 août 2021 et CHF 409'000.- crédités sur le compte n° 2______, date valeur 17 septembre 2021. La fille de l’assurée, C______, a été titulaire d’une procuration générale datée du 22 octobre 2021 sur les deux comptes bancaires de l’assurée ; en date du 30 avril 2022, la procuration a été annulée.
B. a. Par décision du 10 janvier 2023, le service des prestations complémentaires (ci‑après : le SPC) a notifié de nouveaux plans de calcul faisant suite à la mise à jour du dossier. Il a réclamé à l’assurée le remboursement d’un montant de CHF 43'636.20.- concernant des prestations complémentaires fédérales et cantonales et des subsides pour l'assurance-maladie indûment perçus par l’assurée, pour la période allant du 1er août 2021 au 31 janvier 2023. Il était notamment tenu compte de biens dessaisis à hauteur de CHF 204’793.05, pour la période allant du 1er janvier 2022 au 31 janvier 2023, la diminution du patrimoine n’étant pas justifiée par une contre-prestation équivalente.
b. Le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) a procédé à l’audition de l’assurée ainsi que de son fils B______ et de Madame D______. La mandataire de l’assurée a exposé sa situation financière très précaire après que le SPC avait fait état d’un dessaisissement de montants qui n’avaient jamais appartenu à l’assurée. Le mandataire s’étonnait que le SPC considérât que l’argent appartenait à cette dernière dès lors qu’il était aisé de constater que les dépenses n’étaient pas de son fait et qu’elle avait souffert d’un AVC pendant cette période.
Le fils de l’assurée avait confirmé qu’il participait au paiement du loyer et que sa mère risquait une évacuation de son logement pour non-paiement du loyer. Il a également confirmé qu’il avait gagné un montant d’un million et qu’il avait viré la somme sur le compte de sa mère car il n’était pas titulaire d’un compte bancaire. Lorsqu’il s’était rendu au Cameroun, il avait constaté que d’autres personnes de sa famille étaient en possession de la « carte » de sa mère et avaient procédé à des retraits intempestifs et réguliers sur son compte bancaire, après quoi il ne restait plus rien à l’heure actuelle. B______ ajoutait qu’il était nettoyeur, employé de la société E______ et qu’il aidait sa mère pour ce qui était de l’administratif. L’assurée ajoutait qu’une de ses amis, F______, membre de son église, ainsi que sa petite-fille, G______, l’aidaient sur le plan administratif et pour ses paiements. D______ a exposé qu’elle rendait régulièrement visite à l’assurée afin de voir si elle avait besoin de son aide, notamment pour des paiements ; elle l’avait soutenue dans la demande de révision de son dossier auprès du SPC ainsi que pour une demande d’aide sociale. À la lecture de la décision du SPC, D______ considérait qu’il y avait une erreur puisqu’une fortune de CHF 230’000 avait été retenue alors que le compte bancaire de l’assurée était à zéro. Cette erreur ne lui permettait pas de prétendre à une aide sociale et devait être rectifiée.
c. Par courrier de son mandataire, du 16 février 2023, l’assurée s’est opposée à la décision du 10 janvier 2023. Elle a exposé que son fils avait remporté un gain de CHF 1'000'000.- en août 2021 alors même qu’il venait de recevoir une décision de refus de permis de séjour et était lourdement endetté. Dans l’impossibilité d’être titulaire d’un compte bancaire, il avait effectué des versements en faveur des comptes bancaires de l’assurée ouverts auprès de la BCGE en attendant que sa situation migratoire s’éclaircisse, étant rappelé que les fonds en question lui appartenaient entièrement. Entre le mois d’août 2021 et le mois de décembre 2022, des sommes importantes avaient été versées puis retirées depuis les deux comptes, alors même que l’assurée n’était pas l’ayant droit économique ou la bénéficiaire des versements et des retraits, dont elle ignorait qui étaient les donneurs d’ordres et/ou les bénéficiaires. Il était encore précisé que le fils avait inscrit comme motif du dépôt du montant de CHF 405'000.- le terme de « donation » car il pensait que ce terme était nécessaire pour déposer de l’argent sur les comptes de sa mère, mais en réalité les sommes versées n’étaient pas des donations en faveur de l’assurée.
d. Une nouvelle audience s’est déroulée devant le TPAE, en date du 17 mai 2023, lors de laquelle la mandataire de l’assurée a indiqué que le dossier était toujours dans les mains du SPC, qui n’avait pas pris de décision et qui avait déjà averti qu’il bénéficiait d’un délai jusqu’en novembre 2023 pour se prononcer ; l’assurée avait bénéficié de bons Migros et d’une attestation pour se rendre au colis du cœur où elle recevait chaque semaine un colis afin d’assurer sa subsistance. Le fils de l’assurée a exposé qu’il travaillait dans le nettoyage à raison de quatre heures par jour et percevait CHF 21.- / heure bruts. S’agissant du million gagné à la loterie, il avait été partagé au sein de la famille au Cameroun et le fils n’avait personnellement pas les moyens de soutenir financièrement sa maman, hormis les participations ponctuelles. La mise en place d’une curatelle était demandée. Par ordonnance du 17 mai 2023, le TPAE a placé l’assurée sous curatelle de représentation, et a désigné en qualité de curateurs deux employés du service de protection de l’adulte, soit Madame H______ et Monsieur I______ (ci-après : le curateur), chacun d’entre eux disposant des pleins pouvoirs de représentation.
e. Par décision sur opposition du 14 juin 2023, le SPC a partiellement admis l’opposition du 16 février 2023. Il a exposé qu’il avait calculé que l’assurée avait reçu un montant global de CHF 535'000.- de son fils B______ en 2021, élément qui avait justifié la révision du dossier et les nouveaux calculs prenant en compte l’argent reçu. En l’absence de preuve concernant l’utilisation des avoirs mobiliers donnés par le fils, le SPC avait considéré que l’assurée s’était dessaisi d’un montant de CHF 204’793.05 durant l’année 2022, ce qui avait entraîné une diminution des prestations pouvant être accordées à partir du 1er août 2021, d’où la demande de restitution du montant de CHF 43’636.20 représentant les prestations complémentaires et les subsides d’assurance-maladie versés en trop durant la période concernée. Il indiquait qu’après avoir effectué un nouvel examen détaillé des comptes bancaires et compte tenu de la situation particulière, il retenait, à titre de biens dessaisis, les montants suivants :
Date | Type d’opération | Montant |
31. 03. 2022 | Ordre de paiement en faveur de M. J______ | 30'000.- |
19. 04. 2022 | Ordre de paiement en faveur de M. J______ | 20'000.- |
| Total en 2022 : | 50'000.- |
11. 10. 2021 | Retrait | 5'000.- |
22. 11. 2021 | Retrait | 10'000.- |
22. 11. 2021 | Ordre de paiement en faveur de M. J______ | 80'000.- |
22. 11. 2021 | Ordre de paiement en faveur de Mme K______ | 40'000.- |
22. 11. 2021 | Ordre de paiement en faveur de M. L______ | 30'000.- |
23. 12. 2021 | Sortie de fonds | 10'000.- |
24. 12. 2021 | Ordre de paiement en faveur de Mme M______ | 20'000.- |
29. 12. 2021 | Retrait | 10'000.- |
| Total en 2021 : | 205'000.- |
Le SPC avait, notamment, tenu compte du fait que, suite à l’hospitalisation de l’assurée, les prélèvements et achats n’avaient, selon toute vraisemblance, ni été opérés par l’assurée ni effectués à son profit (très nombreux prélèvements dans le quartier de la Servette, émission d’une nouvelle carte bancaire et achats en ligne).
Après avoir refait les calculs, la demande de restitution était ramenée à CHF 40’036.80, étant précisé qu’à partir du 1er novembre 2022, l’assurée bénéficiait à nouveau des subsides de l’assurance-maladie.
C. a. Par acte de la mandataire désignée par le curateur et posté en date du 17 août 2023, l’assurée a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision sur opposition du 14 juin 2023 et a conclu à son annulation, sous suite de frais et dépens. Reprenant les arguments déjà exposés au stade de l’opposition, l’assurée a répété qu’elle n’était pas la bénéficiaire des montants qui avaient été transférés par son fils, sur ses comptes bancaires, et que tous les transferts ou retraits qu’ils avaient financés ne devaient pas être considérés comme des dessaisissements, car ils avaient été effectués par son fils ainsi que par les frères, sœurs et cousins de ce dernier, à l’insu de la recourante.
b. Par réponse du 18 septembre 2023, le SPC a exposé qu’il souhaitait obtenir des explications supplémentaires de la part de la recourante et de sa famille pour lui permettre de se déterminer sur les arguments de la recourante ; il voulait notamment savoir pour quelle raison le fils avait explicitement indiqué qu’il s’agissait d’une donation en faveur de sa mère lorsqu’il avait ordonné le versement, en faveur de cette dernière, du montant de CHF 405'000.-.
c. Par réplique de sa mandataire du 13 novembre 2023, l’assurée a transmis une attestation signée, respectivement par B______ et C______, avec copie du document de légitimation permettant de reconnaître les signatures. Les enfants de la recourante ont confirmé que le montant total de CHF 504'000.- qui avait été versé sur les deux comptes bancaires de la recourante n’était pas destiné à cette dernière, mais avait été ensuite partagé entre les personnes suivantes : J______, C______, L______, M______ et N______.
d. Par duplique du 7 décembre 2023, le SPC a considéré que le contenu de l’attestation n’amenait pas de nouveaux éclaircissements, si bien que le SPC maintenait les termes de sa décision sur opposition et proposait le rejet du recours.
e. La chambre de céans a demandé à la mandataire de l’assurée, par courrier du 13 décembre 2023, les coordonnées, notamment, de C______ afin de la convoquer comme témoin ; par courrier du 18 décembre 2023, la mandataire a répondu que, selon les informations données par le curateur de sa mandante, sa fille C______ était actuellement au Cameroun, pour des vacances, sans qu’aucune date de retour ne soit communiquée.
f. Par courrier du 19 décembre 2023, la chambre de céans a appointé une audience de comparution personnelle et d’enquêtes, en date du 18 janvier 2024.
g. Lors de l’audience du 18 janvier 2024, l’assurée a expliqué qu’elle avait subi un AVC et avait quelques difficultés à s’exprimer, raison pour laquelle son avocate allait s’exprimer à sa place. Elle a néanmoins confirmé que son fils avait gagné à la loterie, ce dont il l’avait tout de suite informée, et que cela correspondait au jour où il devait quitter la Suisse, suite à son expulsion. Elle considérait que le gain à la loterie était un acte de Dieu, qui avait permis à son fils de revenir en Suisse après son expulsion. S’agissant de l’argent déposé sur son compte, elle exposait qu’elle n’en savait rien et que c’étaient ses enfants qui décidaient de ce qu’ils faisaient de cet argent et des montants qu’ils allaient se partager entre frères et sœurs. Sa fille C______, qui était partie au Cameroun, avait une procuration sur ses comptes bancaires à la BCGE. La mandataire de l’assurée s’est engagée à transmettre les documents d’ouverture des comptes de la BCGE à la chambre de céans, sous quinzaine.
Entendu à titre de renseignements, le fils B______ a exposé que lorsqu’il avait gagné à la loterie, il avait recherché une banque pour ouvrir un compte, mais comme son statut en Suisse était précaire, aucune banque n’était disposée à l’accepter comme client. Il n’y avait que la banque CRÉDIT AGRICOLE (SUISSE) SA (ci-après : CA) qui avait accepté d’ouvrir un compte, pour autant que la gestion des fonds lui soit confiée, raison pour laquelle le montant du gain avait été versé sur ce compte par la loterie. Informé par le fils que ce dernier comptait utiliser cet argent pour effectuer des transferts, le CA lui avait expliqué que le compte devait être utilisé pour la gestion et non pas pour des virements, de telle sorte que le fils avait procédé à la clôture du compte ouvert auprès de CA, d’une part, à travers le débit d’un montant de CHF 535’000.- sur les comptes bancaires de sa mère, et d’autre part, par un retrait de CHF 465'000.- qu’il avait dépensés, avant de partir au Cameroun, en s’achetant des habits de marque ainsi qu’une voiture de marque qu’il avait fait envoyer au Cameroun. Il avait informé sa mère qu’une partie du gain avait été déposée sur son compte, en vue du partage avec les membres de la famille, ce qui devait se faire lors de deux réunions, une première réunion à Genève, ainsi qu’une deuxième réunion au Cameroun, avec les membres de la famille restés au pays. Il confirmait que le gain de la loterie avait uniquement été déposé sur les comptes de sa mère en attendant d’être partagé avec les autres membres de la famille. Il n’avait pas l’intention de donner de l’argent à sa mère, qui « gagnait » déjà de l’argent en Suisse, alors que la situation était pire au Cameroun pour les autres membres de la famille, raison pour laquelle ceux-ci devaient bénéficier de cet argent. Comme il avait dû partir rapidement au Cameroun, il n’avait pas pu partager les fonds à Genève, mais il savait que sa sœur C______ avait la signature sur le compte de sa mère ainsi que, peut-être, d’autres membres de la famille. Lui-même n’avait aucune procuration sur le compte bancaire de sa mère et n’avait donné aucune instruction à cette dernière en vue de réaliser un partage. Il confirmait avoir quitté Genève en novembre 2021 et qu’une fois arrivé au Cameroun, il avait constaté que sa sœur C______ et d’autres membres de sa famille s’étaient chargés de partager l’argent qu’il avait déposé sur les comptes de sa mère. Il confirmait que sa sœur C______ se trouvait toujours au Cameroun.
h. La chambre de céans a demandé au curateur de confirmer son accord pour la production par la banque de la documentation bancaire et des relevés de comptes. Après avoir reçu l’accord de ce dernier, elle a requis les informations bancaires par ordre de dépôt du 6 mai 2024 et relance du 27 mai 2024. La documentation bancaire complète ainsi que les relevés ont été reçus en date du 31 mai 2024 et envoyés, le jour même, en copie aux parties, qui n’ont pas réagi.
i. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
j. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 14 octobre 1965 (LPFC - J 4 20).
2. Le litige porte sur la restitution des prestations complémentaires, des subsides d’assurance-maladie et des frais médicaux versés à la recourante pendant la période allant du 1er août 2021 au 1er juin 2023, en particulier sur le point de savoir si c’est à juste titre que l’intimé a considéré que cette dernière s’était dessaisie d’un montant de CHF 205'000.- entre le 29 décembre 2021 et le 31 mars 2022.
3. Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).
3.1 La modification du 22 mars 2019 de la LPC est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (Réforme des PC, FF 2016 7249 ; RO 2020 585).
Conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de ladite modification, l’ancien droit reste applicable trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.
Comme on le verra, plus particulièrement, infra sous ch. 6.6, l’application de l’ancien droit est plus favorable à la recourante, de telle sorte que les dispositions citées sont celles du droit applicable jusqu’au 31 décembre 2020.
3.2 Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 aLPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants, conformément à l'art. 4 al. 1 let. a aLPC.
Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 aLPC). L’art. 9 al. 1er aLPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Les revenus déterminants comprennent notamment les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g aLPC).
Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 aLPCC).
4.
4.1 Il y a dessaisissement lorsque la personne concernée a renoncé à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique et sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente, ces deux conditions étant alternatives (ATF 140 V 267 consid. 2.2 et les références ; 134 I 65 consid. 3.2 et les références ; 131 V 329 consid. 4.2 et les références).
Pour vérifier s'il y a contre-prestation équivalente et pour fixer la valeur d'un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1). Il y a également dessaisissement lorsque le bénéficiaire a droit à certains éléments de revenu ou de fortune mais n'en fait pas usage ou s'abstient de faire valoir ses prétentions, ou encore lorsqu'il renonce à exercer une activité lucrative possible pour des raisons dont il est seul responsable (ATF 140 V 267 consid. 2.2 et les références).
Pour qu'un dessaisissement de fortune puisse être pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires, la jurisprudence soumet cet acte à la condition qu'il ait été fait « sans obligation juridique », respectivement « sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente ». Les deux conditions précitées ne sont pas cumulatives, mais alternatives. La question de savoir si la renonciation à un élément de fortune en accomplissement d'un devoir moral constitue un dessaisissement de fortune au sens de l'art. 3c al. 1 let. g aLPC a été laissée ouverte (ATF 131 V 329 consid. 4.2 à 4.4).
Il y a lieu de prendre en compte dans le revenu déterminant tout dessaisissement sans limite de temps (Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002, p. 420). Ainsi, la date à laquelle le dessaisissement a été accompli n'a, en principe, aucune importance (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_667/2021 du 17 mai 2022 consid. 3.3 et les références).
Le Tribunal fédéral a précisé qu’un usage normal de la fortune - en l’occurrence CHF 14’490.- en une année pour des dépenses d’habillement, de loisirs et d’ameublement - n’était pas concerné par la question du dessaisissement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_945/2011 du 11 juillet 2012 consid. 6.3). A fortiori, une utilisation du patrimoine afin de couvrir les besoins vitaux ne saurait être considérée comme un dessaisissement (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, ch. 98 ad art. 11 aLPC et les références). Par ailleurs, le Tribunal fédéral a également considéré qu’il n'y avait pas dessaisissement dans le cas d'une assurée ayant épuisé sa fortune après avoir vécu dans un certain luxe (ATF 115 V 352 consid. 5b). L'existence d'un dessaisissement de fortune ne peut être admise que si l'assuré renonce à des biens sans obligation légale ni contre-prestation adéquate. Lorsque cette condition n'est pas réalisée, la jurisprudence considère qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'une fortune (hypothétique) dans le calcul de la prestation complémentaire, même si l'assuré a pu vivre au-dessus de ses moyens avant de requérir une telle prestation (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_50/2022 du 17 mai 2022 consid. 3.1 et les références). En effet, il n'appartient pas aux organes compétents en matière de prestations complémentaires de procéder à un contrôle du mode de vie des assurés (cf. ATF 146 V 306 consid. 2.3.1 et les références), ni d'examiner si l'intéressé s'est écarté d'une ligne que l'on pourrait qualifier de « normale » et qu'il faudrait au demeurant préciser. Il convient bien plutôt de se fonder sur les circonstances concrètes, à savoir le fait que l'assuré ne dispose pas des moyens nécessaires pour subvenir à ses besoins vitaux, et - sous réserve des restrictions découlant de l'art. 3c al. 1 let. g aLPC - de ne pas se préoccuper des raisons de cette situation (VSI 1994 p. 225 s. consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.1).
4.2 Le dessaisissement suppose que l’assuré ait la capacité de discernement s’agissant de la diminution de sa fortune (arrêt du Tribunal fédéral 9C_934/2009 du 28 avril 2010 consid. 5.1). Selon l’art. 16 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), toute personne qui n'est pas privée de la faculté d'agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d'ivresse ou d'autres causes semblables est capable de discernement au sens de la présente loi. Cette disposition comporte deux éléments, un élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'opportunité et les effets d'un acte déterminé, et un élément volontaire ou caractériel, la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2). La capacité de discernement est relative : elle ne doit pas être appréciée dans l'abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l'acte (arrêt du Tribunal fédéral 9C_209/2012 du 26 juin 2012 consid. 3.2). Une personne n'est privée de discernement au sens de la loi que si sa faculté d'agir raisonnablement est altérée, en partie du moins, par l'une des causes énumérées à l'art. 16 CC, dont la maladie mentale, la faiblesse d'esprit ou une autre altération de la pensée semblable, à savoir des états anormaux suffisamment graves pour avoir effectivement altéré la faculté d'agir raisonnablement dans le cas particulier et le secteur d'activité considérés. Par maladie mentale, il faut entendre des troubles psychiques durables et caractérisés qui ont sur le comportement extérieur de la personne atteinte des conséquences évidentes, qualitativement et profondément déconcertantes pour un profane averti (arrêt du Tribunal fédéral 4A_194/2009 du 16 juillet 2009 consid. 5.1.1). La faiblesse d'esprit décrirait un développement insuffisant de l'intelligence et de la force de jugement, dont résulteraient un manque de compréhension important - en particulier par rapport à de nouvelles tâches et des situations de vie inhabituelles - ainsi qu'une propension élevée à être influencé (Franz WERRO/ Irène SCHMIDLIN in Commentaire romand, Code civil I, 2010, n. 39 ad art. 16). La capacité de discernement est la règle ; elle est présumée d'après l'expérience générale de la vie. Partant, il incombe à celui qui prétend qu'elle fait défaut de le prouver. Une très grande vraisemblance excluant tout doute sérieux suffit, en particulier quand il s'agit d'une personne décédée, car la situation rend alors impossible une preuve absolue (ATF 117 II 231 consid. 2b). Lorsqu'une personne est atteinte de faiblesse d'esprit, en particulier due à l'âge, ou de maladie mentale, l'expérience générale de la vie amène à présumer le contraire, à savoir l'absence de discernement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_384/2012 du 13 septembre 2012 consid. 6.1.2).
Cependant, dans le cas d’espèce, cet aspect n’est pas déterminant car le SPC n’a pas tenu compte des dessaisissements intervenus pendant que l’assurée était hospitalisée et que sa capacité de discernement pouvait être questionnée.
5. Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).
6.
En l’espèce, la recourante allègue n’avoir aucunement été bénéficiaire des fonds déposés par son fils sur ses comptes bancaires et n’avoir pas procédé à un partage en faveur de ses enfants, ni s’être dessaisie de fonds qui, selon elle, ne lui appartenaient pas.
Le SPC de son côté estime que la recourante doit être considérée comme la bénéficiaire d’une partie des fonds qui ont été transférés sur ses comptes et que les virements et retraits opérés ultérieurement sont constitutifs de dessaisissements car l’assurée n’est pas arrivée à démontrer qu’une partie de ces fonds a été utilisée par d’autres membres de sa famille, sans qu’elle n’intervienne.
6.1 À teneur d’une lettre de sortie des soins aigus des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), l’assurée a été admise au service des urgences en date du 19 septembre 2021 pour une infection à la COVID-19 avec embolie pulmonaire, avant de retourner à son domicile le 1er octobre 2021. Elle a ensuite présenté des troubles neurologiques de type hémiplégique et en aphasie complète lorsqu’elle a été admise aux urgences des HUG, en date du 2 octobre 2021, soit le lendemain de sa sortie des soins aigus, puis a été transférée, le 12 octobre 2021, au service de neurologie. Après une neuro-rééducation qui s’est déroulée jusqu’au 9 février 2022, elle est retournée à son domicile à cette date, selon lettre de sortie de neuro-rééducation du 11 février 2022.
Il résulte de ces éléments que l’assurée a été hospitalisée du 19 septembre 2021 jusqu’au 9 février 2022.
Selon la lettre de transfert du « stroke center » des HUG du 22 octobre 2021, lors de son admission, l’assurée a été prise en charge, tout d’abord par les urgences, puis par la médecine interne, avant d’être transférée au service de neurologie car elle présentait des troubles neurologiques à type d’hémiplégie proportionnelle facio-brachio-crurale droite et une aphasie complète à son admission, le 2 octobre 2021. L’évolution a été marquée par la persistance de l’hémiplégie et de l’aphasie globale, entraînant une prise en charge logopédique intensive, dès son hospitalisation.
Selon la lettre de transfert du 24 janvier 2022, lors de son entrée, soit le 12 octobre 2021, l’assurée présentait une hémiplégie droite flasque ainsi qu’un syndrome pseudo bulbaire avec une production orale non intelligible et des troubles de la déglutition traités par sonde-nasale. Elle souffrait également de troubles phasiques, se manifestant par une anomie, ainsi que de troubles attentionnels exécutifs et mnésiques et était dépendante d’une aide pour la mobilisation et les activités de la vie quotidienne (ci-après : AVQ).
Selon la lettre de sortie de neuro-rééducation du 11 février 2022, lors de son admission en date du 31 janvier 2022 dans le service, l’assurée présentait des troubles phasiques se manifestant par une anomie ainsi que des troubles attentionnels exécutifs et mnésiques et était dépendante d’une aide pour la mobilisation et les AVQ.
Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans considère comme établi au degré de la vraisemblance prépondérante que, pendant son séjour aux HUG, l’assurée n’était pas en mesure d’effectuer des virements bancaires ou des retraits, pas plus qu’elle n’était en état de comprendre les implications de la signature de plusieurs formulaires A désignant les ayants droits économiques de divers montants.
6.2 L’assurée était titulaire de deux comptes bancaires ouverts dans les livres de la BCGE et qui ont été clôturés par la suite : un compte bancaire « privé » n° 2______, ouvert en date du 9 août 2006 et clôturé en date du 30 novembre 2021, ainsi qu’un compte « épargne » n° 1______.
6.3 L’avis de crédit du 17 septembre 2021 informe l’assurée que son compte privé 2______ a été crédité d’un montant de CHF 405'000.- par le donneur d’ordre B______ avec la référence « donation mère » via le compte bancaire IBAN n° 3______ ouvert dans les livres de CA.
Suite à l’entrée de fonds, le service compliance de la banque a demandé à la titulaire du compte d’indiquer le bénéficiaire économique de ce montant.
L’assurée a signé un formulaire A d’identification de l’ayant droit économique, daté du 22 octobre 2021, désignant L______ comme ayant droit économique pour un montant de CHF 46'750.- et elle-même pour un montant de CHF 238'250.-
Suite à des ordres de transfert multiples pour un montant de CHF 150'000.-, le service compliance a demandé à la titulaire d’indiquer les ayant droits économiques et cette dernière a signé plusieurs formulaires A, datés du 28 octobre 2021, indiquant comme ayant droits économiques : C______ à hauteur de CHF 40'000.-, J______, à hauteur de CHF 40'000.-, O______, à hauteur de CHF 40'000.- et L______, à hauteur de CHF 46'750.-.
L’assurée a également signé plusieurs bons de retrait du compte 2______, d’une signature tremblante et apparemment tracée avec difficultés.
Selon le texte qui figure sur lesdits bons de retrait, ils sont remis en main propre et peuvent être utilisés pendant la durée de validité. Ils permettent de procéder à un retrait depuis un automate, sans carte et sans authentification, pour autant que le solde disponible en compte au moment du retrait le permette. Il est mentionné qu’il ne faut pas le perdre car il équivaut à de l’argent liquide et pourrait être utilisé par une tierce personne sans authentification préalable. La banque décline toute responsabilité en cas d’utilisation du bon de retrait remis par une personne non autorisée, résultant par exemple de sa perte ou de son vol.
Il résulte de ce qui précède que le porteur du bon de retrait a la possibilité de retirer des fonds, sans qu’il s’agisse forcément de la titulaire du compte (l’assurée), ou de la requérante (la fille C______).
Date | Nom du requérant ou du signataire du bon de retrait | Montant |
10. 06. 2021 | C______ | 1’000.- |
24. 08 2021 | L’assurée | 18’000.- |
24. 08. 2021 | L’assurée | 5'000.- |
15. 11. 2021 | C______ | 1000.- |
23. 12. 2021 | L’assurée | 10’000.- |
11. 01. 2022 | L’assurée | 10'000.- |
26. 01. 2022 | C______ | 5’000.- |
31. 01 2022 | L’assurée | 10'000.- |
03. 02. 2022 | C______ | 6’000.- |
12. 02. 2022 | C______ | 10'000.- |
25. 02. 2022 | C______ | 20'000.- |
04. 03. 2022 | C______ | 5'000.- |
10. 03. 2022 | C______ | 20'000.- |
17. 03. 2022 | C______ | 10'000.- |
18. 03. 2022 | L’assurée | 10'000.- |
18. 03. 2022 | C______ | 15'000.- |
Il sied à présent d’examiner la période pendant laquelle l’assurée a été hospitalisée.
En raison de son hospitalisation, de mi-septembre 2021 jusqu’à mi-février 2022, l’assurée n’était pas en mesure de procéder à des retraits ou de se rendre à la banque.
6.4 Dès après que le compte n° 2______ a été crédité du montant de CHF 405’422.70, en date du 1er octobre 2021, on peut constater un grand nombre de retraits effectués par le biais de bancomats, soit environ CHF 24'000.- jusqu’à la fin du mois d’octobre 2021, puis environ CHF 21'000.- jusqu’à la fin du mois de novembre 2021, avec un transfert de plus de CHF 150'000.-, date valeur 22 novembre 2021, pour, respectivement, J______ (CHF 80'000.-), C______ (40'000.-) et L______ (CHF 30'000.-), étant rappelé qu’à cette date, l’assurée était toujours hospitalisée.
Au mois de décembre 2021, c’est plus de CHF 37'000.- qui ont été prélevés du compte bancaire de l’assurée, via les bancomats, avec de surcroît un ordre de paiement de CHF 20'005.-, date valeur 24 décembre 2021, en faveur de P______
Au mois de janvier 2022, c’est un total de CHF 25'000.- qui est prélevé du compte, suivi, au mois de février 2022, d’un prélèvement de CHF 6’000.- avant que l’assurée ne sorte de l’hôpital et retourne à son domicile, le 12 février 2022. CHF 30'000.- seront encore retirés du compte, puis CHF 60'000.- au mois de mars 2022. Au 30 mars 2022, le solde du compte s’élève à CHF 26'867.-, alors qu’il était de CHF 405'000.- au 1er octobre 2021.
6.5 S’agissant du compte épargne 1______, il présente un solde positif de CHF 15.20 en date du 10 août 2021, juste avant la réception du crédit de CHF 130'000.- dont le donneur d’ordre est B______. Le formulaire A signé le 22 octobre 2021 désigne l’assurée comme ayant droit économique de l’entrée de fonds de CHF 130’000.-. Avant la fin du mois d’août, des retraits à hauteur de CHF 28'000.- sont effectués ; au mois de septembre 2021, c’est CHF 12'000.- qui sont retirés. Un ordre de paiement de CHF 30'010.-, en faveur de Q______, est exécuté, date valeur 19 avril 2022, puis c’est CHF 20'000.- qui sont retirés auprès de bancomats, jusqu’à la fin du mois de mai 2022. Les retraits par le truchement des bancomats se poursuivent en juin et en juillet 2022 jusqu’au 22 août 2022, date à laquelle le solde du compte se retrouve à CHF 1.65.
Les très nombreux retraits effectués, notamment, pendant la période lors de laquelle l’assurée, titulaire du compte, était hospitalisée, renforcent les allégations de B______ et C______ selon lesquelles ce sont eux qui ont procédé à ces retraits ainsi qu’aux virements, comme cela résulte, par ailleurs, de l’attestation signée par B______ en date du 17 février 2023 et de l’attestation signée par B______ et C______, en date du 11 novembre 2023.
Il est ainsi vraisemblable que c’est la fille de l’assurée, C______, qui lui a fait signer les différents documents bancaires concernant, aussi bien l’identification des ayant droits économiques (les formulaires A sont tous datés du mois d’octobre 2021 alors que l’assurée était hospitalisée) que les bons de retrait, pour la période allant du 15 novembre 2021, jusqu’au 12 février 2022.
S’y ajoute le fait que, selon les rapports médicaux fournis par les différents services qui ont traité l’assurée au sein des HUG, on peut raisonnablement considérer que cette dernière n’avait probablement pas la capacité de comprendre la portée des documents qu’on lui faisait signer.
Lors de son audition, la recourante a montré de grandes difficultés à s’exprimer et à se concentrer, préférant laisser la parole à son avocate.
L’audition de son fils B______ a donné l’impression d’une personne qui n’avait pas l’habitude de posséder et de gérer de l’argent et qui avait utilisé le compte bancaire de sa mère à des fins purement administratives, sans penser aux conséquences de ces transferts sur les prestations complémentaires de sa mère et sans jamais avoir eu l’intention de lui donner de l’argent, dépensant lui-même près de la moitié des gains de loterie en produits de marque, pendant un très court laps de temps, après quoi il s’est retrouvé sans le sou et obligé d’exercer une activité très mal rémunérée dans le domaine du nettoyage.
En dépit de la référence qu’il a donnée lors du virement du montant de CHF 405'000.- « donation mère », on ne peut pas attacher, comme semble l’avoir fait le SPC, à la simple utilisation de ce terme la présomption qu’il s’agissait d’une véritable donation, alors même qu’il n’existait pas de cause de donation, que la titulaire du compte n’a jamais manifesté qu’elle acceptait cette donation et que, de toute évidence, le prétendu produit de la donation a été retiré et/ou a fait l’objet de virements, à une fréquence très élevée, pour disparaître en moins d’une année.
En ce qui concerne les virements, la procuration octroyée en faveur d’C______ et signée par l’assurée, alors que cette dernière était hospitalisée, a permis à sa fille de disposer à sa guise des gains de la loterie, déposés sur les comptes de sa mère, comme cela ressort des nombreux retraits, virements et achats effectués par le débit des comptes bancaires.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la chambre de céans constate que l’assurée a été hospitalisée pendant une période où les retraits et les virements de ses comptes bancaires étaient fréquents alors qu’C______ était titulaire d’une procuration lui permettant de disposer à sa guise des fonds déposés sur les comptes bancaires de l’assurée.
S’ajoutent à cela les difficultés financières de l’assurée, qui a dû s’adresser à l’Hospice général et a couru le risque d’être expulsée de son logement pour non-paiement du loyer. Or, comme elle l’a répété devant le TPAE, elle ne voulait pas être transférée dans un EMS et on peut sérieusement douter qu’elle se soit exposée volontairement à une expulsion de son logement, en se dessaisissant volontairement de sa fortune.
Partant, la chambre de céans considère, sur la base des pièces du dossier, des pièces bancaires, des pièces médicales, de la mise sous curatelle de l’assurée, ainsi que des déclarations en audience, qu’il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante que l’assurée n’a jamais été bénéficiaire économique des montants qui ont été versés sur ses comptes bancaires par son fils B______ et que lesdits fonds ont été utilisés principalement par B______ et C______, ainsi que par les membres de la famille domiciliés au Cameroun.
6.6 À titre superfétatoire, la chambre de céans ajoute que, si l’on devait sortir de la période retenue par le SPC, soit celle allant du 29 décembre 2021 au 31 mars 2022, pour examiner d’éventuels dessaisissements antérieurs, on pourrait prendre en compte les montants qui ont été retirés des comptes bancaires après le premier crédit de CHF 130'000.- intervenu, date valeur 23 août 2021, mais avant l’hospitalisation de l’assurée (19 septembre 2021) et l’octroi d’une procuration à sa fille C______ (22 octobre 2021).
Deux bons de retrait ont été signés par l’assurée, respectivement à hauteur de CHF 18'000.- et de CHF 5'000.-, date valeur 24 août 2021, soit au total CHF 23'000.- dont l’assurée peut avoir librement disposé avant d’être hospitalisée et sans qu’une contrepartie ne puisse être établie.
Suite à la modification du 22 mars 2019 de la LPC entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (Réforme des PC, FF 2016 7249 ; RO 2020 585), le nouvel art. 11a al. 3 LPC prévoit qu’un dessaisissement de fortune est également pris en compte si, à partir de la naissance d’un droit à une rente de survivant de l’AVS ou à une rente de l’AI, plus de 10% de la fortune est dépensée par année sans qu’un motif important ne le justifie. Si la fortune est inférieure ou égale à 100'000 francs, la limite est de 10'000 francs par année. Le Conseil fédéral règle les modalités ; il définit en particulier la notion de « motif important ».
Néanmoins, conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de ladite modification, l’ancien droit reste applicable trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.
Dans le cas d’espèce, il se justifie d’appliquer à la recourante l’ancien droit qui lui est plus favorable, dès lors qu’il ne prévoit pas une limite de consommation de CHF 10'000.- par année.
En application de l’ancien droit et compte tenu d’une franchise sur la fortune de CHF 37'500.-, aussi bien pour les prestations complémentaires fédérales que cantonales, le montant de CHF 23'000.-, même s’il devait être pris en compte dans la fortune comme s’il n’y avait pas eu de dessaisissement, serait de toute façon inférieur à la franchise sur la fortune pour l’année 2021 et n’aurait donc pas d’impact sur le calcul des prestations complémentaires.
7.
7.1 La décision sur opposition du 14 juin 2023 sera donc annulée et la cause renvoyée au SPC pour nouvelle décision, au sens des considérants.
Au vu de la situation financière précaire de l’assurée, la chambre de céans invite le SPC à traiter rapidement la cause afin de rétablir le paiement des prestations.
7.2 La recourante, assistée par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant gain de cause, a ainsi droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 2'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10] ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - RS E 5 10.03]).
7.3 Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet.
3. Annule la décision sur opposition de l’intimé du 14 juin 2023.
4. Renvoie la cause à l’intimé, pour nouvelle décision au sens des considérants.
5. Alloue à la recourante, à la charge de l’intimé, une indemnité de CHF 2'500.- à titre de frais et dépens.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Véronique SERAIN |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le