Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/490/2024 du 24.06.2024 ( CHOMAG ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/3626/2023 ATAS/490/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 24 juin 2024 Chambre 6 |
En la cause
A______ représentée par Association de défense des chômeur-se-s, mandataire
| recourante |
contre
CAISSE DE CHÔMAGE SYNDICOM
|
intimée |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1992, s’est inscrite à l’office régional de l’emploi (ci-après : ORP) le 30 juin 2023.
b. Elle a requis auprès de la Caisse de chômage syndicom (ci-après : la caisse) une indemnité journalière depuis le 1er juillet 2023, en mentionnant un emploi du 25 avril 2016 au 30 juin 2023 auprès de B______ (ci‑après : l’employeuse ou B______) et une résiliation par celle-ci du contrat de travail le 31 mai 2023 pour le 30 juin 2023. L’assurée et son employeuse ont signé le 31 mai 2023 un document intitulé « résiliation du contrat de travail, Mutual agreement to Terminate the Employment Relationship », lequel prévoyait la fin des rapports de travail, d’un commun accord, pour le 30 juin 2023.
c. L’assurée a accouché le 9 octobre 2022.
B. a. Elle a transmis à la caisse des certificats médicaux, attestant d’une incapacité de travail totale du 25 janvier au 30 juin 2023 et a indiqué un empêchement de travailler durant cette période pour maladie (suite grossesse / congé maternité).
b. L’attestation de l’employeuse du 11 juillet 2023 mentionne une résiliation d’un commun accord le 31 mai 2023 pour le 30 juin 2023 et un dernier jour de travail effectué le 1er mars 2023.
c. À la demande de la caisse, l’employeuse, par l’entremise de C______ (ci-après : C______), a indiqué que c’était l’assurée qui était à l’origine de la demande de mettre fin aux rapports de service, que le congé lui aurait quand même été signifié en juillet 2023, même si l’assurée n’avait pas résilié son contrat, en raison d’une restructuration de l’équipe et une réduction de personnel et que le poste de l’assurée n’avait pas été repourvu.
d. Le 17 août 2023, la docteure D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a attesté que l’assurée avait dû cesser son travail en raison de problèmes psychiques.
e. Par courriel du 22 août 2023, l’assurée a indiqué que lors d’un entretien téléphonique du 29 mai 2023 avec son employeuse, on lui avait affirmé qu’un retour au travail à un taux de 50% n’était pas possible et que la solution la plus convenable était un licenciement à l’amiable de leur part.
f. Par courriel du 23 août 2023, C______ a indiqué que l’assurée avait proposé à l’employeuse de reprendre une activité à 50%, ce qui n’avait pas été accepté.
g. Par décision du 1er septembre 2023, la caisse a suspendu le droit à l’indemnité de l’assurée pour une durée de 45 jours, au motif que celle-ci avait résilié son contrat de travail le 31 mai 2023, sans être assurée d’un autre emploi. Le certificat médical de la Dre D______ du 17 août 2023 ne permettait pas d’établir que la poursuite des rapports de travail n’était pas exigible pour des raisons de santé. Par ailleurs, l’assurée n’avait pas respecté le délai de congé de trois mois, ce qui aurait repoussé le chômage au 1er septembre 2023, de sorte qu’elle avait provoqué prématurément son chômage.
h. Le 27 septembre 2023, l’assurée a fait opposition à la décision précitée, en faisant valoir qu’elle n’avait pas pu reprendre son travail après son congé maternité, pour des raisons de santé, et que son employeuse avait refusé qu’elle recommence son travail à un taux de 50% ; on ne pouvait pas attendre de sa part qu’elle poursuive les rapports de travail. L’employeuse avait profité de sa détresse pour lui faire signer une résiliation d’un commun accord.
i. Par décision du 5 octobre 2023, la caisse a rejeté l’opposition, en relevant qu’il n’y avait pas de raison d’initier la résiliation du contrat de travail avant le 30 juin 2023, dès lors que l’assurée était en incapacité de travail totale jusqu’à cette date.
C. a. Le 6 novembre 2023, l’assurée a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en concluant à son annulation. Elle avait subi les maltraitances d’une collègue alors qu’elle était enceinte, puis avait présenté, après son accouchement, des fragilités psychiques importantes ; elle avait signé sa résiliation du contrat de travail sans comprendre le sens du « commun accord » et en pensant qu’il s’agissait d’une résiliation de l’employeuse.
b. Le 30 novembre 2023, l’office régional de placement (ORP) a annulé le dossier de l’assurée, au motif d’un début de travail au 1er décembre 2023.
c. Le 4 décembre 2023, la caisse a indiqué qu’elle n’avait pas d’autres éléments à ajouter et qu’elle s’en remettait à justice.
d. Le 21 décembre 2023, l’assurée a communiqué une attestation d’une juriste de l’association de défense des chômeur-se-s, selon laquelle l’assurée se prévalait d’une invalidation de l’accord de résiliation, en relevant qu’une action par-devant le Tribunal de prud’hommes n’était pas dénuée de chances de succès.
e. Le 10 janvier 2024, la caisse a maintenu sa position et s’en est remise à justice.
f. Le 5 février 2024, une audition de comparution personnelle des parties s'est tenue.
L'assurée a déclaré avoir été en arrêt maladie après son congé maternité jusqu'au 30 juin 2023. Durant son arrêt maladie, elle tenait au courant son employeuse de son suivi médical et lui transmettait les certificats d'arrêt de travail. Elle avait un suivi auprès d'un psychologue puis d'un psychiatre et des examens aux HUG.
Le 28 ou le 29 mai [2023], l'employeuse l'avait contactée pour lui dire que la BALOISE cessait les indemnités journalières maladie et qu'ils arrêteraient de la payer. Elle avait répondu qu'elle voulait retravailler. Elle leur avait proposé de reprendre le travail le 1er juillet 2023 comme elle en avait discuté avec sa psychiatre. Son employeuse l'avait rappelée le lendemain pour lui dire que cela n'était pas possible, c'était 100% ou rien. Il lui avait alors été proposé de signer un accord mutuel de départ.
Elle lui avait fait savoir qu'elle ne voulait pas démissionner et il lui avait été répondu que le seul moyen si elle voulait toucher le chômage était de signer cet accord. Elle savait qu'elle avait un délai de résiliation de trois mois, mais il lui avait été dit que ce délai n'entrait pas en ligne de compte dans le cadre de cet accord et comme elle était à la maison, un délai d'un mois était appliqué.
À cette période-là, elle était confuse, elle s'était sentie prise au piège car l'employeuse lui avait dit qu'elle arrêterait de payer son salaire et que le seul moyen de toucher le chômage était de signer cet accord. Elle avait reçu les documents par mail et avait 24 heures pour les signer.
Elle ignorait pourquoi l'employeuse avait indiqué le dernier jour travaillé comme le 1er mars 2023. Elle était en arrêt toute sa grossesse depuis le 2 mars 2022.
Elle a ajouté que C______ était la fiduciaire de l'employeuse.
Elle avait retrouvé du travail à 80% qu'elle avait ensuite augmenté à 100%. Elle avait demandé un 80% car elle devait s'occuper de son enfant.
La représentante de l'assurée a affirmé qu'une action devant le Tribunal des prud'hommes en annulation de l'accord faute de consentement allait être déposée. Le paiement des salaires serait en tout cas demandé pendant le délai de congé, les conclusions n'étaient pas encore totalement arrêtées.
Le représentant de la caisse a, pour sa part, exposé que la résiliation d'un commun accord était considérée comme une démission. Si l'employeuse avait résilié le contrat en juillet, le chômage serait intervenu au plus tôt en novembre 2023. Par ailleurs, la psychiatre ne disait pas que l'assurée devait quitter son emploi.
La caisse prenait en compte le fait que l'employeuse aurait de toute manière licencié son employée, dans l'appréciation de la faute. Cependant en l'espèce, le délai de résiliation n'avait pas été respecté. La suspension minium de 31 jours avait été appliquée à laquelle avaient été rajoutés 7 jours par mois non respecté.
Il remarquait que l'assurée avait dit qu'elle avait souhaité débuter son emploi à 80% alors qu'elle était inscrite à 100% au chômage.
La caisse persistait dans sa position car l'employeuse avait confirmé qu'il s'agissait d'une démission et qu'un tel accord était considéré comme une démission.
La représentante de l'assurée a relevé que la Dre D______ précisait que l'assurée pouvait reprendre son travail auprès de tout employeur autre que B______ et qu'elle n'était donc pas en capacité de travail auprès de son ancienne employeuse. Par ailleurs, l'incidence de la cessation des indemnités journalières de la BALOISE n'avait pas été prise en compte par la caisse. L'assurée se retrouvait sans salaire et toujours en incapacité de travail. Le taux de 80% exercé depuis septembre 2023 n'avait pas d'incidence sur la cause.
Seule était litigieuse la question du chômage fautif ou non. Or, elle contestait la démission d'un commun accord. Par ailleurs, il n'y avait pas eu de renonciation à une prestation en faveur de l'employeuse. Seul le degré de la faute devait être évalué et dans ce cadre, le non-respect du délai de congé n'était pas un critère.
Elle transmettrait à la chambre de céans une copie de la demande déposée aux prud'hommes.
Le représentant de la caisse a indiqué avoir tenu compte de la cessation des indemnités journalières maladie car l'employeuse ne pouvait pas cesser le salaire du jour au lendemain et devait le payer durant le délai de résiliation.
La tabelle du bulletin LACI prenait en compte les mois qui étaient mis à la charge de l'assurance-chômage.
Il relevait que dans la demande d'indemnité, il n'y avait pas mention d'une action aux prud'hommes, de sorte que l'art. 29 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0) n'avait pas été appliqué. Si une telle action était déposée, cela ne changerait pas la position de la caisse, étant relevé que l'assurée devrait rembourser les salaires récupérés à la caisse.
L'assurée a ajouté avoir retrouvé une capacité de travail à 100% dès le mois de juillet 2023 auprès de tout autre employeur que B______.
g. Dans ses observations du 14 février 2024, l'assurée a persisté dans ses conclusions.
Elle a relevé que dans la mesure où les parties avaient des positions divergentes sur la fin des rapports de travail, la caisse ne pouvait pas se limiter à retenir la version de l'employeuse.
Quand bien même le document du 31 mai 2023 à l'origine de la résiliation des rapports contractuels faisait mention d'un « commun accord », il convenait de rechercher la volonté réelle des parties. À cet égard, l'assurée n'avait pas cessé d'affirmer qu'elle n'avait jamais voulu mettre un terme à son contrat de travail. Elle avait demandé une reprise à 50% que l'employeuse avait refusée. Dans ces circonstances, on ne pouvait pas admettre une résiliation conventionnelle, et elle ne pouvait pas être tenue pour responsable de son licenciement, puisque rien dans son comportement n'avait pu motiver la fin de son contrat de travail. Elle en a tiré la conclusion qu'aucune sanction ne se justifiait, d'autant qu'elle n'avait pas de connaissances juridiques sur le droit du travail et que, lors de son inscription au chômage, la caisse ne lui avait demandé ni d'offrir ses services à son ancienne employeuse ni d'agir contre elle.
Elle a versé au dossier une copie de sa requête de conciliation au Tribunal des prud'hommes à l'encontre de son ex-employeuse.
h. Dans sa détermination du 6 mars 2024, la caisse a maintenu sa position et s'en est remise à justice.
Elle a répété que la résiliation du contrat de travail d'un commun accord était considérée comme une résiliation de l'assurée. Dans ce cas, l'employeuse n'avait pas laissé à celle-ci le choix entre une démission ou un licenciement. La résiliation du rapport de travail ne venait pas de l'employeuse. Cette dernière avait confirmé que l'assurée était à l'origine de la demande de mettre fin aux rapports de service. La caisse avait du reste respecté le droit d'être entendue de l'assurée, en l'invitant à faire remplir par son médecin le formulaire « Certificat médical en cas de dissolution des rapports de travail pour des raisons médicales ». Ce document complété par la psychiatre ne mentionnait pas clairement que les rapports de travail ne pouvaient pas être maintenus pour des raisons de santé. De toute manière, même un certificat médical probant n'autorisait pas l'assurée à résilier son contrat de travail sans respecter les délais de résiliation ordinaires.
L'assurée avait demandé à son ex-employeuse de reprendre à 50% seulement. Or, le certificat médical du 5 juin 2023 attestait d'une reprise à 100% dès le 1er juillet 2023. Lors de l'audience, l'assurée avait déclaré avoir sollicité un 80% auprès de son nouvel employeur en gain intermédiaire pour pouvoir s'occuper de son enfant, ce tout en étant inscrite au chômage à 100%. Il s'agissait là d'indices de la volonté de diminuer le taux d'activité et de mettre un terme au contrat de travail.
Enfin, il ne pouvait pas être reproché à la caisse de ne pas avoir exposé à l'assurée la situation juridique en lien avec l'art. 29 LACI. Dans la demande d'indemnité, celle-ci avait répondu par la négative aux questions 25 et 26 de savoir si elle avait fait valoir des prétentions de salaire vis-à-vis de son employeuse en relation avec le délai de congé non respecté et si elle pensait, le cas échéant, introduire une procédure auprès d'un tribunal des prud'hommes ou autre. Ce n'était que dans le cadre de son recours auprès de la chambre de céans qu'elle avait déclaré vouloir déposer une demande auprès du Tribunal des prud'hommes. En cas d'application de l'art. 29 LACI, la caisse devait immédiatement prononcer et exécuter une suspension pour chômage fautif si elle avait de sérieux indices d'une faute de l'assurée. Elle indiquait sur sa décision que celle-ci serait remplacée par une nouvelle décision à l'issue de la procédure prud'homale quelle que soit la solution du litige. Dans l'éventualité d'un jugement prud'homal en faveur de l'assurée, cette dernière devrait rembourser la caisse pour la période indemnisée, vu que la caisse était tenue de faire valoir la créance subrogatoire.
i. Dans une détermination du 26 mars 2024, l'assurée a encore une fois persisté dans ses conclusions.
Elle a répété qu'en cas de désaccord entre l'ancienne employeuse et l'assurée, la caisse ne pouvait pas se contenter des confirmations de la première pour procéder à l'établissement des faits pertinents et déterminer s'il y avait faute.
La Dre D______ qui la suivait depuis le 2 mars 2023 et qui connaissait bien sa situation médicale avait complété le formulaire de manière claire.
Si l'assurée avait proposé à son ancienne employeuse une reprise à 50% au vu de l'évolution de son processus thérapeutique, cela n'entrait pas en contradiction avec une capacité de travail de 100% pour un autre poste de travail. Il en découlait qu'une inscription au chômage à 100% était la suite logique de sa perte de travail. En ce qui concernait son nouvel emploi, elle a indiqué, preuve à l'appui, que la proposition d'embauche était initialement de 80%. Elle avait par la suite augmenté son temps de travail à 100%. On ne pouvait donc pas prétendre qu'elle ne voulait plus continuer à travailler à plein temps et qu'elle souhaitait mettre un terme à son contrat de travail.
j. Copie de cette écriture a été transmise à la caisse pour information.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LACI.
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).
2. Le litige porte sur la suspension du droit à l’indemnité de la recourante de 45 jours, pour chômage imputable à une faute.
3.
3.1 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. a LACI, le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute. Est notamment réputé sans travail par sa propre faute l'assuré qui a résilié lui-même le contrat de travail, sans avoir été préalablement assuré d'obtenir un autre emploi, sauf s'il ne pouvait être exigé de lui qu'il conservât son ancien emploi (art. 44 al. 1 let. b de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [OACI - RS 837.02]). La résiliation d’un contrat de travail procurant un revenu pris en considération à titre de gain intermédiaire constitue un chômage fautif si le salaire répondait aux exigences d’admissibilité de l’art. 24 al. 3 LACI (DTA 1998 p. 41 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 32 ad art. 30 LACI).
Pour qu’un assuré puisse être sanctionné en vertu de l’art. 44 al. 1 let. b OACI, trois conditions doivent être réunies. Il faut premièrement que l’assuré ait donné lui-même son congé. Il importe ensuite qu’au moment de résilier son contrat de travail, l’assuré n’ait pas eu d’assurance préalable d’un nouvel emploi. Enfin, il faut qu’aucune circonstance ne se soit opposée à la poursuite des rapports de travail (critère de l’exigibilité). Généralement des conditions de travail difficiles (chantiers, centres d’appels, etc.), des relations tendues avec les collègues et les supérieurs, une mauvaise atmosphère de travail ou des problèmes de santé non attestés médicalement ne suffisent pas à faire admettre que la continuation des rapports de travail n’était pas exigible (Boris RUBIN, op. cit., pp. 309-310).
3.2 La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute (art. 30 al. 3 LACI ; arrêt du Tribunal fédéral C.254/06 du 26 novembre 2007 consid. 5.3). L’OACI distingue trois catégories de faute – à savoir les fautes légères, moyennes et graves – et prévoit, pour chacune d'elles, une durée minimale et maximale de suspension, qui est de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne, et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (art. 45 al. 3 OACI). Des antécédents remontant à moins de deux ans justifient une prolongation de la durée de suspension (art. 45 al. 5 OACI ; Boris RUBIN, op. cit., n. 114 ss ad art. 30 LACI).
4.
4.1 Destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, les directives de l'administration n'ont pas force de loi et, par voie de conséquence, ne lient ni les administrés ni les tribunaux ; elles ne constituent pas des normes de droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) et n'ont pas à être suivies par le juge. Elles servent tout au plus à créer une pratique administrative uniforme et présentent à ce titre une certaine utilité ; elles ne peuvent en revanche sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, les directives ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 132 V 121 consid. 4.4 et les références ; 131 V 42 consid. 2.3 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2010 du 17 décembre 2010 consid. 4.1).
En tant qu'autorité de surveillance, le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) a adopté un barème indicatif à l'intention des organes d'exécution (Bulletin LACI/IC). Un tel barème constitue un instrument précieux pour les organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire des sanctions dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas d'espèce notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l’intéressé au regard de ses devoirs généraux d’assuré qui fait valoir son droit à des prestations et de fixer la sanction en fonction de la faute (arrêt du Tribunal fédéral 8C_425/2014 du 12 août 2014, consid. 5.1).
4.2 Selon le Bulletin LACI/IC valable dès le 1er janvier 2017, D75 (Échelle de suspensions à l’intention des caisses de chômage) n° 1.D, la résiliation du contrat de travail par l’assuré ou d’un commun accord sans être assuré d’obtenir un nouvel emploi, constitue une faute grave.
Selon l'art. 45 al. 4 let. a OACI, il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l'assuré abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d'obtenir un nouvel emploi. Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s'agir, dans le cas concret, d'un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 141 V 365 consid. 4.1 ; 130 V 125 consid. 3.5). Si des circonstances particulières le justifient, il est donc possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à trente et un jours. Toutefois, les motifs de s'écarter de la faute grave doivent être admis restrictivement (BORIS RUBIN, op. cit., n. 117 ad art. 30 LACI et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_693/2022 du 14 juin 2023).
4.3 Selon le Bulletin LACI/IC D26, une résiliation du contrat de travail par l'assuré ne peut être sanctionnée que si l'on pouvait attendre de lui qu'il conservât son emploi. Le caractère convenable de l'ancien emploi doit être apprécié sur la base de critères stricts. Les heures supplémentaires qui ne dépassent pas la durée du travail maximale légale, les différends quant au salaire, tant que les conventions collectives ou les dispositions contractuelles sont respectées, de même qu’un climat de travail tendu ne suffisent pas à faire qualifier un emploi de non convenable. Si l'assuré invoque des problèmes de santé, il doit les prouver par un certificat médical. Si l’assuré résilie un contrat de travail sur appel en raison du caractère trop extrême et imprévisible des fluctuations, il n’y a pas lieu de le suspendre de son droit à l’indemnité de chômage pour chômage fautif.
4.4 L’exigibilité de la continuation des rapports de travail est examinée plus sévèrement que le caractère convenable d’un emploi au sens de l’art. 16 LACI (ATF 124 V 234 consid. 4b/bb ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_1021/2012 du 10 mai 2013 consid. 2.2 ; 8C_958/2008 du 30 avril 2009). Les conditions fixées par l’art. 16 LACI n’en constituent pas moins des éléments d’appréciation importants du critère d’exigibilité. On pense ici notamment à la situation personnelle protégée par l’al. 2 let. c de cette disposition (âge, situation personnelle, santé), à l’inadéquation manifeste entre les exigences du poste et de la formation ou l’expérience professionnelle du travailleur (al. 2 let. b et d) ou au temps de déplacement maximal exigible fixé par l’al. 2 let. f. Un changement de circonstances à cet égard doit être pris en considération et peut devoir faire admettre qu’un emploi réputé convenable à un moment donné ne l’est plus ensuite, de sorte que la continuation des rapports de travail n’est plus exigible (arrêt du Tribunal fédéral C.378/00 du 4 septembre 2001 ; Boris RUBIN, op.cit., p. 310).
Le Bulletin LACI/IC D76 prescrit qu'en matière de chômage fautif, les versions du travailleur et de l’employeur doivent être systématiquement confrontées, car la faute intentionnelle ou le dol éventuel (l’assuré tient pour possible la réalisation du dommage et l’accepte au cas où il se produirait) doivent être clairement établis (Bulletin LACI IC D18). En cas de divergences, des investigations complémentaires sont nécessaires (Bulletin LACI IC D5 ss).
Selon le Bulletin LACI/IC D77 pour la détermination de la faute individuelle et de la quotité de la suspension dans le domaine de la faute grave il faut partir, selon le Tribunal fédéral, du milieu de la fourchette de 31 à 60 jours (art. 45, al. 3, let. c OACI), soit 45 jours, et tenir compte des facteurs aggravants, atténuants et du principe de proportionnalité (ATF 123 V 153). Ce principe doit également s’appliquer en cas de faute légère et moyenne (art. 45 al. 3 let. a et b OACI).
Et aux termes du Bulletin LACI/IC D78 les facteurs pris en compte pour la détermination du degré de la faute dans la présente échelle ne sont pas exhaustifs. Ils peuvent se combiner avec d’autres facteurs aggravants ou atténuants.
5.
5.1 Selon le Tribunal fédéral, le but de la suspension du droit à l'indemnité, dans l'assurance-chômage, vise à faire participer l'assuré de façon équitable au dommage qu'il cause à cette assurance sociale, en raison d'une attitude contraire aux obligations qui lui incombent. La durée de la suspension du droit à l'indemnité de chômage est fixée compte tenu non seulement de la gravité de la faute, mais également du principe de proportionnalité (ATF 125 V 197 consid. 6a ; Thomas NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung in Schweizerisches Bundes-verwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd. 2007, n. 855 p. 2435).
5.2 La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation. La juridiction cantonale ne doit pas dans ce contexte exercer son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit commettre un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d'appréciation ou abuser (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (arrêts du Tribunal fédéral 8C_658/2009 du 19 janvier 2010 consid. 1.2 ; 8C_31/2007 du 25 septembre 2007 consid. 3.1, non publié in ATF 133 V 640 mais dans SVR 2008 ALV n. 12 p. 35).
5.3 Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 123 V 150 consid. 2 et les références). Commet un excès positif de son pouvoir d'appréciation, l'autorité qui exerce son appréciation alors que la loi l'exclut, ou qui, au lieu de choisir entre les deux solutions possibles, en adopte une troisième. Il y a également excès du pouvoir d'appréciation dans le cas où l'excès de pouvoir est négatif, soit lorsque l'autorité considère qu'elle est liée, alors que la loi l'autorise à statuer selon son appréciation, ou qu'elle renonce d'emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d'appréciation (ATF 116 V 307 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_2/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.2).
6.
6.1 Selon l'art. 29 al. 1 LACI, si la caisse a de sérieux doutes que l’assurée ait droit, pour la durée de la perte de travail, au versement par son ancienne employeuse d’un salaire ou d’une indemnité au sens de l’art. 11 al. 3 LACI ou que ces prétentions soient satisfaites, elle verse l’indemnité de chômage.
Selon l'art. 29 al. 2 1re phrase LACI, en opérant le versement, la caisse se subroge à l’assuré dans tous ses droits, y compris le privilège légal, jusqu’à concurrence de l’indemnité journalière versée par la caisse.
6.2 Le versement de l'indemnité au sens de l'art. 29 LACI intervient dans un contexte où il faut parfois prononcer une sanction pour chômage fautif (art. 30 al. 1 let. a LACI). Cela se présente par exemple en cas de licenciement immédiat, justifié ou non. Le droit à une indemnisation n'est alors fixé définitivement qu'au terme d'une procédure de droit du travail, laquelle peut être longue. Comme l'exécution d'une suspension est caduque six mois après le début du délai de suspension (art. 30 al. 3 4e phrase LACI), les caisses doivent suspendre le droit à titre préventif, afin de respecter le délai précité au cas où il y aurait effectivement un motif de suspension (cf. DTA 1999 p. 30 consid. 5 p. 36 ; Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public, 2019, n. 491 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 10 ad art. 29 LACI).
7. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références ; 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).
8.
8.1 En l’occurrence, la question de savoir si l'ancienne employeuse et la recourante ont émis la volonté réelle et concordante de mettre fin, par accord mutuel, au contrat de travail les liant, de manière anticipée, ce qui est susceptible de tomber sous le coup de l'art. 30 al. 1 let. a LACI (chômage par sa propre faute ; ATF 112 V 323 ; arrêt du Tribunal fédéral C.108/01 du 21 août 2001 consid. 1a ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 23 ad art. 30 LACI), et celle de savoir si, par ce biais, la recourante, qui était en arrêt de travail au moment de la signature dudit accord, a valablement renoncé à la protection légale contre le congé en temps inopportun (cf. art. 336c al. 1 let. b et al. 2 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (CO - RS 220), peuvent demeurer indécises à ce stade, afin d'éviter des jugements contradictoires. En effet, ces questions seront tranchées par la juridiction prud'homale que la recourante a saisie récemment, procédure dans le cadre de laquelle elle conteste la validité de l'accord mutuel du 31 mai 2023 et fait valoir ses prétentions salariales.
Force est ainsi de constater que la question de savoir si le comportement de la recourante a joué un rôle causal dans la survenance de son chômage, auquel cas le droit à l'indemnité est suspendu dans son principe (cf. art. 30 al. 1 let. a LACI), ne pourra être résolue qu'à l'issue de la procédure prud'homale.
Ce procès civil, qui oppose la recourante à son ancienne employeuse, implique (en principe) des doutes sérieux quant aux droits découlant du contrat de travail selon l'art. 29 al. 1 LACI, notamment en cas de non-respect des délais de congé et de congé en temps inopportun (cf. arrêts du Tribunal fédéral C.15/06 du 20 février 2007 consid. 3.2.1 ; C.24/06 du 25 octobre 2006 5.2.1 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 17 ad art. 29 LACI), d'autant plus que l'ex-employeuse contesterait vraisemblablement les prétentions salariales de la recourante compte tenu de l'accord du 31 mai 2023.
8.2 En définitive, l'intimée doit intervenir au procès devant la juridiction prud'homale et se subroger dans les droits de la recourante contre son ancienne employeuse (art. 29 al. 2 LACI), étant relevé que même dans ce cas, une suspension pour chômage fautif à titre provisoire est possible (cf. consid. 6.2 ci‑dessus).
9. Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l'intimée pour qu'elle procède conformément au considérant 8.2.
10. La recourante, obtenant très partiellement gain de cause, a droit à une indemnité de CHF 500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).
11. Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet partiellement.
3. Annule la décision sur opposition du 5 octobre 2023.
4. Renvoie la cause à l'intimée pour nouvelle décision au sens des considérants.
5. Alloue à la recourante une indemnité de CHF 500.- à charge de l’intimée.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le