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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/321/2024

ATAS/448/2024 du 13.06.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/321/2024 ATAS/448/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 juin 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Me Agnès VON BEUST, avocate

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en 1986, souffre depuis 1989 des séquelles liées à une encéphalite. Malgré son atteinte, elle a été en mesure de travailler en tant qu’auxiliaire maternelle à temps partiel.

b. L’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI ou l'intimé) lui a accordé diverses prestations, dont des mesures médicales, des mesures de réadaptation, une allocation pour impotent de degré léger dès le 1er avril 2004, et une rente extraordinaire entière d’invalidité dès le 1er février 2005.

B. a. Dès le mois de mars 2022, l’état de santé de l’assurée s’est aggravé, nécessitant son hospitalisation jusqu’en mars 2023, notamment à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : la CRR) en raison d’une paraplégie complète secondaire à une myélopathie diffuse dorso-lombaire sur myélite à HSV-1. L’assurée, qui souffrait également d’un léger retard mental, devait dorénavant se déplacer en fauteuil roulant, mais restait autonome pour les transferts (chutes occasionnelles). Elle nécessitait un lit électrique, une chaise de douche et une aide à la propulsion (rapports des 3 août et 13 octobre 2022 du docteur B______, médecin auprès de la CRR).

b. En raison de l’aggravation de son état de santé, l’assurée, qui a dû cesser de travailler, a perçu de l’OAI notamment une contribution d’assistance et une allocation pour impotent de degré moyen. Son droit à une rente entière d’invalidité a par ailleurs été maintenu.

c. L’assurée ayant demandé la remise d’un fauteuil roulant manuel et d’une motorisation électrique, l’OAI a mandaté la Fédération suisse de consultation en moyens auxiliaires pour personnes handicapées et âgées (ci-après : la FSCMA), laquelle a rendu un premier rapport le 7 octobre 2022 (n° 125300/2), suite à une visite au domicile de l’assurée, réalisée le 30 août 2022 en présence de la mère de l’assurée et de son ergothérapeute. La FSCMA, soit pour elle, Monsieur C______, a relevé que l’assurée devait se déplacer en fauteuil roulant au quotidien, mais était indépendante pour faire les transferts si les surfaces et hauteurs étaient adaptées. Elle présentait une paralysie des membres inférieurs avec une déficience du tonus du tronc qui limitait son équilibre assis. Suite à des essais, un sommier électrique et une chaise de douche allaient probablement être demandés par l’assurée afin de faciliter son retour à domicile.

d. L’assurée a bénéficié de la remise en prêt d’un fauteuil roulant manuel, d’une aide à la propulsion, d’un lit électrique et d’une chaise de douche Kakadu.

e. Par rapport du 13 octobre 2022, le Dr B______ a relevé notamment que l’assurée avait besoin d’aide pour évacuer les selles et pour faire la toilette de ses membres inférieurs. Elle pouvait toutefois consolider les acquis et maintenir ses capacités en poursuivant la physiothérapie.

f. Les 3 et 5 janvier 2023, Monsieur D______, de l’atelier orthopédique technique de la CRR, est revenu sur sa demande de prise en charge de la chaise de douche Kakadu. Pendant le séjour de l’assurée à la CRR, il avait devisé cette chaise de douche avec l’objectif que l’assurée puisse effectuer les soins de manière autonome et se déplacer de sa chambre à la salle de bain seule sur la chaise de douche. L’estimation d’autonomie n’était cependant pas réaliste par rapport aux capacités de l’assurée. Le constat était que l’assurée n’avait pas la capacité d’effectuer les soins, seule sur une chaise de douche, avec en plus un risque de chute important. Des essais avaient toutefois été faits avec un autre modèle, le Heron R82, lequel avait pu être validé. Le but de cette chaise était l’amélioration de l’indépendance de l’assurée.

g. Le 28 février 2023, l’OAI a réceptionné une requête de l’assurée, datée du 31 août 2022, tendant à la prise en charge des frais d’adaptation de son appartement.

Étaient joints à cette demande un rapport du 20 septembre 2022 de Monsieur E______, architecte auprès de l’association suisse des paraplégiques et du centre construire sans obstacles (ci-après : CSO), mandaté par l’assurée et le service d’ergothérapie de la CRR afin d’évaluer, vu l’utilisation d’un fauteuil roulant, les possibilités d’adaptation de l’appartement que l’intéressée louait et occupait seule. Il en résulte que lors de la visite du domicile de l’assurée, effectuée le 30 août 2022, à laquelle ont participé notamment Madame F______, conseillère FSCMA, et Madame G______, ergothérapeute, plusieurs adaptations étaient nécessaires pour permettre à l’intéressée un retour à domicile, dont celle de la salle de bain. Celle-ci était équipée d’une baignoire, d’un meuble de lavabo, des w.-c. et de la machine à laver le linge. Selon l’appréciation de l’ergothérapeute de la CRR, à la place de la baignoire, l’aménagement d’une douche de plain-pied devrait être prévu pour une utilisation avec une chaise de douche percée. Le meuble inférieur du lavabo gênait l’accès en fauteuil roulant. En outre, l’armoire des toilettes et son miroir étaient trop hauts. La cuvette murale devait également être remplacée par une cuvette prolongée pour permettre une utilisation avec une chaise de douche percée. Ces adaptations étaient jugées utiles et justifiées vu l’état de santé de l’assurée.

h. Le 7 mars 2023, le docteur H______, médecin auprès de la CRR, a indiqué que l’aménagement de la demeure de l’assurée nécessitait notamment la modification de sa salle de bain (soit la suppression de la baignoire, l’installation d’une douche italienne, la modification des toilettes, etc.).

i. Le 13 mars 2023, l’assurée a informé l’OAI que les travaux d’aménagement de son logement avaient été effectués.

j. Le 21 mars 2023, l’assurée est retournée vivre chez elle.

k. Le 17 avril 2023, le service des évaluations de l’OAI, soit pour lui, Madame I______, a rendu un rapport d’enquête sur l’impotence de l’assurée. Il en résulte notamment que celle-ci présentait un retard mental léger, une paraplégie complète avec sondages vésicaux et extraction manuelle des selles, des crises d’épilepsie ainsi qu’un état dépressif. L’assurée avait une hypotonie du tronc, de sorte que si elle n’était pas appuyée contre le dossier, son torse vacillait et elle perdait l’équilibre. Elle pouvait se laver les mains, le visage et les dents seule au lavabo, l’aide lui préparait le matériel. Elle avait besoin d’aide pour s’installer sur le siège de douche, pour se laver le bas du corps, le dos et les cheveux.

l. L’OAI a confié un nouveau mandat d’expertise à la FSCMA portant sur la prise en charge de l’aménagement du domicile de l’assurée et la remise de la chaise de douche R82 Heron. Par rapport du 28 août 2023 (n° 125300/3), la FSCMA, soit pour elle, Madame J______, a rappelé notamment que l’assurée avait perdu l’usage des membres inférieurs, les déplacements se faisaient uniquement grâce à un fauteuil roulant ; pour les transferts, elle avait besoin de l’aide ou au minimum de la surveillance d’une tierce personne, car elle n’avait que très peu de contrôle du tronc. Une aide était également nécessaire pour la toilette et l’habillage. Elle avait une sonde sus-pubienne pour les sondages urinaires et avait recours à l’aide des soignants pour l’évacuation manuelle des selles.

Initialement, la salle de bain de l’appartement était équipée d’une baignoire, d’un lavabo, d’un w.-c. et d’un espace pour la colonne de lavage. Lors de la première visite au domicile de l’assurée le 30 août 2022, le projet de rééducation était la récupération d’une autonomie totale pour la réalisation de la toilette et de l’habillage. De ce fait, le projet avait été pensé avec une douche de plain-pied qui aurait remplacé la baignoire. Le lavabo devait être modifié pour permettre l’accès en fauteuil roulant, les toilettes remplacées par un modèle profond pour pouvoir être utilisées avec un fauteuil roulant de douche et il était prévu de faire un socle pour la colonne de lavage afin que la machine à laver soit facilement accessible pour l’assurée. Cependant, des doutes planaient déjà sur la possibilité d’une totale autonomie. En effet, il avait déjà été évoqué en août 2022 que l’assurée aurait besoin d’aide pour réaliser sa toilette, ce qui s’était avéré, puisqu’elle avait besoin de l’aide d’un tiers pour les soins, tels que la réalisation de la toilette, des sondages, de l’extraction des selles et de l’habillage.

La FSCMA notait que lors de la seconde visite au domicile de l’assurée effectuée le 23 mars 2023, il avait été constaté que les transformations de la salle de bain avaient été pensées afin que l’assurée puisse toujours accéder à la douche, au lavabo et s’occuper éventuellement de son linge. S’agissant de la réalisation de la toilette, la FSCMA relevait que la recourante allait être lavée par un tiers et même si l’amélioration de l’autonomie était limitée, les transformations étaient judicieuses, mais n’étaient ni simples, ni économiques, ni adéquates. En comparaison, le coût de la mise en place de moyens auxiliaires nécessaires pour que l’assurée puisse être lavée dans sa baignoire était de CHF 10'308.25, correspondant au coût d’un système de transfert de type Tecnosad Leo 200 pour la réalisation du transfert dans la baignoire et d’un lift de bain Orca avec dossier inclinable et divers accessoires de maintien. Cette solution étant bien moins onéreuse que la transformation de la salle de bain, telle que réalisée, la FSCMA proposait à l’OAI qu’il participe à hauteur de CHF 10'308.25, en vertu du droit à la substitution de la prestation, car la transformation de la baignoire en douche de plain-pied répondait au même but que la solution proposée des deux lifts.

S’agissant de l’interversion de place entre le lavabo et la colonne de lavage réalisée, cette adaptation n’avait pas été évoquée lors de la première visite à domicile. Sans cette interversion, l’assurée n’aurait pas été parfaitement à plat devant le lavabo, vu son emplacement initial. Cependant, ces travaux avaient touché l’entièreté des murs de la salle de bains, ce qui rendait la modification peu adéquate et économique.

S’agissant des honoraires de direction des travaux, la FSCMA proposait la prise en charge partielle, par l’OAI, des honoraires d’architecte selon le décompte des frais réalisés par M. E______, portant uniquement sur les travaux pour l’aménagement de l’accès à l’immeuble et l’adaptation du balcon.

Enfin, pour ce qui était de la chaise de douche nouvellement sollicitée, il était nécessaire que l’assurée soit correctement installée et surtout en sécurité, sans risquer de chuter vers l’avant par manque de contrôle postural. La chaise avait été testée et convenait parfaitement à sa situation. La chaise R82 Heron, qui disposait d’une bascule d’assise et d’un dossier, était utile pour la réalisation de la toilette, mais surtout pour la tâche d’extraction manuelle des selles qui prenait plusieurs heures par jour. Bien que ce moyen auxiliaire ne développât pas tellement l’autonomie personnelle de l’assurée, il lui permettait de réaliser les tâches d’élimination des selles, qui n’étaient pas aisées dans son cas. De ce fait, la prise en charge de ce moyen auxiliaire était laissée à la libre appréciation de l’OAI.

m. L’OAI a admis la prise en charge des frais pour la motorisation des deux portes d’entrée de l’immeuble dans lequel résidait l’assurée, l’adaptation du balcon ainsi que la remise en prêt d’une chaise de douche R82 Heron. Il a, par contre, refusé de prendre en charge les frais de l’adaptation de la cuisine (décision du 12 octobre 2023, entrée en force).

n. Par projet de décision du 1er septembre 2023, l’OAI, se fondant sur le rapport de la FSCMA du 28 août 2023, a accepté de prendre en charge une participation forfaitaire d’un montant de CHF 10'308.25 pour l’adaptation de la salle de bain de l’assurée, en vertu du droit d’échange étant donné que le moyen auxiliaire choisi par l’assurée répondait au même but que celui auquel elle avait droit. Selon la FSCMA, le choix des travaux réalisés ne pouvait être considéré comme économique, simple et adéquat. Une adaptation plus économique, simple et adéquate aurait été possible pour réaliser les soins d’hygiène de l’assurée, avec la mise en place d’un système de transfert de type Tecnosad Leo 200 pour la réalisation du transfert dans la baignoire et d’un lift de bain Orca, avec dossier inclinable et divers accessoires de maintien, dont la mise en place totale se serait élevée à CHF 10'308.25. Ce montant correspondait à une adaptation de la salle de bain simple, économique et adéquate.

o. Le 2 octobre 2023, l’assurée, par l’intermédiaire de l’association suisse des paraplégiques, a contesté ce projet de décision et a requis la prise en charge d’un montant supplémentaire de CHF 19'330.72 pour l’adaptation de sa salle de bain, dont CHF 5'062.95 à titre d’honoraires d’architecte. Elle a fait valoir, notamment, que l’autonomie totale dont parlait la FSCMA n’était pas une condition nécessaire à la prise en charge de l’installation d’une douche de plain-pied. En outre, la solution préconisée par la FSCMA multipliait par deux le nombre de transferts. De plus, le déplacement du lavabo et de la colonne de lavage avait été rendu nécessaire en raison de la pente qui existait et des risques de blessures des membres inférieurs. Á l’appui de ses contestations, elle a joint un rapport de Mme G______, établi en date du 24 septembre 2023.

Selon ledit rapport, l’assurée n’avait effectivement pas réussi à atteindre tous les objectifs fixés en août 2022, mais elle avait fait d’importants progrès, puisqu’elle parvenait à faire la plupart de ses transferts seule. La surveillance était encore nécessaire pour certains d’entre eux en raison du manque de contrôle du tronc et de la présence de troubles exécutifs. Vu ses troubles (paraplégie haute, avec des troubles de l’équilibre importants), il était illusoire d’espérer une autonomie totale pour la réalisation de la toilette et de l’habillage. L’installation de la douche permettait à l’assurée de n’effectuer que deux transferts, ce qui était un avantage important pour une personne qui présentait des troubles d’équilibre et des troubles exécutifs. La solution préconisée par la FSCMA nécessitait plus de transferts, donc plus d’efforts de la part de l’assurée, et ne facilitait pas les soins d’hygiène, surtout l’évacuation des selles. Elle ne favorisait guère la recherche d’un maximum d’autonomie, ce qui restait l’objectif prioritaire. Mme G______ relevait aussi avoir des doutes quant à une réponse adéquate d’un lift de bain avec une personne manquant de contrôle postural, alors que la chaise de douche répondait à ce problème.

p. Le 7 novembre 2023, l’assurée a transmis un récapitulatif établi par le CSO quant aux frais d’adaptations de la salle de bain.

q. À la demande de l’OAI, la FSCMA, soit pour elle, Monsieur K______, s’est déterminée sur les objections de l’assurée et a maintenu ses conclusions (rapport du 8 décembre 2023 [n° 125300/10]). La contestation de l’assurée ne prenait en considération que sa capacité à effectuer les transferts, qui nécessitaient au minimum une supervision par des tiers, mais ne mentionnait nullement sa capacité pour réaliser les soins d’hygiène, qui eux dépendaient de tiers, comme cela ressortait du courrier de Mme G______. En outre, le déplacement entre sa chambre et la douche nécessitait également l’aide de tiers, car la chaise de douche de type R82 Heron ne disposait que de petites roues et ne permettait pas à l’assurée de se déplacer de façon autonome. La remise des moyens auxiliaires au sens du ch. 14 de l’annexe à l’ordonnance concernant la remise de moyens auxiliaires par l’assurance-invalidité du 29 novembre 1976 (OMAI - RS 831.232.51) visait certes à développer l’autonomie personnelle et non à garantir une autonomie totale. En l’occurrence, en proposant la solution des deux lifts, il était tenu compte du fait que l’assurée dépendait de tiers pour réaliser sa toilette. L’utilisation d’un lift de bain combinée à un lift de transfert rendait par ailleurs caduc l’argument de l’usure des membres supérieurs par la multiplication inutile des transferts. De plus, le lift de bain pris en compte n’était pas un modèle de base, mais un modèle Aquatec Orca avec dossier inclinable et rabats latéraux compte tenu du manque de tonus postural de l’assurée.

S’agissant du déplacement du lavabo et de la colonne de lavage, il était dû à la présence d’une pente devant le lavabo, laquelle résultait de l’installation de la douche de plain-pied. Cette installation nécessitait un réaménagement complet de la salle de bain, ce qui ne pouvait être considéré comme simple, adéquat et économique.

Enfin, le récapitulatif du CSO concernant les frais effectifs pour l’adaptation de la salle de bain n’apportait rien par rapport à la proposition de la FSCMA.

r. Par décision du 14 décembre 2023, l’OAI a maintenu la teneur de son projet en reprenant les arguments figurant dans le rapport précité de la FSCMA.

C.              a. Par acte du 30 janvier 2024, l’assurée, représentée par son conseil, a interjeté recours contre cette décision par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant, sous suite de frais et dépens, principalement, à son annulation et à l’octroi d’un montant supplémentaire de CHF 19'330.72, lequel incluait un montant de CHF 5'062.95 à titre d’honoraires d’architecte, et subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à l’intimé pour instruction complémentaire.

La recourante a fait valoir, notamment, que la remise d’un moyen auxiliaire visait à développer l’autonomie personnelle et non à réaliser une autonomie totale. Avec une douche de plain-pied, la recourante pouvait participer à ses soins et décharger ses proches-aidants et le système de soins à domicile, alors que la solution préconisée par la FSCMA menait au maintien des personnes assurées dans une dépendance totale pour leurs soins. Par ailleurs, la FSCMA prétendait que la recourante dépendait de tiers pour les soins d’hygiène, ce qui était faux. Elle possédait une autonomie qu’elle pouvait faire valoir très concrètement pour réaliser ses soins corporels, si les moyens auxiliaires adéquats étaient mis à sa disposition. Or, les deux lifts préconisés par la FSCMA n’étaient pas adéquats. Ils ne permettaient pas à la recourante de développer son autonomie et prolongeaient la durée des soins inutilement et la charge de travail des proches-aidants et des organisations de soins à domicile. S’agissant du déplacement du lavabo et de la colonne de lavage, il avait été rendu nécessaire en raison de la pente attenante au lavabo. S’agissant des honoraires d’architecte, dès lors que quatre interventions avaient dû être coordonnées par l’architecte, alors que la recourante était absente et que ses parents n’étaient pas en mesure de s’en occuper, lesdits frais devaient être pris en charge par l’intimé.

À l’appui de son recours, la recourante a joint un rapport établi le 5 janvier 2024 par la docteure L______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation auprès de la CRR, ainsi qu’un rapport établi par Mme G______ en date du 26 janvier 2024.

La Dre L______ appuyait les modifications réalisées dans la salle de bain de la recourante. Lors de son séjour à la CRR, un essai avait été réalisé avec un lift de bain, lequel n’avait pas été concluant en raison d’une insuffisance de tonus de son tronc : la recourante avait été obligée de se tenir pendant toute la toilette et n’avait absolument pas pu y participer. Lorsque l’essai avait été fait sur une chaise de douche, l’intéressée avait pu participer à quasiment toute sa toilette, sauf les parties intimes et les pieds. La recourante nécessitait, dans tous les cas, l’intervention d’une aide externe car elle était dépendante pour les soins intestinaux, pour la toilette intime et les pieds, ainsi que pour les transferts sur la chaise de douche. Cela étant, lors de l’évaluation, le temps de réalisation et la dépendance que cela entraînait pour la recourante n’étaient pas justifiés. Au vu de son jeune âge et du caractère très probablement définitif de son atteinte, il ne paraissait pas adapté de lui imposer ce temps supplémentaire en termes de soins, de transferts en sus et surtout de la priver d’une partie de son autonomie qui semblait quand même primordiale dans une démarche de rééducation et pour l’estime de soi. La Dre L______ soulignait qu’il s’agissait d’un geste quotidien, pas d’un geste hebdomadaire. De plus, l’atteinte cognitive de la patiente ne devait pas être négligée, car cela avait un impact sur sa flexibilité mentale et sa capacité de s’adapter aux nouveaux gestes. Ceux-ci devaient être les plus simples possibles et les plus similaires possibles, pour qu’ils puissent se dérouler de la façon la plus sécuritaire et être le moins anxiogène pour elle.

Dans son rapport, Mme G______ a insisté sur le fait que le lift de bain Aquatec Orca ne répondait pas aux problèmes d’équilibre de la recourante. Si ce siège permettait de sécuriser la posture assise en apportant un appui dorsal, ceci n’était absolument pas le cas sur les côtés et le devant. Sans appuis latéraux, la patiente ne pouvait pas conserver cette position. Cela signifiait qu’elle ne pouvait pas participer à sa toilette, n’étant pas stable et de ce fait très désécurisée. En conséquence, elle était totalement dépendante de tiers. Cette problématique avait été mentionnée lors de son séjour à la CRR et des essais avaient été effectués, sans succès. L’option choisie permettait à la recourante de se sentir en sécurité durant l’activité toilette/habillage et de reprendre confiance en elle. Elle permettait également pour les intervenants d’obtenir un gain de temps.

b. Par réponse du 28 février 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours pour les motifs indiqués dans sa décision.

c. Par réplique du 18 mars 2024, la recourante a rappelé que les rapports de la FSCMA retranscrivaient de manière inexacte et incomplète les faits, en particulier le besoin effectif d’aide d’autrui, respectivement le besoin d’autonomie. En outre, la proposition de la FSCMA avec deux lifts ne remplissait pas la condition de l’adéquation puisque des essais avec cette constellation de lifts s’étaient révélés incompatibles avec son état de santé et ses limitations fonctionnelles. En vue de la fixation des dépens, le conseil de la recourante a produit une note d’honoraires datée du 19 mars 2024, s’élevant à CHF 3'349.85.

d. Par duplique du 18 avril 2024, l’intimé a persisté dans ses conclusions.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c LPA), le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimé du 14 décembre 2023 limitant, à CHF 10'308.25 à titre de moyens auxiliaires, la prise en charge de l’aménagement de la salle de bain du domicile de la recourante.

4.             Par renvoi de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 et du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ‑ RS 831.201) du 3 novembre 2021 sont entrées en vigueur (développement continu de l’AI ; RO 2021 705 et RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la demande de prise en charge des frais relatifs à l’aménagement de la salle de bain de la recourante a été déposée postérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales et réglementaires seront citées ci-après dans leur nouvelle teneur.

5.              

5.1 Selon l’art. 8 al. 1 LAI, les assurés invalides ou menacés d’une invalidité (art. 8 LPGA) ont droit à des mesures de réadaptation pour autant que ces mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d’accomplir leurs travaux habituels (let. a) et que les conditions d’octroi des différentes mesures soient remplies (let. b).

Selon l’art. 8 al. 1bis LAI, le droit aux mesures de réadaptation n’est pas lié à l’exercice d’une activité lucrative préalable. La détermination des mesures tient notamment compte de l’âge de l’assuré (let. a) ; de son niveau de développement (let. b) ; de ses aptitudes, et (let. c) ; de la durée probable de la vie active (let. d).

Les assurés ont droit aux prestations prévues aux art. 13 et 21, quelles que soient les possibilités de réadaptation à la vie professionnelle ou à l’accomplissement de leurs travaux habituels (al. 2).

Les mesures de réadaptation comprennent notamment l’octroi de moyens auxiliaires (al. 3 let. d).

5.2 En vertu de l’art. 21 LAI, l’assuré a droit, d’après une liste que dressera le Conseil fédéral, aux moyens auxiliaires dont il a besoin pour exercer une activité lucrative ou accomplir ses travaux habituels, pour maintenir ou améliorer sa capacité de gain, pour étudier, apprendre un métier ou suivre une formation continue, ou à des fins d’accoutumance fonctionnelle (al. 1, 1re phr.).

L’assuré qui, par suite de son invalidité, a besoin d’appareils coûteux pour se déplacer, établir des contacts avec son entourage ou développer son autonomie personnelle, a droit, sans égard à sa capacité de gain, à de tels moyens auxiliaires conformément à une liste qu’établira le Conseil fédéral (al. 2).

L’assurance prend à sa charge les moyens auxiliaires d’un modèle simple et adéquat et les remet en propriété ou en prêt (al. 3, 1re phr.).

Selon l’art. 21bis LAI, lorsqu’un assuré a droit à la remise d’un moyen auxiliaire figurant dans la liste dressée par le Conseil fédéral, il peut choisir un autre moyen remplissant les mêmes fonctions (al. 1). L’assurance prend à sa charge les coûts du moyen auxiliaire choisi jusqu’à concurrence du montant qu’elle aurait versé pour le moyen figurant dans la liste (al. 2).

5.3 À l’art. 14 du RAI, le Conseil fédéral a délégué au Département fédéral de l’intérieur la compétence de dresser la liste des moyens auxiliaires et d’édicter des dispositions complémentaires. Ce département a édicté l’OMAI avec, en annexe, la liste des moyens auxiliaires.

L’OMAI, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023, compte tenu de la date déterminante de la décision litigieuse, prévoit, à son art. 2, qu’ont droit aux moyens auxiliaires, dans les limites fixées, par la liste en annexe, les assurés qui en ont besoin pour se déplacer, établir des contacts avec leur entourage ou développer leur autonomie personnelle (al. 1). Le droit s’étend aux accessoires et aux adaptations rendues nécessaires par l’invalidité (al. 3). L’assuré n’a droit qu’à des moyens auxiliaires d’un modèle simple, adéquat et économique. Il supporte les frais supplémentaires d’un autre modèle. Lorsque la liste en annexe ne mentionne aucun des instruments prévus à l’art. 21quater LAI pour la remise d’un moyen auxiliaire, les frais effectifs sont remboursés (al. 4).

Sous « prestations de remplacement », l’art. 8 al. 1 OMAI prévoit que si l’assuré fait lui-même l’acquisition d’un moyen auxiliaire prévu dans la liste en annexe ou s’il réalise, à ses frais, une adaptation rendue nécessaire par l’invalidité, il a droit au remboursement des dépenses qui auraient incombé à l’assurance si elle avait pourvu à l’acquisition ou à l’adaptation en question.

5.4 La liste annexée à l’OMAI prévoit, sous ch. 14, les « moyens auxiliaires servant à développer l’autonomie personnelle ».

5.4.1 Au ch. 14.01 sont mentionnés les « installations de WC-douches et WC-séchoirs, ainsi que compléments aux installations sanitaires existantes » lorsque les assurés ne peuvent faire seuls leur toilette sans de telles installations. La remise a lieu sous forme de prêt.

Entrent aussi dans cette catégorie les élévateurs de bain, même lorsque l’assuré concerné ne peut que très partiellement faire sa toilette seul et que ces appareils servent surtout à faciliter l’aide apportée par des tiers (Office fédéral des assurances sociales [ci-après : OFAS], Circulaire concernant la remise des moyens auxiliaires par l’assurance-invalidité [ci-après : CMAI]), ch. 2155).

5.4.2 Au ch. 14.02 sont mentionnés les « élévateurs pour malades » pour l’utilisation au domicile privé. La remise a lieu sous forme de prêt.

Un élévateur pour malades ou un système de levage au plafond peut être remis dans le but de faciliter l’assistance apportée par des tiers, même lorsque l’assuré ne peut que très partiellement faire sa toilette seul (OFAS, CMAI, ch. 2156).

5.4.3 Le ch. 14.04, applicable dans sa teneur en vigueur à compter du 1er juillet 2020, vise les « aménagements de la demeure de l'assuré nécessités par l'invalidité », soit l’adaptation de la salle de bain, de la douche et des WC à l’invalidité, déplacement ou suppression de cloisons, élargissement ou remplacement de portes de maison ou d’appartement, pose de barres d’appui, mains courantes, poignées supplémentaires et systèmes d’ouverture de portes de maison ou d’appartement, suppression de seuils ou construction de rampes de seuils, pose d’installations de signalisation pour les sourds et déficients auditifs graves et pour les sourds-aveugles. Le montant maximal remboursé pour la pose d’installations de signalisation est de CHF 1'300.-, TVA comprise.

Un examen préalable est nécessaire avant tout établissement de plans. Les plans ou les dessins relatifs à ces installations doivent être remis au centre d’examen afin de compléter le dossier. La prise en charge des honoraires du directeur des travaux peut être accordée à certaines conditions (OFAS, CMAI, ch. 2161 et 2164).

5.5 La notion d’autonomie personnelle doit être comprise comme étant la capacité de s’occuper de soi-même (voir MEYER/REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidentversicherung [IVG], 2014, n° 39 ad art. 21-21quater). Compte tenu de l’emploi du mot « développer », les moyens auxiliaires prévus par le ch. 14 de l’annexe à l’OMAI doivent à l’évidence avoir pour but d’augmenter la capacité de l’assuré à s’occuper de lui-même (ATAS/662/2022 du 15 juillet 2022 consid. 5.1 et la référence).

5.6 Les conditions de simplicité et d'adéquation posées par les art. 8 al. 1 et 21 al. 3 LAI pour l'octroi de moyens auxiliaires sont l'expression du principe de la proportionnalité et supposent, d'une part, que la prestation en cause soit propre à atteindre le but fixé par la loi et apparaisse nécessaire et suffisante à cette fin et, d'autre part, qu'il existe un rapport raisonnable entre le coût et l'utilité du moyen auxiliaire, compte tenu de l'ensemble des circonstances de fait et de droit du cas particulier (proportionnalité au sens étroit). Dans ce contexte, il convient notamment de prendre en considération l'importance de la réadaptation que le moyen auxiliaire devrait permettre d'atteindre et la durée pendant laquelle ce moyen pourra servir l'objectif de réadaptation (ATF 132 V 215 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_279/2015 du 10 novembre 2015 consid. 3.4).

Dans un arrêt récent (ATAS/662/2022 du 15 juillet 2022 consid. 5.3), la chambre de céans a rappelé que dans une affaire jugée en 1990 (ATF 116 V 95), le Tribunal fédéral a examiné le droit d’une assurée, atteinte de sclérose en plaques, à la remise d'un élévateur de bain, qui relevait du ch. 14.01 de l’annexe à l’OMAI. Selon les directives de l’OFAS sur la remise des moyens auxiliaires alors en vigueur, la condition déterminante pour pouvoir octroyer un élévateur de bain était que l'assuré puisse encore se laver seul. Cette condition n'était pas remplie lorsque notamment les allocations pour impotents étaient octroyées en raison d’une impotence de degré grave. Le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique administrative n'était pas conforme à la réglementation relative aux installations sanitaires complémentaires automatiques, dans la mesure où cela revenait à introduire une condition supplémentaire sous ch. 14.01, à savoir que l'assuré n'avait droit à une installation sanitaire complémentaire automatique que s'il n’était pas entièrement impotent, ce qui ne se justifiait pas car l'élévateur de bain servait à entrer dans la baignoire ou à en sortir. Ce faisant, il permettait à l'assuré d'être en contact direct avec l'eau de son bain, et tel était le but d'hygiène corporelle de ce moyen auxiliaire. Or, faire seul sa toilette au moyen d'un élévateur de bain, c’était en réalité se baigner grâce à cet appareil. En effet, l'élévateur de bain servait uniquement à se baigner, mais non encore à se laver. Le but d'hygiène corporelle propre à l'élévateur de bain était dès lors atteint du seul fait que l'assuré se trouvait en contact direct avec l'eau de son bain. Que l'assuré soit ou non assisté par un tiers n’était donc pas déterminant, le contact direct avec l'eau du bain ayant lieu indépendamment de l'aide d'autrui. La condition d'indépendance de l'assuré dans ses déplacements n’était pas décisive et l'aide d'autrui ne remplaçait pas l'élévateur, sans lequel l'assuré ne pourrait plus se baigner. Cet appareil était donc bel et bien un moyen auxiliaire servant à développer l’autonomie personnelle en matière d'hygiène corporelle, dont la remise n'était pas inconciliable avec le versement d'une allocation pour impotent, quel que soit le degré d'impotence de l'assuré.

La chambre de céans a également rappelé, dans son arrêt précité du 15 juillet 2022 (consid. 5.3) que plus récemment, le Tribunal fédéral, dans son ATF 144 V 319, a statué sur l’installation de WC-douches pour deux enfants atteints d’une maladie musculaire, et considéré que de telles installations étaient prises en charge même si leur utilisation nécessitait une assistance. Il a ainsi précisé la portée du ch. 14.01 de l’annexe à l’OMAI, selon lequel l’objet est dû pour les assurés qui « ne peuvent faire seuls leur toilette sans de telles installations », et retenu que la formulation ne s’opposait pas à accorder l’installation aux assurés qui avaient besoin d’aide pour aller aux toilettes car sans l’installation, l’assuré était entièrement dépendant de l’aide d’autrui et se trouvait privé d’autonomie en matière d’hygiène corporelle.

5.7 L’assurance fournit des moyens auxiliaires simples, adéquats et économiques. Seuls entrent en considération des moyens auxiliaires présentant un rapport qualité-prix optimal. L’assuré n’a pas droit à l’équipement qui serait optimal dans son cas particulier (OFAS, CMAI, ch. 1004 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_640/2015 du 6 juillet 2016 consid. 2.3 et les références).

6.

6.1 Dans le domaine de l'assurance-invalidité, on applique de manière générale le principe selon lequel un invalide doit, avant de requérir des prestations, entreprendre de son propre chef tout ce qu'on peut raisonnablement attendre de lui, pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité ; c'est pourquoi un assuré n'a pas droit à une rente lorsqu'il serait en mesure, au besoin en changeant de profession, d'obtenir un revenu excluant une invalidité ouvrant droit à une rente. La réadaptation par soi-même est un aspect de l'obligation de diminuer le dommage et prime aussi bien le droit à une rente que celui à des mesures de réadaptation. L'obligation de diminuer le dommage s'applique aux aspects de la vie les plus variés. Toutefois, le point de savoir si une mesure peut être exigée d'un assuré doit être examiné au regard de l'ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas concret. Ainsi doit-on pouvoir exiger de celui qui requiert des prestations qu'il prenne toutes les mesures qu'un homme raisonnable prendrait dans la même situation s'il devait s'attendre à ne recevoir aucune prestation d'assurance. Au moment d'examiner les exigences qui peuvent être posées à un assuré au titre de son obligation de réduire le dommage, l'administration ne doit pas se laisser guider uniquement par l'intérêt général à une gestion économique et rationnelle de l'assurance, mais doit également tenir compte de manière appropriée du droit de chacun au respect de ses droits fondamentaux. La question de savoir quel est l'intérêt qui doit l'emporter dans un cas particulier ne peut être tranchée une fois pour toutes. Cela étant, plus la mise à contribution de l'assureur est importante, plus les exigences posées à l'obligation de réduire le dommage devront être sévères. C'est le cas, par exemple, lorsque la renonciation à des mesures destinées à réduire le dommage conduirait à l'octroi d'une rente ou au reclassement dans une profession entièrement nouvelle. Selon les circonstances, le déplacement ou le maintien d’un domicile, respectivement le lieu de travail, peut apparaître comme étant une mesure exigible de l’assuré. Conformément au principe de la proportionnalité, il convient en revanche de faire preuve de prudence dans l'invocation de l'obligation de réduire le dommage lorsqu'il s'agit d'allouer ou d'adapter certaines mesures d'ordre professionnel afin de tenir compte de circonstances nouvelles relevant de l'exercice par l'assuré de ses droits fondamentaux. Demeurent réservés les cas où les dispositions prises par l'assuré doivent être considérées, au regard des circonstances concrètes, comme étant déraisonnables ou abusives (ATF 138 I 205 consid. 3.3 ; 134 I 105 consid. 8.2 et les références ; 113 V 22 consid. 4d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_439/2012 du 1er octobre 2012 consid. 4 et les références).

6.2 Dans le domaine des moyens auxiliaires également, l'assurance-invalidité n'est pas une assurance étendue qui prendrait en charge l'ensemble des coûts causés par l'invalidité ; la loi entend garantir la réadaptation seulement dans la mesure où celle-ci est nécessaire dans le cas particulier et où le succès prévisible de la mesure de réadaptation se trouve dans un rapport raisonnable avec ses coûts (art. 8 al. 1 LAI ; ATF 134 I 105 consid. 3). Dans le domaine du logement aussi, ce ne sont pas tous les coûts supplémentaires liés au handicap qui sont pris en charge, mais seulement certaines mesures déterminées, énumérées de manière exhaustive (ATF 131 V 9 consid. 3.4.2 ; 121 V 258 consid. 2b), ce qui est en principe conforme à la loi et à la Constitution (ATF 146 V 233 consid. 2.2 et la référence).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

8.             En l’espèce, se fondant sur les rapports des 28 août et 8 décembre 2023 (n° 125300/3 et 125300/10) établis par la FSCMA, l’intimé a limité, par sa décision litigieuse du 14 décembre 2023, la prise en charge des frais d’adaptation de la salle de bain du domicile de la recourante à CHF 10'308.25, correspondant à la remise d’un lift de transfert combiné à un lift de bain.

La recourante fait valoir notamment que la solution retenue par l’intimé n’est pas adéquate, contrairement à l’utilisation d’une douche de plain-pied, de sorte que l’intimé devrait prendre en charge pour l’ensemble des aménagements effectués dans sa salle de bain, un montant supplémentaire de CHF 19'330.72, lequel comprend CHF 5'062.95 à titre d’honoraires d’architecte.

8.1 À titre liminaire, il est rappelé que l’aménagement de la salle de bain effectué par la recourante comprend notamment le remplacement de la baignoire par une douche de plain-pied et l’interversion de place entre le lavabo et la colonne de lavage.

S’agissant du remplacement de la baignoire par une douche sans seuil, la FSCMA a expliqué, dans son rapport du 28 août 2023 (n° 125300/3), qu’une telle adaptation avait certes été pensée lors de la première visite effectuée au domicile de la recourante en août 2022, car le projet était alors que la recourante récupère une autonomie totale pour la réalisation de sa toilette. Or, une autonomie totale n’avait pas été atteinte, dès lors que la recourante avait besoin d’aide pour la toilette, les sondages, l’extraction des selles et l’habillage. La solution permettant que la recourante puisse être lavée par un tiers dans sa baignoire, en utilisant deux lifts, était par conséquent bien moins onéreuse que l’installation d’une douche de plain-pied. Dans son rapport du 8 décembre 2023 (n°125300/10), la FSCMA a encore rappelé que pour la réalisation de sa toilette, la recourante dépendait de tiers, tout comme pour effectuer les déplacements entre sa chambre et la salle de bain. Les lifts proposés afin que la recourante soit lavée dans sa baignoire visaient aussi au développement de son autonomie personnelle, précisant que le lift de bain (Aquatec Orca) n’était pas un modèle de base, mais disposait un dossier inclinable et des rabats latéraux compte tenu du manque de tonus postural de l’intéressée.

La chambre de céans relèvera déjà qu’exclure le droit à la prise en charge de l’aménagement d’une douche de plain-pied au motif que la recourante ne présente pas une autonomie totale dans la réalisation de sa toilette revient à introduire une condition supplémentaire sous le ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI, qui ne se justifie pas. On rappellera, en effet, que les moyens auxiliaires listés au ch. 14 de ladite annexe visent justement à développer l’autonomie personnelle dont ne disposent plus, ou que partiellement, les personnes gravement handicapées. Par conséquent, contrairement à ce qu’avancent la FSCMA et l’intimé, que la recourante n’ait pas une autonomie totale dans la réalisation de sa toilette, tout comme le fait qu’elle nécessite l’aide d’un tiers pour se déplacer entre sa chambre et sa salle de bain ne sauraient être déterminants pour l’octroi d’un moyen auxiliaire listé au ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI.

Qui plus est, il résulte des pièces versées au dossier que pour évaluer le droit de la recourante à la prise en charge de l’aménagement d’une douche de plain-pied, la FSCMA s’est fondée sur la prémisse erronée que la recourante dépend de tiers pour faire sa toilette (cf. rapports de la FSCMA datés des 28 août et 8 décembre 2023). En effet, comme l’invoque à juste titre la recourante, ce fait entre manifestement en contradiction avec les constatations effectuées par les spécialistes qui suivent l’intéressée. S’il n’est pas contesté, ni contestable, que la recourante nécessite l’aide de tiers pour les transferts sur sa chaise de douche, le déplacement entre sa chambre et sa salle de bain, et l’extraction des selles, il n’en demeure pas moins que s’agissant de la réalisation de sa toilette, les premiers éléments au dossier faisaient déjà état de sa capacité à y participer activement. En effet, dans son rapport du 13 octobre 2022, le Dr B______ de la CRR relevait uniquement que la recourante avait besoin d’aide pour faire la toilette des membres inférieurs. Mme I______, dans le cadre de son enquête sur l’impotence effectuée au domicile de l’intéressée, a également noté que la recourante pouvait se laver les mains, le visage et les dents seule, précisant seulement qu’elle avait besoin d’aide pour se laver le bas du corps, le dos et les cheveux (rapport d’enquête du 17 avril 2023). Enfin, lors de son dernier séjour à la CRR, il a été constaté que la recourante pouvait participer à quasiment toute sa toilette, sauf les parties intimes et les pieds (Dre L______, rapport du 5 janvier 2024).

La chambre de céans considère qu’il est dès lors établi que la recourante est capable de réaliser seule une partie de sa toilette.

8.2 Considérant, à tort, que l’intéressée ne présente aucune autonomie dans la réalisation de sa toilette, la FSCMA et l’intimé ont, par conséquent, retenu la solution d’un lift de bain afin que la recourante puisse être lavée dans sa baignoire par des tiers. Cela étant, il résulte des pièces versées au dossier que compte tenu de l’état de santé de la recourante, cette solution va à l’encontre du but visé par le ch. 14 de l’annexe à l’OMAI, soit le développement de son autonomie personnelle. En effet, les intervenants et spécialistes ayant suivi la recourante ont relevé notamment que lors de son séjour à la CRR, des essais avaient été réalisés avec le lift de bain (Aquatec Orca) proposé par la FSCMA. Il avait été constaté qu’un tel lift de bain ne répondait pas aux problèmes d’équilibre de la recourante, car si ce siège permettait certes de sécuriser la posture assise en apportant un appui dorsal, ceci n’était pas le cas sur les côtés et le devant. Sans appuis latéraux, la recourante ne pouvait pas conserver cette position, de sorte qu’elle n’était pas stable et était très désécurisée. Cela signifiait qu’elle ne pouvait pas participer à sa toilette et qu’elle devenait alors totalement dépendante d’un tiers (Mme G______, rapport du 26 janvier 2024). La Dre L______ a également constaté qu’avec un lift de bain, en raison de l’insuffisance de tonus de son tronc, la recourante était obligée de se tenir pendant toute la toilette et ne pouvait absolument pas y participer (rapport du 5 janvier 2024).

En outre, les spécialistes s’accordent à dire que l’utilisation de deux lifts implique un temps de réalisation plus grand, car cette solution nécessite un plus grand nombre de transferts, alors que la recourante présente des troubles d’équilibre et exécutifs (Mme G______, rapport du 24 septembre 2023 ; Dre L______, rapport du 5 janvier 2024). En outre, cette solution ne facilite pas l’évacuation des selles (Mme G______, rapport du 24 septembre 2023), alors qu’il s’agit d’une tâche qui n’est pas aisée pour la recourante et qui lui prend plusieurs heures par jour, ce que la FSCMA a, du reste, admis (rapport du 28 août 2023).

Force est ainsi de constater que la solution consistant en la remise de deux lifts, à titre de moyens auxiliaires, telle que retenue par l’intimé, est incompatible avec les limitations fonctionnelles que présente la recourante, puisqu’elle ne tient pas compte de ses problèmes d’équilibre, double le nombre de transferts à effectuer et rend plus difficile l’évacuation des selles. Mais surtout, cette solution entraîne, pour la recourante, une dépendance totale à l’égard de tiers puisqu’en étant obligée de se tenir au lift de bain, elle se retrouve dans l’incapacité de participer activement à la réalisation de sa toilette. Partant, non seulement cette solution empêche le développement de son autonomie personnelle, mais elle la prive aussi de l’autonomie qu’elle a déjà acquise dans la réalisation de sa toilette.

Par conséquent, la solution préconisée par l’intimé allant à l’encontre du but visé au ch. 14 de l’annexe à l’OMAI, elle ne saurait être retenue comme étant adéquate par la chambre de céans.

8.3 S’agissant de l’aménagement d’une douche sans seuil, il résulte des pièces versées au dossier que cette installation permet à la recourante, contrairement au lift de bain, de participer activement à quasiment toute sa toilette, sauf les parties intimes et les pieds, car en étant assise sur la chaise de douche R82 Heron, laquelle répond à son manque de contrôle postural, la recourante se sent en sécurité pour effectuer sa toilette et l’habillage, et reprend ainsi confiance en elle (Dre L______, rapport du 5 janvier 2024 ; Mme G______, rapports des 24 septembre 2023 et 26 janvier 2024). On ajoutera encore que selon les constatations effectuées par les spécialistes, l’utilisation d’une douche de plain-pied permet également d’obtenir un gain de temps certain pour la recourante et les intervenants, puisque cette solution ne nécessite que deux transferts, au lieu de quatre avec les lifts retenus par l’intimé, ce qui a toute son importance pour l’intéressée, en termes d’efforts à déployer, compte tenu de ses troubles d’équilibre et exécutifs (cf. rapport du 24 septembre 2023 de Mme G______).

Il en résulte que l’utilisation, par la recourante, d’une douche de plain-pied est compatible avec son état de santé, ses limitations fonctionnelles et lui permet de participer activement à la réalisation de sa toilette, contrairement aux deux lifts retenus par l’intimé, qui n’ont d’autre but que de permettre à la recourante d’être lavée par des tiers dans sa baignoire (cf. rapport FSCMA du 28 août 2023 p. 4). L’aménagement d’une douche de plain-pied dans la salle de bain du domicile de la recourante est, par conséquent, un moyen auxiliaire nécessaire et adéquat, permettant à l’intéressée, âgée de 37 ans seulement (à la date déterminante de la décision litigieuse) et dont l’atteinte est très probablement définitive (Dre L______, rapport du 5 janvier 2024), de développer, au quotidien, son autonomie personnelle en matière d’hygiène corporelle, soit d’augmenter sa capacité à s’occuper d’elle-même.

Aucun autre moyen auxiliaire adéquat - permettant le développement de l’autonomie personnelle de la recourante en matière d’hygiène corporelle -, n’ayant été proposé par l’intimé, il convient d’admettre que la recourante a droit à la prise en charge du remplacement de sa baignoire par une douche de plain-pied, au sens du ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI. Cela étant, dans la mesure où les assurés n’ont droit qu’à des moyens auxiliaires d’un modèle simple et économique (art. 2 al. 4 OMAI), la cause sera renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire quant au montant à prendre en charge.

8.4 S’agissant de l’interversion de place entre le lavabo et la colonne de lavage, il résulte des pièces au dossier que cette interversion a été nécessitée par l’installation de la douche de plain-pied. En effet, en l’absence d’une telle interversion, la recourante n’aurait pas été parfaitement à plat devant le lavabo (cf. rapports de la FSCMA des 28 août et 8 décembre 2023), de sorte qu’elle n’aurait pas pu y accéder et aurait été empêchée de réaliser seule les actes liés à son hygiène, tels que se laver les mains, le visage et les dents (cf. rapport du 17 avril 2023 de Mme I______).

Il en résulte que cette interversion de place, entre le lavabo et la colonne de lavage - nécessitée par l’aménagement d’une douche de plain-pied pour lequel la recourante a droit à la prise en charge par l’assurance -, a pour but le développement de son autonomie personnelle en matière d’hygiène, de sorte qu’elle doit également être prise en charge, à titre de moyens auxiliaires, sous le ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI. Cela étant, comme pour l’aménagement de la douche de plain-pied, l’intimé devra effectuer une instruction complémentaire portant sur le montant à prendre en charge à ce titre (cf. art. 2 al. 4 OMAI).

8.5 Enfin, dans la mesure où la recourante a droit, à titre de moyens auxiliaires, à la prise en charge de l’aménagement d’une douche de plain-pied et à l’interversion de place entre le lavabo et la colonne de lavage, l’intimé devra, dans le cadre de son instruction complémentaire, également examiner et se déterminer sur le droit à la prise en charge des autres aménagements effectués dans la salle de bain de la recourante, ainsi que sur les honoraires de l’architecte, M. E______.

Compte tenu de ce qui précède, c’est à tort que l’intimé a limité la prise en charge de l’aménagement de la salle de bain du domicile de la recourante à CHF 10'308.25, correspondant à la remise de deux lifts.

9.              

9.1 Partant, le recours doit être partiellement admis, la décision litigieuse annulée en tant qu’elle limite la prise en charge de l’aménagement de la salle de bain du domicile de la recourante à CHF 10'308.25, et la cause renvoyée à l'intimé, afin qu'il complète l'instruction au sens des considérants, puis rende une nouvelle décision.

9.2 La recourante, assistée d’une avocate et obtenant partiellement gain de cause, a droit à une indemnité de CHF 2’500.- à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l'intimé (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

9.3 La procédure de recours en matière de contestation portant sur l'octroi ou le refus de prestations de l'assurance-invalidité étant soumise à des frais de justice, au vu du sort du recours, un émolument de CHF 200.- sera mis à charge de l'intimé (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 14 décembre 2023, en tant qu’elle limite la prise en charge de l’aménagement de la salle de bain du domicile de la recourante à CHF 10'308.25, à titre de moyens auxiliaires.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants, et nouvelle décision.

5.        Alloue à la recourante, à la charge de l’intimé, une indemnité de CHF 2’500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le