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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/789/2024

ATAS/364/2024 du 23.05.2024 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/789/2024 ATAS/364/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 mai 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 


 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en octobre 1963, travaillait pour la société B______ SA, en qualité de maçon, lorsqu’il a été victime d’un accident de la circulation et s’est blessé à l’épaule droite.

b. L’assurance pour les accidents professionnels et non professionnels de son employeur, la SUVA Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci‑après : la SUVA ou l’intimée), a pris en charge l’événement.

c. Par décision du 2 novembre 2023, en se fondant sur l’appréciation de son médecin d’arrondissement, la SUVA a mis fin à ses prestations en considérant que l’état de santé, tel qu’il aurait été sans l’accident, pouvait être considéré comme atteint depuis le 8 février 2023 au plus tard. La décision mentionnait les voies de droit et notamment qu’elle entrerait en force si elle n’était pas attaquée, par voie d’opposition, dans les 30 jours à compter de sa notification. Il était ajouté que ce délai légal ne pouvait pas être prolongé.

d. Par courrier du 16 novembre 2023, l’assureur perte de gain maladie Groupe Mutuel (ci-après : Groupe Mutuel) a formé une opposition conservatoire « dans le but de protéger [ses] droits ». Était joint au courrier d’opposition un formulaire de Groupe Mutuel, signé par l’assuré, autorisant l’assurance à traiter les données nécessaires à la détermination de son droit aux prestations et déliant du secret professionnel et médical les dispensateurs de soins ainsi que les assureurs sociaux ou privés. Le formulaire autorisait également l’assurance à obtenir le remboursement d’une éventuelle surindemnisation ou de ses avances directement auprès d’un autre assureur privé ou social.

e. Par entretien téléphonique du 12 décembre 2023, Groupe Mutuel a demandé à la SUVA si son médecin s’était fondé sur le dossier médical complet et si l’assuré avait fait opposition, ce à quoi la SUVA a répondu que l’assuré n’avait pas fait opposition.

f. Par e-mail du 4 janvier 2024, l’assuré a demandé à la SUVA de lui envoyer le décompte des indemnités journalières pour la période allant du 1er janvier au 11 septembre 2023, afin qu’il puisse faire sa déclaration d’impôt.

g. Par e-mail du 12 janvier 2024, la SUVA a interpellé Groupe Mutuel en lui rappelant qu’un délai échéant au 5 janvier 2024 lui avait été accordé pour déclarer si son opposition était maintenue ou retirée. À sa demande, la SUVA lui a accordé une prolongation de délai au 12 février 2024 pour motiver son opposition. Groupe Mutuel n’a pas motivé l’opposition dans le délai qui lui avait été accordé.

h. Par e-mail du 5 février 2024, l’assuré a interpellé la SUVA, déclarant faire suite à sa décision ; il a notamment transmis une pièce médicale datée du 3 février 2024 et rédigée par le docteur C______, médecin de recours et chirurgien orthopédiste établi à Saint-Étienne (France), en demandant à la SUVA de réévaluer sa décision en sa faveur.

i. Par courrier recommandé du 12 février 2024, l’assuré s’est adressé à la SUVA, en se fondant sur la décision notifiée le 3 novembre et reçue le 8 novembre 2023, indiquant qu’il contestait cette dernière et demandait un nouvel examen de son dossier dans le cadre d’un « recours en révision » permettant de « réétudier mon cas puisque des faits nouveaux sont apportés à mon dossier médical ».

B.            a. Par décision sur opposition du 23 février 2024, la SUVA a refusé d’entrer en matière sur l’opposition de l’assuré, en la considérant comme tardive et a déclaré l’opposition du Groupe Mutuel irrecevable car dénuée de motivation.

b. Par courrier déposé au guichet de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) en date du 6 mars 2024, l’assuré a recouru contre la décision sur opposition du 23 février 2024, en se fondant uniquement sur des arguments de fond, à savoir la persistance de ses douleurs au-delà de la date retenue par la SUVA et les pièces médicales transmises avec son e‑mail du 5 février 2024.

c. Par réponse du 3 avril 2024, la SUVA a conclu à ce que le recours « soit déclaré irrecevable » au motif que son opposition était tardive.

d. Invité à répliquer, l’assuré, par courrier du 16 avril 2024, a déclaré que Groupe Mutuel le représentait et avait fait opposition dans les délais. Il alléguait avoir été induit en erreur par les informations données par les différentes assurances, notamment la SUVA qui l’avait délibérément « désincit[é] » à réagir à sa décision, en lui laissant entendre que tout serait désormais géré par Groupe Mutuel. L’assuré ajoutait que ses troubles à l’épaule persistaient et qu’ils étaient directement liés à l’accident, raison pour laquelle la décision devait être annulée et la SUVA devait continuer à fournir ses prestations.

e. Par duplique du 24 avril 2024, la SUVA a répété son argumentation selon laquelle le formulaire de procuration signé par l’assuré ne conférait aucun pouvoir de représentation à Groupe Mutuel mais autorisait ce dernier à transmettre et obtenir les renseignements nécessaires à la détermination de son droit aux prestations. Au surplus, la SUVA contestait avoir incité l’assuré à ne pas agir dans le délai légal.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

g. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur la décision d’irrecevabilité de l’opposition de l’assuré, en raison de son caractère tardif.

Pour ce motif, les griefs du recourant formulés devant la chambre de céans, sur des questions de fond, ne seront pas examinés.

5.             Aux termes de l'art. 52 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les 30 jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure. À cet égard, l'art. 10 al. 1 de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) prévoit que l'opposition doit contenir des conclusions et être motivée. L'opposition écrite doit être signée par l'opposant ou par son représentant légal ; en cas d'opposition orale, l'assureur consigne l'opposition dans un procès-verbal signé par l'opposant ou son représentant légal (art. 10 al. 4 OPGA).

Si l'opposition ne satisfait pas aux exigences de l'al. 1 ou si elle n'est pas signée, l'assureur impartit un délai convenable pour réparer le vice, avec l'avertissement qu'à défaut, l'opposition ne sera pas recevable (art. 10 al. 5 OPGA). Lorsque les conditions de recevabilité ne sont pas remplies, la procédure d'opposition prend fin avec une décision d'irrecevabilité (ATF 142 V 152 consid. 2.2 et les références).

L'art. 38 al. 1 LPGA, dispose que si le délai, compté par jours ou par mois, doit être communiqué aux parties, il commence à courir le lendemain de la communication.

En vertu de l'art. 39 al. 1 LPGA, les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'assureur ou, à son adresse, à La Poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (al. 1). Lorsqu'une partie s'adresse en temps utile à un assureur incompétent, le délai est réputé observé (al. 2).

6.             À teneur de l'art. 41 LPGA, si le requérant ou son mandataire a été empêché, sans sa faute, d'agir dans le délai fixé, celui-ci est restitué pour autant que, dans les 30 jours à compter de celui où l'empêchement a cessé, le requérant ou son mandataire ait déposé une demande motivée de restitution et ait accompli l'acte omis.

D'après la jurisprudence, une restitution de délai ne peut être accordée qu'en l'absence claire de faute du requérant ou de son mandataire, ce qui n'est pas le cas même d'une légère négligence ou d'une erreur en raison d'une inattention (arrêt du Tribunal fédéral 9C_821/2016 du 2 février 2017 consid. 2.2). Par « empêchement non fautif », il faut entendre non seulement l'impossibilité objective, comme le cas de force majeure - par exemple un événement naturel imprévisible (Anne-Sylvie DUPONT, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 7 ad art. 41 LPGA) -, mais également l'impossibilité due à des circonstances personnelles ou à une erreur excusables (arrêts du Tribunal fédéral 8C_743/2019 du 20 décembre 2019 consid. 4.3 ; I 854/06 du 5 décembre 2006 consid. 2.1), à savoir lorsque, pour des motifs indépendants de leur volonté, il leur est impossible d'effectuer l'acte requis dans le délai initial ou d'instruire un tiers en ce sens (Anne-Sylvie DUPONT, op. cit., n. 7 ad art. 41 LPGA). Ces circonstances doivent toutefois être appréciées objectivement : est non fautive toute circonstance qui aurait empêché un plaideur - respectivement un mandataire - consciencieux d'agir dans le délai fixé (arrêt du Tribunal fédéral I 854/06 du 5 décembre 2006 consid. 2.1).

Le caractère strict des conditions de restitution du délai, en cas d’opposition tardive, et de motivation de l’opposition a été rappelé par le Tribunal fédéral, dans un arrêt du 28 juin 2022 (arrêt du Tribunal fédéral 8C_660/2021).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.             En l’espèce, il est établi et non contesté que la décision de la SUVA du 2 novembre 2023 a été notifiée au recourant en date du 8 novembre 2023, selon le relevé « track and trace » de la Poste.

L’opposition de l’assuré du 5 février 2024 est incontestablement tardive.

Le recourant n’a fourni aucun motif valable qui aurait pu justifier une restitution du délai, se contentant, au niveau de son mémoire de recours, de contester l’appréciation de la SUVA quant à la date fixant la fin des prestations d’assurance-accidents, sans aucunement faire mention des éléments formels justifiant l’irrecevabilité de l’opposition.

Au niveau de la réplique, il allègue que l’opposition faite par l’assureur perte de gain doit être interprétée comme une opposition faite en sa faveur, Groupe mutuel ayant agi en qualité de représentant de l’assuré pour défendre ses intérêts.

Or, le formulaire signé par l’assuré à la demande de Groupe mutuel ne mentionne aucunement que ce dernier va représenter ses intérêts dans le cadre de la procédure de contestation de la décision. Il ne s’agit que d’un formulaire autorisant la SUVA à transmettre des informations concernant l’assuré directement à Groupe mutuel ; en d’autres termes, il s’agit d’un droit à l’information et d’une levée du secret professionnel et médical en faveur de l’assureur perte de gain.

Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de rendre vraisemblable les allégations du recourant selon lesquelles la SUVA l’aurait incité à ne pas faire opposition à cette décision. De plus, le recourant a été informé de ses droits par la mention très claire des conditions d’une opposition figurant dans la décision du 2 novembre 2023.

Enfin, le texte de l’e-mail du 5 février 2024, ainsi que celui du courrier recommandé du 12 février 2024, permettent d’exclure l’hypothèse selon laquelle le recourant aurait cru, à tort, qu’il était représenté par Groupe mutuel.

En effet, l’e-mail du 5 février 2024 ne mentionne aucunement l’opposition provisoire faite par Groupe mutuel et aucun élément de texte ne permet d’envisager que l’assuré pensait faire suite à ladite opposition et voulait fournir la motivation de l’assureur perte de gain. Il s’agit uniquement de la transmission des « conclusions expertes et professionnelles du Docteur C______ » en espérant « qu’avec ce certificat d’expertise vous réevaluerez votre décision en ma faveur ».

S’agissant du courrier du 12 février 2024, il s’agit non pas d’une opposition, mais apparemment d’une demande de révision ou de réexamen, prétendument fondée sur des éléments nouveaux, à savoir la documentation médicale accompagnant l’e‑mail du 5 février 2024.

Dès lors, la décision de « non entrée en matière », plus précisément d’irrecevabilité de l’opposition en raison de son caractère tardif, rendue par la SUVA en date du 23 février 2024, ne prête pas le flanc à la critique.

9.             Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours.

10.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le