Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/333/2024 du 15.05.2024 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/3148/2021 ATAS/333/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 15 mai 2024 Chambre 8 |
En la cause
A______ représentée par Me Yves MABILLARD, avocat
| recourante |
contre
SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS représentée par Me Jeanne-Marie MONNEY, avocat
| intimée |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1968, travaillait comme responsable des finances auprès de B______ SA, société sise dans le canton de Genève. À ce titre, elle était assurée contre le risque d’accident, professionnel ou non, auprès de la SUVA caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée).
b. Selon la déclaration de sinistre du 12 décembre 2019, le 29 juin 2019, dans le cadre d’une marche sportive (walking), l’assurée s’était tordu la cheville gauche.
B. a. Selon le certificat médical du 20 janvier 2021 du docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, l’assurée souffrait d’une tendinopathie du jambier postérieur gauche.
b. Par avis du 28 janvier 2021, le médecin d’arrondissement de la SUVA, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur a considéré que le traitement actuel n’était probablement pas justifié par les seules suites de l’accident de juin 2019. La prescription de supports orthopédiques était probablement en lien avec une affection maladive.
c. Par courrier du 5 février 2021, la SUVA a informé l’assurée que le traitement actuel n’était pas en lien de causalité vraisemblable avec l’accident du 29 juin 2019, de sorte qu’aucune prestation ne serait versée.
d. Dans le certificat médical du 11 février 2021, le Dr C______ a noté suivre l’assurée depuis le 19 octobre 2020. Cette dernière avait été victime d’une entorse de la cheville gauche, traitée de manière conservative par le médecin traitant. Compte tenu de la persistance des douleurs, des examens complémentaires avaient été réalisés. Ils avaient montré une lésion du tendon du jambier postérieur gauche. Le traitement consistait en la prescription d’une coque type OSSA pour une période de quatre à six mois. Il précisait qu’en cas d’échec, un traitement chirurgical serait peut-être nécessaire.
e. Dans son rapport non daté mais faisant suite à la demande de renseignements de la SUVA du 9 février 2021, la docteure E______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a développé que l’assurée avait décrit l’apparition d’une douleur et d’une limitation fonctionnelle de la cheville gauche suite à une entorse de sa cheville gauche le 29 juin 2019. La radiographie standard et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) du 18 décembre 2019 n’avaient pas montré de lésion aiguë. Le traitement avait été conservateur, soit de la physiothérapie pour corriger les surcharges de la cheville gauche liées à la posture. Compte tenu de la persistance des plaintes, une nouvelle IRM avait été réalisée le 1er octobre 2020 montrant les mêmes lésions de ténosynovite. L’assurée avait été adressée pour une consultation spécialisée auprès du
Dr C______. L’origine traumatique de la ténosynovite n’était pas exclue selon l’appréciation du Dr C______. La situation était toutefois péjorée et entretenue par la surcharge pondérale (indice de masse corporelle à 35) et l’âge. En annexe, la Dre E______ a produit le rapport du Dr C______ du 19 octobre 2020, le rapport d’échographie du 26 octobre 2020 et les rapports d’IRM des 18 décembre 2019 et 1er octobre 2020.
S’agissant du rapport du 19 octobre 2020, le Dr C______ y expliquait que l’IRM du 1er octobre 2020 montrait une intégrité du système ligamentaire de la cheville gauche, associée à des signes de ténosynovite du jambier postérieur et du long extenseur des orteils. À l’examen clinique, il avait retrouvé plusieurs signes compatibles avec une tendinopathie du jambier postérieur gauche, dont l’étiologie était la plupart du temps dégénérative. L’atteinte survenait majoritairement chez les femmes entre 50 et 70 ans, avec surcharge pondérale. L’assurée présentait un BMI à 35kg/m2. Il n’était pas exclu que le traumatisme ait entraîné une lésion aiguë de ce tendon.
L’IRM du 18 décembre 2019, effectuée sous indication de traumatisme en juin avec entorse en éversion de la cheville et rechute des douleurs, a conclu à l’absence de lésion osseuse ou ligamentaire post-traumatique ainsi qu’à l’intégrité du plan ligamentaire. Il a été mis en évidence une ténosynovite fissuraire du tendon tibial postérieur et du long extenseurs des orteils.
L’IRM du 1er octobre 2020, effectuée sous indication d’une entorse moyenne en août 2019 et une instabilité de la cheville, a constaté l’absence de lésion osseuse post traumatique récente, une ébauche ostéophytique de l’articulation talo-naviculaire, l’intégrité du plan ligamentaire interne et externe de la cheville, un aspect discrètement épaissi du ligament talo-naviculaire possiblement séquellaire d’une entorse, sans caractère aigu, ainsi que des signes de ténosynovite du tibial postérieur et du long extenseur des orteils.
L’échographie du 26 octobre 2020, réalisée avec indication de tendinopathie du jambier postérieur, a relevé une tendinopathie de grade II du tendon jambier postérieur caractérisée par une tuméfaction du tendon avec perte partielle de la structure fibrillaire ainsi qu’une forte suspicion d’une fissuration longitudinale du tendon au niveau de sa partie supra-malléolaire. Il était également constaté une tendinopathie pré-insertionnelle du tendon tibial antérieur avec aspect tuméfié du tendon.
f. Par bref avis du 8 avril 2021, le Dr D______ a considéré que le traitement médical était lié à une atteinte maladive prépondérante du tendon jambier postérieur.
g. Par décision du 9 avril 2021, la SUVA a refusé la prise en charge des supports orthopédiques, en concluant à l’absence de lien de causalité entre le traitement médical actuel et l’accident du 29 juin 2019.
h. Par l’intermédiaire de son conseil, l’assurée a formé opposition, en concluant à l’annulation de la décision et à la prise en charge des frais médicaux. Elle soulignait avoir souffert d’une entorse très sévère de la cheville gauche le 29 juin 2019. Les examens médicaux avaient constaté une ténosynovite fissuraire du tendon tibial postérieur et du tendon long extenseur des orteils. La SUVA avait pris en charge les frais de traitement, dont notamment des séances de physiothérapie, sans faire de réserve. Elle concluait à l’existence d’un lien de causalité entre ses atteintes et l’accident.
i. Par appréciation du 15 juillet 2021, le Dr D______ a précisé que l’analyse du dossier permettait de conclure à l’existence vraisemblable d’un état antérieur, sous la forme d’une atteinte dégénérative du tendon jambier postérieur, avec fissuration interstitielle et une tendinopathie. Cette atteinte était rendue vraisemblable par la présence d’un pied plat avec accentuation en valgus de l’arrière-pied et la surcharge pondérale. Les différentes investigations n’avaient pas montré d’atteinte traumatique ni osseuse, ni tendineuse, ni ligamentaire imputable à l’accident de juin 2019. Ce dernier avait entraîné une aggravation passagère d’un état antérieur, le statu quo sine pouvait être établi à six mois.
j. Par décision sur opposition du 19 juillet 2021, la SUVA a maintenu sa position, en précisant avoir accepté d’engager sa responsabilité pour la phase aiguë. Il était relevé que l’assurance-maladie ne s’était pas opposée à son appréciation.
C. a. Par acte du 14 septembre 2021, l’assurée a interjeté recours contre la décision sur opposition auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : Cour de céans), en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement à son audition et à celle du Dr C______, principalement à l’annulation de la décision litigieuse, à la reconnaissance du lien de causalité entre les atteintes à sa cheville et l’accident et à la condamnation de la SUVA à la prise en charge des traitements médicaux.
La recourante a expliqué s’être fortement tordu la cheville entre des cailloux. Elle s’était rendue chez un collègue de son médecin traitant, ce dernier étant en vacances. Des anti-inflammatoires avaient été prescrits. Vu la persistance des douleurs après plusieurs semaines, une IRM avait été faite mettant en évidence une lésion de son tendon, c’est à ce moment-là que son employeur avait déclaré le sinistre. Elle développait, en s’appuyant sur le rapport du Dr C______ du
8 septembre 2021, que son atteinte pouvait avoir une origine traumatique pure, particulièrement dans le cadre d’un traumatisme tel que celui subi, soit une entorse sévère. Ses autres spécificités, comme la surcharge pondérale, n’avaient eu aucune incidence sur sa cheville avant l’accident. Elle rappelait que le
Dr C______ notait également que, sans accident, elle n’aurait pas eu la nécessité de porter des supports orthopédiques. Les conclusions du Dr C______ étaient étayées par plusieurs rapports contrairement à l’appréciation du
Dr D______ qui se basait uniquement sur des statistiques et non sur des constatations objectives. Elle concluait que sa ténosynovite résultait de l’entorse sévère du 29 juin 2019, de sorte que le lien de causalité entre l’accident et l’atteinte pouvait être confirmé et impliquait la prise en charge de ses traitements.
En annexe à son recours, l’assurée a notamment produit les rapports du
Dr C______ des 21 mai et 8 septembre 2021.
Dans son rapport du 21 mai 2021, le Dr C______ a noté que l’évolution était très favorable suite à la mise en place d’un support plantaire. Il indiquait ne pas être d’accord avec les conclusions de la SUVA qui refusait l’origine traumatique. En effet bien que statistiquement la recourante présentait différents critères compatibles avec une origine dégénérative, cela ne signifiait pas que l’atteinte était forcément non traumatique. La lésion du tendon du jambier postérieur pouvait être due à un traumatisme comme une entorse de la cheville, même si cela ne pouvait pas être certifié absolument. L’absence de douleurs antérieures au traumatisme était un excellent argument.
Dans son rapport du 8 septembre 2021, le Dr C______ a posé les diagnostics d’entorse de l’arrière-pied gauche et de tendinopathie du jambier postérieur gauche, la première consultation datant du 9 octobre 2020. Le Dr C______ précisait que les divers tests cliniques du tendon du jambier postérieur gauche montraient une amélioration de la fonction et une absence de douleurs. Il était difficile d’affirmer que l’accident de juin 2019 était la cause unique de l’atteinte en raison de l’absence de documents antérieurs. Il fallait donc se baser sur l’anamnèse de la recourante qui affirmait ne pas avoir eu de douleurs avant l’accident. L’atteinte de la recourante pouvait être d’origine purement traumatique particulièrement au vu du traumatisme subi. Sans l’événement de juin 2019, il n’était pas du tout certain que la recourante aurait présenté la même atteinte et nécessité des supports plantaires, étant précisé que la surcharge pondérale n’était pas un facteur unique et déterminant de cette pathologie. Quant à l’avis du
Dr D______, il ne reposait pas sur des considérations objectives scientifiques mais sur une impression médicale « statistique ».
b. Invitée à se déterminer, l’intimée a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours et à la confirmation de la décision litigieuse. Elle a notamment fait valoir que l’appréciation du Dr D______ reposait sur une étude circonstanciée du dossier et expliquait les raisons pour lesquelles il existait vraisemblablement un état antérieur, étant précisé que l’apparition des douleurs après l’événement ne permettait pas en soi d’établir un lien de causalité. L’accident n’avait provoqué qu’une aggravation passagère d’un état antérieur dont les effets avaient pris fin six mois plus tard, soit au 29 décembre 2019. Elle avait pris en charge des frais postérieurement à la date du statu quo sine et renonçait à en demander la restitution. Elle s’opposait par ailleurs aux mesures d’instruction demandées par la recourante, le volet médical ayant été suffisamment instruit.
c. Par acte du 17 décembre 2021, la recourante a produit l’avis du 8 décembre 2021 du Professeur F______ et du Docteur G______, spécialistes FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur. Elle soulignait que le lien de causalité entre l’événement et ses atteintes ne pouvait pas être exclu. Le statu quo sine ne pouvait pas être fixé à six mois après l’accident, son état continuant à s’améliorer à ce jour.
Selon le rapport du 8 décembre 2021 du Prof. F______ et du Dr G______, la patiente s’était traitée elle-même pendant trois mois avant de consulter son médecin traitant vu la persistance de la symptomatologie. Il avait alors été mis en évidence par IRM une très forte ténosynovite principalement du tendon tibial postérieur avec fissuration longitudinale rétro-malléolaire jusqu’à l’insertion. Les douleurs persistant malgré le traitement conservateur, la recourante avait consulté le Dr C______, une seconde IRM avait montré la persistance dans une moindre mesure de la ténosynovite et des fissurations longitudinales, une coque puis des supports plantaires avaient été prescrits. L’état de santé de la recourante s’était amélioré avec une quasi-absence de douleurs dans les activités de la vie quotidienne, la danse n’était toujours pas possible. Il était souligné qu’avant l’accident, la recourante pouvait effectuer toutes les activités sportives et physiques sans aucune douleur. Le Dr G______ et le Prof. F______ étaient en désaccord avec la SUVA, car selon leur appréciation, la recourante présentait clairement une décompensation aggravante de son pied plat avec déformation post-traumatique évidente. Le caractère post-traumatique était établi par l’absence totale de symptomatologie préexistante et le fait que les deux IRM démontraient une nette diminution de l’inflammation, soit une évolution vers la guérison, ce avant même les mesures prescrites par le Dr C______. La symptomatologie de la recourante ne faisait que s’améliorer à distance de l’accident, ce qui prouvait le lien de causalité.
d. Par acte du 15 mars 2022, l’intimée a maintenu sa position en produisant l’appréciation du Dr D______ du 27 janvier 2022. Elle relevait que, en l’absence de signe objectif radiologique témoignant de la sévérité de l’entorse de la cheville gauche et en raison de l’état préexistant, il s’agissait d’une aggravation temporaire de l’état antérieur potentiellement évolutif vu les facteurs structurels et morphologiques propres à la recourante. La SUVA n’avait pas classé l’affection en maladie. L’événement accidentel était reconnu, mais elle avait fixé un statu quo sine six mois après l’accident, le rapport du 8 décembre 2021 ne permettait pas de mettre en doute l’appréciation du Dr D______.
Dans son appréciation du 27 janvier 2022, le Dr D______ a considéré que l’absence de symptomatologie préexistante et l’amélioration avec traitement conservateur ne permettaient pas d’établir un lien de causalité. L’absence de symptomatologie ne signifiait pas l’absence d’une pathologie sous-jacente dans un contexte de platypodie bilatérale et de surcharge pondérale. Les examens ne constataient aucune atteinte osseuse ou ligamentaire attestant d’une sévérité du traumatisme susceptible d’entrainer une atteinte du tendon jambier postérieur. L’imagerie montrait une atteinte tendineuse longitudinale du tendon jambier postérieur témoignant probablement d’une tendinopathie préexistante s’accompagnant d’une ténosynovite. L’articulation talo-naviculaire montrait une ostéophytose et un épaississement capsulo-ligamentaire établissant une atteinte dégénérative débutante. L’amélioration évoquée dans le rapport du 8 décembre 2021 était relative puisque l’examen ultra-son du 26 octobre 2020 mettait en évidence une tendinopathie persistante du tendon jambier postérieur caractérisée par une tuméfaction du tendon et une perte de la structure fibrillaire interne avec suspicion d’une fissuration longitudinale du tendon avec une gaine synoviale épaissie et contenant une discrète quantité de liquide. La première consultation auprès du médecin traitant n’ayant eu lieu qu’environ onze semaines et demie après l’accident, cela semblait indiquer qu’il s’agissait d’une entorse probablement mineure, n’ayant entraîné aucune impotence fonctionnelle significative initiale. S’agissant de l’étiologie, l’atteinte au tendon du jambier postérieur était la plupart du temps une atteinte progressive, dégénérative favorisée par des facteurs structurels et morphologiques entrainant une surcharge de l’arche médial de la cheville et du pied, ce qui était confirmé par le Dr C______ dans son rapport du 19 octobre 2020. Il existait un état antérieur qui n’était pas contesté par le Dr G______ et le Prof. F______. Tenant compte de l’absence de signe objectif radiologique témoignant d’une sévérité de l’entorse et du déroulement des faits avec consultation tardive, il estimait qu’il n’y avait pas d’élément probant pour soutenir une aggravation déterminante répondant à la notion de vraisemblance prépondérante. Selon son appréciation, il s’agissait d’une aggravation temporaire d’un état antérieur potentiellement évolutif en raison de facteurs structurels et morphologiques propres à la recourante.
e. Par acte du 7 avril 2022, la recourante a persisté. Elle a rappelé qu’avant l’accident, elle avait pratiqué assidument la danse et la marche (walking) sans la moindre douleur, ce qui contredisait l’existence d’une pathologie sous-jacente. Avant la consultation auprès de son médecin traitant, elle avait été vue par son remplaçant qui lui avait prescrit des anti-inflammatoires, le laps de temps entre l’accident et la consultation auprès de son médecin traitant ne permettait dès lors pas de conclure à une entorse mineure. L’amélioration de l’état de santé allait également à l’encontre du caractère dégénératif de l’atteinte, qui devrait au contraire progresser. Même à supposer que le traumatisme avait uniquement aggravé temporairement un état préexistant, ce qui était contesté, la SUVA était tenue d’intervenir jusqu’à la guérison. Or, son état s’améliorant, le statu quo sine ne pouvait pas être fixé après six mois. La durée de guérison plus longue ne s’expliquait pas par une atteinte dégénérative, mais par ses facteurs structurels et morphologiques.
f. Sur questions de la Cour de céans, lesquelles ont été validées par les parties, le Dr C______ a répondu par rapport du 3 mai 2023 s’opposer aux conclusions du
Dr D______. Il relevait l’absence de lésion identique contro-latérale, l’absence de douleurs antérieures et la diminution de l’inflammation. Il avait vu la recourante pour la dernière fois le 26 août 2021. La lésion du tendon du jambier postérieur était clairement mise en évidence par les deux IRM, étant précisé que cette dernière ne s’accompagnait pas forcément d’une lésion ligamentaire deltoïde ou d’une lésion osseuse. Ces lésions d’accompagnement étaient souvent associées mais pas systématiquement. L’IRM du 26 octobre 2020 montrait un épaississement du ligament talo-naviculaire, compatible avec les séquelles d’une entorse avec cicatrisation dudit ligament. Ce dernier avait une grande importance dans la stabilité de l’arrière-pied et s’associait souvent à une lésion du tendon du jambier postérieur. En reprenant l’anamnèse de la recourante, elle avait parlé de plusieurs entorses survenues dans l’adolescence mais pas plus tard, soit près de 30 ans avant l’accident de 2019. Une ténosynovite pouvait avoir une origine traumatique, en particulier en cas d’entorse, même si dans le cadre de la tendinopathie du jambier postérieur, une telle étiologie était plus rare que l’origine dégénérative classique. La littérature actuelle démontrait la présence d’une lésion du tendon du jambier postérieur, bien avant les autres lésions internes ligamentaires, capsulaires ou osseuses. Même si cette chronologie n’était pas une preuve que dans le cas de la recourante la lésion du tendon était traumatique, elle appuyait cette origine.
g. Invitée à se déterminer sur le rapport du Dr C______, la recourante a persisté par acte du 1er juin 2023. Elle a fait valoir que ce dernier s’appuyait sur des observations médicales objectives et pas seulement sur l’absence de douleurs antérieures à l’accident. Le Dr C______ et le Prof. F______ l’avaient examinée, ce qui n’était pas le cas du Dr D______. Le Dr C______ s’écartait des conclusions du Dr D______ en se basant sur l’évolution attestée par les deux IRM. Par ailleurs, l’entorse était propice à causer l’atteinte dont elle souffrait. Elle ignorait à quel état antérieur se référait le Dr D______. Si comme le prétendait la SUVA son atteinte était d’origine dégénérative, il était surprenant que l’autre cheville ne présente pas la même pathologie.
h. Par acte du 29 juin 2023, l’intimée a maintenu sa position en produisant une appréciation du Dr D______ du 24 mai 2023.
En substance, le Dr D______ a réitéré que la diminution de l’inflammation était relative au vu de l’ultrason du 26 octobre 2019 qui ne confirmait pas de diminution significative de l’atteinte tendineuse. S’agissant de l’entorse, l’examen radiologique et l’IRM du 18 décembre 2019 ne montraient aucune atteinte traumatique osseuse, ni ligamentaire interne ou externe aiguë de la cheville, ce qui allait dans le sens d’une entorse de type bénin. Il exposait que les deux IRM montraient une atteinte intra-tendineuse de type fissuraire accompagnée d’une ténosynovite, mais sans aucune atteinte transfixiante de type déchirure aiguë mise en évidence. Lesdits examens ne constataient aucune lésion d’accompagnement du plan ligamentaire interne ou externe de la cheville permettant de confirmer la sévérité du mécanisme lésionnel, cet élément allait dans le sens d’un accident plutôt bénin. Il ne retenait dès lors pas de lien de causalité. S’agissant de l’épaississement du ligament talo-naviculaire dorsal, contrairement aux allégations du Dr C______, il ne s’agissait pas du ligament qui avait le plus d’importance dans la stabilité de l’arrière-pied. Le ligament le plus important en termes de stabilité était le calcanéo-naviculaire plantaire ou « spring ligament », lequel ne présentait aucune atteinte selon les examens réalisés. Les examens du 19 octobre 2020 attestaient de signes dégénératifs talo-naviculaires, principalement dorsal. L’état antérieur n’était pas relatif à d’éventuelles entorses mais à l’existence de pieds plats avec valgus bilatéral, qui selon lui, prédisposait à une dysfonction du jambier postérieur, aggravé de manière passagère par l’accident. Il n’y avait aucune atteinte structurelle du tendon de type déchirure transfixiante, ni aucune atteinte accompagnant l’entorse permettant de la juger suffisamment sévère pour entraîner une déchirure du tendon jambier postérieur. Il maintenait dès lors sa position.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Selon l'art. 58 LPGA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l’assuré ou d’une autre partie au moment du dépôt du recours (al. 1). Si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse ; si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l’organe d’exécution a son siège (al. 2).
Compte tenu du domicile genevois de la recourante, la Cour de céans est compétente à raison de la matière et du lieu pour juger du cas d’espèce
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.
Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).
Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. L'accident étant survenu après cette date, le droit de la recourante aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit.
3. Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.
4. Le litige porte sur l'existence d'un lien de causalité naturelle entre l’événement du 29 juin 2019 et l’atteinte au niveau du pied gauche de la recourante ainsi que sur l’obligation de prester de l’intimée au-delà du 29 décembre 2019.
5.
5.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).
5.2 La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l'événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).
5.3 Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).
5.4 Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).
Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement «post hoc, ergo propter hoc» ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). On ne saurait toutefois dénier toute valeur à ce raisonnement lorsqu’il est mis en relations avec d’autres critères médicalement déterminants. Par ailleurs, l’inapplication de l’adage « post hoc, ergo propter hoc » ne libère pas l’administration de son devoir selon l’art. 43 al. 1 LPGA, de prendre d’office les mesures d’instruction nécessaires et de recueillir les renseignements dont elle a besoin. Finalement, si un expert est d’avis que d'après la description que l'assuré lui a faite de l'accident, celui-ci est de nature à causer le traumatisme constaté, un juge ne peut pas, sans motif pertinent, purement et simplement substituer sa propre appréciation à celle de l'expert TFA U 349/05 du 21 août 2006).
5.5 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l'obligation de prester de l'assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).
6.
6.1 L'assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident (art. 10 al. 1 LAA). S'il est totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite d’un accident, il a droit à une indemnité journalière (art. 16 al. 1 LAA).
6.2 Selon l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente.
Ce qu’il faut comprendre par sensible amélioration de l’état de santé au sens de l’art. 19 al. 1 LAA se détermine en fonction de l’augmentation ou du rétablissement de la capacité de travail à attendre pour autant qu’elle ait été diminuée par l’accident, auquel cas l’amélioration escomptée par un autre traitement doit être importante. Des améliorations insignifiantes ne suffisent pas (ATF 134 V 109 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_402/2007 du
23 avril 2008 consid. 5.1.2.1). L'amélioration que doit amener une poursuite du traitement médical doit être significative. Ni la possibilité lointaine d'un résultat positif de la poursuite d'un traitement médical ni un progrès thérapeutique mineur à attendre de nouvelles mesures - comme une cure thermale - ne donnent droit à sa mise en oeuvre. Il ne suffit pas non plus qu'un traitement physiothérapeutique puisse éventuellement être bénéfique pour la personne assurée. Dans ce contexte, l'état de santé doit être évalué de manière prospective (arrêt du Tribunal fédéral 8C_95/2021 du 27 mai 2021 consid. 3.2 et les références). Il faut en principe que l’état de santé de l’assuré puisse être considéré comme stable d’un point de vue médical (arrêt du Tribunal fédéral 8C_591/2022 du 14 juillet 2023 consid. 3.2 et la référence).
Dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l'assuré et qu'aucune mesure de réadaptation de l'assurance-invalidité n'entre en considération, il appartient à l'assureur-accidents de clore le cas en mettant fin aux frais de traitement ainsi qu'aux indemnités journalières et en examinant le droit à une rente d'invalidité et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité (ATF 134 V 109 consid. 4.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2020 du 19 juin 2020 consid. 3.2 et les références).
6.3 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Si un accident n'a fait que déclencher un processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de causalité naturelle entre les symptômes présentés par l'assuré et l'accident doit être nié lorsque l'état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l'accident (statu quo ante) ou s'il est parvenu au stade d'évolution qu'il aurait atteint sans l'accident (statu quo sine) (RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.2). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l'accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1003/2010 du
22 novembre 2011 consid. 1.2 et 8C_552/2007 du 19 février 2008 consid. 2).
7. Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations d'assurance sociales, le fardeau de la preuve incombe en principe à l'assureur-accidents (cf. ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). Cette règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3). Á cet égard, est seul décisif le point de savoir si, au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 146 V 271 consid. 4.4), les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus aucun rôle, ne serait-ce même que partiel (cf. ATF 142 V 435 consid. 1), et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_343/2022 du 11 octobre 2022 consid. 3.2 et les références).
8.
8.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).
8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).
8.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).
8.4 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Etant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).
8.5 Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ;
ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).
8.6 Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).
8.7 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C/973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
9. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
10.
10.1 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, les autorités administratives et les juges des assurances sociales doivent procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raison pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Ils ne peuvent ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, ils doivent mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).
10.2 Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
10.3 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b, ATF 122 V 157 consid. 1d).
11. En l'espèce, la recourante fait valoir que son atteinte découle de l’entorse subie en juin 2019, subsidiairement elle invoque qu’en tout état de cause, l’accident de juin 2019 a provoqué une aggravation qui a subsisté au-delà du 29 décembre 2019, ce qui implique que l’intimée doit prendre en charge les frais de traitement au-delà de cette date. Pour sa part, la SUVA considère que la recourante présente une atteinte dégénérative qui s’explique notamment par ses spécificités structurelles et morphologiques, soit son âge et une surcharge pondérale. Elle allègue que l’entorse a provoqué une aggravation passagère, le statu quo sine vel ante ayant été atteint après six mois, de sorte qu’elle ne doit pas prendre en charge les frais de traitements postérieurs, dont notamment les supports plantaires.
12.
12.1 Selon la déclaration de sinistre de décembre 2019, la recourante s’est tordue la cheville lors d’une marche sportive fin juin 2019, dont les suites ont été prises en charge par la SUVA dans un premier temps.
12.2 Les appréciations médicales au dossier sont divergentes, les médecins ayant suivi la recourante concluant à une atteinte traumatique alors que le médecin d’arrondissement conclut à un état antérieur aggravé de manière passagère par l’accident de juin 2019.
Reste à examiner si les rapports médicaux figurant au dossier permettent de statuer sur les suites de l'événement du 29 juin 2019.
Après l'accident, la recourante explique s’être soignée seule dans un premier temps avant de consulter le remplaçant de son médecin traitant, ce dernier étant en vacances. Ce n’est qu’en septembre 2019 qu’elle a vu la Dre E______ et des examens ont eu lieu fin 2019, lesquels ont mis en évidence une ténosynovite fissuraire du tendon tibial postérieur et du tendon du long extenseur des orteils. Au vu de la persistance des douleurs, la recourante a consulté le Dr C______ en octobre 2020 qui a procédé à de nouveaux examens dont les résultats confirmaient la lésion.
Dans son rapport du 19 octobre 2020, le Dr C______ a expliqué que l’étiologie de l’atteinte au jambier postérieur était la plupart du temps dégénérative, survenant majoritairement chez les femmes entre 50 et 70 ans avec surcharge pondérale, il indiquait toutefois qu’il n’était pas exclu que le traumatisme ait entraîné une lésion aiguë de ce tendon.
Dans le cadre de la procédure, la recourante a produit des rapports du Dr C______ qui expliquent que son état de santé évolue favorablement. S’agissant de l’origine de l’atteinte, le Dr C______ reconnaît qu’elle est le plus souvent dégénérative sans exclure une étiologie traumatique vu l’entorse subie. Il s’appuie en particulier sur l’absence de douleurs antérieures à l’accident. Dans son rapport du 8 septembre 2021, le Dr C______ précise que la surcharge pondérale n’est pas un facteur déterminant pour développer ce type d’atteinte au jambier postérieur, de sorte que sans accident, il n’est pas certain qu’elle ait dû porter des supports plantaires.
La recourante a également produit un rapport du Prof. F______ et du
Dr G______ daté du 8 décembre 2021, consultés fin 2021. Selon leur appréciation, les IRM démontraient une nette diminution de l’inflammation et la poursuite de l’amélioration à distance de l’accident allant vers la guérison. La recourante présentait une décompensation aggravante de son pied plat avec déformation post-traumatique évidente. Lesdits médecins relevaient également l’absence de symptomatologie antérieure.
Interrogé par la Cour de céans, le Dr C______ a répondu le 3 mai 2023 que l’atteinte était traumatique au vu de l’absence de symptomatologie antérieure, de la diminution de l’inflammation et de l’absence de lésion identique contro-latérale. Il relevait que les lésions d’accompagnement n’étaient pas systématiques.
Le dossier a été soumis à plusieurs reprises au Dr D______ qui a conclu qu’il y avait vraisemblablement un état antérieur, sous la forme d’une atteinte dégénérative du tendon jambier postérieur vu la présence d’un pied plat avec accentuation en valgus de l’arrière-pied et la surcharge pondérale. Selon son analyse, les examens n’avaient pas montré d’atteinte traumatique ni osseuse, ni tendineuse, ni ligamentaire imputable à l’accident. Par ailleurs, la recourante n’avait vu son médecin traitant que près de douze semaines après l’accident, ce qui confirmait un événement bénin. L’absence de symptomatologie préexistante ne signifiait pas l’absence de pathologie sous-jacente. Selon les examens, l’articulation talo-naviculaire montrait une ostéophytose et un épaississement capsulo-ligamentaire établissant une atteinte dégénérative débutante. Quant à la diminution de l’inflammation, elle était relative vu les résultats de l’ultrason et ne confirmait pas une amélioration significative de l’atteinte tendineuse. L’accident n’avait donc provoqué qu’une aggravation passagère.
Les médecins s’accordent pour considérer que l’atteinte dont souffre la recourante est souvent dégénérative, toutefois il y a lieu de s’attacher à examiner les spécificités du cas d’espèce et non de se baser sur des généralités.
In casu, la recourante a subi un traumatisme le 29 juin 2019 dont on ignore la gravité puisque l’intimée n’a pas instruit le déroulement de l’événement, ni interpellé le premier médecin ayant examiné la recourante.
Dès lors, les remarques du Dr D______ quant au laps de temps écoulé avant la consultation auprès du médecin traitant sont sans pertinence, or il s’en sert pour considérer que l’entorse a été bégnine et nier le lien de causalité. De même, le
Dr C______ développe que les lésions d’accompagnements ne sont pas systématiques, alors que l’appréciation du Dr D______ repose sur leur absence pour une nouvelle fois retenir que l’accident a été bénin.
À cela s’ajoute que les éléments dégénératifs débutants évoqués par le
Dr D______ sont mentionnés pour la première fois dans le rapport d’IRM d’octobre 2020, soit plus d’un an après l’accident.
De même, le Dr D______ retient que l’épaississement ligamentaire relève d’une atteinte dégénérative alors que le rapport d’IRM de 2020 le considère comme possiblement séquellaire à une entorse.
Par ailleurs, le PROF. F______ ainsi que les Drs G______ et C______ font état d’une amélioration à distance de l’accident établit par les IRM de 2019 et 2020 qui contredirait l’origine dégénérative. Or, dans son appréciation, le
Dr D______ conclut que l’amélioration est relative, mais ne nie pas son existence.
Par ailleurs, le Dr D______ n’a pas indiqué les motifs qui lui permettent de retenir un statu quo sine six mois après l’accident, ce alors même que les éléments produits par la recourante retiennent une évolution nettement postérieure ainsi que la présence de tuméfaction du tendon en octobre 2020.
13. Au vu des éléments qui précèdent, il n’existe pas d’avis médical probant permettant de trancher le droit aux prestations.
La Cour de céans considère que l’audition du Dr C______ qui a eu l’occasion de se prononcer par écrit et de répondre aux questions de la recourante n’est pas susceptible de permettre la résolution de la présente affaire.
La problématique étant essentiellement médicale, l’audition de la recourante, qui a pu se déterminer par écrit à plusieurs reprises, ne permettrait pas de résoudre l’affaire.
Il y sera dès lors renoncé.
Il est en effet nécessaire que l’intimée instruise le déroulement de l’accident en interrogeant le premier médecin consulté puis de recourir à une expertise indépendante qui devra comprendre à tout le moins un volet orthopédique (art. 44 LPGA).
À cette fin, la cause est renvoyée à l'intimée pour complément d'instruction et nouvelle décision.
Un renvoi à l'administration se justifie d'autant plus que l'intimée a insuffisamment instruit le dossier.
14. Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision litigieuse annulée, et la cause renvoyée à l'intimée afin qu'elle procède conformément aux considérants.
La recourante, représentée par un avocat, obtenant partiellement gain de cause, une indemnité lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), fixée en l'espèce à CHF 3'000.-.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision sur opposition du 19 juillet 2021.
4. Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.
5. Condamne l’intimée à verser à la recourante une indemnité de dépens de
CHF 3'000.-.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Pascale HUGI |
| La présidente suppléante
Marie-Josée COSTA |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le