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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2836/2022

ATAS/864/2023 du 09.11.2023 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2836/2022 ATAS/864/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 novembre 2023

Chambre 5

 

En la cause

Madame A______

représentée par Me Nicolas WYSS, avocat

et

L’hoirie de feu Monsieur B______, soit pour elle :

Madame A______

Madame C______

Monsieur D______

Monsieur E______

Tous quatre représentés par Me Nicolas WYSS, avocat

recourants

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé


EN FAIT

 

A. a. Monsieur B______ (ci-après : le bénéficiaire), né en ______ 1923, et Madame A______ (ci-après : la bénéficiaire), née en ______ 1934, sont mariés depuis 1963.

b. De leur union sont nés trois enfants, Monsieur E______, né en ______ 1963, Madame C______, née en ______ 1969 et Monsieur D______, né en ______ 1972.

c. Le bénéficiaire a acquis, en 1982, une parcelle, se trouvant sur la commune de Collonge-Bellerive, au prix de CHF 60'000.-, grâce à un prêt de la Banque cantonale de Genève du même montant, à un taux d’intérêt de 7,5%.

d. Les conditions du prêt hypothécaire ont été modifiées à plusieurs reprises et notamment de la manière suivante :

-          en 1985, l’emprunt hypothécaire a été augmenté à CHF 120'000.-, avec un taux d’intérêt maximum de 10% ;

-          à une date inconnue, le prêt a été augmenté à CHF 381'800.-. Suite à des amortissements, le montant dû est passé à CHF 373'600.- puis à CHF 349'000.-, à tout le moins au début des années 2000 ;

-          en 2009, le prêt de CHF 349'000.- a été renouvelé pour cinq ans, avec un taux d’intérêt de 2,5% par an ;

-          en 2014, seul le taux d’intérêt a été renégocié et réduit à 1,35% pour cinq ans.

e. Par ordonnance du 27 août 2014, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant a privé la bénéficiaire de l’exercice de ses droits civils et a instauré une curatelle de représentation avec gestion, laquelle a, dans un premier temps, été confiée à Me G______, avocat, avant d’être transférée, par ordonnance du 5 août 2015, à deux des enfants des bénéficiaires.

f. Le bénéficiaire est décédé le 4 mai 2021, laissant pour héritiers son épouse et leurs trois enfants.

B. a. Le 27 août 1997, le bénéficiaire a requis, auprès de l’office cantonal des personnes âgées (ci-après : l'OCPA), devenu depuis le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) des prestations complémentaires aux rentes de vieillesse que son épouse et lui-même percevaient depuis le 1er janvier 1997. Dans le formulaire de demande, il a notamment indiqué être propriétaire d’un bien immobilier, estimé à CHF 317'160.-, avoir des dettes pour un montant de CHF 390'000.- et devoir s’acquitter, chaque année, de CHF 19'887.- à titre d’intérêts hypothécaires.

b. Après avoir rassemblé diverses pièces, l’OCPA a, par décision du 11 octobre 1999, mis les époux A______ et B______ au bénéfice, à compter du 1er janvier 1998, de prestations complémentaires ainsi que d’un subside de l’assurance-maladie, retenant notamment, à titre de dépenses, des intérêts hypothécaires annuels de CHF 9’750.- pour 1997 et de CHF 18'892.- dès 1998 et une hypothèque de CHF 381'800.-.

c. Ces prestations ont régulièrement été mises à jour.

d. En mars 2018, le SPC a, pour la première fois, entrepris, une révision périodique et a invité les époux à lui transmettre plusieurs pièces, dont notamment l’état de la dette hypothécaire et des intérêts hypothécaires dus pour les années 2010 à 2017.

e. Après avoir obtenu toutes les pièces, parfois après relance, le SPC a recalculé le droit aux prestations des époux et leur a notifié, en date du 5 décembre 2018, deux décisions datées du 30 novembre 2018, soit :

-          une première décision, par laquelle le service précité requérait la restitution de CHF 100'998.- au titre de prestations indûment perçues entre le 1er septembre 2011 et le 30 juin 2018 ;

-          une seconde décision, à teneur de laquelle le SPC était débiteur d’un montant de CHF 1'000.- pour la période du 1er juillet au 30 novembre 2018, les prestations complémentaires dues à compter du 1er décembre 2018 étant de CHF 200.-.

Selon le courrier d’accompagnement du 5 décembre 2018, le SPC reprochait notamment aux époux de ne pas avoir mentionné que le montant de l’hypothèque et celui des intérêts hypothécaires avaient diminué. S’y ajoutait également une modification du montant de la rente étrangère. Il s’agissait là de circonstances dépassant la simple violation du devoir d’annonce, constitutives d’une infraction pénale, avec pour conséquence que la restitution des prestations indûment versées les sept dernières années (prescription pénale) pouvait être demandée.

f. Sous la plume de leur Conseil, les époux ont formé opposition à l’encontre de la décision de restitution, laquelle a fait l’objet de deux décisions sur opposition, datées du 7 juillet 2022 :

-          dans une première décision, couvrant la période du 1er janvier 2012 au 30 juin 2018, le SPC a, d’une part, confirmé l’application du délai de prescription pénale de sept ans et, d’autre part, recalculé la fortune mobilière au 31 décembre 2017, ce qui a mené à une réduction du montant à restituer, de CHF 100'998.- à CHF 100'968.-. Ce montant correspondait à l’intégralité des prestations complémentaires fédérales versées, d’un montant total de CHF 70'896.-, et à CHF 30'072.- de prestations complémentaires cantonales.

-          Dans une seconde décision, couvrant la période du 1er juillet au 30 novembre 2018, le SPC a déclaré l’opposition sans objet, dès lors que la différence en faveur des bénéficiaires, résultant du nouveau calcul de la fortune mobilière, au 31 décembre 2017, avait été prise en considération dans la décision sur opposition précitée

C. a. Le 6 septembre 2022, la bénéficiaire, agissant en son nom propre, et l’hoirie de feu le bénéficiaire (ci-après : les recourants) ont interjeté recours par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre les décisions sur opposition du 7 juillet 2022, concluant à leur annulation et à la constatation qu’ils ne devaient rien. À l’appui de leurs conclusions, les recourants ont, d’une part, contesté l’application du délai pénal de sept ans, considérant que les bénéficiaires n’avaient pas agi intentionnellement en ne déclarant pas les modifications de leurs dépenses et de leur fortune et, d’autre part, invoqué la péremption de la demande en restitution, le SPC n’ayant pas agi dans les temps.

C’est le lieu de relever que les recourants ont saisi la chambre de céans d’un seul mémoire de recours, lequel était dirigé contre les deux décisions sur opposition, recours qui ont été traités comme suit :

-          le recours contre la décision sur opposition couvrant la période du 1er janvier 2012 au 30 juin 2018 ou, en d’autres termes, le recours dirigé contre la décision sur opposition portant sur la restitution des prestations complémentaires tant fédérales que cantonales et recalculant la fortune mobilière au 31 décembre 2017, a été enregistré sous le numéro de cause A/2836/2022 ;

-          le recours contre la décision sur opposition couvrant la période du 1er juillet au 30 novembre 2018 ou, en d’autres termes, le recours dirigé contre la décision sur opposition dans laquelle l’opposition a été déclarée sans objet, a été enregistré sous le numéro de cause A/2837/2022.

b. Le SPC a répondu en date du 6 octobre 2022 et a conclu, à titre liminaire, à la jonction des causes et, principalement, au rejet des recours et à la confirmation des décisions sur opposition attaquées. Sur le fond, il a considéré que les bénéficiaires avaient été en mesure de gérer leurs affaires administratives, le cas échéant avec l’aide de tiers. Ils avaient, au demeurant, été régulièrement assistés par des tiers, notamment par le cadet de leurs fils ou par un curateur, étant précisé que l’éventuelle faute d’un mandataire était imputable à la partie. Le service intimé ignorait que la recourante et feu son époux avaient renouvelé leur contrat en 2009 et 2014 et il n’avait absolument aucun moyen de le savoir. Par leur silence qualifié, les époux avaient commis les infractions pénales pour toute la période litigieuse, de sorte que la prescription pénale de sept ans était bien applicable.

c. Par ordonnance du 28 novembre 2022, la chambre de céans a joint les causes A/2836/2022 et A/2837/2022 sous le numéro A/2836/2022.

d. Les recourants ont persisté dans leurs conclusions par réplique du 9 janvier 2023, tout en invoquant leur bonne foi compte tenu de leurs aptitudes fortement restreintes par la maladie et l’âge, sans qu’ils n’aient jamais eu la moindre volonté de tromper l’intimé. Par ailleurs, ils sollicitaient l’audition du premier curateur, Me G______.

e. Par courrier du 20 janvier 2023, l’intimé a rappelé que l’éventuelle faute d’un mandataire était imputable à la partie, raison pour laquelle il considérait l’audition de Me G______ comme inutile.

f. Le 6 février 2023, les recourants ont persisté dans leur demande d’audition de Me G______.

g. Le 16 mars 2023 s’est tenue une audience de comparution personnelle des parties et audience d’enquêtes, au cours de laquelle Me G______ a été entendu. À cette occasion, ce dernier a notamment expliqué que pour lui, la dette étant identique, il ne voyait pas de raison particulière d’informer le service intimé de la diminution du taux d’intérêt et ne se souvenait pas s'il avait informé ou pas le SPC sur ce point précis.

h. Par courrier du 27 mars 2023, les recourants ont transmis à la chambre de céans diverses pièces concernant la parcelle sise sur la commune de Collonge-Bellerive, formulant quelques observations à leur propos. Ils ont par ailleurs donné des précisions quant à la liquidation du régime matrimonial et à la succession.

i. Le 17 avril 2023, l’intimé a persisté à conclure au rejet du recours, sans formuler d’observations particulières.

j. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

k. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC).

En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

2.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA).

3.             Des modifications législatives et réglementaires sont entrées en vigueur au 1er janvier 2021 dans le cadre de la Réforme des prestations complémentaires (LPC, modification du 22 mars 2019, RO 2020 585, FF 2016 7249 ; ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 [OPC-AVS/AI - RS 831.301], modification du 29 janvier 2020, RO 2020 599).

Toutefois, dans la mesure où la demande de restitution porte uniquement sur la restitution de prestations versées entre le 1er janvier 2012 et le 30 juin 2018, soit pendant une période antérieure à l’entrée en vigueur des modifications législatives, le nouveau droit n’est pas applicable.

4.             Il convient tout d'abord de déterminer la qualité pour recourir de la recourante et de l’hoirie de feu son époux.

4.1  

4.1.1 Aux termes de l’art. 59 LPGA, quiconque est touché par la décision ou la décision sur opposition et a un intérêt digne d’être protégé à ce qu’elle soit annulée ou modifiée a qualité pour recourir.

Le Tribunal fédéral avait considéré, sous l’empire de la loi fédérale d’organisation judiciaire, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2006 (OJ), que l’intérêt digne de protection déterminant la qualité pour recourir devant la juridiction cantonale (des assurances sociales) devait être examiné selon les principes découlant de l’art. 103 let. a aOJ (ATF 130 V 390 consid. 2.2 et les références). Les conditions posées par cette disposition pour fonder la qualité pour interjeter recours ont été reprises en substance par l’art. 89 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ‑ RS 173.110). On peut dès lors sans autre se fonder sur la jurisprudence rendue sous l’empire de l’ancienne législation. Constitue un intérêt digne de protection, au sens de ces dispositions, tout intérêt pratique ou juridique à demander la modification ou l’annulation de la décision attaquée que peut faire valoir une personne atteinte par cette dernière. L’intérêt digne de protection consiste ainsi en l’utilité pratique que l’admission du recours apporterait au recourant en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Le recourant doit pouvoir se prévaloir d’un intérêt direct et concret, ou du moins se trouver dans un rapport particulier et spécialement étroit avec l’objet du litige (ATF 133 II 400 consid. 2.2, 409 consid. 1.3 ; 131 II 361 consid. 1.2, 587 consid. 2.1, 649 consid. 3.1 ; 131 V 298 consid. 3 ss).

4.1.2 En matière de prestations complémentaires, l’art. 21b OPC-AVS/AI prévoit notamment que la prestation complémentaire annuelle est versée mensuellement, séparément et par moitié à chacun des conjoints si chacun d’eux a un droit propre à une rente de l’AVS ou de l’AI. En cas de remboursement unique, les organes des PC peuvent verser la totalité du montant au conjoint concerné (al. 1). Par une requête commune, les époux peuvent en tout temps exiger un versement du montant total de la prestation complémentaire en mains de l’un d’eux seulement ; chaque conjoint peut en tout temps exiger à nouveau un versement séparé (al. 2).

4.1.3 En matière de restitution, l’art. 2 al. 1 let. a de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA ‑  RS 830.11) stipule que le bénéficiaire des prestations allouées indûment ou ses héritiers sont notamment soumis à l’obligation de restituer.

4.2 En l’espèce, si c’est bien feu le bénéficiaire qui a requis des prestations complémentaires aux rentes de l'assurance-vieillesse de son épouse et de lui-même et à qui les décisions étaient notifiées, son épouse disposait d’un droit propre à une rente AVS et elle pouvait dès lors également être bénéficiaire de prestations complémentaires. D’ailleurs, conformément à l’art. 21 b al. 1 OPC‑AVS/AI, les prestations complémentaires auraient dû être divisées en deux et la moitié aurait dû lui être versée.

À ce titre, l’épouse de feu le bénéficiaire est directement touchée par les décisions de l’intimé et dispose de la qualité pour recourir.

Quant à l’hoirie de feu le bénéficiaire, soit son épouse et leurs trois enfants, elle dispose également de la qualité pour recourir conformément à l’art. 2 al. 1 let. a OPGA.

5.             Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA ‑ E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 43B let. b LPCC ; art. 89C let. b LPA), le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

6.             Il convient désormais de déterminer l’objet du litige.

6.1  

6.1.1 L’art. 52 al. 1 LPGA prévoit que les décisions peuvent être attaquées dans les 30 jours par voie d'opposition auprès de l'assureur qui les a rendues, à l'exception des décisions d'ordonnancement de la procédure. Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l'opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours (art. 56 al. 1 LPGA). La procédure d'opposition est obligatoire et constitue une condition formelle de validité de la procédure de recours de droit administratif subséquente (arrêt du Tribunal fédéral C 279/03 du 30 septembre 2005 consid. 2.2.2, in SVR 2006 ALV n° 13 p. 43 ; cf. aussi ATF 130 V 388).

L'opposition est un moyen de droit permettant au destinataire d'une décision d'en obtenir le réexamen par l'autorité administrative, avant qu'un juge ne soit éventuellement saisi (ATF 125 V 118 consid. 2a ; Grisel, Traité de droit administratif, vol. II, p. 939). La procédure d'opposition porte sur les rapports juridiques qui, d'une part, font l'objet de la décision initiale de l'autorité et à propos desquels, d'autre part, l'opposant manifeste son désaccord, implicitement ou explicitement (ATF 119 V 350 consid. 1b et les références). L'autorité valablement saisie d'une opposition devra se prononcer une seconde fois sur tous les aspects du rapport juridique ayant fait l'objet de sa décision initiale, quand bien même la motivation de la nouvelle décision portera principalement sur les points critiqués par l'opposant. La décision sur opposition remplace la décision initiale et devient, en cas de recours à un juge, l'objet de la contestation de la procédure judiciaire (ATF 125 V 415 consid. 2 ; Meyer-Blaser, Der Streitgegenstand im Streit - Erläuterungen zu BGE 125 V 413, in Aktuelle Rechtsfragen der Sozialversicherungspraxis, 2001, n° 17 p. 19 ; Meyer/von Zwehl, L'objet du litige en procédure de droit administratif fédéral, in Mélanges Pierre Moor, 2005, p. 435 ss ; Seiler, Rechtsfragen des Einspracheverfahrens in der Sozialversicherung [Art. 52 ATSG], in Sozialversicherungsrechtstagung 2007, n° 10.5 p. 99ss).

6.1.2 L'objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui constitue, d'après les conclusions du recours, l'objet de la décision effectivement attaquée (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; 125 V 413 consid. 1b et 2). Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie, sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n'a été rendue, la contestation n'a pas d'objet, et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1, 125 V 414 consid. 1A, 119 Ib 36 consid. 1b et les références).

6.2 En l’espèce, le 30 novembre 2018, le SPC a rendu deux décisions notifiées à feu le bénéficiaire :

-          dans la première décision, qui couvre la période du 1er septembre 2011 au 30 juin 2018, le service intimé a recalculé le droit aux prestations complémentaires de feu le bénéficiaire et a requis la restitution de CHF 100'998.- ;

-          dans la seconde décision, qui couvre la période du 1er juillet au 30 novembre 2018, ainsi que le droit aux prestations dès le 1er décembre 2018, le SPC a calculé les prestations dues, lesquelles s’élevaient à CHF 200.- par mois. Pour les mois de juillet à novembre 2018, le rétroactif s’élevait à CHF 1'000.-.

Les bénéficiaires se sont opposés aux décisions précitées en date du 17 janvier 2019 et ont conclu à la rectification des montants retenus à titre de revenu déterminant et plus particulièrement à titre d’épargne, à la constatation que le montant annuel des prestations complémentaires cantonales s’élevait à CHF 205.- par mois et au remboursement immédiat de leurs frais médicaux.

Le 7 juillet 2022, le SPC a rendu deux décisions sur opposition, adressées au Conseil des bénéficiaires :

-          la première décision sur opposition couvre la période du 1er janvier 2012 au 30 juin 2018 et porte sur la restitution de CHF 100'968.-. Dans cette décision sur opposition, le SPC s’est, d’une part, prononcé sur l’application du délai pénal et il a, d’autre part, corrigé le montant de la fortune retenu dans les plans de calcul.

-          La seconde décision sur opposition couvre la période du 1er juillet au 30 novembre 2018 et déclare l’opposition sans objet, les arriérés de CHF 78.- engendrés par le nouveau calcul de la fortune mobilière ayant provisoirement été portés en déduction de la dette de l’épouse de feu le bénéficiaire dans la première décision sur opposition.

Par recours du 6 septembre 2022, la bénéficiaire et l’hoirie de feu le bénéficiaire ont conclu à l’annulation des décisions sur opposition du 7 juillet 2022 et à la constatation qu’elles n’étaient pas tenues de rembourser la somme de CHF 100'968.-, en raison essentiellement du fait que le SPC n’avait pas respecté le délai relatif d’un an pour notifier sa décision de restitution, le délai absolu étant par ailleurs de cinq ans et non de sept.

Dans la mesure où le recours porte uniquement sur la question de la restitution, seule fait l’objet de la présente procédure la première décision sur opposition datée du 7 juillet 2022, à savoir celle couvrant la période courant du 1er janvier 2012 au 30 juin 2018. En effet, la deuxième décision sur opposition n’aborde pas du tout cette problématique.

Le recours sera par conséquent déclaré irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la décision sur opposition également datée du 7 juillet 2022, couvrant toutefois la période du 1er juillet au 30 novembre 2018 et celle dès le 1er décembre 2018.

7.              

7.1  

7.1.1 Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 aLPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants, conformément à l'art. 4 al. 1 let. a aLPC.

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 aLPC). L’art. 9 al. 1 aLPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

7.1.2 Les personnes domiciliées à Genève et au bénéfice d’une rente de vieillesse, dont le revenu annuel déterminant n'atteignait pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable, ont droit aux prestations complémentaires cantonales (art. 2 et 4 LPCC). Le montant de la prestation complémentaire correspond à la différence entre les dépenses reconnues et le revenu déterminant du requérant (art. 15 al. 1 LPCC).

7.2  

7.2.1 À teneur de l’art. 10 al. 3 let. b aLPC, les dépenses reconnues comprennent notamment les intérêts hypothécaires jusqu’au rendement brut de l’immeuble.

Quant aux revenus déterminants, ils comprennent entre autres un dixième de la fortune nette pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 60'000.- pour les couples ; si le bénéficiaire de prestations complémentaires ou une autre personne comprise dans le calcul de ces prestations est propriétaire d’un immeuble qui sert d’habitation à l’une de ces personnes au moins, seule la valeur de l’immeuble supérieure à CHF 112'500.- entre en considération au titre de la fortune (let. c). Les revenus déterminants comprennent également les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (let. d).

Dès lors que c’est la fortune nette qui doit être prise en compte comme revenu, les dettes dûment prouvées, telles que les dettes hypothécaires, doivent être déduites (VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires l’AVS et à l’AI, 2015, n° 46 ad Art. 11).

7.2.2 S’agissant des prestations complémentaires cantonales, l’art. 5 LPCC prévoit que le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations. Ainsi, les prestations complémentaires fédérales doivent être ajoutées au revenu déterminant (let. a). Par ailleurs, en dérogation à l'art. 11, al. 1, let. c, de la loi fédérale, la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est d’un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, et ce après déduction, notamment, des franchises prévues par cette disposition (let. c n° 1).

Selon l’art. 6 LPCC, les dépenses déductibles sont celles énumérées par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, à l'exclusion du montant destiné à la couverture des besoins vitaux, remplacé par le montant destiné à garantir le revenu minimum cantonal d'aide sociale défini à l'art. 3.

8.              

8.1.1 Selon l'art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.1).

Par ailleurs, comme relevé précédemment, le bénéficiaire des prestations allouées indûment ou ses héritiers sont soumis à l’obligation de restituer (art. 2 al. 1 let. a OPGA).

Conformément à l'art. 3 OPGA, l'étendue de l'obligation de restituer est fixée par une décision (al. 1), dans laquelle l'assureur indique la possibilité d'une remise (al. 2).

8.2 En matière de prestations complémentaires cantonales, l’art. 24 al. 1 LPCC stipule que les prestations indûment touchées doivent être restituées.

C’est le lieu de relever que même avant l’entrée en vigueur de la LPGA et la modification de l’art. 1A LPCC, les modalités de restitution prévues par le droit fédéral étaient déjà applicables par analogie en matière de prestations complémentaires cantonales (voir arrêt du Tribunal fédéral 2P.189/2002 du 14 octobre 2004, consid. 2.2).

Par ailleurs, l'art. 14 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) précise que le SPC doit demander la restitution des prestations indûment touchées au bénéficiaire, à ses héritiers ou aux autres personnes mentionnées à l'art. 2 OPGA appliqué par analogie (al. 1). Il fixe l'étendue de l'obligation de restituer par décision (al. 2).

8.3 Le destinataire d'une décision de restitution qui entend la contester dispose en réalité de deux moyens qu'il convient de distinguer de façon claire : s'il prétend qu'il avait droit aux prestations en question, il doit s'opposer à la décision de restitution dans un délai de 30 jours ; en revanche, s'il admet avoir perçu indûment des prestations, mais qu'il invoque sa bonne foi et des difficultés économiques qu'il rencontrerait en cas de remboursement, il doit présenter une demande de remise. Dans la mesure où la demande de remise ne peut être traitée sur le fond que si la décision de restitution est entrée en force, la remise et son étendue font l'objet d'une procédure distincte (cf. art. 4 al. 2 OPGA ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_589/2016 du 26 avril 2017 consid.3.1 ; 8C_130/2008 du 11 juillet 2008 consid. 2.2 et 8C_602/2007 du 13 décembre 2007 consid. 3).

Intrinsèquement, une remise de l'obligation de restituer n'a de sens que pour la personne tenue à restitution (arrêt du Tribunal fédéral 9C_211/2009 du 26 février 2010 consid. 3.1).

9.              

9.1 En matière de prestations complémentaires fédérales, l’art. 25 al. 2 1ère phr. LPGA, dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2021, prévoit que le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

Jusqu’au 31 décembre 2020, l’art. 25 al. 2 1ère phr. aLPGA prévoyait que le droit de demander la restitution s’éteignait un an après le moment où l’institution d’assurance avait eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

L’application du nouveau délai de péremption aux créances déjà nées et devenues exigibles sous l’empire de l’ancien droit est admise, dans la mesure où la péremption était déjà prévue sous l’ancien droit et que les créances ne sont pas encore périmées au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. Si, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition, le délai de péremption relatif ou absolu en vertu de l’art. 25 al. 2 aLPGA a déjà expiré et que la créance est déjà périmée, celle-ci reste périmée (OFAS, Lettre circulaire AI n° 406, du 22 décembre 2020, modifiée le 31 mars 2021 et les références).

Les délais de l'art. 25 al. 2 LPGA sont des délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d'office (ATF 133 V 579 consid. 4 ; ATF 128 V 10 consid. 1).

9.2 En matière de prestations complémentaires cantonales, l’art. 28 LPCC prévoit que les restitutions prévues à l'art. 24 peuvent être demandées par l'État dans un délai d'une année à compter de la connaissance du fait qui ouvre le droit à la restitution, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

9.3 Le délai de péremption relatif commence à courir dès le moment où l'administration aurait dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 148 V 217 consid. 5.1.1 et les références ; ATF 140 V 521 consid. 2.1 et les références ; ATF 139 V 6 consid. 4.1 et les références). Cette jurisprudence vise un double but, à savoir obliger l'administration à faire preuve de diligence, d'une part, et protéger l'assuré au cas où celle-ci manquerait à ce devoir de diligence, d’autre part (ATF 124 V 380 consid. 1). L'administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde - quant à son principe et à son étendue - la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (ATF 148 V 217 consid. 5.1.1 et 5.2.1 et les références ; ATF 146 V 217 consid. 2.1 et les références ; ATF 140 V 521 consid. 2.1 et les références). Si l'administration dispose d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires (ATF 133 V 579 consid. 5.1 non publié). À titre d'exemple, le Tribunal fédéral a considéré dans le cas de la modification des bases de calcul d'une rente par une caisse de compensation à la suite d'un divorce qu'un délai d'un mois pour rassembler les comptes individuels de l'épouse était largement suffisant (SVR 2004 IV N°41, consid. 4.3). À défaut de mise en œuvre des investigations, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où l’administration aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 148 V 217 consid. 5.2.2. et les références). En revanche, lorsqu'il résulte d'ores et déjà des éléments au dossier que les prestations en question ont été versées indûment, le délai de péremption commence à courir sans qu'il y ait lieu d'accorder à l'administration du temps pour procéder à des investigations supplémentaires (ATF 148 V 217 consid. 5.2.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_754/2020 du 11 juin 2021 consid. 5.2 et les références).

Le délai de péremption absolu de cinq ans commence à courir à la date du versement effectif de la prestation, et non à la date à laquelle elle aurait dû être fournie (ATF 112 V 180 consid. 4a et les références).

Contrairement à la prescription, la péremption prévue à l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut être ni suspendue, ni interrompue, et lorsque s’accomplit l’acte conservatoire que prescrit la loi, comme la prise d’une décision (ATF 119 V 431 consid. 3c), le délai se trouve sauvegardé une fois pour toutes (ATF 138 V 74 consid. 5.2 et les références). En tant qu'il s'agit de délais de péremption, l’administration est déchue de son droit si elle n'a pas agi dans les délais requis (cf. ATF 134 V 353 consid. 3.1 et les références).

9.4 Lorsque la restitution est imputable à une faute de l’administration, on ne saurait considérer comme point de départ du délai le moment où la faute a été commise, mais bien celui auquel l’administration aurait dû, dans un deuxième temps (par exemple à l’occasion d’un contrôle comptable), se rendre compte de son erreur en faisant preuve de l’attention requise (ATF 124 V 380 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral C 80/05 du 3 février 2006).

Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a précisé qu’on ne saurait déduire du caractère annuel de la prestation complémentaire et donc de son recalcul (art. 9 al. 1 LPC) que l’administration serait tenue de vérifier, à chaque adaptation des prestations complémentaires, toutes les positions, mais qu’elle doit le faire uniquement dans le cadre du réexamen périodique des conditions économiques de l’assuré à effectuer au moins tous les quatre ans selon l’art. 30 OPC-AVS/AI. Au vu de la masse de dossiers administrés, une vérification annuelle de chaque position dans le calcul des prestations complémentaires constituerait une charge pratiquement impossible à assumer. Ce n’est donc pas le moment du calcul annuel qui fait partir le délai de péremption, mais bien le moment où le SPC pouvait et devait avoir connaissance de l’élément erroné et de son influence sur le calcul du droit (ATF 139 V 570 cons. 3.1).

Par ailleurs, selon la jurisprudence, l'obligation du SPC de procéder tous les quatre ans à la révision du dossier ne permet pas de fixer le début du délai de péremption d'un an de l'art. 25 LPGA à la date à laquelle la révision devait avoir lieu. L'omission par l'administration de procéder aux contrôles périodiques prescrits par l'art. 30 OPC-AVS/AI est en effet dénuée de toute pertinence s'agissant d'examiner le bien-fondé de l'obligation de restitution à la lumière des conditions objectives de l'art. 47 al. 1, première phr., et 2 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) (RCC 1988 p. 426 et la référence). L'obligation de restituer les prestations complémentaires indûment perçues vise simplement à rétablir l'ordre légal, après la découverte d'un fait nouveau (arrêt du Tribunal fédéral 9C_96/2020 du 27 juillet 2020 consid. 4.2 et les références).

9.5 En vertu de l'art. 25 al. 2 2ème phr. LPGA, si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant.

Ainsi, tant que le bénéficiaire des prestations est susceptible d’être poursuivi pénalement, une péremption du droit à la restitution ne se justifie pas (cf. ATF 138 V 74 consid. 5.2). Pour que le délai de prescription plus long prévu par le droit pénal s'applique, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'infraction ait été condamné (ATF 140 IV 206 consid. 6.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2020 du 10 juin 2020 consid. 2.2).

En l’absence d’un jugement pénal, l’administration, respectivement, le juge des assurances sociales, doit examiner, à titre préjudiciel, si les circonstances correspondant à une infraction pénale sont réunies et, partant, si un délai de prescription plus long que les délais relatifs et absolus prévus par l'art. 25 al. 2 LPGA est applicable (ATF 140 IV 206 consid. 6.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2020 du 10 juin 2020 consid. 2.2).

Lorsqu’il y a lieu de décider si la créance en restitution dérive d'un acte punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, le degré de la preuve requis est celui qui prévaut en procédure pénale ; la présomption d’innocence s’applique, et le degré de la vraisemblance prépondérante reconnu habituellement en droit des assurances sociales n’est pas suffisant. En tout état de cause, il appartient à l’autorité qui entend se prévaloir d’un délai de prescription selon le droit pénal de produire les moyens permettant d’apporter la preuve d’un comportement punissable, singulièrement la réalisation des conditions objectives et subjectives de l’infraction (ATF 138 V 74 consid. 6.1 et 7 et les références).

9.6 L’art. 25 al. 2 2ème phr. LPGA trouve application en matière de restitution de subsides de l’assurance-maladie compte tenu du renvoi contenu à l’art. 33 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05).

Quant à l’art. 28 LPCC, il ne comporte pas de renvoi à la LPGA. La question de l’application, par analogie, de la prescription pénale plus longue prévue à l’art. 25 al. 2 LPGA, se pose vu la teneur de l’art. 1A al. 1 LPCC. Il n’y a toutefois pas lieu de trancher, ici, si la disposition cantonale l'emporte sur la disposition fédérale, au vu de l’issue du litige.

10.         Dans le cas d’espèce, le SPC a appliqué le délai de sept ans, correspondant au délai de prescription pénale des infractions énoncées aux art. 31 LPC (manquement à l’obligation de communiquer) et 148a (obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale) du Code pénal du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

10.1 L’art. 148a CP, entré en vigueur le 1er octobre 2016, punit d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d’une assurance sociale ou de l’aide sociale.

L'art. 148a CP trouve application lorsque l'élément d'astuce, typique de l'escroquerie, n'est pas réalisé. L'infraction englobe toute tromperie. Elle peut être commise par le biais de déclarations fausses ou incomplètes ou en passant sous silence certains faits. La variante consistant à « passer des faits sous silence » englobe également, selon le Message du Conseil fédéral, le comportement passif consistant à omettre d'annoncer un changement ou une amélioration de sa situation. L'art. 148a CP vise, par conséquent, aussi bien un comportement actif (faire des déclarations fausses ou incomplètes) qu'un comportement passif (passer des faits sous silence). À la différence de ce qui prévaut pour l'escroquerie, le comportement passif en question est incriminé indépendamment d'une position de garant, telle qu'elle est requise dans le cadre des infractions de commission par omission. Dès lors que la loi prévoit que tous les faits ayant une incidence sur les prestations doivent être déclarés, le simple fait de ne pas communiquer des changements de situation suffit à réaliser l'infraction. Cette variante consistant à « passer des faits sous silence » ne vise donc pas uniquement le fait de s'abstenir de répondre aux questions du prestataire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_886/2022 du 29 mars 2023 consid. 2.1.2 et les références).

La tromperie doit provoquer une erreur (par quoi il faut entendre une représentation erronée ou incomplète de la réalité) auprès de son destinataire ou, si l’erreur est préexistante, conforter ce dernier dans sa vision biaisée de la réalité (GARBARSKI/BORSODI in Commentaire romand du code pénal II, 2017, n° 18 ad art. 148a).

Sous l'angle subjectif, l'art. 148a CP décrit une infraction intentionnelle et suppose, s'agissant de la variante consistant à « passer des faits sous silence », que l'auteur ait conscience de l'existence et de l'ampleur de son devoir d'annonce, ainsi que la volonté de tromper. Le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_886/2022 du 29 mars 2023 consid. 2.1.3 et les références).

L’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale, au sens de l’art. 148a CP, a notamment été retenue dans le cas d’une bénéficiaire de l’assistance sociale qui n’avait pas annoncé la réception de montants sur ses comptes bancaires, alors qu’elle avait signé les documents lui rappelant ses obligations d’annonce en cas de changement dans sa situation financière. Elle ne pouvait ainsi prétendre qu’elle ignorait ou qu’elle ne pouvait pas savoir que son comportement était illicite (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1063/2020 du 22 décembre 2021). Cette infraction a également été retenue dans le cas d'une bénéficiaire de l'aide sociale qui n'avait pas annoncé avoir mis à disposition d'un tiers l'appartement financé par les services sociaux. Ce comportement passif est incriminé indépendamment d'une position de garant et le simple fait, pour l'intéressée, de ne pas communiquer les changements, suffit à réaliser l'infraction, indépendamment de tout questionnement sur sa situation de la part du service de l'aide sociale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_886/2022 du 29 mars 2023 consid. 2.3).

10.2 Conformément à l'art. 31 al. 1 let. d LPC, est puni, à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée par le code pénal, d'une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amende celui qui manque à son obligation de communiquer au sens de l'art. 31 al. 1 LPGA.

Cet article est applicable à titre de droit cantonal supplétif (cf. art. 45 LPCC).

En vertu de l'art. 31 LPGA, intitulé avis obligatoire en cas de modification des circonstances, l'ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l'assureur ou, selon les cas, à l'organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation (al. 1).

L'art. 24 OPC-AVS/AI dispose que l'ayant droit ou son représentant légal ou, le cas échéant, le tiers ou l'autorité à qui la prestation complémentaire est versée, doit communiquer sans retard à l'organe cantonal compétent tout changement dans la situation personnelle et toute modification sensible dans la situation matérielle du bénéficiaire de la prestation. Cette obligation de renseigner vaut aussi pour les modifications concernant les membres de la famille de l'ayant droit.

L'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (ATF 140 IV 206 consid. 6.5).

Par le biais des dispositions pénales figurant dans les diverses lois d'assurances sociales (voir également l'art. 87 al. 5 LAVS ainsi que les art. 70 LAI, 25 LAPG et 23 LAFam, qui tous trois renvoient à la LAVS), le législateur a entendu garantir, compte tenu des moyens financiers limités de la collectivité publique, de l'exigence d'un emploi ciblé et efficace des ressources ainsi que des principes généraux du droit administratif, que des prestations d'assurances sociales ne soient versées qu'aux personnes qui en remplissent les conditions légales. Le but poursuivi par ces normes est, d'une part, de permettre la mise en œuvre conforme au droit et, si possible, efficiente et égalitaire de l'assurance sociale et, d'autre part, de garantir le respect du principe de la bonne foi qui doit régir les relations entre les autorités et les personnes qui sollicitent des prestations sociales. Il ressort de la systématique de la loi que l'existence de dispositions pénales spéciales exclut le fait que l'on puisse assimiler une simple violation du devoir d'annoncer au sens de l'art. 31 LPGA à une escroquerie au sens de l'art. 146 CP. Certes, les dispositions pénales précitées réservent l'existence d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée. De telles infractions ne peuvent toutefois entrer en ligne de compte que dans la mesure où interviennent des circonstances qui dépassent la simple violation du devoir d'annoncer, sans quoi les dispositions pénales spéciales s'avéreraient superflues si on pouvait qualifier d'escroquerie une simple violation du devoir d'annoncer (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.2.2 ; ATF 140 IV 11 consid. 2.4.6 et les références).

Le Tribunal fédéral a estimé notamment que la non déclaration de l'héritage perçu par l’épouse d’un bénéficiaire de prestations et de l'acquisition commune d'un bien immobilier à l’étranger réalisaient les conditions objectives de l'infraction réprimée à l'art. 31 al. 1 let. d LPC. En outre, compte tenu des informations demandées dans le formulaire de demande de prestations, lesquelles concernaient aussi bien sa situation personnelle que celles de son épouse ou de ses enfants, le bénéficiaire ne pouvait ignorer l'importance que revêtait la communication de toute information d'ordre économique le concernant lui ou un membre de sa famille. Dans ces conditions, le bénéficiaire était conscient qu'il retenait des informations qu'il avait l'obligation de transmettre au service recourant, commettant ainsi un acte par dol éventuel (ATF 140 IV 206 consid. 6.4 et 6.5).

10.3 Aux termes de l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L’auteur agit déjà intentionnellement lorsqu’il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se produirait.

L'élément subjectif est déjà réalisé lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 138 V 74 consid. 8.2 et 8.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_283/2022 du 14 septembre 2022 consid. 2.2 et les références). Dit d'une autre façon, il y a dol lorsque l'auteur a envisagé, en prenant sa décision, un résultat illicite qui lui était indifférent ou même qu'il jugeait indésirable, mais qui constituait la conséquence nécessaire ou le moyen de parvenir au but qu'il recherchait (ATF 119 IV 193).

10.4 L'art. 31 LPC - également applicable en matière de prestations complémentaires cantonales conformément à l’art. 1A LPCC - est subsidiaire aux crimes et délits de droit commun (arrêt du Tribunal fédéral 6S.288/2000 du 28 septembre 2000 consid. 2) et prévoit une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amendes en cas de violation du devoir d’informer. Quant à l’art. 148a CP, qui vise l’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale, il prévoit une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1). Dans les cas de peu de gravité, la peine est l’amende (al. 2).

Selon l'art. 97 al. 1 CP, l'action pénale se prescrit par 30 ans si l'infraction était passible d'une peine privative de liberté à vie, par quinze ans si elle était passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans, et de sept ans si elle était passible d'une autre peine. Le délai de prescription de l'action pénale pour une infraction telle que celle décrite aux art. 31 LPC et 148a CP est donc de sept ans.

11.          

11.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

11.2 Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel il appartient au juge d'établir d'office l'ensemble des faits déterminants pour la solution du litige et d'administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires (cf. art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA). En principe, les parties ne supportent ni le fardeau de l'allégation ni celui de l'administration des preuves. Cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, soit le devoir de collaborer des parties, lequel comprend l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués (ATF 138 V 86 consid. 5.2.3 ; ATF 125 V 193 consid. 2). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse (ATF 124 V 372 consid. 3 ; RAMA 1999 n° U 344 p. 418 consid. 3). Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

11.3 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

12.          

12.1 En l’espèce, l’intimé a réclamé la restitution de CHF 100'968.- correspondant à CHF 70'893.- de prestations complémentaires fédérales et CHF 30'072.- de prestations complémentaires cantonales pour la période du 1er janvier 2012 au 30 juin 2018. Le SPC reproche en particulier aux bénéficiaires de ne pas avoir annoncé des modifications dans le montant du crédit, des intérêts dus et dans celui de la rente étrangère. Les recourants ne contestent ni le principe ni le montant de la restitution, mais ils considèrent, d’une part, que le délai pénal de sept ans n’avait pas lieu d’être appliqué dans leur cas, faute d’intention des bénéficiaires de tromper le SPC et, d’autre part, que ce dernier n’avait pas agi dans le délai relatif d’un an.

12.2 En premier lieu, la chambre de céans constate que, sur le plan objectif, les éléments constitutifs des infractions réprimées aux art. 31 al. 1 let. d LPC et, dès le 1er janvier 2016, 148a CP, toutes deux soumises au délai de prescription de sept ans, sont remplis. En effet, les bénéficiaires se sont abstenus de communiquer à l’intimé la modification, à la baisse, du taux d’intérêt de leur prêt hypothécaire et de la rente étrangère. Ce faisant, ils ont adopté un comportement passif consistant à passer des faits sous silence, ayant amélioré leur situation financière depuis l’octroi de prestations complémentaires cantonales.

À noter que la situation est moins claire s’agissant du montant du crédit hypothécaire, dès lors que, comme cela ressort de ce qui suit, les modifications du montant prêté ont été transmises à l’intimé. Cet aspect n’a pas lieu d’être examiné de manière plus détaillée vu ce qui suit.

12.3 En effet, dans tous les cas, l’élément subjectif des infractions fait défaut.

Les deux dispositions constituent des infractions intentionnelles et supposent que l’auteur ait, au moins par dol éventuel, conscience de l’existence et de l'ampleur de son devoir d’annonce, ainsi que la volonté de tromper (arrêt du Tribunal fédéral 6B.886/2022 du 29 mars 2023 consid. 2.1.3 et les références).

Or, il n’est pas prouvé que les bénéficiaires avaient conscience de leur devoir d’annoncer une modification du taux d’intérêt, du montant du crédit et de la rente étrangère et encore moins qu’ils avaient la volonté de tromper l’intimé sur ce point.

12.3.1 Feu le bénéficiaire, de nationalité australienne, est né en 1923. Son épouse, née en 1934, souffre de la maladie d’Alzheimer, à un stade tellement avancé qu’en 2014, elle a dû être mise sous curatelle. Son fils aîné, également sous curatelle, souffre de troubles bipolaires depuis l’enfance, troubles s’étant aggravés depuis un braquage auquel il avait assisté en 2010. Par ailleurs, en raison d’une santé fragile, feu le bénéficiaire a dû être hospitalisé à plusieurs reprises les dernières années avant sa mort en 2021.

Le SPC était donc confronté à un bénéficiaire très âgé, à la santé fragile, et à son épouse, sous curatelle. Certes, ceux-ci ont bénéficié de l’aide de leurs enfants. Cependant, l’intervention de ces derniers dépendait du bon vouloir des bénéficiaires.

C’est en prenant en considération ces circonstances qu’il convient de déterminer si les bénéficiaires avaient la conscience de devoir annoncer les modifications du taux d’intérêt, du montant du crédit et de celui de la rente étrangère et s’ils avaient la volonté de tromper le SPC.

12.3.2 S’agissant tout d’abord du montant du prêt hypothécaire, force est de constater que le 23 octobre 1998, feu le bénéficiaire a transmis à l’intimé un document dont il ressort qu’au 31 décembre 1997, le solde du prêt s’élevait encore à CHF 373'600.-.

Par ailleurs, suite à une demande du SPC, en date du 13 juillet 2001, feu le bénéficiaire lui a transmis, en date du 30 juillet 2001, un document dont il ressort que le solde du prêt, au 31 décembre 2000, s’élevait à CHF 349'000.-.

En d’autres termes, à deux reprises, feu le bénéficiaire a transmis au SPC des documents actualisant le solde du prêt, sans que ce service ne modifie les plans de calcul en conséquence.

Par la suite, dans les diverses communications transmises à feu le bénéficiaire, le SPC donnait, certes de manière non exhaustive mais tout de même fort détaillée, une liste des modifications qui devaient être portées à sa connaissance. Ainsi, il était principalement question des points suivants :

-          changement d’adresse ou de domicile, cohabitation avec un tiers ;

-          augmentation ou diminution du loyer et/ou des charges locatives ;

-          absence de plus de trois mois, par année civile, du canton de Genève ;

-          début ou fin d’une activité lucrative ; formation ou fin d’apprentissage d’un enfant ;

-          héritage, donation, gains de loterie soumis à l’impôt ;

-          naissance d’un enfant, mariage, séparation, divorce, décès d’un membre du groupe familial etc.

Jusqu’en 2014, les bénéficiaires étaient également invités à informer le SPC de toute modification concernant, d’une part, les rentes du 2ème pilier, les rentes versées par les caisses de retraite et les rentes étrangères notamment et, d’autre part, la fortune mobilière (soit les comptes bancaires, CCP, titres) et le produit de la fortune (intérêts). Depuis 2015, les communications invitent les bénéficiaires à informer le SPC de toute augmentation ou réduction des revenus et/ou des rentes et/ou de la fortune mobilière et/ou immobilière en Suisse et à l’étranger.

La question d’un amortissement du prêt n’y a jamais été évoquée.

Dans de telles circonstances, on ne saurait reprocher à feu le bénéficiaire de ne pas avoir insisté auprès du SPC pour qu’il modifie le solde du prêt. En effet, d’une part, à deux reprises, il avait transmis le montant dû à jour, sans que le SPC ne modifie les plans de calcul en conséquence. D’autre part, la modification du prêt ne faisait pas partie des éléments expressément mentionnés par le SPC comme devant être portés à sa connaissance. Quand bien même elle n’est qu’exemplative, cette liste est tellement détaillée qu’elle peut prêter à confusion.

12.3.3 Quant à la modification des intérêts, elle a été effectuée en 2014.

Or, à cette époque, le montant du prêt, au demeurant porté à la connaissance du SPC plus d’une décennie auparavant, était resté le même, sans qu’il n’y ait d’amortissement.

Le montant des intérêts était en outre débité automatiquement du compte bancaire des époux, de sorte que ces derniers n’avaient pas à se soucier du paiement de ce poste.

Enfin, les intérêts n’étaient pas non plus mentionnés dans la liste ci-dessus à cette époque.

Le devoir d’annoncer une modification des intérêts était d’ailleurs si peu évident que le curateur, avocat de profession, n’a pas non plus réalisé son existence (procès-verbal d’enquêtes du 16 mars 2023, p. 6).

À nouveau, la chambre de céans ne saurait retenir pour établi que les bénéficiaires avaient la conscience de devoir annoncer les modifications litigieuses et encore moins qu’ils avaient la volonté de tromper le SPC en ne le faisant pas.

12.3.4 S’agissant du montant de la rente étrangère, force est de constater que les bénéficiaires n’ont pas informé le SPC d’une diminution de ladite rente, ce qui était en leur défaveur. Cette omission, qui leur était défavorable, montre bien que les bénéficiaires n’avaient pas l’intention de tromper l’intimé, mais qu’ils ont simplement été négligents.

12.3.5 En tout état, force est également de constater que les bénéficiaires ont toujours transmis à l’administration fiscale cantonale les montants à jour de l’hypothèque et des intérêts, ce qui montre que de manière générale, ils n’entendaient pas tromper les autorités cantonales.

Enfin, il sied de tenir compte du fait que feu le bénéficiaire s’est toujours montré coopérant. Quand le SPC lui a demandé une attestation du solde du crédit hypothécaire, il a transmis ledit document moins de quinze jours après. Les documents demandés dans le cadre de la révision ont été transmis au SPC dans les meilleurs délais. À cet égard, il sied de relever que la demande de production de plus de quarante pièces a été faite pendant l’hospitalisation de feu le bénéficiaire, alors que son épouse était atteinte de la maladie d’Alzheimer et sous curatelle. C’est pourquoi le fils cadet de feu le bénéficiaire avait demandé une prolongation du délai pour produire les documents demandés, demande qui, bien que reçue par le SPC, n’a pas été traitée.

12.4 Il ressort de ce qui précède qu’en réalité, le SPC a été confronté à un couple de personnes très âgées, à la santé fragile, qui a été négligent et qui a omis de lui annoncer des modifications de plusieurs éléments pris en considération dans le calcul des prestations complémentaires, certains montants étant en leur faveur, d’autres en leur défaveur.

Ainsi, conformément au principe in dubio pro reo applicable au cas d'espèce et considérant le fait qu'il appartient à l'autorité de produire les éléments permettant de retenir la réalisation d'un comportement punissable (cf. ATF 138 V 74 consid. 6.1 et 7), il n'est en l'occurrence pas permis de soutenir que les bénéficiaires aient, même par dol éventuel, intentionnellement trompé l'intimé ou intentionnellement cherché à ne pas lui communiquer la modification de leurs dépenses et ressources.

12.5 En revanche, on ne saurait suivre les recourants lorsqu’ils considèrent que le délai relatif d’un an a commencé à courir courant 2010, lorsque le SPC aurait dû entreprendre une révision.

En effet, comme le service intimé l’a très justement relevé, l'omission par l'administration de procéder aux contrôles périodiques prescrits par l'art. 30 OPC-AVS/AI est dénuée de toute pertinence lorsqu'il s'agit d'examiner le bien-fondé de l'obligation de restituer des prestations complémentaires indûment perçues sous l'angle des délais de péremption prévus à l'art. 25 al. 2 LPGA.

Par ailleurs, certes, dès 2001, le SPC avait tous les éléments pour prendre en considération le montant de CHF 349'000.- et non celui de CHF 381'800.-. Cela étant, lorsque la restitution est imputable à une faute de l’administration, on ne saurait considérer comme point de départ du délai le moment où la faute a été commise, mais bien celui auquel l’administration aurait dû, dans un deuxième temps (par exemple à l’occasion d’un contrôle comptable), se rendre compte de son erreur en faisant preuve de l’attention requise. Or, dans ce contexte, ce n’est ni le moment du calcul annuel, ni la date à laquelle la révision devait avoir lieu conformément à l’art. 30 OPC-AVS/AI qui fait partir le délai de péremption, mais bien le moment où le SPC pouvait et devait avoir connaissance de l’élément erroné et de son influence sur le calcul du droit. Or, de toute évidence, ce n’est qu’avec la réception des pièces dans le cadre de la procédure de révision initiée en 2018 que le SPC a disposé de tous les éléments.

Dans la mesure où la décision de restitution a été rendue le 5 décembre 2018, soit dans l’année suivant la réception des pièces demandées, le délai relatif d’un an a de toute évidence été respecté.

13.          

13.1 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que c'est à tort que l'intimé a appliqué le délai de prescription de plus longue durée de l'action pénale.

Il convient donc d'annuler la décision sur opposition querellée et de la réformer en ce sens que la demande de restitution des prestations complémentaires fédérales et cantonales ne porte que sur la période comprise entre le 1er décembre 2013 et le 30 juin 2018, soit sur les cinq ans précédant la demande de restitution du 30 novembre 2018, en réalité notifiée le 5 décembre 2018.

Par conséquent, c’est un montant total de CHF 76'326.- que les recourants doivent restituer, soit :


13.2  

 

Périodes visées

Prestations versées

Prestations dues

Montant à restituer

PCF

PCC

PCF

PCC

PCF

PCC

Du 01.12. au 31.12.2013

909.00

794.00

0.00

557.00

909.00

237.00

Du 01.01. au 31.12.2014

10'908.00

9'528.00

0.00

6'336.00

10'908.00

3'192.00

Du 01.01 au 31.12.2015

10'896.00

9'564.00

0.00

6'120.00

10'896.00

3'444.00

Du 01.01 au 31.12.2016

10'896.00

9'564.00

0.00

1'200.00

10'896.00

8'364.00

Du 01.01. au 31.12.2017

10'896.00

9'564.00

0.00

1'968.00

10'896.00

7'596.00

Du 01.01. au 30.06.2018

5'448.00

4'782.00

0.00

1'242.00

5'448.00

3’540.00

TOTAL

49'953.00

43'796.00

0.00

17'423.00

49’953.00

26’373.00

MONTANT À RESTITUER

76'326.00

Par ailleurs, dans la décision sur opposition querellée, le SPC s’est d’ores et déjà engagé à examiner la demande de remise de l’obligation de restituer les prestations indûment perçues dès l’entrée en force du présent arrêt. La chambre de céans en prendra acte.

13.3 Les recourants obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2'000.- leur sera accordée à titre de participation à leurs frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable en tant qu’il est dirigé contre la décision sur opposition du 7 juillet 2022 portant sur la restitution de prestations versées entre le 1er janvier 2012 et le 30 juin 2018.

2.        Déclare le recours irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la décision sur opposition du 7 juillet 2022 portant sur le droit aux prestations du 1er juillet au 30 novembre 2018.

Au fond :

3.        L'admet partiellement.

4.        Annule la décision sur opposition du 7 juillet 2022 portant sur la restitution de prestations complémentaires fédérales et cantonales versées entre le 1er janvier 2012 et le 30 juin 2018.

5.        Dit que la demande de restitution des prestations complémentaires fédérales et cantonales ne porte que sur la période comprise entre le 1er décembre 2013 et le 30 juin 2018.

6.        Constate que le montant à restituer par les recourants s’élève à CHF 76'326.-.

7.        Prend acte que l’intimé se prononcera sur la remise de l’obligation de restituer les prestations indûment perçues dès l'entrée en force du présent arrêt.

8.        Alloue aux recourants une indemnité de dépens de CHF 2'000.- à la charge de l’intimé.

9.        Dit que la procédure est gratuite.

10.    Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.


 

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le