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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2539/2022

ATAS/670/2023 du 06.09.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2539/2022 ATAS/670/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 septembre 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) est né le ______ 1963, originaire de Yougoslavie, entré en Suisse le 1er mars 1985, citoyen suisse dès le 30 mai 2003, marié et père d’un enfant né le ______ 2016. Il est associé gérant avec la signature individuelle de B______ Sàrl, qui exploite une entreprise générale de bâtiment, génie civil, menuiserie et ébénisterie.

B. a. L’assuré a demandé des prestations d’assurance-invalidité le 12 février 2020 auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé), indiquant être menuisier à 100%, gagner CHF 5'000.- et souffrir d’une hernie discale.

b. Le 2 mars 2020, le docteur C______, médecin chef de clinique du service de neurochirurgie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) a attesté que l’assuré était en arrêt de travail après avoir présenté dès le mois d’août 2019 une sciatique S1 gauche, hyperalgique. Un traitement conservateur à base d’Irfen et Dafalgan avait été instauré avec de la physiothérapie. La situation semblait s’améliorer du point de vue fonctionnel. La chirurgie permettrait éventuellement d’accélérer la rémission des douleurs, mais avec un risque plus important que le traitement conservateur. Une infiltration devait avoir lieu le 4 mars 2020

c. Le 28 mai 2020, le Dr C______ a indiqué avoir revu l’assuré le 20 mai 2020. L’infiltration péri-radiculaire L5 gauche qui avait eu lieu en mars avait été douloureuse et l’assuré ne souhaitait pas répéter l’expérience. Il présentait actuellement des douleurs au niveau de la plante du pied gauche, sans déficit neurologique. Les douleurs étaient supportables et il ne prenait pas de médicaments.

d. Le médecin-conseil de l’assurance-maladie, le docteur D______, a établi une expertise rhumatologique de l’assuré. Selon son rapport du 17 juillet 2020, il a posé le diagnostic de conflit disco-radiculaire S1 gauche. La capacité de travail actuelle raisonnablement admissible en rapport avec la profession exercée était de 20% et était susceptible d’augmenter à 40% dès le 1er août 2020. La capacité était complète dans une activité adaptée ne nécessitant pas de gros efforts ou des postures soutenues. Toute petite mécanique rentrait dans cette hypothèse. Il fallait toutefois prendre en compte le fait que l’assuré avait 57 ans. Le pronostic était bon. On devait toutefois s’attendre à une lente évolution. Les plaintes étaient encore importantes et très particulières par leur localisation à l’avant du pied uniquement. Elles étaient imputables à une lésion du nerf S1, ce qui n’expliquait pas l’atteinte L5, puisque l’assuré ressentait les mêmes symptômes dans la région du gros orteil.

e. Selon un entretien au domicile de l’assuré avec un collaborateur de l’assurance-maladie du 8 septembre 2020, celui-ci avait arrêté la physiothérapie, qui lui faisait plus de mal que de bien, et prenait du Dafalgan si les douleurs étaient trop fortes. À 57 ans et ne connaissant pas d’autres métiers que celui de menuisier, il pensait ne pas pouvoir trouver un autre emploi. Il avait un fils de 4 ans et devrait travailler encore longtemps. Il avait investi tout ce qu’il avait dans son entreprise. Son épouse ne travaillait pas et ils vivaient sur leurs économies.

f. Le 26 octobre 2020, le docteur D. E______, du centre médico-chirurgical de Vermont-Grand-Pré SA, a indiqué à l’OAI que l’assuré souffrait toujours de douleurs lombaires qui s’aggravaient avec le travail et qu’il travaillait actuellement à 20%.

g. Selon un avis du service médical régional de l’OAI (ci-après : le SMR) du 14 septembre 2021, l’assuré souffrait de lombosciatalgies sur conflit disco-radiculaire S1 gauche. Il était totalement incapable de travailler dès le 9 août 2019 dans l’activité habituelle de menuisier, mais pouvait travailler à 100% depuis le 1er juin 2020 dans une activité adaptée, sans positions en porte-à-faux du rachis lombaire, positions statiques assise ou debout prolongées et port de charges de plus de 5 kg, avec alternance des positions chaque heure.

h. Selon un rapport d’enquête pour activité professionnelle indépendante du 6 décembre 2021, l’assuré était actuellement âgé de 58 ans, originaire du Kosovo et de nationalité suisse. Il avait appris son métier sur le tas. Depuis 1985, il avait toujours travaillé dans la menuiserie et était devenu indépendant en 2004. Il travaillait seul pour des clients privés et des connaissances (pas de régie ni d’architecte) 40 à 50 heures par semaine. Il réalisait des portes, des fenêtres, des volets, des parois en bois, des meubles de cuisine, des armoires, des meubles sur mesures, etc. Lorsqu’il était en bonne santé, il travaillait seul, hormis lors d’intenses périodes de travail, lors desquelles il avait fait appel à du personnel temporaire. Ses tâches administratives correspondaient à environ 20% de son temps de travail.

Selon l’appréciation, l’assuré n’était pas désireux de changer de travail, pensant qu’il ne retrouverait pas de nouvel employeur, vu son âge et le fait qu’il ne connaissait pas d’autre métier que celui de menuisier. Il ne touchait plus d’indemnité de son assurance-maladie depuis le 8 août 2021. Son revenu était très bas, car il n’exerçait plus qu’à 40% environ. Il était difficile d’assumer les tâches courantes tant au niveau de sa société que ses charges familiales. En 2018, il avait gagné CHF 60'000.-. Il avait commencé à être en incapacité de travail dès août 2019. Son incapacité de travail dans l’activité habituelle était de 60% en tenant compte de son activité de menuisier et de l’administration. Le chiffre d’affaires de la société était fluctuant depuis le début de la découverte de la scoliose de l’assuré. Au vu des résultats des comptes d’exploitation entre 2014 et 2020, le contexte était difficile et la société était en phase de déclin.

À partir de février 2021, l’état de santé de l’assuré s’était stabilisé selon ses dires. Il avait pu augmenter son temps de travail et le maintenir jusqu’à ce jour. Étant donné que sa capacité de travail était entière dans une activité adaptée dès juin 2020 et que l’assuré ne pouvait la mettre pleinement en valeur au sein de son entreprise, il convenait d’examiner s’il était raisonnablement exigible de sa part qu’il mette fin à son activité indépendante au profit d’une activité plus lucrative.

i. Par projet de décision du 28 mars 2022, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assuré.

j. L’assuré a contesté ce projet, faisant valoir qu’il ne pouvait plus porter des charges lourdes ce qui l’empêchait d’exercer son métier de menuisier. Selon son médecin, il était incapable de travailler à 60%.

Il a produit un certificat médical non motivé établi le 26 avril 2022 par le Dr E______ attestant d’une capacité de travail à 40% du 1er au 31 mai 2022.

k. Par décision du 15 juin 2022, l’OAI a confirmé sa position.

C. a. L’assuré a formé recours contre la décision précitée le 10 août 2022, concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente d’invalidité entière.

À l’appui de son recours, il a produit diverses pièces relatives à son indemnisation par son assurance-maladie et la comptabilité de son entreprise ainsi que ses certificats de salaires 2020 et 2021, mais pas de rapports médicaux.

b. L’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Les parties ont été entendues par la chambre de céans le 8 mars 2023.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable

3.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité.

4.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée concerne un premier octroi de rente dont le droit pourrait être né, s’il était admis, avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.              

5.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

5.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 aLAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

5.3 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

5.4 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

5.5  

5.5.1 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1; ATF 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

5.5.2 Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et ATF 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 du 4 mai 2018 consid. 2.2). Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques résultant de l’ESS éditée par l'Office fédéral de la statistique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 201/06 du 14 juillet 2006 consid. 5.2.3 et I 774/01 du 4 septembre 2002). Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles. On peut également songer à la situation dans laquelle le poste de travail de l'assuré avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2).

5.5.3 Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; ATF 135 V 297 consid. 5.2 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne «total secteur privé» (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).

5.5.4 Lorsqu'il s'agit d'évaluer l'invalidité d'un assuré qui se trouve proche de l'âge donnant droit à la rente de vieillesse, il faut procéder à une analyse globale de la situation et se demander si, de manière réaliste, cet assuré est en mesure de retrouver un emploi sur un marché équilibré du travail. Cela revient à déterminer, dans le cas concret qui est soumis à l'administration ou au juge, si un employeur potentiel consentirait objectivement à engager l'assuré, compte tenu notamment des activités qui restent exigibles de sa part en raison d'affections physiques ou psychiques, de l'adaptation éventuelle de son poste de travail à son handicap, de son expérience professionnelle et de sa situation sociale, de ses capacités d'adaptation à un nouvel emploi, du salaire et des contributions patronales à la prévoyance professionnelle obligatoire, ainsi que de la durée prévisible des rapports de travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_366/2014 du 19 novembre 2014 consid. 5.2).

Il convient pour ce faire de se placer au moment où l'on constate que l'exercice (partiel) d'une activité lucrative est exigible du point de vue médical, soit dès que les documents médicaux permettent d'établir de manière fiable les faits y relatifs (ATF 138 V 457 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_366/2014 du 19 novembre 2014 consid. 5.3). Si on ne peut pas attendre d’un assuré proche de l'âge de la retraite qu’il reprenne une activité adaptée, le degré d'invalidité doit être déterminé en fonction de sa capacité de travail résiduelle dans l'activité qu’il exerçait avant la survenance de son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_913/2012 du 9 avril 2013 consid. 5.3 et 5.4).

À titre d’exemples, le Tribunal fédéral a considéré qu’il était exigible d’un assuré de 60 ans ayant travaillé pour l’essentiel en tant qu’ouvrier dans l’industrie textile qu’il se réinsère sur le marché du travail malgré son âge et ses limitations fonctionnelles (travaux légers et moyens avec alternance des positions dans des locaux fermés; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 376/05 du 5 août 2005 consid. 4.2), de même que pour un soudeur de 60 ans avec des limitations psychiques et physiques, notamment rhumatologiques et cardiaques, qui disposait d’une capacité de travail de 70% (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 304/06 du 22 janvier 2007 consid. 4.2). Notre Haute Cour a en revanche nié la possibilité de valoriser sa capacité de travail résiduelle d’un assuré de 61 ans, sans formation professionnelle, qui n’avait aucune expérience dans les activités fines médicalement adaptées et ne disposait que d’une capacité de travail à temps partiel, soumise à d’autres limitations fonctionnelles, et qui selon les spécialistes ne présentait pas la capacité d’adaptation nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 392/02 du 23 octobre 2003 consid. 3.3), ainsi que dans le cas d’un assuré de 64 ans capable de travailler à 50% avec de nombreuses limitations fonctionnelles (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 401/01 du 4 avril 2002 consid. 4c). Le Tribunal fédéral est parvenu au même constat dans le cas d’un agriculteur de 57 ans qui ne pourrait exercer d’activité adaptée sans reconversion professionnelle et qui ne disposait subjectivement pas des capacités d’adaptation nécessaires à cette fin (arrêt du Tribunal fédéral 9C_578/2009 du 29 décembre 2009 consid. 4.3.2).

5.5.5 Chez une personne de condition indépendante, la comparaison des résultats d’exploitation réalisés dans son entreprise avant et après la survenance de l’invalidité ne permet de tirer des conclusions valables sur la diminution de la capacité de gain due à l’invalidité que dans le cas où l’on peut exclure, au degré de la vraisemblance prépondérante, que les résultats de l’exploitation aient été influencés par des facteurs étrangers à l’invalidité. En effet, les résultats d’exploitation d’une entreprise dépendent souvent de nombreux paramètres difficiles à apprécier, tels que la situation conjoncturelle, la concurrence, l’aide ponctuelle des membres de la famille, des personnes intéressées dans l’entreprise ou des collaborateurs. Généralement, les documents comptables ne permettent pas, en pareils cas, de distinguer la part du revenu qu’il faut attribuer à ces facteurs - étrangers à l’invalidité - et celle qui revient à la propre prestation de travail de l’assuré (arrêts du Tribunal fédéral 9C_826/2017 du 28 mai 2018 consid. 5.2 ; 9C_106/2011 du 14 octobre 2011 consid. 4.3, I 83/97 du 16 octobre 1997 consid. 2c, in VSI 1998 p. 121, et I 432/97 du 30 mars 1998 consid. 4a, in VSI 1998 p. 255). Il convient de distinguer clairement la situation personnelle de la personne assurée, seule déterminante au regard de l’assurance-invalidité, de celle de l’entreprise dont elle est la propriétaire économique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_572/2010 du 25 mars 2011, consid. 3.5 in fine).

5.5.6 Pour autant que la taille et l’organisation de son entreprise le permettent, on peut exiger d’un assuré de condition indépendante qu’il réorganise son emploi du temps au sein de celle-ci en fonction de ses aptitudes résiduelles. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que plus la taille de l’entreprise est petite, plus il sera difficile de parvenir à un résultat significatif sur le plan de la capacité de gain. Au regard du rôle secondaire des activités administratives et de direction au sein d’une entreprise artisanale, un transfert de tâches d’exploitation proprement dites vers des tâches de gestion ne permet en principe de compenser que de manière très limitée les répercussions économiques résultant de l’atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_580/2007 du 17 juin 2008 consid. 5.4).

Aussi, lorsque l’activité exercée au sein de l’entreprise après la survenance de l’atteinte à la santé ne met pas pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle de l’assuré, celui-ci peut être tenu, en fonction des circonstances, de mettre fin à son activité indépendante au profit d’une activité salariée plus lucrative (arrêts du Tribunal fédéral 9C_810/2017 du 9 avril 2018 consid. 2.2 ; 9C_394/2009 du 8 janvier 2010 consid. 5.2 ss). De jurisprudence constante, ce n’est qu’à des conditions strictes que l’on peut considérer qu’un changement d’activité professionnelle, singulièrement la cessation d’une activité agricole, ne constitue pas une mesure raisonnablement exigible de l’assuré ; en particulier, l’activité exercée jusqu’alors ne doit pas être poursuivie aux coûts de l’assurance-invalidité, même si l’intéressé effectue un travail d’une certaine importance économique (arrêts du Tribunal fédéral 9C_644/2015 du 3 mai 2016 consid. 4.3.1 ; 8C_413/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.3.1 ; 9C_357/2014 du 7 avril 2015, consid. 2.3.1 ; 9C_624/2013 du 11 décembre 2013 consid. 3.1.1 ; 9C_834/2011 du 2 avril 2012 consid. 4 et les références). 

6.              

6.1 Le recourant a fait valoir que l’intimé aurait dû tenir compte pour établir le taux d’invalidité du fait qu’en 2019, 2020 et 2021, il avait touché des indemnités pour maladie.

L’intimé a expliqué ne pas avoir fixé le revenu sans invalidité sur la base des gains réalisés entre 2019 et 2021, mais sur le revenu réalisé immédiatement avant l’atteinte à la santé, soit celui réalisé en 2018.

6.2 L’incapacité de travail déterminante du recourant a débuté en août 2019, lorsqu’il a commencé souffrir d’une sciatique. C’est ainsi à juste titre que l’intimé a pris en compte pour établir le taux d’invalidité du recourant son revenu avant invalidité, soit celui de 2018.

Dans la mesure où il est tenu compte pour fixer le revenu avec invalidité d’une capacité théorique d’exercer une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, l’intimé n’avait pas à prendre en compte les revenus effectivement réalisés par le recourant après la survenue de son atteinte à la santé, en 2019, 2020 et 2021, et c’est à juste titre qu’il s’est référé aux données statistiques de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) pour une activité simple et répétitive.

Le taux d’invalidité a été correctement fixé par l’intimé.

7.              

7.1 Dans un second grief, le recourant a contesté pouvoir travailler à 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, ce d’autant plus qu’il avait 59 ans, et sans qu’on lui propose une reconversion avec une formation dans un autre métier. Il ne pouvait pas rester assis toute une journée en raison de ses problèmes de santé.

L’intimé a répondu qu’il ressortait des pièces médicales au dossier que le recourant ne pouvait plus exercer son activité habituelle de menuisier indépendant depuis le 9 août 2019, mais qu’il présentait une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles dès le 1er juin 2020. Le recourant pouvait exercer différentes activités adaptées qui ne nécessitaient pas de formation complémentaire.

7.2 En l’espèce, l’intimé a retenu une capacité de travail entière du recourant dans une activité adaptée dès le 1er juin 2020, en se fondant sur le rapport établi le 17 juillet 2020 par le Dr D______ et l’avis du SMR du 14 septembre 2021. Cette conclusion n’est pas remise en cause par le rapport du médecin traitant du recourant, le Dr C______, du 28 mai 2020, dès lors que ce médecin indiquait que les douleurs étaient supportables. Le recourant n’a pas produit d’autres rapports qui pourraient faire douter du fait qu’il ne pouvait pas effectuer une activité simple et répétitive adaptée à ses limitations.

Le recourant était âgé de 56 ans le 1er juin 2020, date à partir de laquelle il a été retenu qu’il pouvait être exigé de lui une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles à 100%. Le recourant n'avait ainsi pas encore atteint l'âge à partir duquel le Tribunal fédéral admet qu'il peut être plus difficile de se réinsérer sur le marché du travail (voir ATF 143 V 431 consid. 4.5.2).

Son absence de formation en dehors de la menuiserie ne permet pas de retenir qu’il ne pourrait pas trouver de travail, étant relevé qu’il a démontré des ressources et des compétences certaines en gérant seul une entreprise depuis 2004.

Les limitations fonctionnelles retenues n’apparaissent pas telles qu’elles l’empêcheraient d’exercer une activité adaptée légère dans laquelle il pourrait changer de positions.

En conséquence, c’est à juste titre que l’intimé a retenu qu’une activité adaptée était exigible à 100%.

Au vu de l’organisation de son entreprise et de son but, le recourant ne peut adapter ses activités au sein de celle-ci afin qu’elles soient compatibles à son état de santé. Conformément à la jurisprudence, l’intimé pouvait, dans ces circonstances, retenir qu’il devait mettre fin à son activité indépendante au profit d’une activité salariée plus lucrative.

7.3 Le degré d’invalidité du recourant n’atteint pas le seuil de 20% donnant droit à une mesure de reclassement au sens de l’art. 17 LAI.

Compte tenu des limitations fonctionnelles du recourant, il faut admettre qu'il existe un nombre suffisant large d’activités légères sur le marché du travail qu’il pourrait assumer. Le droit à l'orientation professionnelle selon l'art. 15 LAI n'entre donc pas non plus en considération.

8.             Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et le recourant sera condamné au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al.1bis LAI).

 


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le