Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1272/2023

ATAS/625/2023 du 24.08.2023 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1272/2023 ATAS/625/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 août 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______

représenté par Me Brice Van ERPS, avocat

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 1966, bénéficiaire d’une rente de l’assurance-invalidité, perçoit depuis plusieurs années des prestations complémentaires fédérales et cantonales du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé).

b. Chaque année, il a été informé par le SPC qu’il avait le devoir de communiquer spontanément à ce service tout changement de sa situation financière, notamment en cas d’augmentation ou de diminution de son loyer ou de son revenu.

c. Par décision de prestations complémentaires du 12 août 2022, le SPC a informé l’assuré qu’il avait recalculé le droit aux prestations complémentaires fédérales et cantonales et que suite à la mise à jour du dossier, il apparaissait un trop-versé pour la période allant du 1er mars 2014 jusqu’au 31 août 2022. Les prestations déjà versées s’élevaient à CHF 60'748.- alors que le droit aux prestations pour ladite période s’élevait à CHF 17'438.-. Les plans de calcul détaillés pour la période susmentionnée faisaient apparaître sous la rubrique « revenus déterminants » un poste « prestations périodiques » pour un montant de CHF 8’400.-.

d. Parallèlement, le SPC a notifié à l’assuré une décision du 12 août 2022 de remboursement des réductions individuelles de primes d’assurance-maladie pour les années 2014 à 2017 qui s’élevaient à CHF 29'002.-, ainsi qu’une décision de restitution de frais de maladie et d’invalidité suite au recalcul des prestations, dès le 1er mars 2014, qui s’élevaient à CHF 4'450.65.

e. Par courrier du 17 août 2022, le SPC a donné des détails supplémentaires à l’assuré concernant ce nouveau calcul et l’a informé que, selon des éléments qui apparaissaient dans son dossier, ce dernier sous-louait une chambre de son appartement depuis huit ans à Monsieur B______, pour un montant mensuel de CHF 700.- (soit CHF 8'400.- par année), alors que le montant annuel du loyer de l’appartement, charges comprises, s’élevait à CHF 8’628.-. Le SPC a constaté que l’assuré ne l'avait pas informé de ce changement de sa situation financière et que son comportement pouvait être constitutif d’une escroquerie au sens de l’art. 146 du code pénal suisse. En reprenant le calcul des prestations et en tenant compte, depuis le 1er mars 2014, du montant correspondant à la sous-location encaissée chaque mois de la part de M. B______, le SPC arrivait à la conclusion que pour la période allant du 1er mars 2014 au 31 août 2022, l’assuré et son épouse avaient indûment perçu les prestations suivantes :

prestations complémentaires à l’AVS/AI : CHF 43'400.-

prestations d’aide sociale : CHF 1'852.-

subsides d’assurance-maladie pour l’assuré : CHF 12'704.-

subsides d’assurance-maladie pour l’épouse de l’assuré : CHF 16'298.-

frais médicaux pour l’assuré : CHF 2'907.10

frais médicaux pour l’épouse de l’assuré : CHF 1'543.55

Soit au total : CHF 78'704.65

f. Par courrier du 18 août 2022 adressé au Ministère public, le SPC a déposé une plainte pénale, en se constituant partie plaignante au pénal et au civil, contre l’assuré et son épouse, au nom du SPC, de même que pour le compte du service de l’assurance-maladie (ci-après : SAM) pour escroquerie, en exposant, en substance, les éléments déjà mentionnés dans son courrier du 17 août 2022 adressé à l’assuré.

g. Par courrier du 12 septembre 2022, l’assuré s’est opposé à la décision du 12 août 2022 et s’est référé au courrier du 17 août 2022, expliquant que M. B______ avait été hébergé « gratuitement, par acte humanitaire, il ne pouvait pas payer de loyer étant donné qu’il ne gagnait pas assez d’argent ». Ce n’est qu’à partir du mois de janvier qu’il avait réussi à verser un montant de CHF 2'800.- sur lequel l’assuré lui avait rendu CHF 700.-. Il ne s’agissait donc pas d’un montant aussi élevé que celui dont la restitution était demandée et l’assuré se déclarait disposé à rembourser au SPC la différence, soit le montant de CHF 2'100.- à raison de CHF 100.- par mois. Il a réitéré cette proposition, par courrier du 17 octobre 2022

h. En date du 27 octobre 2022, le SPC a reçu une transmission d’informations de la part de la Police suite à l’interrogatoire de l’assuré et de son épouse. Il ressortait de l’audition de ces derniers que l’assuré avait mis en place, il y a environ dix ans, deux parois dans son studio, créant ainsi une chambre pour y accueillir « peut-être, des enfants un jour » puis, il y avait environ sept ans et pour des raisons financières, l’assuré et son épouse avaient cherché une personne qui souhaitait louer une chambre dans leur logement en diffusant une annonce. M. B______, de nationalité algérienne, s’était annoncé, en présentant une pièce de légitimation au nom de Monsieur C______, et avait accepté de payer CHF 700.- par mois, sans avoir établi de contrat écrit, pour la sous-location d’une pièce. Le loyer mensuel était payé par le sous-locataire directement en cash à l’épouse de l’assuré et ce dernier mentionnait que pendant les sept ans d’hébergement, il était arrivé que le sous-locataire ne puisse pas payer son loyer environ une dizaine de fois. L’assuré reconnaissait n’avoir pas déclaré le montant perçu auprès de l’administration fiscale cantonale, de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève et du SPC.

i. Par courrier du 7 novembre 2022, le SPC a répondu à l’assuré en lui indiquant que la demande de restitution était entrée en force et que le solde de la dette devait être remboursé. Néanmoins, en tenant compte du montant de cette dernière et du délai de péremption, le SPC ne pouvait entrer en matière que sur un remboursement par mensualités d’un montant minimum de CHF 2'135.- par mois.

j. Par courrier du 2 décembre 2022, l’assuré a déclaré qu’il n’avait pas les moyens de rembourser la dette de CHF 76'852.-, répétant qu’il avait toujours « été en règle avec tous les paiements » et qu’il avait agi « par valeur morale ».

B. a. Par décision sur opposition du 18 janvier 2023, le SPC s’est fondé sur le courrier de l’assuré du 12 septembre 2022, considérant que ce dernier devait être, à la lecture de son contenu, considéré comme une opposition. Cette dernière était rejetée dès lors que les revenus provenant de la sous-location faisaient partie des revenus déterminants pris en compte pour calculer les prestations complémentaires cantonales et fédérales et que les prestations trop-perçues devaient être remboursées. Dès lors que les faits pouvaient être qualifiés d’escroquerie, le SPC était en droit d’appliquer un délai de péremption supérieur à cinq ans. En se fondant sur le rapport de police du 10 octobre 2022, le SPC considérait qu’il était établi que l’assuré percevait depuis sept ans un sous-loyer mensuel de CHF 700.-, qui n’avait jamais été déclaré. L’opposition était donc rejetée et le montant de CHF 76’852. 65 (qui ne comprenait pas le montant des prestations d’aide sociale, à hauteur de CHF 1’852.-) devait être restitué.

b. Par courrier du 10 février 2023, reçu par le SPC en date du 13 février 2023, l’assuré a informé le SPC que le sous-locataire n’habitait plus l’appartement et qu’il ne percevait donc plus aucune contribution de sa part. Il mentionnait encore qui n’avait pas les moyens de rembourser le montant réclamé et renouvelait sa proposition de verser des montants mensuels de CHF 100.-.

c. Par courrier du 10 mars 2023, le SPC a interpellé l’assuré et lui a demandé des précisions quant à ses intentions, notamment de savoir si son courrier valait recours contre la décision sur opposition du 18 janvier 2023 ou remise de l’obligation de restituer le montant réclamé.

d. En reprenant comme support le courrier du 10 mars 2023 du SPC, l’assuré a écrit à la main qu’il voulait rembourser une « somme équitable mensuelle » et qu’il était dans une situation difficile financièrement, puis a transmis cet acte au SPC, qui l’a reçu en date du 31 mars 2023.

C. a. Par courrier du 12 avril 2023, le SPC a transmis à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) l’acte en question comme objet de sa compétence en joignant une copie de la décision sur opposition du 18 janvier 2023, tout en précisant que seule la décision sur opposition relative aux prestations complémentaires semblait contestée.

b. Par courrier du 19 avril 2023, la chambre de céans a interpellé l’assuré en relevant qu’à première vue, ce dernier ne contestait pas le bien-fondé de la décision de remboursement mais demandait des modalités de remboursement, voire une remise partielle ou totale de son obligation de rembourser. Il lui était demandé de confirmer, par retour de courrier, qu’il s’agissait d’une demande de remise ou de modalités de remboursement et non pas d’un recours contestant le bien-fondé de la décision de remboursement. Par ailleurs, l’assuré était informé qu’en ce qui concernait la décision du 18 janvier 2023 de restitution des prestations d’aide sociale pour un montant de CHF 1’852.-, le dossier avait été transmis à la chambre administrative de la Cour de justice, qui était l’autorité de recours compétente en cette matière.

c. Par courrier du 4 mai 2023, le SPC a transmis l’intégralité de son dossier à la chambre de céans tout en faisant remarquer que, selon son interprétation, l’acte de l’assuré n’était pas un recours mais uniquement une demande de remise de l’obligation de restituer le montant de CHF 76’852.65, dont la compétence ressortait au SPC. Dès lors, ce dernier concluait à l’irrecevabilité du recours et à ce que la cause lui soit renvoyée comme objet de sa compétence.

d. Par courrier du 8 mai 2023, le conseil de l’assuré a demandé à pouvoir consulter le dossier, ainsi qu’une prolongation du délai de réponse au courrier de la chambre de céans du 19 avril 2023, de manière à pouvoir également répondre à la détermination du SPC du 4 mai 2023.

e. La chambre de céans a octroyé un délai au 31 mai 2023 à l’assuré pour que son conseil transmette sa détermination.

f. Par réplique de son conseil du 31 mai 2023, l’assuré a transmis à la chambre de céans une attestation médicale ainsi que la copie de plusieurs procès-verbaux d’audition par la Police et le Ministère public entre le 1er août 2022 et le 16 mai 2023. Il a fait valoir que, selon les déclarations de l’assuré auprès de la Police et du Ministère public, le recourant avait déclaré que le sous-locataire n’avait pas payé son loyer à une dizaine de reprises. Il était notamment mentionné qu’il ressortait de l’audition devant la Police et des aveux de l’assuré, en date du 10 octobre 2022, le paragraphe suivant « c’est vrai que nous avons perçu quasiment tous les mois CHF 700.- cash de sa part depuis qu’il vit chez nous, soit depuis environ sept ans. Je ne pourrais pas vous dire combien de fois, il n’a pas payé ce loyer ; mais c’est quasiment tout le temps. Il n’a pas peut-être pas (sic) payé son loyer pendant environ 10 fois ». En se fondant sur ce passage, le conseil de l’assuré exposait qu’il fallait soustraire du montant réclamé par le SPC la somme de CHF 7'000.- correspondant au loyer non payé à dix reprises. Par ailleurs, dès lors que depuis 2014, un revenu annuel de CHF 8’400.- était pris en compte, cela équivalait, pour huit ans, à un revenu de CHF 67'200.-, dont il fallait soustraire le montant de CHF 7'000.-, ce qui ramenait ledit revenu à CHF 60'200.- En conclusion, le montant dont le remboursement pouvait être réclamé à l’assuré s’élevait à CHF 60’200.-.

g. Après réception de la réplique de l’assuré, le SPC s’est déterminé dans une duplique du 23 juin 2023, considérant qu’à la lecture du procès-verbal d’audition de l’assuré du 10 octobre 2022 et de celui de son épouse, en date du 1er août 2022, il apparaissait que le recourant s’était contredit plusieurs fois et que rien ne permettait d’attester que le sous-locataire ne s’était pas acquitté de son loyer à dix reprises. Par conséquent, le SPC concluait au rejet du recours.

h. La cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

i. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC ‑ RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La novelle du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Dans la mesure où le présent recours n’était pas pendant à cette date, il est soumis au nouveau droit (art. 82a LPGA a contrario).

3.              

3.1 La législation sur les prestations complémentaires a également connu des modifications, entrées en vigueur le 1er janvier 2021.

3.2 Du point de vue temporel, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire, le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1). Le droit aux prestations complémentaires doit ainsi être analysé selon la législation en force durant la période qu’elles concernent.

3.3 Toutefois, cette novelle n’a guère de portée dans le cas d’espèce, puisque c’est avant tout la restitution des prestations qui est litigieuse. Les dispositions légales topiques de la LPC citées infra sont identiques dans leur teneur jusqu’au 31 décembre 2020 et après le 1er janvier 2021.

4.             Déposé dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur la restitution des prestations complémentaires, des subsides d’assurance-maladie et des frais médicaux versés au recourant dès mars 2014, en particulier sur le point de savoir si c’est à juste titre que l’intimé a appliqué le délai de prescription pénale de quinze ans prévu en cas d’escroquerie.

6.             La remise et son étendue font l'objet d'une procédure distincte de la restitution (arrêt du Tribunal fédéral P 64/06 du 30 octobre 2007 consid. 4), de sorte que la question de la remise ne sera pas examinée dans la présente procédure.

7.             Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi notamment droit aux prestations complémentaires les personnes qui perçoivent une rente d’invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 let. c LPC.

8.             Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L’art. 9 al. 1er LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

9.             Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC). S’agissant des conditions personnelles, le droit aux prestations complémentaires cantonales est notamment subordonné à la condition du domicile et de la résidence habituelle dans le canton de Genève (cf. art. 2 al. 1 let. a LPCC).

10.         Au niveau fédéral, les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (art. 11 al. 1 let. b LPC) et les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (art. 11 al. 1 let. d LPC).

11.         Les dépenses comprennent notamment le montant forfaitaire annuel pour l'assurance obligatoire des soins ; il doit correspondre au montant de la prime moyenne cantonale ou régionale pour l'assurance obligatoire des soins (couverture accidents comprise) (art. 10 al. 3 let. d LPC).

12.         Aux termes de l’art. 19 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), conformément aux art. 65ss de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal ‑ RS 832.10), l’État de Genève accorde aux assurés de condition économique modeste des subsides destinés à la couverture totale ou partielle des primes de l’assurance-maladie. Les subsides sont notamment destinés aux assurés bénéficiaires des prestations complémentaires à l'AVS/AI (cf. art. 20 al. 1 let. b LaLAMal). L’art. 22 al. 7 LaLAMal dans sa teneur en force jusqu’au 31 mars 2021 disposait que les bénéficiaires d’une prestation annuelle, fédérale et/ou cantonale, complémentaire à l’AVS/AI versée par le service ont droit à un subside égal au montant de leur prime d’assurance obligatoire des soins, mais au maximum au montant correspondant à la prime moyenne cantonale fixée par le Département fédéral de l’intérieur. Les personnes qui ont un excédent de ressources inférieur à la prime moyenne cantonale ont droit à un subside équivalent à la différence entre la prime moyenne cantonale et l’excédent de ressources.

13.         S’agissant du subside d’assurance-maladie, concrètement, la pratique de l’intimé durant la période litigieuse consistait à procéder au calcul des dépenses du bénéficiaire, sans prendre en considération les primes d’assurance-maladie, puis il admettait le droit au subside en fonction du montant de l’excédent de ressources (ATAS/1039/2013 du 29 octobre 2013 consid. 11a/cc).

14.         Sur le plan cantonal, la LPCC renvoie à la réglementation fédérale pour le calcul du revenu déterminant et des dépenses, sous réserve de certaines adaptations. Ainsi, l’art. 5 let. c ch. 1 LPCC prévoit qu’en dérogation à l’art. 11 al. 1 let. c LPC, la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est d’un huitième, respectivement d’un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, et ce après déduction des franchises prévues par cette disposition.

15.         L’intimé a exigé la restitution de prestations qu’il estime avoir indûment versées.

16.          

16.1 En vertu de l'art. 25 LPGA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (al. 2).

16.2 Depuis le 1er janvier 2021, le droit de demander la restitution s’éteint trois ans après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation (art. 25 al. 2 1ère phr. LPGA dans sa nouvelle teneur dès cette date). Selon la jurisprudence, l'obligation de restituer prévue par l'art. 25 al. 1 LPGA implique que soient réunies les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale (art. 53 al. 1er et 2 LPGA) de la décision par laquelle les prestations ont été accordées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_398/2021 du 22 février 2022 consid. 5.1).

16.3 Au plan cantonal, aux termes de l'art. 24 al. 1 LPCC, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Conformément à l'art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).

16.4 Dans le cas d’espèce, le SPC a requis par décision du 12 août 2022 la restitution des montants trop-perçus après avoir été informé de l’existence du revenu provenant de la sous-location par courrier du Ministère public du 2 août 2022. Compte tenu du court laps de temps écoulé entre la réception de la communication du Ministère public et la décision de restitution, le délai relatif de un an ou trois ans n’est pas écoulé.

17.         Les délais de l'art. 25 al. 2 LPGA sont des délais relatif et absolu de péremption, qui doivent être examinés d'office (arrêt du Tribunal fédéral 8C_535/2020 du 3 mai 2021 consid. 3.2). Le délai de péremption absolu de cinq ans commence à courir à la date du versement effectif de la prestation. Il met un point final à un rapport d'obligation entre l'assurance et le débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_616/2009 du 14 décembre 2009 consid. 3.2).

Les dispositions pénales suivantes peuvent trouver application en lien avec la perception de prestations complémentaires.

18.

18.1 L'al. 1er de l'art. 31 LPC arrête qu'est puni, à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée par le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), d'une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amende celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, obtient d'un canton ou d'une institution d'utilité publique, pour lui-même ou pour autrui, l'octroi indu d'une prestation au sens de la présente loi (let. a) ; celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, obtient sans droit une subvention au sens de la présente loi (let. b) ; celui qui n'observe pas l'obligation de garder le secret ou abuse, dans l'application de la présente loi, de sa fonction ou tire avantage de sa situation professionnelle au détriment de tiers ou pour son propre profit (let. c) ; celui qui manque à son obligation de communiquer (art. 31 al. 1 LPGA) (let. d). Cette infraction se prescrit par sept ans selon l'art. 97 al. 1 let. d CP.

18.2 Le fait de ne pas déclarer à l’organe d’exécution des prestations complémentaires des ressources déterminantes réalise les conditions objectives de l'infraction réprimée à l'art. 31 al. 1 let. d LPC (ATF 140 IV 206 consid. 6.4). Les indications écrites fournies chaque année à un titulaire de prestations complémentaires, relatives à l'obligation de communiquer tout changement de circonstances, doivent être comprises comme une exhortation à annoncer la survenance de telles modifications ; celui qui, après avoir dissimulé à l'administration une partie de ses revenus, ignore ces communications annuelles tait l'existence d'éléments pertinents pour l'octroi de prestations et commet ainsi à chaque fois une tromperie par commission (ATF 131 IV 83 consid. 2.2 et 2.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_232/2013 du 13 décembre 2013 consid. 4.1.3).

18.3 L'art. 31 al. 1 LPC vise un délit intentionnel (Urs MÜLLER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum ELG, 3ème éd. 2015, p. 330 n. 926). Cela suppose que l'auteur ait agi avec conscience et volonté, ou par dol éventuel (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1). Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable et agit, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3). Le Tribunal fédéral a retenu que compte tenu des informations demandées dans le formulaire de demande de prestations, un assuré ne pouvait ignorer l’importance de la communication de toute information d'ordre économique le concernant et était ainsi conscient qu'il retenait des informations qu'il avait l'obligation de transmettre à l’autorité, agissant ainsi par dol éventuel. Partant, les conditions subjectives de l’infraction étaient réalisées (ATF 140 IV 206 consid. 6.4 et 6.5 dans le cas de la non déclaration à l’autorité d’un héritage perçu et de l’acquisition d’un bien immobilier).

19.          

19.1 L’art. 146 al. 1 CP, relatif à l’escroquerie, prévoit que celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire. L’escroquerie se prescrit par quinze ans en vertu de l’art. 97 CP.

19.2 Par tromperie, il faut entendre tout comportement destiné à faire naître chez autrui une représentation erronée des faits (ATF 147 IV 73 consid. 3.1). La tromperie peut être réalisée non seulement par l'affirmation d'un fait faux, mais également par la dissimulation d'un fait vrai. On distingue à cet égard la dissimulation d'un fait vrai par commission, de la dissimulation par omission, laquelle ne peut constituer une tromperie que si l'auteur se trouve dans une position de garant, à savoir s'il a, en vertu de la loi, d'un contrat ou d'un rapport de confiance spécial, une obligation qualifiée de renseigner (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.2). C’est aux assurances qu’il appartient de veiller à la sauvegarde de leur propre patrimoine, par exemple en interrogeant à intervalles réguliers les bénéficiaires de prestations au sujet de l’évolution de leur état de santé, leur situation personnelle ou financière. Cela étant, si les réponses fournies par l’assuré sont contraires à la réalité ou si la perception des prestations d’assurance est accompagnée d’autres actions qui permettent objectivement d’interpréter le comportement de l’assuré comme signifiant que rien n’a changé dans sa situation, il n’est plus question d’une escroquerie par omission, mais par commission, à tout le moins par actes concluants (Andrew GARBARSKI / Benjamin BORSODI in Commentaire romand, Code pénal II, 2ème éd. 2017, n. 24 ad art. 146 CP). Une escroquerie par actes concluants a ainsi été retenue dans le cas d’un bénéficiaire de prestations complémentaires qui avait gagné à la loterie et seulement transmis l’extrait de son livret d’épargne à l'autorité compétente, comme celle-ci le lui avait demandé, sans révéler spontanément sa fortune placée sur un autre compte. Le Tribunal fédéral a considéré que la condition de l’astuce était remplie, dès lors que l’autorité ne pouvait que très difficilement déceler la fortune de l’intéressé (ATF 127 IV 163 consid. 2b).

19.3 Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 consid. 5.3).

20.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2).

21.          

21.1 En l'espèce, l’assuré a perçu un montant mensuel correspondant à une sous-location depuis le mois de mars 2014. Cette prestation périodique, au sens de l’art. 11 al. 1 let. d LPC, n’a pas été annoncée au SPC. Mieux encore, au moment de la découverte de l’existence de la sous-location, le recourant a nié les faits, prétendant avoir agi « gratuitement », avant de reconnaître tardivement les faits sur la base des déclarations faites devant le Ministère public et la Police.

Il s’ensuit que l’on peut considérer que, non seulement l’assuré n’a pas spontanément annoncé un revenu, mais que, de surcroît, il a dépassé le stade de l’omission et est entré dans le stade de la commission du délit en dissimulant astucieusement, puis en niant l’existence d’un revenu de sous-location, versé en cash de la main à la main et ne faisant l’objet d’aucun contrat écrit, alors même qu’il était interrogé spécifiquement sur ce point par l’intimé.

Étant précisé que si l’épouse de l’assuré n’avait pas déposé une plainte pénale contre le sous-locataire et si ce dernier n’avait pas été interrogé par la Police et le Ministère public, le SPC n’avait, à vues humaines, aucune raison de suspecter et de découvrir l’existence du revenu occulte provenant de la sous-location.

Compte tenu de ces éléments, c’est à juste titre que le SPC a appliqué un délai de prescription de quinze ans correspondant à l’escroquerie.

21.2 Le recourant ne le nie pas, mais considère qu’il convient de déduire du montant qu’il doit rembourser un montant de CHF 7'000.- correspondant, selon lui, à la dizaine de fois où le sous-locataire n’aurait pas payé son sous-loyer (soit 10 x 700.- = CHF 7'000.-).

Néanmoins, comme le relève à juste titre l’intimé, ce manque à gagner de CHF 7'000.- ne ressort que des allégations du recourant et n’est, en aucune façon, corroboré par des éléments objectifs du dossier.

S’agissant de la crédibilité des déclarations du recourant, on peut reprendre le passage cité par son conseil, soit « c’est vrai que nous avons perçu quasiment tous les mois CHF 700.- cash de sa part depuis qu’il vit chez nous, soit depuis environ sept ans. Je ne pourrais pas vous dire combien de fois, il n’a pas payé ce loyer ; mais c’est quasiment tout le temps. Il n’a pas peut-être pas payé son loyer pendant environ 10 fois ».

Si l’on sépare les trois membres de cette phrase, on constate que dans la première phrase, l’assuré reconnaît avoir perçu CHF 700.- par mois de la part du sous-locataire ; dans la deuxième phrase, il prétend que le loyer n’a pas été payé, quasiment tout le temps ; puis, dans la troisième phrase, il précise que le loyer n’a pas été payé pendant une dizaine de fois.

Sans compter que dans son courrier d’opposition du 12 septembre 2022, l’assuré avait prétendu que ce n’était qu’à partir du mois de janvier [2022] que le sous-locataire avait réussi à lui verser un montant de CHF 2'800.- sur lequel l’assuré lui avait rendu CHF 700.-.

Compte tenu de ces contradictions, la chambre de céans considère que le recourant ne peut pas être suivi dans ses allégations contradictoires et estime que la quotité du montant correspondant à la sous-location dont le SPC a tenu compte dans ses calculs est établie au degré de la vraisemblance prépondérante.

Partant, il ne saurait être question de déduire un montant de CHF 7’000.-, comme le réclame le recourant.

21.3 Par ailleurs, ce dernier ne peut pas être suivi dans ses calculs, qui ne tiennent compte que des prestations complémentaires dont la restitution est demandée et qui ne tiennent pas compte des montants correspondant aux subsides d’assurance-maladie ainsi qu’aux frais médicaux, sur lesquels il ne se prononce pas dans ses écritures.

22. Il en résulte que la décision sur opposition querellée est bien fondée et que le recours doit être rejeté.

23. Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA ; art. 89H al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le