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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2331/2022

ATAS/421/2023 du 12.06.2023 ( APG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2331/2022 ATAS/421/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 juin 2023

Chambre 8

 

En la cause

A______
représentée par Me Michel BOSSHARD, avocat

 

recourante

 

contre

 

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'intéressée ou la recourante) est administratrice, avec signature collective à deux, de la société B______ SA (ci-après : la société), laquelle est active dans l’exploitation de salons de coiffure, notamment à l'enseigne « C______ ».

b. Le 27 novembre 2020, l'intéressée a déposé auprès de la CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1 (ci-après : la caisse) une demande d’allocation pour perte de gain COVID-19 (ci-après : APG-Covid), pour la période du 2 au 21 novembre 2020, motivée par la fermeture de la société en raison des mesures fédérales ou cantonales. Elle a indiqué occuper une position assimilable à celle d’un employeur. Son revenu de l’activité lucrative soumis à l'AVS en 2019 était de CHF 7'000.- (× 12) et son revenu de l'activité lucrative soumis à l'AVS touché le mois au cours duquel la demande était déposée de CHF 7'000.-.

B. a. Le 18 janvier 2021, la caisse a rendu une décision de refus d'APG-Covid, en considérant que selon les informations et chiffres contenus dans la demande, l'intéressée n'avait pas subi de perte de gain au cours du mois concerné.

b. Le 26 janvier 2021, l'intéressée a invité la caisse à lui accorder l'APG-Covid, en alléguant avoir par erreur mentionné le salaire qu'elle aurait dû toucher si l'entreprise était restée ouverte. Le salaire AVS qu'elle avait effectivement touché s'élevait à CHF 2'470.60, décompte de salaire du mois de novembre 2020 à l'appui.

c. Le 1er février 2021, la caisse a informé l'intéressée annuler la décision du 18 janvier 2021.

d. Par décompte du 2 février 2021, la caisse a versé à l'intéressée un montant de CHF 2'174.40, correspondant à 18 indemnités journalières de CHF 120.80 pour la période du 3 au 20 novembre 2020.

e. Le 5 février 2021, la société a contesté ce décompte, en faisant valoir que, pendant la période du 3 au 20 novembre 2020, le salaire de l'intéressée était de CHF 0.-, et que le salaire obtenu du 1er au 2, ainsi que du 21 au 30 novembre ne devait pas être déduit de l'APG pour une autre période. Selon elle, l'APG-Covid se calculait comme suit : 7'000 / 30 × 18 × 80%.

f. Après deux relances de l'intéressée, par décision du 17 mars 2022, la caisse a maintenu son décompte du 2 février 2021, en expliquant que la perte de gain subie par l'intéressée de CHF 4'529.40 (7'000 - 2'470.60), divisée par 30 jours et multipliée par 80% donnait un montant d'allocation journalière de CHF 120.78, arrondi à CHF 120.80 conformément aux dispositions applicables. L'intéressée avait droit au versement d'APG-Covid pendant la période de fermeture de l'entreprise, soit durant 18 jours. La méthode de calcul de l'intéressée correspondait à celle applicable en cas de perte de gain mensuelle de CHF 7'000.-. Or, l'intéressée ne tenait pas compte du fait qu'elle avait perçu un salaire de CHF 2'470.60 en novembre 2020.

g. Le 30 mars 2022, l'intéressée s'est opposée à cette décision.

h. Par décision du 13 juin 2022, la caisse a confirmé celle du 17 mars 2022.

C. a. Par acte du 13 juillet 2022, l'intéressée, par l'intermédiaire de son avocat, a interjeté recours contre la décision sur opposition du 13 juin 2022 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans), en concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l'octroi d'APG-Covid de CHF 3'623.50 pour les 18 jours de fermeture de l'entreprise en novembre 2020.

b. Dans sa réponse du 11 août 2022, l'intimée a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique du 12 septembre 2022, la recourante a maintenu sa position.

d. Dans sa duplique du 17 octobre 2022, l'intimée en a fait de même.

 

EN DROIT

 

1.             Les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA - RS 830.1) s'appliquent aux allocations en cas de perte de gain en lien avec le Coronavirus, sous réserve de dérogations expresses (art. 1 de l’ordonnance sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus [COVID-19] du 20 mars 2020 [ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 - RS 830.31]).

Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l'opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 al. 1 et 57 LPGA).

Selon la jurisprudence, les décisions prises par une caisse cantonale de compensation en matière d’allocations en cas de perte de gain COVID-19 peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal des assurances du canton où la caisse de compensation a son siège (arrêt du Tribunal fédéral 9C_738/2020 du 7 juin 2021 consid. 3.3).

La chambre de céans est ainsi compétente à raison du lieu et de la matière pour juger du cas d’espèce.

2.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 13 juillet 2022) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur le montant de l'APG-Covid à laquelle la recourante peut prétendre pour la période du 3 au 20 novembre 2020 en raison de la fermeture de la société ordonnée par les autorités.

5.              

5.1 Pour lutter contre l’épidémie de COVID-19 qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes, en se fondant sur les art. 184 al. 3 et 185 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ainsi que sur plusieurs dispositions de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme du 28 septembre 2012 (Loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101) et sur l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (ordonnance COVID-19 - RS 818.101.24), laquelle a été abrogée et remplacée par l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19), puis par l’ordonnance 3 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 19 juin 2020 (ordonnance 3 COVID-19), elle-même ensuite plusieurs fois modifiée (ATAS/436/2022 du 17 mai 2022 consid. 3.1).

5.2 Le 19 juin 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière (ordonnance COVID-19 situation particulière - RS 818.101.26), avec entrée en vigueur le 20 juin 2020 pour une partie et 22 juin 2020 pour une autre (étant précisé qu’une nouvelle ordonnance COVID-19 situation particulière a été adoptée le 23 juin 2021 avec entrée en vigueur le 26 juin suivant). Les art. 4 et 5 de ladite ordonnance dans sa teneur en vigueur dès le 22 juin 2021 prévoyait que les exploitants d’installations ou d’établissements accessibles au public, y compris les établissements de formation, et les organisateurs de manifestations devaient élaborer et mettre en œuvre un plan de protection auquel certaines prescriptions s’appliquaient, voire, suivant les circonstances, collecter des données.

Le 28 octobre 2020, outre une modification des règles applicables au plan de protection, le Conseil fédéral a étendu l’obligation du port du masque aux espaces publics extérieurs des installations et établissements (art. 3b al. 1 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière), limité le nombre de clients à quatre par table dans les restaurants et imposé leur fermeture entre 23h00 et 06h00 (art. 5a de l’ordonnance COVID-19 situation particulière). Ces dispositions sont entrées en vigueur le 29 octobre 2020 (RO 2020 4503 ; ATAS/436/2022 précité consid. 3.2).

5.3 En parallèle, sur le plan cantonal, le Conseil d’État a adopté, le 1er novembre 2020, l’arrêté d’application de l’ordonnance COVID-19 situation particulière et sur les mesures de protection de la population (ci-après : l’arrêté COVID-19), publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 2 novembre 2020, lequel est entré en vigueur le 2 novembre 2020 à 19h00 et qui, à son art. 11 al. 1 let. f, ordonnait la fermeture des locaux où exercent les prestataires de services impliquant un contact physique tels que coiffeurs, esthéticiens, barbiers, tatoueurs.

Par arrêté du 18 novembre 2020, le Conseil d'État a abrogé l'art. 11 al. 1 let. f de l’arrêté COVID-19, avec effet dès le 21 novembre 2020.

6.              

6.1 Parallèlement aux restrictions imposées par les différentes ordonnances COVID-19, le Conseil fédéral a adopté, le 20 mars 2020, l'ordonnance sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus (COVID-19 ; ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 - RS 830.31), laquelle est entrée en vigueur rétroactivement au 17 mars 2020 (ATAS/436/2022 précité consid. 4.1).

L'autorité de recours appliquant le droit en vigueur au jour où l'autorité administrative a statué pour la première fois, soit, en l'occurrence, le 17 mars 2022 (cf. ATF 144 II 326 consid. 2.1.1 ; 147 V 278 consid. 2.1 et 5.1), c'est la version de ladite ordonnance en vigueur jusqu'au 31 mars 2022 qui est applicable.

6.2 Selon l'art. 2 al. 3 de cette ordonnance (dans sa teneur selon le ch. I de l’O du 4 novembre 2020, en vigueur depuis le 17 septembre 2020 [RO 2020 4571]), ont droit à l'APG, pour autant qu'elles remplissent la condition prévue à l'al. 1bis let. c – à savoir qu'elles soient assurées obligatoirement au sens de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) –, les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA et les personnes visées à l’art. 31 al. 3 let. b et c de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0) : si elles doivent interrompre leur activité lucrative en raison de mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité (let. a), et si elles subissent une perte de gain ou une perte de salaire (let. b).

L'art. 31 al. 3 LACI vise le conjoint de l’employeur, occupé dans l’entreprise de celui-ci (let. b) et les personnes qui fixent les décisions que prend l’employeur – ou peuvent les influencer considérablement – en qualité d’associé, de membre d’un organe dirigeant de l’entreprise ou encore de détenteur d’une participation financière à l’entreprise ; il en va de même des conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l’entreprise (let. c).

6.2.1 Le commentaire des modifications de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 entrées en vigueur le 17 septembre 2020 (disponible sur le portail du Gouvernement Suisse à l'adresse suivante : https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-80968.html) indique en particulier, en lien avec l'art. 2 al. 3, que « [o]nt droit à l’allocation les personnes exerçant une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA ou les personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur qui sont assurées obligatoirement au sens de la [LAVS], à condition qu’elles aient dû interrompre leur activité lucrative en raison de la fermeture de leur entreprise ou d’interdiction de manifestations ordonnées au niveau cantonal ou fédéral. Les personnes exerçant une activité lucrative indépendante doivent en outre subir une perte de gain, et les personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur, une perte de salaire. Le droit à l’allocation est limité à la durée de la fermeture de l’entreprise, ou de l’interdiction de manifestations et de la période correspondant au travail réalisé en amont et en aval ».

6.2.2 Le Tribunal fédéral a confirmé que la perte de salaire est une condition du droit à l’allocation en cas de perte de gain pour les assurés définis à l’art. 31 al. 3 let. c LACI (arrêt du Tribunal fédéral 9C_603/2021 du 16 décembre 2021 consid. 4.5). Dans le bulletin à l'intention des caisses de compensation AVS et des organes d'exécution des prestations complémentaires n° 448 du 21 janvier 2022, l’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) a également souligné que l’existence d’une perte de salaire est une condition de base pour l’allocation en cas de perte de gain COVID-19 (cf. ATAS/178/2022 du 17 février 2022 consid. 5).

7.             En l'occurrence, il n'est pas contesté par l'intimée que la recourante, assurée obligatoirement au sens de la LAVS, occupant une position assimilable à celle d'un employeur, a dû interrompre son activité lucrative en raison de la fermeture de la société du 3 au 20 novembre 2020 ordonnée par le Conseil d'État, et qu'elle a subi une perte de salaire.

8.             Reste à examiner la question du montant d'APG-Covid dû à la recourante pendant la période litigieuse.

8.1 En vertu de l'art. 3 al. 3 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, pour un ayant droit au sens de l’art. 2 al. 3 ou 3bis, le droit à l’allocation prend effet dès le début des mesures ordonnées par l’autorité.

Pour un ayant droit au sens de l’art. 2 al. 1bis let. a, ou de l’art. 2 al. 3 ou 3bis, le droit à l’allocation prend fin lorsque les mesures ordonnées sont levées (art. 3 al. 4 de cette ordonnance).

8.2 À teneur de l'art. 4 de cette ordonnance, l’allocation est versée sous la forme d’indemnités journalières (al. 1). Deux indemnités journalières supplémentaires sont versées par tranche d’indemnisation de cinq jours (al. 2).

8.3 Aux termes de l'art. 5 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, l’indemnité journalière est égale à 80% du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation (al. 1).

Dans les commentaires de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, en lien avec l'art. 5, le Conseil fédéral indique en particulier que « [p]our le calcul de l’indemnité journalière, le revenu mensuel moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation est divisé par 30 jours. L’indemnité journalière est égale à 80% du revenu mensuel moyen brut ( ) ».

8.3.1 Selon l'art. 5 al. 2 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, dans sa teneur selon le ch. I de l’O du 11 septembre 2020, en vigueur depuis le 17 septembre 2020 (RO 2020 3705), pour déterminer le montant du revenu [moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation], l’art. 11 al. 1 de la loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain (LAPG - RS 834.1) s’applique par analogie (al. 2), lequel prévoit que le revenu moyen acquis avant l’entrée en service est le revenu déterminant pour le calcul des cotisations dues conformément à la LAVS. Le Conseil fédéral édicte des dispositions relatives au calcul de l’allocation et fait établir par l'OFAS des tables dont l’usage est obligatoire et dont les montants sont arrondis à l’avantage de l’ayant droit.

8.3.2 En vertu de l'art. 5 al. 2quater de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, introduit par le ch. I de l’O du 4 novembre 2020, en vigueur depuis le 17 septembre 2020 (RO 2020 4571), pour les salariés au sens de l’art. 10 LPGA, la perte de salaire engendrée par les mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité est déterminante pour le calcul de l’allocation. L’indemnité journalière correspond à 80% de cette perte de salaire.

Dans le commentaire des modifications de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 entrées en vigueur le 17 septembre 2020, le Conseil fédéral indique, en lien avec l'art. 5 al. 2quater, que « [c]et alinéa règle le montant et le calcul de l’allocation pour les personnes salariées. Sont concernées les personnes salariées au sens de l’art. 10 LPGA y compris les personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur au sens de l’art. 31 al. 3 let. b et c LACI. L’allocation est versée sur la base de la perte de salaire prouvée et signalée à la caisse de compensation pour la période correspondante. Pour évaluer la perte, le salaire doit être comparé au revenu mensuel moyen soumis à l’AVS en 2019. L’indemnité journalière correspond à 80% de cette perte de salaire ».

8.3.3 Au sens de l'art. 5 al. 3 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, le montant maximal de l'allocation s'élève à CHF 196.- par jour.

8.4 L'OFAS a émis des lignes directrices relatives à l'application de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 dans la circulaire sur l'APG en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus, valables à partir du 17 mars 2020, puis à partir du 17 septembre 2020 (ci-après : CCPG ; ATAS/436/2022 précité consid. 4.3).

8.4.1 Les directives administratives ne lient en principe pas le juge, celui-ci est néanmoins tenu de les considérer dans son jugement, pour autant qu'elles permettent une interprétation des normes juridiques qui soit adaptée au cas d'espèce et équitable. Ainsi, si les directives administratives constituent une concrétisation convaincante des dispositions légales, le tribunal ne s'en départit pas sans motif pertinent. Dans cette mesure, il tient compte du but de l'administration tendant à garantir une application égale du droit. En principe, il convient de tenir compte de la version qui était à la disposition de l'autorité de décision au moment de la décision (et qui a déployé un effet contraignant à son égard) ; des compléments ultérieurs peuvent éventuellement être pris en compte, notamment s'ils permettent de tirer des conclusions sur une pratique administrative déjà appliquée auparavant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_322/2022 du 30 janvier 2023 consid. 4.3.1et les références).

8.4.2 La CCPG, version 25 valable à partir du 17 septembre 2020, dans son état au 17 février 2022 (en vigueur à la date de la décision du 17 mars 2022), prévoit au ch. 1057, pour ce qui est du « montant de l'allocation », que le revenu moyen de l’activité lucrative est déterminé sur la base du revenu moyen soumis aux cotisations AVS obtenu avant le début du droit à l’allocation.

Selon le ch. 1058 CCPG, le montant de l’allocation s’élève en principe à 80% du revenu moyen perçu par l’ayant droit immédiatement avant l’interruption de son activité lucrative. Pour le calcul de l’indemnité journalière, le revenu mensuel soumis à cotisation dans l’AVS est divisé par 30, par analogie avec les prescriptions régissant le calcul des APG en cas de service ou de maternité. Pour les personnes dont la position est assimilable à celle d’un employeur et pour les conjoints ou les partenaires enregistrés de personnes indépendantes ou de personnes dont la position est assimilable à celle d’un employeur, l’allocation se monte à 80% de la perte de salaire subie au cours du mois correspondant. Exemple : une personne dont la position est assimilable à celle d’un employeur fait valoir son droit à l’allocation pour perte de gain COVID-19 pour le mois de janvier 2021, car son entreprise a enregistré une baisse de chiffre d’affaires de plus de 30%. En effet, cette personne a vu son revenu mensuel soumis à l’AVS tomber alors à CHF 4'500.-, alors qu’il était de CHF 6'000.- pendant toute l’année 2019. Le montant de l’allocation est calculé comme suit : (6’000 – 4’500) / 30 x 80% = CHF 40.-. L’indemnité journalière est donc de CHF 40.-.

Aux termes du ch. 1061 CCPG, les « Tables pour la fixation des allocations journalières APG » (318.116) (table maternité) éditées par l’OFAS s’appliquent également à l'APG-Covid.

Pour les « personnes dont la position est assimilable à celle d’un employeur et leurs conjoints ou partenaires enregistrés travaillant dans l’entreprise », le ch. 1069.1 CCPG indique que le revenu moyen déterminant est calculé sur la base du revenu de l’activité lucrative soumis à l’AVS déclaré en 2019. Si l’activité a débuté il y a moins d’un an, le ch. 1067 s'applique par analogie. Ne sont pas comptés dans ce calcul les jours durant lesquels les personnes dont la position est assimilable à celle d’un employeur et leurs conjoints ou partenaires enregistrés n’ont pas perçu de rémunération ou n’ont obtenu qu’un revenu réduit en raison d’une maladie, d’un accident, d’une période de chômage ou de service au sens de l’art. 1a LAPG ou pour toute autre raison sans qu’il y soit de sa faute ( ).

9.              

9.1 Dans la décision litigieuse, l'intimée expose que le montant de l'APG-Covid auquel a droit la recourante est établi selon le calcul suivant : (7'000 - 2'470.60) / 30 × 80%, soit une indemnité journalière de CHF 120.78, arrondie à CHF 120.80 selon les tables pour la fixation des allocations journalières APG, versée du 3 au 20 novembre 2020, durant les 18 jours de fermeture de la société ordonnée, soit CHF 2'174.40 au total.

9.2 D'après la recourante, le calcul doit être effectué comme suit : (7'000 - 2'470.60) × 80% = CHF 3'623.50. Elle considère que le coefficient de division de 30 cité dans l'exemple au ch. 1058 CCPG doit être adapté au cas d'espèce, dans la mesure où l'interruption de travail a duré uniquement 18 jours. Ainsi, l'indemnité journalière, qui correspond à 80% de la perte de salaire, s'élève à CHF 201.30 (4'529.40 × 80% /18), laquelle multipliée par 18 jours de fermeture, donne une allocation totale de CHF 3'623.50.

9.3 Or, il ressort clairement du commentaire du Conseil fédéral relatif aux modifications de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 entrées en vigueur le 17 septembre 2020, en lien avec l'art. 2 al. 3 (concernant les personnes ayant une position assimilable à celle d'un employeur, à l'instar de la recourante), que le droit à l'allocation, et donc à l'indemnité journalière, est limité à la durée de la fermeture de l'entreprise (consid. 6.2.1 ci-dessus ; voir également art. 3 al. 3 et 4 de cette ordonnance pour le début et la fin du droit à l'allocation au consid. 8.1 ci-dessus).

Le calcul opéré par la recourante revient à l'indemniser pour les jours durant lesquels elle a exercé une activité lucrative et perçu le salaire correspondant (soit CHF 2'470.60 du 1er au 2 et du 21 au 30 novembre 2020). En effet, l'opération consistant à diviser le 80% de la perte de salaire par 18, puis à multiplier l'indemnité journalière ainsi obtenue (CHF 201.30) par le nombre de jours de fermeture (18), comme le voudrait la recourante, équivaut (18 × 201.30 = 3'623.50) à diviser le 80% de la perte de salaire par 30 jours (ce qui donne une indemnité journalière de CHF 120.78) et à indemniser la recourante durant les 30 jours que compte le mois de novembre 2020 (30 × 120.78 = 3'623.50).

Le calcul de la recourante est donc contraire à la volonté du Conseil fédéral.

À toutes fins utiles, l'on ajoutera que, dans l'éventualité où la recourante n'aurait pas perçu de salaire en novembre 2020, son indemnité journalière se serait élevée à CHF 187.- selon le calcul suivant : (7'000 - 0) / 30 × 80% ou 7'000 × 80% = 5'600 / 30 = 186.66, arrondi à 187. Dans ce cas, elle aurait été indemnisée à hauteur de CHF 3'366.- (187 × 18) seulement, dès lors que le droit à l'allocation est limité à la durée de la fermeture ordonnée de l'entreprise. Par souci de cohérence, il y a donc bel et bien lieu de diviser le 80% de la perte de salaire par 30 jours pour obtenir le montant de l'indemnité journalière.

Ceci étant dit, la chambre de céans constate que l'intimée a omis de verser à la recourante deux indemnités journalières supplémentaires par tranche d'indemnisation de cinq jours, conformément à l'art. 4 al. 2 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (consid. 8.2 ci-dessus), soit en l'occurrence trois tranches, correspondant à six indemnités supplémentaires. Partant, la recourante a droit à 24 jours d'indemnités à CHF 120.80, soit au total CHF 2'899.20 (120.80 × 24).

10.         Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, et la décision litigieuse réformée, en ce sens que la recourante a droit à un complément d'indemnités journalières de CHF 724.80 (2'899.20 - 2'174.40).

11.         La recourante, représentée par un avocat, obtenant partiellement gain de cause, une indemnité lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), fixée en l'espèce à CHF 800.-, compte tenu de la brièveté de l'acte de recours et du mémoire de réplique.

12.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Réforme la décision sur opposition du 13 juin 2022, en ce sens que la recourante a droit à un complément d'indemnités journalières de CHF 724.80.

4.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 800.- à titre de dépens, à la charge de l'intimée.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le