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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2958/2022

ATAS/226/2023 du 29.03.2023 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2958/2022 ATAS/226/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 29 mars 2023

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Henri NANCHEN

 

recourante

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née en 1986, a travaillé à temps partiel en qualité d'employée d’une boulangerie/tea room pour B______ SA, à Meyrin, depuis janvier 2011. Elle était, à ce titre, assurée contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la SUVA caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée).

b. Le 2 octobre 2011, le véhicule dans lequel se trouvait l’assurée a été percuté par l’arrière et projeté à 30 m, après avoir effectué plusieurs tête-à-queue, avant de prendre feu.

c. La SUVA a pris en charge les suites du cas par le versement d'indemnités journalières à l’assurée et le remboursement de ses frais médicaux.

d. Par décision du 10 avril 2014, confirmée le 14 juillet 2014, la SUVA a indiqué à l’assurée qu'il n'y avait plus lieu d'attendre de la continuation du traitement une amélioration notable des suites accidentelles. Elle cesserait le versement de ses indemnités journalières au 31 mars 2014 ainsi que la prise en charge des frais médicaux, hormis quelques contrôles médicaux et séances de physiothérapie. L'assurée avait droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI) de CHF 12'600.-, compte tenu d'un taux de 10%.

e. Le 13 mai 2014, l'assurée a formé opposition en tant que la décision fixait un terme à la prise en charge de la physiothérapie et un taux de l'IPAI à 10%.

f. Par décision du 14 juillet 2014, la SUVA a rejeté l'opposition.

g. Par acte du 10 septembre 2014, l'assurée a interjeté recours contre la décision sur opposition de la SUVA auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après la CJCAS), concluant à l'octroi d'une IPAI sur un taux de 50% et à la réserve de l'examen de son droit à une rente jusqu'à l'issue de ses études.

h. Par arrêt du 28 septembre 2015 (ATAS/724/2015), la CJCAS a annulé la décision de la SUVA du 14 juillet 2014 en tant qu’elle fixait le taux de l’IPAI à 10% et qu’elle niait le lien de causalité entre les troubles neuropsychologiques et l’accident de l’assurée du 2 octobre 2011, et renvoyé la cause à la SUVA pour mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire.

i. La SUVA a fait procéder à l’expertise par des médecins du CHUV, soit notamment le professeur C______, neurologue FMH, expert principal, le docteur D______, orthopédie FMH, et le docteur E______, médecin assistant en orthopédie, lesquels ont rendu leur rapport le 21 janvier 2018.

j. Dans une appréciation orthopédique établie le 21 mars 2019, la doctoresse F______, spécialiste en chirurgie générale et traumatologie FMH, et le docteur G______, spécialiste en chirurgie orthopédique FMH, médecin d’arrondissement de la SUVA, concluaient que l’expertise médicale établie le 21 janvier 2018 par le Prof. C______ n’était pas probante, critiquant notamment l’expertise orthopédique.

k. Par décision incidente du 23 mai 2019, la SUVA a décidé de faire procéder à une seconde expertise, considérant que la première n’était pas probante.

l. Par recours du 24 juin 2019, l’assurée a conclu à l’annulation de la décision précitée.

m. Par arrêt du 29 janvier 2020, la CJCAS a admis partiellement le recours, annulé la décision du 23 mai 2019 et renvoyé la cause à l’intimée pour qu’elle fasse compléter l’expertise et tente, autant que possible, de rendre sa décision sans procéder à une nouvelle expertise.

B. a. Le 14 février 2020, la SUVA a transmis à l’assurée huit questions complémentaires qu’elle entendait soumettre aux experts, suite à leur rapport d’expertise du 21 janvier 2018.

b. Le 16 mars 2020, l’assurée a estimé que la SUVA n’avait pas tenu compte des considérants de l’arrêt de la CJCAS du 29 janvier 2020 et qu’elle faisait preuve d’une mauvaise foi récurrente. Elle proposait la reformulation de quatre questions et la suppression de deux questions.

c. Par courriel du 6 avril 2020, la SUVA a transmis à l’assurée la version corrigée de ses questions, qui prenait en compte une partie des propositions de celle-ci.

d. Par décision incidente du 12 mai 2020, la SUVA a informé l’assurée qu’elle ne pouvait donner une suite favorable à toutes ses propositions et qu’elle maintenait notamment les questions 7 et 8 de la demande de complément d’expertise.

La question 7 demandait à l’expert orthopédiste de se déterminer sur le fait que dans le cadre de leur examen du rapport d’expertise orthopédique du 20 octobre 2017, les Drs F______ et G______ doutaient de la validité de l’examen clinique de l’expert orthopédique, en l’absence d’examen du rachis lombaire, alors même que des douleurs rachidiennes étaient évoquées, ainsi que des autres articulations des membres inférieurs, et de description de signe d’épargne, en présence d’une autolimitation de l’assurée, avec une défense, sans allusion à d’éventuels phénomènes évocateurs d’une composante non organique.

e. La question 8 demandait à l’expert orthopédiste de se déterminer sur le fait que dans le cadre de leur examen du rapport d’expertise orthopédique du 20 octobre 2017, les Drs F______ et G______ relevaient, en ce qui concernait le bilan radiologique, qu’il faisait surtout état d’une absence de signes d’arthrose coxo-fémorale tant à gauche qu’à droite, ce qui illustrait tout particulièrement une absence de progression d’éventuelles lésions dégénératives jusqu’à présent. Il n’était donc globalement pas possible d’identifier des critères objectifs justifiant une estimation d’un taux d’atteinte à l’intégrité situé à 30%. Ils rappelaient qu’en cas d’arthrose selon la table 5 du barème d’indemnisation des atteintes à l’intégrité selon la LAA, ceci représentait le maximum qu’il pouvait être octroyé pour une arthrose moyenne en tenant compte du fait que même une arthrose grave ne justifiait pas une IPAI supérieure à 40%. Le taux d’IPAI retenu restait ainsi contestable et difficilement justifiable. Une fracture du cotyle non ou très peu déplacé, traitée conservativement, représentait certes un facteur de risque parmi d’autres par rapport au développement d’une coxarthrose. L’arthrose grave débouchant sur une endoprothèse ne représentait pas une issue inéluctable dans ce contexte comme en attestait la littérature. À ce sujet, les médecins retenaient également l’absence de toute évolution radiologique ainsi qu’en attestaient les dernières radiographies d’octobre 2017.

f. L’assurée a formé recours contre la décision incidente de la SUVA le 12 mai 2020, considérant que sa mission d’expertise allait largement au-delà du champ du complément d’expertise délimité par l’arrêt de la CJCAS.

g. Par arrêt du 10 février 2021 (ATAS/102/2022), la CJCAS a rejeté le recours de l’assuré considérant notamment que la formulation des questions 7 et 8 n’appelaient pas la critique.

C. a. Le 29 avril 2021, la SUVA a adressé le complément d’expertise au Prof. C______, lequel avait été au préalable validé par l’assurée.

b. Par courriel du 14 février 2022, le Prof. C______ a informé la SUVA que les experts E______ et D______ ne travaillaient plus au centre hospitalier universitaire vaudois (ci-après : le CHUV). Le professeur H______, spécialiste en chirurgie orthopédique, estimait qu’il ne lui était pas possible de répondre aux questions 7 et 8 sur la base du dossier sans avoir vu l’assurée.

c. Le 25 février 2022, le Prof. C______ a informé la SUVA que le Dr D______ était à la retraite et lui a transmis un courriel que celui-ci lui avait adressé le 19 février 2022, dans lequel il indiquait qu’il n’allait pas faire de complément d’expertise et qu’il ne pratiquait plus la clinique ni la chirurgie. Il avait tout de même rédigé un commentaire qui pouvait être transmis à la SUVA. L’expertisée présentait un contexte psychologique important avec un épisode d’anorexie et le diagnostic d’état anxieux et de dépression représentait une maladie grave qui était souvent mésestimée par la population, y compris les médecins. Ensuite, il y avait des faits objectifs, soit que l’assurée avait été victime d’un accident. Avant, elle n’avait pas mal et depuis lors, elle avait mal autour de la hanche droite. Même si les douleurs étaient subjectives et avaient beaucoup affaire avec la psyché, le phénomène qui les initiait était souvent organique. Ses douleurs provenaient de la hanche et des parties molles qui l’entouraient. Essayer d’accuser le rachis ne lui paraissait pas opportun. Les dorsolombalgies étaient certes fréquentes, mais les douleurs étaient plutôt au bas du dos ou postérieures. Il fallait une pathologie avérée d’une racine lombaire haute pour avoir une irradiation sur la crête, ce qui était rare dans la tranche d’âge de l’assurée. Pour répondre formellement, il faudrait une IRM high tech du rachis et de la hanche actuelle, mais cela lui était apparu clairement exagéré lors de l’expertise. Si on voulait refaire une expertise orthopédique plus pointue, il fallait la demander au professeur I______, qui devrait probablement demander deux IRM pour savoir s’il y avait des signes de souffrance, en particulier de la hanche droite. Pour aller plus loin, il faudrait filmer la marche de l’assurée à son insu et faire des dosages sériques réguliers et improvisés des antalgiques pour savoir si elle les prenait vraiment, ce qui paraissait peu réalisable.

Les douleurs actuelles n’étaient pas forcément dues à un début d’arthrose, mais pouvaient être liées à des modifications des parties molles difficiles à objectiver. Quant à l’arthrose post-traumatique, elle était souvent difficile à prédire. Pour la cheville qui était mieux documentée, on voyait souvent des arthroses post-traumatiques à long terme, même sur des chevilles congruentes après traitement chirurgical ou orthopédique. Ainsi selon son expérience clinique et l’enseignement qu’il avait reçu, tôt ou tard, une arthrose post-traumatique surviendrait. L’arthroplastie ne donnait pas toujours des bons résultats. Ainsi reconnaître une IPAI pour des faits objectifs lui paraissait juste. Le pourcentage choisi venait du fait que vu l’ensemble du dossier et l’accident, l’assurée allait être gênée sa vie restant par sa hanche droite, même si c’était partiellement subjectif.

d. Le 7 mars 2022, la Dresse F______ a estimé que le courriel du Dr D______ n’amenait peu ou pas de réponses aux questions posées. Elle se ralliait à la suggestion du Dr D______ de demander une nouvelle expertise auprès du Prof. I______.

e. Le 22 mars 2022, les experts du CHUV ont établi un complément d’expertise, se référant, pour le plan orthopédique, à la réponse du Dr D______.

f. Le 23 mars 2022, l’assurée s’est catégoriquement opposée à une nouvelle expertise complémentaire relative au volet orthopédique en raison du temps écoulé depuis l’arrêt du 10 février 2021 et du champ relativement restreint des questions complémentaires. Elle demandait à la SUVA d’adresser ses questions complémentaires au Dr E______, qui avait participé à l’expertise du 28 janvier 2018 avec le Dr D______ ou à tout le moins à un autre médecin du CHUV.

g. Le 30 mars 2022, le gestionnaire de la SUVA a demandé au Dr E______ s’il pouvait apporter des précisions nécessaires au rapport d’expertise après un éventuel nouvel examen de l’assurée, malgré que son lieu de travail avait changé dans l’intervalle.

h. Le 17 mai 2022, l’assurée a indiqué que les questions complémentaires avaient été clairement fixées par la CJCAS le 10 février 2021 et qu’il convenait de s’en tenir strictement au cadre fixé. La suggestion de la SUVA de recourir à une nouvelle expertise par le Dr I______ était injustifiée et s’écartait du jugement précité qui ne prévoyait en aucun cas une nouvelle expertise. Elle demandait à la SUVA de statuer sur sa demande afin de faire avancer cette affaire qui n’avait que trop duré.

i. Le 8 juillet 2022, la SUVA a informé l’assurée qu’elle maintenait qu’une expertise orthopédique s’avérait nécessaire et qu’elle serait confiée au Dr E______.

j. Le 18 juillet 2022, l’assurée s’est opposée catégoriquement à une nouvelle expertise orthopédique, relevant que le Dr D______ avait indiqué dans son courriel du 19 février 2022 que ses douleurs provenaient de la hanche et des parties molles qui l’entouraient et qu’essayer d’accuser le rachis ne lui paraissait pas opportun. Il lui avait paru clairement exagéré lors de l’expertise de faire faire une IRM du rachis et de la hanche.

k. Par décision incidente du 22 juillet 2022, la SUVA a confirmé sa volonté de mettre en œuvre un complément d’expertise auprès du Dr E______, aux motifs que la CJCAS avait approuvé la mise en œuvre d’un complément d’expertise au plan orthopédique et que le Dr D______ n’avait pas répondu à la demande de complément d’expertise.

Elle acceptait de réduire le complément d’expertise aux questions 7 et 8, qui avaient été confirmées par la chambre.

D. a. L’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la CJCAS le 15 septembre 2022 concluant principalement à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à la SUVA de statuer sans délai sur son droit aux prestations, avec suite de dépens. Elle faisait valoir que le Dr D______ s’était déterminé par courriel du 19 février 2022 et que la Dresse F______ n’avait apporté, dans son appréciation médicale du 7 mars 2022, aucun élément remettant en cause l’analyse celui-ci, se bornant à recommander qu’une nouvelle expertise orthopédique soit diligentée, sans aucune justification. Selon le Tribunal fédéral, le devoir de prendre d’office les mesures d’instruction nécessaire ne comprenait pas le droit de l’assureur de recueillir un second avis médical sur les faits déjà établis par une expertise lorsque celle-ci ne lui convenait pas. Tel était manifestement le cas en l’espèce, raison pour laquelle la décision querellée devait être annulée. De surcroît, soumettre la recourante à une nouvelle expertise allongerait encore une procédure qui n’avait que trop duré.

b. L’intimée a conclu au rejet du recours. Elle estimait nécessaire d’obtenir une complément d’expertise, car les réponses apportées par le Prof. C______ et ses confrères n’étaient pas exemptes de contradictions, ce qu’avait reconnu la CJCAS dans son arrêt du 10 février 2021.

Les explications apportées par le Dr D______ dans son courriel du 19 février 2022 étaient insuffisantes et celui-ci avait lui-même dit que son courriel n’était pas un complément d’expertise, mais seulement un commentaire.

Par ailleurs, la question 7 suggérait fortement que pour que les conclusions de l’expert orthopédique puissent se voir reconnaître une pleine valeur probante, l’examen clinique devait être complété, ce que le Prof. H______ avait confirmé. Faute de reposer sur un examen clinique approfondi et complet ou de se référer à d’autres rapports médicaux faisant eux-mêmes état d’un examen clinique du rachis et des membres inférieurs, les conclusions du Dr D______ ne pouvaient se voir reconnaître de valeur probante. Ses considérations du 19 février 2022 excédaient son domaine de compétence et n’étaient pas pertinentes, dès lors qu’il évoquait les atteintes psychiques l’assurée. Par ailleurs, il tenait un raisonnement de type post hoc, ergo propter hoc, qui était impropre à établir un lien de causalité au degré de la vraisemblance prépondérante. Enfin, il ne répondait que très partiellement à la question posée, puisqu’il ne traitait que du problème de l’absence d’examen du rachis et pas des autres critiques des médecins de l’assurance.

S’agissant de la réponse à la question 8, il ne justifiait pas son évaluation par des critères objectifs et se fondait sur des éléments subjectifs et non pertinents.

Dans la mesure où l’intimée avait mandaté le Dr E______, conformément aux souhaits de la recourante, plutôt que le Prof. I______, son comportement ne pouvait être qualifié de mauvaise foi dans ces circonstances. Elle ne cherchait pas à tout prix à mettre en œuvre une nouvelle expertise, mais à être en mesure de statuer sur le taux de l’atteinte à l’intégrité. Elle n’était pas la seule responsable de la lenteur de la procédure en présence d’une assurée très procédurière et d’une situation générale complexe.

c. Le 7 novembre 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée de poser des questions complémentaires au Dr E______.

4.              

4.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

4.2 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

4.3 La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n'est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

4.4 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a, ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b, ATF 122 V 157 consid. 1d).

5.             En l’espèce, la CJCAS a estimé dans son arrêt du 29 janvier 2020 que si l’expertise pluridisciplinaire répondait de manière générale aux réquisits pour se voir reconnaître une force probante, certains points devaient être éclaircis, ce que l’intimée devait tenter de faire par le biais d’un complément d’expertise pour, autant que cela soit possible, rendre sa décision sans procéder à une nouvelle expertise pluridisciplinaire.

Dans son arrêt du 10 février 2021, la chambre de céans a jugé que les questions 7 et 8 de la demande de complément d’expertise étaient conformes au devoir d’instruction de l’intimée et au contenu de son arrêt du 12 mai 2020.

En l’occurrence, le Dr D______ a refusé de donner suite au complément d’expertise, au motif qu’il n’exerçait plus. Il a néanmoins fait des remarques au sujet du cas de la recourante dans son courriel du 19 février 2022, sans examen de celle-ci et en se référant à son état psychique, qui n’est pas de son ressort. Son courriel ne répond pas aux réquisits permettant de lui reconnaitre une force probante.

L’intimée a donné correctement suite à la recommandation de la CJCAS de tenter d’éviter une nouvelle expertise pluridisciplinaire, en décidant de confier le complément d’expertise au Dr E______.

Contrairement à qu’a fait valoir la recourante, l’arrêt du 29 janvier 2020 n’excluait pas une nouvelle expertise, si celle-ci était nécessaire (consid. 11). En l’occurrence, si le Dr E______ ne pouvait pas donner suite au complément d’expertise pour une raison quelconque, ou si ses réponses ne s’avéraient pas probantes, un autre expert pourrait être appelé à se prononcer.

6.             Infondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite.

 


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le