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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/125/2022

ATAS/69/2023 du 02.02.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/125/2022 ATAS/69/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 février 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1966, divorcée, graphiste de formation, est domiciliée depuis mai 1999 en Suisse, pays dont elle a acquis la nationalité en juillet 2006. Elle a exercé, à compter de 1999, la profession de vendeuse en librairie à temps partiel, tout en s’adonnant en parallèle à l’activité d’artiste-peintre.

b. Le 17 avril 2013, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI) en invoquant un état dépressif depuis février 2012.

c. Dans un rapport du 13 mai 2013 à l’OAI, le docteur B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a attesté d’une totale incapacité de travail de sa patiente depuis le 7 août 2012, en raison d’un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques.

d. Le 11 octobre 2013, le Dr B______ a indiqué que sa patiente avait recouvré une pleine capacité de travail le 2 octobre 2013.

e. Par décision du 17 janvier 2014, l’OAI a rejeté la demande de prestations, l’assurée ayant recouvré une pleine capacité de travail six mois après le dépôt de sa demande de prestations.

B. a. Le 12 décembre 2013, alors qu’elle se déplaçait à pied, l’assurée a été renversée par un scooter, ce qui a eu pour conséquence une fracture spiroïde du tiers moyen et distal du tibia droit. Les suites de cet événement ont été prises en charge par la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : SUVA).

b. Dans un rapport du 15 janvier 2014, le service de chirurgie orthopédique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) a indiqué avoir procédé, le 18 décembre 2013, à une ostéosynthèse du tibia distal droit et avoir prescrit à l’assurée un arrêt de travail complet du 12 décembre 2013 au 24 janvier 2014.

c. Le 13 mars 2014, l’employeur de l’assurée a résilié le contrat de travail pour le 28 mars 2014.

d. Le 5 juin 2014, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI en invoquant une totale incapacité de travail depuis le 12 décembre 2013, du fait de l’atteinte accidentelle à sa jambe droite.

e. Le 3 mars 2015, le docteur C______, médecin d’arrondissement de la SUVA, a évalué la capacité de travail de l’assurée, à compter du même jour, à 50% dans l’activité habituelle de vendeuse, en précisant qu’elle augmenterait à 100%, une fois le matériel d’ostéosynthèse retiré.

f. Le 28 avril 2015, le Service médical régional assurance-invalidité (ci-après : SMR) a constaté une évolution postopératoire lentement favorable, avec un retard de consolidation et une douleur résiduelle, limitant l’assurée surtout en position debout, en raison des vis. Le SMR a considéré que, dans un poste adapté aux limitations fonctionnelles (n’impliquant ni position debout prolongée, ni utilisation d’escaliers, ni marche en terrain irrégulier), la capacité de travail avait été entièrement recouvrée six mois après l’opération. Dans l’activité habituelle, elle était restée limitée à 50%, avec une marge de progression possible.

g. Le 14 octobre 2015, l’OAI a octroyé à l’assurée une mesure d’orientation professionnelle, sous la forme d’un stage en entreprise, dans une librairie, du 2 novembre 2015 au 10 janvier 2016, complété par un « job-coaching ».

h. Le 15 janvier 2016, l’OAI lui a octroyé une nouvelle mesure d’orientation professionnelle (un autre stage au sein d’une association, en tant qu’« animatrice en créativité »).

i. Ce second stage a été suivi – du 14 mars au 9 septembre 2016 – d’un placement à l’essai au sein de l’association en question, sans toutefois déboucher sur un engagement.

j. Le 19 octobre 2016, le service de réadaptation de l’OAI a mis fin au mandat de réadaptation.

k. Le 6 janvier 2017, le Dr C______ a procédé à l’examen final de l’assurée.

Il a constaté qu’après l’opération du 18 décembre 2013, l’évolution avait été lente. Il persistait encore une zone de défaut osseux, bien visualisée à la face postérieure du tibia. Il avait été décidé de ne pas réaliser de greffe de comblement, compte tenu de la difficulté du geste technique et de l’absence de certitude quant à la consolidation. Dans ces conditions, il ne semblait pas judicieux d’envisager l’ablation du matériel, compte tenu du risque de nouvelle fracture.

L’assurée avait repris, en décembre 2016, une activité de vendeuse en librairie à 50% (4 h./jour) dans le cadre d’un contrat de durée déterminée. Cette activité s’exerçait debout et se révélait pénible, en raison des douleurs ressenties dans toute la jambe.

Le Dr C______ concluait que l’ancienne activité de vendeuse, réalisée uniquement en position debout n’était plus exigible. En revanche, une activité exercée essentiellement en position assise, permettant de courts déplacements et un port de charges occasionnel limité à 10 kg, n’impliquant ni utilisation d’échelles, ni déplacements répétés dans les escaliers, ni position agenouillée, était exigible à plein temps et sans baisse de rendement.

l. Par décision du 30 mai 2017, la SUVA a estimé que l’assurée ne remplissait pas les conditions d’octroi d’une rente d’invalidité de l’assurance-accidents, motif
pris qu’elle ne subissait pas de perte de gain, le revenu qu’elle pouvait obtenir
dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (CHF 56’229.-) étant supérieur à celui qu’elle aurait réalisé sans l’accident (CHF 52’400.-). Elle pouvait en revanche prétendre une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 7%.

m. Dans un rapport du 25 mai 2017 à l’OAI, le Dr B______ a indiqué que l’état de santé de sa patiente s’était aggravé, avec un changement dans les diagnostics depuis février 2017 (fibromyalgie), réduisant à néant sa capacité à exercer la moindre activité.

n. Le 25 avril 2018, l’OAI a pris en charge une mesure de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle, sous la forme d’un entraînement à l’endurance auprès d’une entreprise.

o. Le 22 juillet 2019, le docteur D______, spécialiste en psychiatrie
et psychothérapie, a rendu, sur mandat de l’OAI, un rapport d’expertise, aux termes duquel il a retenu plusieurs diagnostics dont il a considéré qu’aucun n’avait d’effet sur la capacité de travail, à savoir :

-          un trouble dépressif récurrent avec syndrome somatique, qualifié de moyen, puis de léger depuis février 2017 ;

-          un trouble douloureux somatoforme persistant (F45.4) ; l’expert précisait que, même si l’on pouvait hésiter à poser le diagnostic de facteurs psychologiques ou comportementaux (F54), celui de trouble douloureux somatoforme paraissait plus probable ;

-          des traits de personnalité émotionnellement labile et dépendante (Z73.1) ;

-          une dépendance primaire au cannabis, utilisation continue (F12.25).

Selon l’expert, les critères posés par la jurisprudence pour reconnaître un caractère invalidant n’étaient remplis ni pour l’éventuel trouble douloureux somatoforme persistant depuis février 2017, ni pour l’épisode dépressif récurrent moyen, puis léger (dès février 2017), raison pour laquelle il concluait à une pleine capacité de travail, sans diminution de rendement, depuis février 2017, dans toute activité.

p. Le 28 août 2019, le SMR a estimé que la capacité de travail, nulle dans l’activité habituelle depuis l’accident du 12 décembre 2013, avait été entièrement recouvrée dans une activité adaptée depuis février 2017.

C. a. Le 30 septembre 2019, l’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision dont il ressortait qu’il se proposait de lui reconnaître le droit à une rente entière d’invalidité du 1er décembre 2014 au 30 avril 2017 – sous déduction des indemnités journalières versées du 2 novembre 2015 au 9 septembre 2016.

Le degré d’invalidité de l’assurée à compter de février 2017, date à compter de laquelle elle avait recouvré une capacité de travail entière dans une activité adaptée, était fixé à 10%, soit un taux insuffisant pour permettre le maintien d’une rente.

Le revenu d’invalide avait en effet été évalué à CHF 49’540.- en se référant à l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS ; tableau TA1 [tirage « skill level »], secteur privé, ligne « total », activité de niveau 1 : 4’363.- CHF/mois en 2016 = CHF 52’356.- pour un horaire de 40 h./sem. = CHF 54’581.- pour un horaire de 41.7 h./sem = CHF 55’045.- en 2018 après indexation selon l’ISS [54’581 x 2’732 / 2’709]), après réduction supplémentaire de 10%.

Vu l’absence de données salariales concrètes, le revenu avant invalidité avait lui aussi été évalué sur la base des statistiques (ESS 2016, TA1, tous secteurs confondus [total], activité de niveau 1 : CHF 55’045.- en 2018 selon le même calcul).

Pour le surplus, des mesures professionnelles n’étaient pas indiquées.

b. Dans un rapport du 21 octobre 2019, la docteure E______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, a indiqué que l’assurée présentait, outre une symptomatologie dépressive et anxieuse, des signes de fibromyalgie et des douleurs lombaires avec irradiation vers les membres inférieurs. Une imagerie par résonance magnétique lombaire du 28 juin 2019 avait mis en évidence une discopathie inflammatoire L2-L3, L3-L4 et L4-L5, associée à une protrusion discale et à un canal lombaire étroit. Compte tenu des divers problèmes de santé, la capacité de travail de sa patiente était nulle.

c. Par décision du 21 juillet 2020, l’OAI, considérant que les éléments médicaux rapportés par la Dresse E______ n’étaient pas de nature à modifier sa précédente appréciation, a octroyé à l’assurée une rente entière limitée dans le temps, du 1er décembre 2014 au 30 avril 2017.

D. a. Le 14 septembre 2020, l’assurée a saisi la Cour de céans d’un recours en concluant à l’octroi d’une rente entière d’invalidité au-delà du 30 avril 2017, après mise sur pied d’une expertise pluridisciplinaire.

b. Invité à se déterminer, l’OAI, dans sa réponse du 10 novembre 2020, a proposé que le dossier lui soit renvoyé pour instruction complémentaire.

En effet, le SMR, auquel le dossier avait été soumis, avait estimé qu’il existait une nouvelle atteinte, rhumatologique, susceptible de modifier l’évaluation de la capacité de travail et des limitations fonctionnelles et qu’une expertise multidisciplinaire rhumatologique, orthopédique et psychiatrique était nécessaire.

c. Par arrêt du 26 novembre 2020, la Cour de céans a admis partiellement le recours et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision portant sur la période postérieure à avril 2017 (ATAS/1131/2020).

E. a. L’expertise a été confiée au Centre d’expertise F______(ci-après : F______), plus particulièrement aux docteurs G______, spécialiste FMH en médecine interne générale, H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et J______, spécialiste FMH en rhumatologie.

Dans leur rapport du 6 septembre 2021, les experts précités n’ont retenu aucune atteinte à la santé incapacitante des points de vue psychiatrique, rhumatologique et de la médecine interne générale. En définitive, selon eux, le seul diagnostic (orthopédique) ayant une incidence sur la capacité de travail était celui de status postfracture de la jambe droite en 2013, « ostéosynthésée » avec un défaut osseux postérieur à la fracture sur le tibia.

Les experts ont conclu à une incapacité de travail de 50% dans l’activité habituelle justifiée par l’atteinte orthopédique, mais considéré que la capacité de travail était toujours entière dans une activité adaptée, y compris d’un point de vue orthopédique, à l’exception d’une période d’incapacité totale d’une durée de six mois après l’intervention du 18 décembre 2013.

b. Le 21 octobre 2021, le SMR a maintenu la position exprimée le 28 août 2019 en faveur d’une totale incapacité de travail dans l’activité habituelle, se ralliant pour le surplus aux conclusions des experts s’agissant de l’analyse de la capacité à exercer une activité adaptée, entière depuis février 2017.

c. Le 22 octobre 2021, l’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision dont il ressortait qu’il se proposait de lui nier le droit à une rente au-delà du 30 avril 2017.

d. L’assurée a contesté ce projet en exposant en substance que ses maux s’aggravaient avec l’arrivée du froid et qu’elle ne pouvait travailler à 100%.

e. Par décision du 2 décembre 2021, l’OAI a nié à l’assurée le droit à une rente au-delà du 30 avril 2017.

F. a. Le 13 janvier 2022, l’assurée a saisi la Cour de céans d’un recours contre cette décision.

À l’appui de sa position, elle produit notamment :

-          un rapport d’IRM lombaire du 11 janvier 2022, dans lequel le docteur K______ , radiologue FMH, constate une spondylodiscarthrose modérée L2-L3 à L4-L5, en aggravation par rapport à l’IRM du 28 juin 2019, se traduisant également par un pincement inter-somatique discrètement plus marqué et l’apparition d’une composante inflammatoire modérée à la hauteur de l’espace inter-somatique L2-L3 sur des remaniements dégénératifs de grade « Modic I », susceptible d’être à l’origine des lombalgies présentées par l’assurée et concluant pour le surplus à l’absence d’argument en faveur d’une hernie discale, d’un conflit disco-radiculaire, d’un canal lombaire étroit ou d’une sténose foraminale serrée ;

-          un courrier du 11 janvier 2022 du Dr B______, attestant que l’état de santé de sa patiente s’est aggravé, tant sur le plan psychique que physique, référence étant faite à l’IRM du 11 janvier 2022 ;

-          un rapport IRM cervicale du 17 décembre 2020, dans lequel
le docteur M______, radiologue FMH, conclut à une discopathie inflammatoire C5-C6 et C6-C7 avec atteinte en miroir des plateaux vertébraux C5-C6 de type « modic mixte 1 et 2 et C6-C7 de type Modic 1 » et à un débord discal circonférentiel C5-C6 prédominant à gauche, susceptible d’affecter la racine C6 gauche ; ce médecin note en outre la présence d’un rétrécissement non significatif des foramens de conjugaison C5-C6 bilatéraux, prédominant à gauche, d’un rétrécissement significatif du canal vertébral en C5-C6 et C6-C7 et d’une empreinte discale sur la face antérieure du cordon médullaire en C5-C6 et C6-C7, sans signe de myélopathie ; il exclut en revanche l’existence de toute lésion suspecte décelable sur les niveaux explorés par ailleurs ;

-          un rapport du 10 janvier 2022 de la Dresse E______, affirmant que sa patiente présente toujours une symptomatologie dépressive et anxieuse, évoluant de manière fluctuante et chronique depuis l’accident du 12 décembre 2013 et que s’y ajoutent désormais divers problèmes ostéo-articulaires dans le cadre de la fibromyalgie chronique ; le médecin conclut que, du point de vue de la médecine physique, sa patiente est, depuis le début de son suivi (remontant au 7 janvier 2015), en incapacité de travail à 50% et ce, même dans une activité adaptée.

b. Invité à se déterminer, l’intimé a conclu au rejet du recours, en se référant à un nouvel avis du SMR estimant que les diverses pièces médicales produites par la recourante n’amènent pas de nouvel élément objectif.

c. Entendu le 15 mars 2022 par la Cour de céans, le Dr B______ a indiqué ne pas partager les conclusions du rapport d’expertise pluridisciplinaire du 6 septembre 2021.

Sur le plan psychique, il reproche aux experts de n’avoir pas suffisamment tenu compte de la dépression, de l’anxiété et du désespoir de la recourante. Celle-ci présente, selon lui, un état dépressif sévère, sans trouble psychotique, mais néanmoins suffisamment grave pour l’entraver dans son quotidien et l’empêcher d’exercer la moindre activité. Les experts ont noté qu’elle s’occupe de son ménage, mais cela ne veut pas dire qu’elle est capable de travailler. Qui plus est, même pour le ménage, elle ne peut effectuer les gros travaux.

Le médecin a indiqué avoir prescrit à sa patiente par le passé des traitements antidépresseurs (Cymbalta et Valdoxan) qui sont restés sans effet, raison pour laquelle il lui prescrit désormais un traitement de phytothérapie (millepertuis, valériane, etc.).

Sur le plan physique, les problèmes ont également, selon lui, été largement sous-estimés, ainsi que le démontre une IRM de la colonne cervicale du 8 mars 2022.

Enfin, le Dr B______ a tenu à souligner que l’état psychique est influencé par les douleurs qui sont elles-mêmes, et à leur tour, influencées par l’état psychique.

d. La recourante, quant à elle, a souligné souffrir de douleurs quotidiennes aux niveaux cervical et lombaire, ajoutant que sa jambe ne s’est jamais remise après l’accident. Le fait d’être accablée de douleurs chroniques et incessantes influe forcément sur son état psychique, mais ce sont avant tout les douleurs qui l’handicapent.

La recourante a reproché au Dr D______ de s’être contenté de l’écouter pendant dix minutes, alors qu’elle était venue avec ses radiographies, et de lui avoir fait remplir des questionnaires comportant des questions indiscrètes.

La recourante a ajouté qu’elle était dans l’attente d’un rapport du docteur L______, neurochirurgien FMH. Elle a produit :

-          un rapport non terminé du Dr L______, daté du 7 mars 2022, dans lequel ce médecin indique être dans l’attente d’une nouvelle IRM cervicale ;

-          un rapport d’IRM de la colonne cervicale établi le 8 mars 2022 par le
Dr K______, concluant à une spondylodiscarthrose marquée en C5-C6 et C6-C7, en aggravation par rapport à l’IRM du 17 décembre 2020, avec persistance d’une importante composante inflammatoire en C5-C6 et apparition d’une importante composante inflammatoire en C6-C7 sur des remaniements dégénératifs de grade Modic I, compliqués d’un canal cervical étroit modéré C5-C6 et C6-C7 d’évolution stable ; est également mentionnée l’absence d’argument en faveur d’une hernie discale, d’un conflit disco-radiculaire ou d’un rétrécissement foraminal.

e. Le 29 mars 2022, a été produit un rapport du « 04.03.2022 » (sic) du Dr L______, établi suite à deux consultations, les 3 et 22 mars 2022. L’IRM du 11 janvier 2022 de la colonne lombaire montrait une sténose lombaire étagée prédominant en L4-L5 mais également présente de façon importante en L2-L3 et L3-L4. Le bilan avait été complété par une nouvelle IRM cervicale, le 8 mars 2022. Cette dernière montrait une accentuation de la dégénérescence discale C5-C6 et C6-C7, avec une réaction inflammatoire sous-chondrale massive en C6-C7, un peu moins importante en C5-C6. L’imagerie confirmait donc la détérioration ressentie par la recourante, en particulier au niveau cervical. L’évolution naturelle de la situation était souvent difficile à prévoir. Au niveau lombaire, on s’attendait à une détérioration progressive. Au niveau cervical, la situation pouvait se stabiliser spontanément. Statistiquement, cela survenait dans près de 70% des cas, après quatre à cinq ans d’évolution. Dans ces conditions, le Dr L______ ne voyait guère comment la recourante pourrait exercer une activité lucrative lui permettant de subvenir à ses besoins.

f. L’intimé a soumis ces documents au SMR qui, le 5 avril 2022, en a tiré la conclusion que la recourante souffrait de troubles dégénératifs du rachis cervical et lombaire connus, avec une atteinte inflammatoire dont l’évolution constatée radiologiquement était habituelle, sans qu’il y ait, au niveau lombaire, de signes en faveur d’une atteinte radiculaire compressive à l’imagerie (du 11 janvier 2022) ni, au niveau cervical, de signes nouveaux en faveur d’une atteinte radiculaire ou médullaire compressive à l’imagerie (du 8 mars 2022). Le SMR a relevé que l’expert rhumatologue J______, pour déterminer les limitations fonctionnelles et la capacité de travail résiduelle, s’était appuyé sur les images radiologiques en cours, mais, surtout, sur l’examen clinique objectif qui, en septembre 2021, ne relevait ni syndrome vertébral, ni déficit radiculaire. Le Dr L______ indique certes que la recourante souffre de douleurs, mais il ne décrit aucun examen clinique objectif du rachis permettant de retenir une aggravation objective de l’état de santé.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité (ci-après : AI), à moins que la loi n’y déroge expressément.

2.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a a contrario LPGA).

2.3 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du
19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l’état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 18 décembre au 2 janvier (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur la question de savoir si la recourante a droit à une rente d’invalidité au-delà d’avril 2017.

5.              

5.1 L'art. 17 al. 1 LPGA dispose que si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

Selon la jurisprudence, l'art. 17 LPGA sur la révision d'une rente en cours s'applique également à la décision par laquelle une rente échelonnée dans le temps est accordée avec effet rétroactif, la date de la modification étant déterminée conformément à l'art. 88a du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; ATF 131 V 164 consid. 2.2 p. 165 ; 125 V 413 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_134/2015 consid. 4.1 et les références). Aux termes de l'art. 88a RAI, si la capacité de gain d'un assuré s'améliore, il y a lieu de considérer que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie de son droit aux prestations dès que l'on peut s'attendre à ce que l'amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période ; il en va de même lorsqu'un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu'une complication prochaine soit à craindre (al. 1). Si la capacité de gain de l'assuré ou sa capacité d'accomplir les travaux habituels se dégrade, ou si son impotence ou encore le besoin de soins ou le besoin d'aide découlant de son invalidité s'aggrave, ce changement est déterminant pour l'accroissement du droit aux prestations dès qu'il a duré trois mois sans interruption notable ; l'art. 29bis RAI est applicable par analogie (al. 2). Selon l'art. 29bis RAI, si la rente a été supprimée du fait de l'abaissement du degré d'invalidité et que l'assuré, dans les trois ans qui suivent, présente à nouveau un degré d'invalidité ouvrant le droit à une rente en raison d'une incapacité de travail de même origine, on déduira de la période d'attente que lui imposerait l'art. 28 al. 1, let. b LAI, celle qui a précédé le premier octroi.

5.2 Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d'invalidité et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; 112 V 371 consid. 2b ; 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 559/02 du 31 janvier 2003 consid. 3.2 et les références). La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 406/05 du 13 juillet 2006 consid. 4.1). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l'époque de la décision litigieuse. C'est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l'examen d'une modification du degré d'invalidité lors d'une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; 130 V 343 consid. 3.5.2).

Si les conditions de la révision sont données, les prestations sont, conformément à l'art. 17 al. 1 LPGA, modifiées pour l'avenir dans le sens exigé par le nouveau degré d'invalidité. Chaque loi spéciale peut fixer le point de départ de la modification ou encore exclure une révision en s'écartant de la LPGA (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 806/04 du 15 mars 2005 consid. 2.2.).

Dans le domaine de l'AI, le point de départ d'une modification du droit aux prestations est fixé avec précision. En cas de modification de la capacité de gain, la rente doit être supprimée ou réduite avec effet immédiat si la modification paraît durable et par conséquent stable (phr. 1 de l'art. 88a al. 1 RAI) ; on attendra en revanche trois mois au cas où le caractère évolutif de l'atteinte à la santé, notamment la possibilité d'une aggravation, ne permettrait pas un jugement immédiat (phr. 2 de la disposition ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 666/81 du 30 mars 1983 consid. 3, in RCC 1984 p. 137 s.). En règle générale, pour examiner s'il y a lieu de réduire ou de supprimer la rente immédiatement ou après trois mois, il faut examiner pour le futur si l'amélioration de la capacité de gain peut être considérée comme durable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_32/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1). L'OAI doit réduire ou supprimer la rente avec effet à la fin du mois au cours duquel le délai de trois mois a expiré (voir arrêt du Tribunal fédéral 9C_900/2013 du 8 avril 2014 consid. 6.5 dans le même sens).

6.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2).

7.             En vertu de l'art. 28 al. 2 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

8.              

8.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'AI, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, telle la classification internationale des maladie (ci-après : CIM) ou le DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual) (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

8.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

8.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'AI, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

8.4 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3) :

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1).

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2).

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3).

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4).

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

8.5 Selon la jurisprudence applicable jusqu’ici, un syndrome de dépendance primaire à des substances psychotropes (dont l’alcool) ne pouvait conduire à une invalidité au sens de la loi que s’il engendrait une maladie ou occasionnait un accident ou s’il résultait lui-même d’une atteinte à la santé physique ou psychique ayant valeur de maladie. Cette jurisprudence reposait sur la prémisse que la personne souffrant de dépendance avait provoqué elle-même fautivement cet état et qu'elle aurait pu, en faisant preuve de diligence, se rendre compte suffisamment tôt des conséquences néfastes de son addiction et effectuer un sevrage ou à tout le moins entreprendre une thérapie par (cf. notamment ATF 124 V 265 consid. 3c).

Dans un arrêt du 11 juillet 2019 (ATF 145 V 215), le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que sa pratique en matière de syndrome de dépendance ne peut plus être maintenue. D’un point de vue médical, les syndromes de dépendance et les troubles liés à la consommation de substances diagnostiqués lege artis par un spécialiste doivent également être considérés comme des atteintes (psychiques) à la santé significatives au sens du droit de l’AI (consid. 5.3.3 et 6).

Le caractère primaire ou secondaire d’un trouble de la dépendance n’est plus décisif pour en nier d’emblée toute pertinence sous l’angle du droit de l’AI (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 précité consid. 8.1.1). Par conséquent, il s’agit, comme pour tous les autres troubles psychiques, de déterminer selon une grille d’évaluation normative et structurée (à cet égard, ATF 141 V 281) si, et le cas échéant, dans quelle mesure un syndrome de dépendance diagnostiqué par un spécialiste influence dans le cas concret la capacité de travail de l’assuré. La gravité de la dépendance dans un cas particulier peut et doit être prise en compte dans la procédure de preuve structurée (ATF 145 V 215 consid. 6.3).

9.              

9.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; 115 V 133 consid. 2 ; 114 V 310 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2).

9.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

9.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.

9.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi
qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

9.3.2 Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

9.3.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

9.3.4 On ajoutera qu’en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n’est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s’apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

10.          

10.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, 126 V 353 consid. 5b, 125 V 193 consid. 2). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

11.          

11.1 En l’espèce, il n’est ni contesté, ni contestable, qu’à l’issue du délai d’attente d’un an, soit en décembre 2014, la recourante était totalement incapable d’exercer la moindre activité, raison pour laquelle le droit à une rente entière lui a été reconnu dès le 1er décembre 2014.

La décision attaquée retient, sur la base des avis du SMR rendus avant, respectivement après le rapport d’expertise du 6 septembre 2021, une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle depuis l’accident du 12 décembre 2013, mais entière dans une activité adaptée depuis février 2017. Dite décision retient également qu’au vu de la comparaison des revenus effectuée en 2019 (à la suite du rapport d’expertise psychiatrique du 22 juillet 2019 du Dr D______, concluant à une capacité de travail entière dès février 2017), la recourante ne subissait qu’une perte de gain de CHF 5'505.- (soit 10%), justifiant ainsi la suppression de la rente entière au-delà du 30 avril 2017 dans la mesure où le rapport d’expertise pluridisciplinaire du 6 septembre 2021 confirmait les conclusions de la décision du 21 juillet 2020.

La recourante conteste les conclusions des experts de F______, au motif que leurs appréciations – en particulier sur les plans rhumatologique et psychiatrique – seraient contredites, notamment par le Dr B______.

Il convient tout d’abord d’examiner la valeur probante du rapport d’expertise pluridisciplinaire.

11.2 Dans leur rapport du 6 septembre 2021, les experts ont retenu les diagnostics suivants :

- avec incidence sur la capacité de travail (diagnostic orthopédique) :

status postfracture complexe de la jambe droite en 2013, ostéosynthésée avec un défaut osseux sur le tibia ;

-          sans incidence sur la capacité de travail :

dysthymie (F34.1) ;

troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation de l’alcool, utilisation nocive pour la santé (F10.1) ;

trouble dépressif récurrent, actuellement en rémission (F33.4) ;

fibromyalgie ;

« dysbalance » (déséquilibre) musculaire lombaire et déconditionnement global ;

status postlombalgies mécaniques chroniques ;

status postcervicalgies avec cervicarthrose ;

excès pondéral (IMC 28.3 kg/m2) ;

tabagisme chronique ;

probable dyslipidémie ;

carence en vitamine D.

Les experts indiquent partager, sur le plan rhumatologique, l’avis de la Dresse F______, selon lequel la recourante présente une fibromyalgie et des lombalgies. L’expert rhumatologue J______, qui a pris connaissance notamment de l’IRM cervicale du 17 décembre 2020, retient également un status postcervicalgies avec cervicarthrose, un excès pondéral, un déséquilibre musculaire lombaire et un déconditionnement global.

Sur le plan orthopédique, l’expert H______ retient, à l’instar de l’expert rhumatologue, des rachialgies lombaires et cervicales et un déconditionnement musculaire global. Il ajoute que même si le status postfracture complexe de la jambe droite en 2013 se manifeste, le jour de l’examen, par des douleurs lors de la mobilisation de la jambe droite, celle-ci ne présente pas d’atrophie musculaire. Il précise qu’il n’a jamais été signalé de désagrégation de l’ostéosynthèse, ni de bris de vis qui seraient des signes de micro-instabilité. Aussi en conclut-il que la fracture est probablement solide depuis des années et que cette situation ne peut être à l’origine des plaintes de l’intéressée, quand bien même le status postfracture complexe influence la capacité de travail dans l’activité de vendeuse, ainsi que le profil d’effort.

Sur le plan psychiatrique, l’expert I______ indique partager l’avis de l’expert D______ quant à l’absence de trouble dépressif incapacitant. Il ajoute que ce constat est pratiquement le même, avec un diagnostic de dysthymie qui semble plus en adéquation avec les fluctuations sur le plan dépressif, le maintien d’une capacité à faire face aux activités de la vie quotidienne et un certain nombre d’activités de loisirs et de distractions et ce, en l’absence de tout traitement antidépresseur médicamenteux (Valdoxan indétectable selon les analyses en laboratoire effectuées le 10 juin 2021). S’agissant d’un éventuel trouble somatoforme douloureux persistant (ci-après : TSD), l’expert indique que ce diagnostic lui paraît peu probable en l’absence de contexte de conflit émotionnel ou de problèmes psycho-sociaux suffisamment importants pour être considérés comme la cause essentielle du trouble. Le Dr I______ partage en revanche l’avis du Dr D______ quant à l’absence de critères jurisprudentiels de gravité d’un TSD, compte tenu, d’une part, de l’absence d’atteinte à la santé incapacitante sur le plan strictement psychiatrique, de comorbidité psychiatrique incapacitante et de trouble spécifique de la personnalité et, d’autre part, de l’existence de ressources internes non négligeables se manifestant dans divers domaines de la vie quotidienne et de l’absence de traitement médicamenteux antidépresseur.

Au regard de ces éléments, les experts de F______ parviennent consensuellement à la conclusion que la capacité de travail de la recourante dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles orthopédiques (travail en alternance des positions qui soit exempt d’échelle, d’échafaudage, de marche en terrain inégal, de flexion antérieure du rachis en porte-à-faux et d’agenouillement) et rhumatologiques (application des gestes d’épargne du rachis) a toujours été entière, hormis durant une période de six mois à compter de l’ostéosynthèse du 18 décembre 2013.

Pour parvenir à cette conclusion, les experts ont effectué une analyse des indicateurs jurisprudentiels pertinents.

Ce faisant, ils ont estimé d’un point de vue interdisciplinaire que le degré de gravité fonctionnelle de l’atteinte globale à la santé était faible. En particulier, s’agissant du traitement, la recourante ne prenait pas le traitement antidépresseur prescrit, que ce soit en 2013 ou au moment de l’expertise psychiatrique de 2019.

Concernant l’axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles), le comportement face à la maladie reflétait une amplification mais, pour le reste, le sens des réalités, la capacité de jugement, la capacité relationnelle, l’aptitude à nouer des contacts, la gestion de l’affect, la faculté à contrôler ses impulsions, l’estime de soi, la capacité de régression, l’intentionnalité et le dynamisme n’étaient pas altérés.

Sur le plan des ressources personnelles – et d’éventuels facteurs de surcharge –, il n’y avait pas de limitations fonctionnelles (hormis celles, précitées, justifiées par les atteintes orthopédiques et rhumatologiques).

S’agissant de l’axe « contexte social », la recourante était capable de faire face aux exigences de la vie quotidienne. Son isolement social n’était que partiel ; elle gardait des contacts avec des amis, des voisins et toutes les semaines, avec sa mère et ses sept frères et sœurs, avec qui elle entretenait de bonnes relations.

En ce qui concernait l’aspect « cohérence », il n’y avait pas, d’un point de vue rhumatologique, de divergence entre les symptômes décrits et le comportement de la recourante en situation d’examen. Cependant, le fait qu’elle ait demandé à se lever une à deux fois durant l’entretien de 55 min – ce qui attestait de douleurs lombaires – contrastait avec un examen clinique n’ayant mis en évidence aucune pathologie lombaire persistante – tout au plus une raideur globale avec une dysbalance musculaire. Du point de vue orthopédique, la recourante était limitée selon le profil d’effort, mais elle n’avait pas d’activité depuis l’accident du 12 décembre 2013. Cette inactivité, ainsi que l’usage de cannes avaient provoqué une fonte musculaire un peu globale, responsable des rachialgies et probablement des douleurs articulaires décrites. D’un point de vue psychiatrique, il existait des divergences entre les plaintes relatives au moral et aux angoisses et le comportement en situation d’examen. Durant celui-ci, il y avait certes eu trois courts épisodes de pleurs spontanés à l’évocation des douleurs. Cependant, n’avaient été observés ni symptômes physiques en faveur d’un état anxieux, ni ralentissement psychomoteur, ni trouble de la concentration ou de l’attention, ni fatigabilité.

En conclusion, les experts ont estimé de manière consensuelle que les indices jurisprudentiels de gravité pour les troubles diagnostiqués ne permettaient pas de conclure à une atteinte à la santé ayant une répercussion sur la capacité de travail dans une activité adaptée.

La Cour de céans constate que le rapport d’expertise pluridisciplinaire du
6 septembre 2021 comporte une anamnèse complète et détaillée d’un point
de vue médical, familial et personnel, une description du status sur la base d’entretiens/examens (avec chacun des experts), du dossier médical et des plaintes exprimées et, enfin, que ses conclusions sont cohérentes et motivées selon les indicateurs jurisprudentiels pertinents. Il convient donc d’en reconnaître la valeur probante.

11.3 D’avis contraire, la recourante soutient en substance, en se référant au rapport du Dr L______, formellement daté du 4 mars 2022, mais postérieur à la consultation du 22 mars 2022, que les IRM lombaire et cervicale des 11 janvier et 22 mars 2022, confirmeraient la détérioration qu’elle a ressentie, en particulier au niveau cervical.

Il sied de rappeler à titre liminaire que, selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références). Les faits survenus postérieurement doivent cependant être pris en considération dans la mesure où ils sont étroitement liés à l’objet du litige et de nature à influencer l’appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue (ATF 99 V 102 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 321/04 du 18 juillet 2005 consid. 5).

Le rapport du Dr L______ est postérieur à la décision attaquée. Il en va de même des IRM auxquelles ce rapport renvoie. Ainsi, pour autant que ces pièces objectivent une aggravation de l’état de santé de la recourante, cette modification n’est pertinente que si elle est antérieure à la décision litigieuse.

Pour autant que cette première condition soit remplie, encore faut-il établir au moyen d’éléments médicaux objectifs que l’aggravation invoquée conduit à s’écarter de la capacité de travail telle qu’évaluée par les experts de F______, et que le Dr L______ ne se livre pas simplement à une appréciation différente (de celle des experts) de l’influence des troubles cervicaux et lombaires, pour l’essentiel identiques, sur la capacité de travail de sa patiente.

Il ressort de l’annexe 1 au rapport d’expertise pluridisciplinaire du 6 septembre 2021 que tant l’IRM lombaire du 28 juin 2019 que l’IRM cervicale du 17 décembre 2020 ont été soumises à l’appréciation des experts. Alors que la première IRM citée retenait, en bref, une arthrose inter-apophysaire postérieure maquée étagée à caractère extrêmement inflammatoire de L2-L3 à L5-S1, prédominant en L3-L4 et la seconde, une discopathie inflammatoire C5-C6 et C6-C7 avec atteinte en miroir des plateaux vertébraux C5-C6 de type « modic mixte 1 et 2 et C6-C7 de type Modic 1 » et à un débord discal circonférentiel C5-C6 prédominant à gauche, susceptible d’affecter la racine C6 gauche, les experts n’en ont pas moins retenu que les diagnostics reflétant cet état (status postlombalgies mécaniques chroniques et status postcervicalgies avec cervicarthrose) étaient sans incidence sur la capacité de travail. L’expert orthopédiste H______ a précisé que le fait d’avoir marché avec des cannes pendant une année, ainsi que la cessation des activités professionnelles consécutive à l’accident de 2013 avaient abouti, pour le surplus, à un déconditionnement musculaire global, probablement responsable des douleurs du rachis, puisque les examens complémentaires n’avaient pas mis en évidence de lésions pouvant les expliquer (cf. pp. 52 et 54 du rapport d’expertise).

La Cour de céans relève également que, dans le cadre de l’examen clinique auquel il a procédé, l’expert rhumatologue J______ n’a posé aucun diagnostic pour le rachis cervical et dorsal (compte tenu de leur aspect normal, d’une mobilité conservée et d’une insensibilité à la palpation) et qu’il a simplement retenu, pour le rachis lombaire, « une dysbalance » (déséquilibre) musculaire avec déconditionnement global sans radiculalgie.

Les rapports d’IRM postérieurs à l’expertise concluent certes, au niveau lombaire, à une spondylodiscarthrose modérée, en aggravation par rapport à l’IRM du 28 juin 2019 et, au niveau cervical, à une spondylodiscarthrose marquée en C5-C6 et C6-C7, en aggravation par rapport à l’IRM du 17 décembre 2020. Cependant, aux dires du Dr K______, qui a réalisé ces deux IRM, ni l’une, ni l’autre ne fournit d’argument en faveur d’une hernie discale ou d’un conflit disco-radiculaire.

Par ailleurs, force est de constater que, dans son rapport, le Dr L______ ne prend pas position au sujet de l’examen clinique de l’expert J______, pas plus qu’il n’indique avoir procédé, de son côté, à un examen du rachis cervical, dorsal et lombaire intégrant les mêmes critères d’analyse que ceux de l’expert (aspect, mobilité, palpation). En définitive, le Dr L______ conclut à la confirmation de la « détérioration ressentie par la patiente » en justifiant son appréciation au moyen d’une simple comparaison entre les documents d’imagerie antérieurs et postérieurs à l’expertise.

Dans ces circonstances, il convient d’admettre, avec le SMR, que le Dr L______ rapporte certes que la recourante présente des douleurs, mais ne décrit aucun examen clinique objectif du rachis permettant de retenir une aggravation objective de son état de santé. Ce constat vaut à plus forte raison pour la période comprise entre la date de l’expertise pluridisciplinaire et celle de la décision litigieuse.

11.4 Dans un second moyen, la recourante fait valoir que son psychiatre traitant, le Dr B______, a attesté par courrier du 11 janvier 2022 que son état de santé s’est également aggravé sur le plan psychique, ce que n’a pas confirmé ce médecin, lors de son audition du 15 mars 2022. Il s’est contenté d’alléguer que les experts n’avaient pas suffisamment tenu compte de la dépression, de l’anxiété et du désespoir de sa patiente, dont il estimait que l’état dépressif sévère, sans trouble psychotique, était suffisamment grave pour l’entraver dans son quotidien et l’empêcher d’exercer la moindre activité.

Dès lors, l’allégation selon laquelle l’état de santé de la recourante se serait aggravé sur le plan psychique n’est étayée par aucun élément, si ce n’est une appréciation différente de l’état de fait médical soumis aux experts. Le Dr B______ ne détaille pas les troubles psychiques qu’il retient au moyen des critères diagnostiques d’une classification internationalement reconnue (telle que la CIM-10). Il n’examine pas davantage la sévérité et l’incidence des troubles au moyen des indicateurs jurisprudentiels déterminants. Enfin, il ne fait état d’aucun élément objectivement vérifiable et suffisamment important qui aurait été ignoré par l’expert psychiatre I______. Dans ces conditions, on ne saurait considérer comme établie une quelconque aggravation objective de l’état de santé psychique de la recourante entre la date de l’expertise pluridisciplinaire et celle de la décision attaquée.

11.5 En l’absence d’éléments permettant de s’écarter des conclusions de l’expertise, il y a lieu de se rallier à celles-ci et de retenir comme établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la recourante a recouvré dès février 2017, une pleine capacité de travail dans une activité adaptée.

12.         Il reste à vérifier le calcul du degré d’invalidité conduisant à la suppression de la rente au 30 avril 2017.

Considérant que l’instruction complémentaire ordonnée par la Cour de céans dans son arrêt ATAS/1131/2020 du 26 novembre 2020 lui permettait de retenir les mêmes éléments de calcul que dans sa décision du 21 juillet 2020, l’intimé n’a pas procédé à une nouvelle évaluation du degré d’invalidité.

Les revenus avec et sans invalidité ont été évalués sur la même tabelle statistique disponible en 2019 (ESS 2016, tableau TA1, tirage « skill level », secteur privé, ligne « total », pour une femme dans une activité de niveau 1). Ce choix n’apparaît pas critiquable, que ce soit pour le revenu d’invalide (eu égard à l’absence de reprise d’activité depuis l’accident de 2013) ou le revenu sans invalidité (compte tenu de l’absence de données salariales concrètes et de l’évolution identique, selon l’indice suisse des salaires [ISS] qu’ont connue les revenus à comparer jusqu’à la date de la décision litigieuse). Quant à l’abattement de 10% appliqué au revenu d’invalide pour tenir compte des limitations fonctionnelles, il ne prête pas non plus le flanc à la critique. Au demeurant, le point de savoir si d’autres critères d’abattement entrent en considération souffre de rester indécis, sachant qu’un abattement plus important (qui ne saurait excéder 25% ; ATF 135 V 297 consid. 5.3) permettrait d’aboutir, au mieux, à un degré d’invalidité de 25% dans le cas particulier, ce qui resterait insuffisant pour maintenir le droit à une rente d’invalidité au-delà du 30 avril 2017.

13.         Compte tenu ce qui précède, la décision de l’intimé de limiter la rente entière d’invalidité au 30 avril 2017, soit trois mois après que la recourante a recouvré une capacité de travail entière dans une activité adaptée (art. 88a al. 1 RAI), apparaît bien fondée.

Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de la recourante, qui n’obtient pas gain de cause (art. 69 al. 1bis LAI).

 

*****

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

 

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le