Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/40/2023 du 26.01.2023 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1 canton de genÈve![endif]>![if> | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/969/2022 ATAS/40/2023 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 26 janvier 2023 |
En la cause
Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Yves MABILLARD
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recourant |
contre
OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE
| intimé |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1979, a travaillé à compter de 2016 pour B______ (ci-après : la Buvette) sur la base de contrats saisonniers successifs, interrompus durant les périodes de fermeture de l’employeur. Pendant celles-ci, l’assuré a bénéficié régulièrement de prestations de l’assurance-chômage. Durant la saison 2021, qui s’est terminée le 30 novembre 2021, il a touché un salaire mensuel brut de CHF 5'500.-, les vacances, jours fériés et 13ème salaire étant payés en sus.![endif]>![if>
b. Le 1er décembre 2021, l’assuré s’est annoncé, comme les années précédentes, auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) en indiquant rechercher un poste à plein temps. ![endif]>![if>
c. Par décision du 17 janvier 2022, l’OCE l’a déclaré inapte au placement.![endif]>![if>
L’OCE a relevé que l’aptitude au placement de l’intéressé avait déjà été examinée lors de sa précédente inscription à l’OCE, dans un même contexte d’activité saisonnière. Une décision avait ainsi été rendue en date du 10 février 2021, reconnaissant l’assuré apte au placement. Son attention avait cependant été expressément attirée sur le fait que : « s’il devait se réinscrire au chômage au terme de son nouveau contrat conclu avec B______, son aptitude au placement sera[it] à nouveau examinée ». Il était expressément demandé à l’assuré de rechercher, durant toute l’année – y compris durant son contrat de travail avec la Buvette - un poste de durée indéterminée, au besoin en dehors de sa profession, et de conserver les justificatifs relatifs à ses démarches.
Or, lorsque, suite à la nouvelle demande de prestations déposée fin 2021, l’autorité avait requis de l’intéressé les justificatifs de ses recherches d’emploi de juin à novembre 2021 - période correspondant à son emploi saisonnier -, l’assuré n’avait pu justifier que de recherches effectuées en septembre, octobre et novembre 2021, c'est-à-dire durant les trois mois ayant précédé sa réinscription, assorties d’une attestation de son employeur affirmant qu’il le réengagerait à la Buvette dès le 2 mars 2022.
Le fait que l’assuré ne démontre pas avoir recherché un emploi durant l’intégralité de son contrat de travail conduisait à le considérer comme inapte au placement.
d. Le 14 février 2022, l’assuré s’est opposé à cette décision en invoquant un arrêt de la Cour de céans dont il tirait la conclusion que son obligation d’effectuer des recherches d’emploi se limitait aux trois derniers mois de son activité lucrative. Selon lui, le principe de la proportionnalité était en outre violé, son aptitude au placement ne pouvant être niée qu’en présence et au terme d’un processus comportant des sanctions de plus en plus longues. Or, il n’y avait pas eu de manquements répétés de sa part et il n’avait pas non plus été sanctionné auparavant.![endif]>![if>
e. Par décision du 23 février 2022, l’OCE a rejeté l’opposition. ![endif]>![if>
En substance, il a constaté que l’assuré s’était réinscrit pour le 1er décembre 2021, suite à la fin de son contrat saisonnier, qu’il exerçait chaque année depuis 2016 la même activité auprès du même employeur durant l’essentiel de l’année et qu’il était d’ores et déjà réengagé à ce même poste à compter du 2 mars 2022. Qui plus est, l’intéressé n’avait pas entrepris de recherches d’emploi avant les trois derniers mois de son contrat de travail, alors même que son attention avait été attirée sur son obligation de le faire.
L’OCE a expliqué que s’il avait conclu à l’inaptitude au placement de l’intéressé, c’était non pas en raison de manquements successifs, mais bien du fait que l’assuré se satisfaisait de son emploi de saisonnier. Or, selon la jurisprudence, un assuré se contentant d’un emploi saisonnier chaque année et demandant à bénéficier de l’indemnité de chômage uniquement pour de brèves périodes entre saisons ne pouvait être considéré comme apte au placement.
B. a. Par écriture du 28 mars 2022, l’assuré a interjeté recours contre cette décision en reprenant, en substance, l’argumentation déjà développée dans son opposition. ![endif]>![if>
b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 8 avril 2022, a conclu au rejet du recours.![endif]>![if>
c. Par écriture du 12 mai 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.![endif]>![if>
d. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 16 juin 2022.![endif]>![if>
Lors de celle-ci, l’intimé a indiqué ne pas avoir de pratique régulière concernant la problématique soumise à la Cour.
En cas de contrats de durée déterminée, renouvelés de façon saisonnière, des preuves de recherches d’emploi ne sont pas requises durant toute l'année civile, mais « seulement pendant la durée du contrat ». Les dossiers des assurés au bénéfice de contrats saisonniers ne font pas l'objet d'un contrôle spécifique de l’OCE. Il ne les examine en détail que lorsque le dossier lui est transmis pour examen par la caisse de chômage, comme en l’occurrence. Lorsque le cas d’un assuré lui est soumis pour la première fois, l'aptitude au placement est reconnue lorsque les conditions relatives à un contrat de durée déterminée sont remplies. L’OCE part en effet du principe qu'il faut prévenir l'assuré avant de prononcer son inaptitude au placement. C'est la raison pour laquelle, dans le cas d’espèce, une première décision a été rendue en février 2021 en attirant expressément l’attention de l’assuré sur l'obligation de procéder à des recherches durant toute la durée de son contrat de travail.
L’intimé a souligné les particularités de la situation du recourant, qui enchaîne les contrats saisonniers depuis 2016, expliquant que c’est le fait qu’il travaille toujours durant la même période et auprès du même employeur qui posait problème et justifiait un contrôle spécifique. Il convenait dans ces conditions de s’assurer que le recourant ne se satisfaisait pas uniquement de ce travail et recherchait réellement un autre emploi. Les travailleurs saisonniers dans le domaine agricole font l'objet de la même pratique, qui n’a pas été soumise à un tribunal. La situation diffère de celle des intermittents du spectacle qui travaillent pour différents employeurs, pour des durées variables et à différentes périodes.
Il s’agit d’éviter qu’un assuré se contente d'un emploi saisonnier limité dans le temps et soit rémunéré le reste de l'année par l’assurance-chômage. Il convient dès lors de s’assurer qu’il recherche réellement un emploi pour le reste de l'année, quitte à enchaîner emplois saisonniers d'été et emplois saisonniers d'hiver.
Le recourant a pour sa part argué qu’il ne se complaisait pas dans sa situation de chômeur. Il en veut pour preuve le fait qu’en 2017, 2018 et 2019, pendant les trois mois durant lesquels il n’a pas été employé par la Buvette, il a exercé une activité lui permettant de réaliser un gain intermédiaire. S’il n’a pu le faire en 2020 et 2021, c’est en raison du Covid.
Le recourant affirme n’avoir pas compris les termes de la décision du 10 février 2021 et avoir simplement continué à faire comme tous ses collègues, dont il se plaint que les cas aient été traités différemment du sien.
Il explique que, sans formation professionnelle, en dehors de la période durant laquelle il travaille pour la Buvette, il ne trouve que des petites missions ou des extras.
Il affirme avoir la volonté de trouver un autre travail et fait remarquer que c’est pour cela qu’il effectue ses recherches en personne, tant à Genève qu’en dehors du canton, et en plus grand nombre que ce qui lui est demandé par l'assurance-chômage.
Ayant désormais compris ce que l’intimé attend de lui, il effectue, depuis le 1er mars 2022, des recherches régulières par internet et par téléphone. Il ne peut faire plus, faute de temps. Le problème réside dans le fait que, lorsqu’il reçoit des réponses positives, c’est en général pour tout de suite et pour de courtes missions.
Enfin, le recourant souligne qu’il s’est retrouvé fortement endetté en 2021 et que sa situation financière ne lui permet pas de tenir trois mois sans revenus.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).![endif]>![if>
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA ; art. 62ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).![endif]>![if>
3. Est litigieuse la question de l’aptitude au placement du recourant dès le 1er décembre 2021, date de son inscription au chômage.![endif]>![if>
4. L'art. 8 LACI énumère les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage. Conformément à l’alinéa 1, l'assuré doit, pour en bénéficier, être notamment apte au placement (let. f) et satisfaire aux exigences de contrôle (let. g).![endif]>![if>
Les conditions de l'art. 8 al. 1 LACI, qui sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2), sont précisées par plusieurs dispositions de la loi et de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02), ainsi que – dans les limites d'admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 et doctrine et jurisprudence citées) – par les instructions édictées par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) en sa qualité d'autorité de surveillance de l'assurance-chômage chargée d'assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin relatif à l'indemnité de chômage (Bulletin LACI IC).
5. ![endif]>![if>
5.1 Est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d'intégration et qui est en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI).![endif]>![if>
L'aptitude au placement comprend ainsi deux éléments : la capacité de travail d'une part, c'est-à-dire la faculté de fournir un travail – plus précisément d'exercer une activité lucrative salariée – sans que l'assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne, et, d'autre part, la disposition à accepter un travail convenable au sens de l'art. 16 LACI, ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s'il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 125 V 51 consid. 6a ; 123 V 214 consid.3).
L'aptitude au placement peut être niée, notamment en raison de recherches d'emploi continuellement insuffisantes, en cas de refus réitéré d'accepter un travail convenable, ou encore lorsque l'assuré limite ses démarches à un domaine d'activité dans lequel il n'a, concrètement, qu'une très faible chance de trouver un emploi (ATF 120 V 392 consid. 1 et les références).
L'aptitude au placement doit par ailleurs être admise avec beaucoup de retenue lorsqu’en raison de l'existence d'autres obligations ou de circonstances personnelles particulières, un assuré désire seulement exercer une activité lucrative à des heures déterminées de la journée ou de la semaine. Un chômeur doit être en effet considéré comme inapte au placement lorsqu'une trop grande limitation dans le choix des postes de travail rend très incertaine la possibilité de trouver un emploi. Peu importe, à cet égard, le motif pour lequel le choix des emplois potentiels est limité (ATF 112 V 215 consid. 1a ; DTA 1998 p. 98 consid. 3a p. 102).
L'aptitude au placement donne lieu à une appréciation globale des facteurs objectifs et subjectifs déterminants quant aux chances d'être engagé (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 149/05 du 30 janvier 2007, consid. 5).
5.2 Lorsque l'aptitude au placement est controversée en raison de divers manquements aux devoirs de l'assuré, il faut analyser ceux-ci conformément aux principes de proportionnalité et prévisibilité et n'admettre l'inaptitude que si ces manquements sont répétés et que les fautes ont été commises en l'espace de quelques semaines ou quelques mois (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 24 ad art. 15 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_99/2012 du 2 avril 2012).![endif]>![if>
En vertu du principe de la proportionnalité, l'insuffisance de recherches d'emploi doit cependant être sanctionnée, en premier lieu, par une suspension du droit à l'indemnité. Pour admettre une inaptitude au placement à raison de recherches insuffisantes, il faut qu'on se trouve en présence de circonstances tout à fait particulières. C'est le cas, notamment, si l'assuré, malgré une suspension antérieure de son droit à l'indemnité, persiste à n'entreprendre aucune recherche ou lorsque, nonobstant les apparences extérieures, on peut mettre en doute sa volonté réelle de retrouver du travail. Il en va de même lorsque l'assuré n'entreprend aucune démarche pendant une longue période ou que ses recherches sont à ce point insuffisantes ou dépourvues de tout contenu qualitatif qu'elles sont inutilisables (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 287/99 du 11 avril 2000 consid. 1b).
5.3 L'appréciation de l'aptitude au placement d'un assuré dont la disponibilité est restreinte dans le temps doit se baser à la fois sur le genre d'activité qu'il convoite et ses chances réelles d'être engagé dans la branche économique où il effectue ses recherches d'emploi. Il peut en effet se présenter des cas dans lesquels certaines entreprises s'efforcent précisément de trouver en priorité des employés disposés à travailler durant une brève période. Plus la demande est forte sur le marché de l'emploi à prendre en considération, plus les exigences relatives à la disponibilité dans le temps sont réduites. Les circonstances locales peuvent également jouer un rôle à cet égard. Dans certaines régions en effet, les possibilités d'être engagé durant une brève période sont assez nombreuses, spécialement en période de haute saison (Boris RUBIN, Assurance-chômage : Droit fédéral, survol des mesures cantonales, procédure, no 3.9.8.9.2, p. 232). Le Tribunal fédéral a ainsi nié l'aptitude au placement d'un assuré qui postulait comme gérant d'établissements publics, mais disposait d'une durée de disponibilité aléatoire avant l'ouverture de son propre établissement, cette incertitude étant de nature à dissuader un employeur potentiel de l’engager dans l’intervalle entre la fin de son dernier emploi et le début de son activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_130/2010 du 20 septembre 2010).![endif]>![if>
6. Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).![endif]>![if>
7. En l’espèce, le recourant soutient qu’avant de le déclarer inapte au placement, l’OCE aurait d’abord dû suspendre son droit aux prestations en vertu des art. 30 al. 1 LACI et 44ss OACI.![endif]>![if>
Il souligne avoir recherché du travail de durée indéterminée auprès de divers employeurs et même en dehors de sa profession durant les trois derniers mois de son contrat de travail à durée déterminée, soit de septembre à novembre 2021. La qualité, le bien-fondé et la véracité de ces recherches d’emploi n’ont jamais été contestés. Il n’a pas refusé d’emploi de durée indéterminée et n’a pas non plus limité ses choix de poste. Il en conclut qu’il serait disproportionné de le déclarer inapte au placement sous prétexte que la période durant laquelle il a effectué ses recherches ne couvre pas toute l’année civile, en particulier la durée de son contrat de travail avec la Buvette, même s’il a été rendu attentif à cette exigence de l’OCE.
Pour le surplus, le recourant fait valoir que l’obligation qui lui est faite de rechercher un emploi durant toute la durée de son contrat de travail de durée déterminée viole le principe de l’égalité de traitement.
Enfin, il soutient que cette obligation ne repose sur aucune base légale.
L’intimé explique que l’inaptitude au placement ne résulte pas de manquements de l’intéressé dans le cadre de ses recherches d’emploi, mais du fait qu’il se contente de son travail saisonnier et ne cherche pas vraiment d’emploi de durée indéterminée, ce qui le rend inapte au placement sous l’angle subjectif.
7.1 La Cour de céans rappelle que si la jurisprudence considère effectivement que des recherches d’emploi continuellement insuffisantes peuvent justifier la constatation d’une inaptitude au placement (au terme d’un processus de sanctions graduelles), il ne s’agit cependant pas du seul motif (cf. ATF 112 V 215 consid. 1a). En effet, au-delà de la question d’éventuels manquements de l’assuré dans ses recherches, l’aptitude au placement est déterminée sur la base d’une appréciation globale des facteurs objectifs et subjectifs déterminants quant aux chances d’être engagé (cf. C 149/05 précité, consid. 5), parmi lesquels figurent la volonté de prendre un emploi s’il se présente, une disponibilité suffisante quant à la période (cf. 2C 24/98 consid. 1b) et au temps à consacrer à un tel emploi (cf. ATF 112 V 215 consid. 1a). Au final, il convient donc d’examiner si les éléments pris dans leur ensemble permettent de mettre en doute la réelle volonté de l'assuré de trouver un travail durant la période de disponibilité concernée (arrêt C 149/05 du Tribunal fédéral des assurances précité).![endif]>![if>
7.1.1 À cet égard, et concernant plus particulièrement les travailleurs œuvrant dans le cadre de contrats saisonniers réguliers, le Tribunal fédéral des assurances a notamment retenu, dans son arrêt 2C 24/98 précité, qu’une personne (il s’agissait en l’occurrence d’un pianiste de variété) qui ne conclut sciemment, pendant plusieurs années, que des contrats de travail saisonniers et dont les recherches de travail se limitent toujours à des emplois temporaires, est inapte au placement, dans la mesure où elle dispose de la possibilité de conclure un contrat de travail d'une durée vraisemblablement plus longue, mais ne le souhaite pas (consid. 1c). Dans le cadre de l’appréciation globale de la situation, le Tribunal fédéral a conféré une importance particulière à la probabilité qu'un employeur engage encore l'assuré pour la durée restante de sa disponibilité, indiquant que cette probabilité devait être niée si cette période était relativement courte, l’intéressé ayant pris d'autres dispositions en vue d'une date précise (consid. 1b). Tel était le cas en l’espèce, les deux contrats consécutifs auprès du même employeur étant uniquement séparés par une période creuse de deux mois, avec garantie d’un réengagement dès le début de celle-ci (consid. 1c). ![endif]>![if>
Dans un autre arrêt, le Tribunal fédéral des assurances a considéré qu’il fallait partir du principe qu’une assurée travaillant depuis une dizaine d'années dans la même entreprise de mars à novembre, occupait sciemment ce poste saisonnier avec les courtes interruptions annuelles de son activité professionnelle. Elle ne demandait, année après année, des indemnités de chômage que pour la période intermédiaire de trois mois. De plus, les chances d'être engagée par un autre employeur pour la période intermédiaire étaient faibles, surtout pendant les mois d'hiver. L’aptitude au placement devait donc être niée (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 28/07 du 25 septembre 2007 consid. 3.4).
7.2 Dans le cas présent, le recourant travaille pour la Buvette sur la base de contrats saisonniers, reconduits chaque année depuis 2016. Selon ses déclarations à l’intimé, il y est engagé comme serveur fixe depuis 2019. La Buvette étant en général ouverte de début mars à fin novembre, le recourant a eu régulièrement recours à des prestations de l’assurance-chômage durant les mois de fermeture de l’établissement, en hiver. Pendant cette période et les trois mois qui la précèdent, il recherche activement un emploi à durée indéterminée (cf. notamment pièces 2, 3 et 11 intimé). En 2017, 2018 et 2019, il a également réalisé quelques gains intermédiaires. Formellement, il apparaît que la Buvette engage l’intéressé sur la base de contrats de durée indéterminée qu’elle résilie ensuite pour la fin de la saison en vue de la fermeture annuelle de l’établissement, avant de l’engager à nouveau dès le début de la saison suivante. ![endif]>![if>
En 2021, en raison de la situation sanitaire (COVID-19), l’ouverture de la Buvette a été reportée, de sorte que le réengagement du recourant ne s’est finalement fait qu’à partir du 1er juin. A compter de cette date, il a travaillé 43,5 heures par semaine pour un salaire mensuel de CHF 5'500.-, auquel s’est ajouté un 13ème salaire (au prorata des mois travaillés). Il ressort en outre de ses fiches de salaire (pièce 7 intimé) que, pendant toute la durée du contrat, l’assuré n’a pas pris de vacances et a travaillé durant les jours fériés, raison pour laquelle, en fin de saison, il s’est vu verser des indemnités pour vacances et jours fériés non pris (cf. pièce 7 intimé, fiche de salaire de novembre 2021). Par attestation du 20 janvier 2022, la Buvette lui a en outre confirmé son réengagement au 1er mars 2022 (pièce 14 intimé).
La situation du recourant se rapproche ainsi de celle examinée par notre Haute Cour dans l’arrêt C 28/07 précité, notamment en ce que son poste de saisonnier, qu’il qualifie lui-même de « fixe », génère des périodes courtes (en général trois mois), sans emploi, en plein hiver. Ses chances d’être engagé pour de telles périodes, qui plus est durant les mois dits « creux » de la branche, doivent ainsi être considérées comme faibles et permettent de douter de son aptitude au placement.
7.3 Qui plus est, différents éléments conduisent à considérer que l’intéressé semble se satisfaire de son emploi de saisonnier auprès de la Buvette.![endif]>![if>
Tout d’abord le fait que, chaque année, durant six ans, le recourant, bien que sachant qu’il se retrouverait au chômage au terme de la saison d’exploitation de la buvette, a systématiquement limité ses recherches d’emploi à ses périodes de chômage ainsi qu’aux trois mois précédents. Si ce choix correspond bien au minimum fixé par la jurisprudence afin d’éviter une pénalité sous l’angle de l’art. 30 LACI, de sorte qu’aucun manquement ne peut être reproché à l’intéressé à cet égard, il contribue néanmoins à douter de sa volonté effective de trouver un autre emploi durable. En effet, si le recourant n’entendait pas se contenter d’emplois saisonniers auprès de la Buvette, entrecoupés de périodes annuelles de chômage, il aurait vraisemblablement procédé à des recherches d’emploi durant toute sa période d’engagement, d’autant plus que, contrairement à la plupart des contrats saisonniers – de durée déterminée non résiliables –, l’intéressé a formellement bénéficié de contrats successifs de durée indéterminée (résiliés systématiquement pour la fin de la saison), prévoyant explicitement la possibilité d’une résiliation en tout temps avec un préavis d’un mois net (pièce 7 intimé ; ce préavis est par ailleurs conforme à l’art. 6 al. 1 de la Convention collective nationale de travail pour les hôtels, restaurants et cafés). Cette flexibilité et ce court délai de congé facilitent grandement la mobilité professionnelle dans un domaine d’activité au demeurant en quête de main-d’œuvre. Il ressort en effet du baromètre de l’emploi, publié trimestriellement par l’Office fédéral de la statistique (ci-après : OFS), que le secteur de l’hébergement et de la restauration connaît depuis plusieurs années (et même bien avant la pandémie), une pénurie de personnel plus importante que le reste du secteur tertiaire et de grandes difficultés à recruter du personnel, même non qualifié (cf. le tableau de l’OFS intitulé « Difficultés de recrutement de personnel avec formation de type école obligatoire selon certaines divisions économiques et par grande région », accessible à https://dam-api.bfs.admin.ch/hub/api/dam/assets/23747842/ master).
Ainsi, même si le recourant n’est pas au bénéfice d’un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC), il est vraisemblable que, dans ce contexte, eu égard notamment à sa grande expérience professionnelle et sa disponibilité rapide (vu son court délai de congé), la probabilité de trouver, depuis 2016, un emploi stable sur les douze mois de l’année était suffisamment réaliste pour justifier des recherches d’emploi en tout temps. Le fait de n’y avoir procédé que durant les périodes de chômage et les trois mois précédents constitue ainsi un indice du fait que l’intéressé s’est satisfait de sa situation et qu’il a accepté les interruptions récurrentes de son activité professionnelle pendant les mois d'hiver ainsi que la perte de gain en découlant.
On relève encore que le recourant n’avait, sous l’angle purement économique, guère intérêt à ce que sa situation évolue. En effet, son revenu mensuel auprès de la Buvette est sensiblement supérieur à celui en vigueur sur le marché du travail. Il s’est élevé à CHF 5'500.- en 2021, pour 43,5 heures de travail par semaine, alors que, selon le calculateur national de salaire du SECO, le salaire mensuel médian d’un serveur de 42 ans avec vingt ans d’expérience, au bénéfice d’une formation acquise en entreprise, s’élève à Genève à CHF 4'930.-, pour le même nombre d’heures de travail. La différence est d’autant plus importante que le salaire effectif du recourant s’entend hors 13ème salaire, alors que le revenu statistique mensuel du calculateur comprend déjà la part de 13ème salaire y relative. Cette différence génère une variation supplémentaire de 8,33%. En outre, il ressort des fiches de salaire de l’intéressé (cf. fiche de salaire de novembre 2021) que ses vacances sont payées en sus, au taux de 10,64% de l’ensemble des revenus perçus sur la durée du contrat (soit le taux correspondant à cinq semaines de vacances sur l’année). Les jours fériés travaillés sont également rémunérés en plus. Au final, en prenant en compte ces différents éléments (13ème salaire, salaire afférant aux vacances ainsi qu’aux jours fériés), le revenu mensuel brut total du recourant s’est élevé en 2021 à près de CHF 6'700.-, ce qui représente une différence de plus de 25% avec le salaire statistique médian précité. Force est de constater que cette différence n’incite guère à rechercher un emploi de durée indéterminée qui serait très vraisemblablement moins bien rémunéré. D’autant moins que le salaire élevé perçu auprès de la Buvette durant l’essentiel de l’année génère des indemnités journalières plus importantes durant les mois intermédiaires de chômage.
7.4 Une analyse globale des circonstances entourant cette succession de contrats saisonniers, avec le même employeur, durant 6 ans, conduit ainsi à admettre au degré de la haute vraisemblance que, de fait, le recourant s’est accommodé de rapports de travail liés à des périodes sans emploi. Or, la disposition à accepter un emploi durable constituant une caractéristique essentielle de l’aptitude au placement selon l'art. 15 al. 1 LACI, c’est à juste titre que l’intimé a considéré le recourant inapte au sens de cette disposition. ![endif]>![if>
Au vu des éléments qui précèdent, la décision de l’intimé de conclure à l’inaptitude au placement du recourant apparaît justifiée et bien fondée, étant rappelé qu’in casu, cette inaptitude ne résultant pas de manquements répétés, il n’est pas nécessaire qu’elle soit précédée d’autres sanctions moins incisives (telles que des suspensions progressives du versement de l’indemnité au sens de l’art. 30 LACI). Le principe de proportionnalité n’est donc pas violé. Il l’est d’autant moins que l’attention du recourant a été explicitement attirée sur ce qui était attendu de sa part.
7.5 Le grief de violation du principe d’égalité de traitement invoqué par le recourant doit également être écarté. ![endif]>![if>
Pour rappel, ce principe est consacré à l'art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et commande que le juge traite de la même manière des situations semblables et de manière différente des situations dissemblables (ATF 131 V 107 consid. 3.4.2 et les arrêts cités).
Le recourant semble soutenir que ce principe aurait été violé en raison du traitement plus favorable dont bénéficient non seulement les intermittents du spectacle, mais aussi certains de ses collègues dans une situation pourtant similaire à la sienne.
Cependant, comme le relève à juste titre l’intimé, la situation des intermittents du spectacle est différente de celle du recourant et, de manière plus générale, de celle des saisonniers réguliers, en ce qu’ils travaillent en général pour des employeurs successifs distincts, pour des durées différentes et à des périodes variables. Il est ainsi logique et conforme à l’égalité de traitement que leur cas ne soit pas traité de la même manière.
S’agissant des collègues du recourant, la Cour de céans rappelle la primauté du principe de la légalité de l'activité administrative sur celui de l'égalité de traitement, en vertu de laquelle, le justiciable ne peut généralement pas invoquer une inégalité devant la loi, lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle l'aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas (ATF 134 V 34 consid. 9 et les références). Au demeurant, les allégations du recourant sur ce point restent floues et imprécises quant à la situation exacte des collègues auxquels il fait référence (années de service auprès de l’employeur, conditions d’engagement, demandes d’indemnités de chômage, etc.), de sorte qu’il n’est de toute manière pas possible de procéder à une comparaison pertinente. Ce grief doit donc également être écarté.
8. Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.![endif]>![if>
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
Conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.![endif]>![if>
Au fond :
2. Le rejette.![endif]>![if>
3. Dit que la procédure est gratuite.![endif]>![if>
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.![endif]>![if>
La greffière
Christine RAVIER |
| La présidente
Valérie MONTANI
|
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le