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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3203/2020

ATAS/1357/2021 du 23.12.2021 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3203/2020 ATAS/1357/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 décembre 2021

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Andres PEREZ

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. En juillet 2012, Madame A______ (ci-après : l'assurée), née en ______ 1971, exerçant la profession de commise-administrative à 80%, a déposé une première demande de prestations auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : l'OAI), qui l'a rejetée par décision du 8 mai 2013, l'intéressée ayant retrouvé un poste de travail à 80% au terme des mesures d'intervention précoce.

b. Le 10 octobre 2018, l'assurée a déposé une nouvelle demande de prestations.

c. Ont été versés au dossier, notamment :

-          un rapport du docteur B______, médecin traitant, du 23 octobre 2018, attestant d'une totale incapacité de travail depuis le 11 juin 2018 et mentionnant des troubles digestifs, des maux de tête, des "serrements de mâchoire", des troubles de la mémoire, de la concentration et du sommeil et une agoraphobie; le médecin disait avoir constaté chez sa patiente un profil très anxieux;

-          un rapport rédigé le 30 octobre 2018 par le docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, précisant que l’assurée souffrait des pathologies suivantes : trouble dépressif récurrent épisode sévère sans symptômes psychotiques en lien avec une surcharge de stress professionnel, agoraphobie sans trouble panique et traits de personnalité anankastique ; l’agoraphobie posait problème à l'assurée dans ses déplacements : il pouvait lui arriver de devoir quitter précipitamment le bus, si celui-ci était bondé ;

-          un avis du Service médical régional de l'AI (SMR) du 10 octobre 2018 relevant que, selon les rapports des médecins-traitants, aucun diagnostic d’incapacité d'ordre somatique n'était retenu; le rapport du psychiatre traitant était qualifié d'incomplet car ne mentionnant ni la fréquence du suivi, ni le type et le dosage des médicaments, pas plus que l'évolution depuis le début de la prise en charge ;

-          un rapport du 15 mai 2019 du Dr C______ qualifiant l’état de santé de sa patiente de stationnaire : les diagnostics et l’incapacité de travail étaient identiques à ceux évoqués dans son rapport précédent ;

-          un rapport du 19 juin 2019 du docteur D______, spécialiste FMH en neurologie, faisant état d’un examen neurologique normal ; une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale réalisée par le docteur E______ le 18 juin 2019 évoquait une possible maladie neurodégénérative juvénile débutante (paresthésies fluctuantes des membres supérieurs) ;

-          un rapport rédigé le 30 août 2019 par le docteur F______, spécialiste FHM en rhumatologie, consulté pour des douleurs de type neurogène, notant l'absence d'anomalie à l'examen, la présence de plusieurs points de fibromyalgie douloureux, sans toutefois retenir ce diagnostic, et préconisant de compléter le bilan par une sérologie pour la maladie de Lyme (qui se révèlera négative, le 17 juin 2019) ;

-          un rapport du 19 septembre 2019 de Madame G______, neuropsychologue, relatant que son examen avait mis en évidence, sur le plan psychologique, des signes massifs de la lignée anxio-dépressive, associés à ceux d’une lutte antidépressive mobilisant des mécanismes labiles; le tableau anxio-dépressif s’assortissait d’une réactivité aux facteurs de stress très vive, bien que retardée et inhibée dans son expression et plutôt somatisée; était également mentionné un narcissisme demeuré fragile, facteur de risque quant à la survenue d’une symptomatologie d’épuisement au contact d’un monde externe par rapport auquel l’assurée se mobilisait jusqu’à la limite de ses forces et de ses facultés d’adaptation; sur le plan cognitif, l'examen avait révélé des troubles attentionnels moyennement sévères touchant l'attention divisée sur plusieurs foyers, la mémoire et le travail, et l'attention soutenue, accompagnés d'une fatigabilité importante à la mobilisation intellectuelle ;

-          un nouveau rapport du Dr C______, le 11 octobre 2019, répétant que les diagnostics étaient similaires à ceux évoqués dans son rapport initial ;

-          un rapport rédigé le 29 janvier 2020 par la doctoresse H______, confirmant la présence d’un trouble neurocognitif dans un contexte anxio-dépressif et indiquant que les troubles pouvaient être expliqués par le tableau psychiatrique, sans pour autant pouvoir exclure une atteinte neurodégénérative débutante sous-jacente.

d. Le 21 août 2020, l'OAI a annoncé à l'assurée qu'il entendait mettre sur pied une expertise pluridisciplinaire auprès de CEMEDEX SA, à Fribourg.

Cette annonce faisait suite à un avis émis le 23 janvier 2020 par le Service médical régional de l'AI (SMR), qui s'était étonné de l’absence d’amélioration clinique, malgré un suivi spécialisé durant presque deux ans. D’un point de vue somatique, le SMR indiquait qu'il ne pouvait ni confirmer, ni exclure une atteinte neurodégénérative débutante, pas plus qu'une fibromyalgie, raison pour laquelle il préconisait la mise en place d’une expertise pluridisciplinaire comprenant des volets de médecine interne, psychiatrique, rhumatologique et neurologique.

e. Par courrier du 30 août 2020, l'assurée s’est opposée à cette expertise en arguant que l’OAI disposait de tous les éléments nécessaires pour se prononcer sur son état. Elle alléguait au surplus qu'au vu de son agoraphobie – qui s'était dans l'intervalle clairement aggravée en raison de la situation sanitaire -, un déplacement à Fribourg était inenvisageable.

f. Le 24 septembre 2020, le Dr C______ a fait état d’une nette aggravation de l’état psychique de sa patiente. Le trouble anxieux se manifestait maintenant également par une anxiété généralisée, avec la présence de pratiquement tous les symptômes liés à cette pathologie. Le médecin précisait : « Finalement, je constate que les déplacements hors de chez elle lui pèsent plus qu’en 2019, lui demandant un effort très conséquent. Quand elle vient à ses rendez-vous, son angoisse est toujours manifeste et son discours fortement orienté sur son état, qu’elle décrit avec une extrême minutie, et sur le COVID-19 ».

g. Le 25 septembre 2020, le Dr B______ a lui aussi fait état d'une aggravation de l’état de santé de sa patiente remontant au 3 mars 2020, date à compter de laquelle l’agoraphobie était devenue un problème très handicapant. Il relatait que, depuis mai 2020, les rendez-vous avec sa patiente s’étaient d'ailleurs déroulés par téléphone. Il avait exigé de voir physiquement l'intéressée à son cabinet et avait ainsi pu constater un état de stress et d’angoisse très élevé, de même qu'une brûlure sur son avant-bras droit, que l'assurée s’était infligée pour canaliser le stress dû au fait de devoir se déplacer.

h. Le 11 septembre 2020, l’OAI a rendu une décision incidente aux termes de laquelle il a ordonné formellement une expertise médicale, dont il a confié le mandat à CEMEDEX SA, plus précisément aux docteurs I______, J______, K______ et L______, ajoutant que la date de l’expertise serait directement fixée avec l’assurée. L’OAI a souligné que cette expertise était indispensable pour pouvoir se prononcer sur le droit aux prestations de l'assurée.

S’agissant des arguments avancés par celle-ci pour justifier l’impossibilité de se soumettre à l’expertise, l’OAI a estimé qu’elle pouvait se faire accompagner par une personne de confiance durant le trajet de son domicile au centre d’expertise et s'est engagé à prendre en charge les frais de transports publics de cet accompagnant.

B. a. Par écriture du 12 octobre 2020, l’assurée a interjeté recours contre cette décision en sollicitant préalablement la restitution de l’effet suspensif, et en concluant au renvoi de la cause à l'intimé à charge pour ce dernier de statuer sur la base des documents déjà à sa disposition, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'OAI en enjoignant celui-ci de fixer un lieu d’expertise de manière consensuelle.

b. Invité à se déterminer, l’intimé a tout d'abord fait remarquer que l’effet suspensif en cas de recours n’avait pas été retiré dans la décision litigieuse, de sorte que la demande visant à son rétablissement n'avait pas lieu d'être.

c. Une audience de comparution personnelle a été convoquée pour le 5 novembre 2020, mais le conseil de la recourante a demandé à la Cour de céans de dispenser sa mandante de s'y présenter. À l’appui de sa demande, il produisait un certificat établi le 23 octobre 2020 par le Dr C______ certifiant que sa patiente présentait un important trouble anxieux contre-indiquant sa comparution à l’audience programmée et alléguant que cette comparution et le déplacement qu’elle impliquerait seraient de nature à aggraver la symptomatologie. L'audience a dès lors été annulée.

d. L'intimé conclut au rejet du recours. Il maintient qu'il est nécessaire de procéder à une expertise pluridisciplinaire (médecine interne, psychiatrie, rhumatologie et neurologie) en se référant à un nouvel avis du SMR. Celui-ci constate que, selon les rapports des médecins traitants, l’assurée présente toujours des problèmes de santé avec une symptomatologie multiple. Il en tire la conclusion que l’indication à une expertise multidisciplinaire demeure et relève qu'aucun des médecins n'allègue qu'il serait impossible à sa patiente de se soumettre à ladite expertise. Il note également que l'assurée se rend régulièrement chez son psychiatre traitant et est donc capable de surmonter ses difficultés psychiatriques.

Pour le reste, suivant en cela la suggestion du SMR, l'intimé indique que, compte tenu de la situation sanitaire et de l’anxiété engendrée par celle-ci, il accepte exceptionnellement de prendre en charge - en lieu et place des transports publics usuels - les frais d’un moyen de transport privé, plus rassurant pour se rendre à Fribourg, où la recourante pourra se rendre accompagnée, en voiture, ou même en taxi.

e. La recourante persiste dans ses conclusions et explique que si le déplacement chez son psychiatre est possible, ce n’est que grâce au fait que le trajet est court et lui permet d’éviter la foule. Elle se dit disposée à se soumettre à une expertise psychiatrique par visio-conférence. Ainsi, dans l’hypothèse où l’expert psychiatre viendrait à confirmer son incapacité totale de travail, les autres volets somatiques s’avéreraient superflus.

f. L'intimé écarte cette suggestion, arguant que le principe d’une expertise psychiatrique par visio-conférence ne peut être accepté pour des raisons de protection des données médicales ainsi échangées. Qui plus est, le médecin expert doit pouvoir appréhender la personne expertisée dans son entier afin de pouvoir apprécier l’ensemble des manifestations physiologiques dans le cadre du status clinique, ce que ne permettrait pas un examen par caméra interposée, qui réduirait de façon importante la perception de telles réactions (qualité de l’image, distanciation, images d’ensemble tronquées). La valeur probante d’une telle expertise ne pourrait être défendue en cas de contestation.

Quant à la proposition de la recourante de limiter dans un premier temps l'expertise à son volet psychiatrique, l'intimé s'y refuse également, considérant que ce serait contraire à l'exigence d'une appréciation consensuelle conjointe et simultanée par les experts.

L'intimé considère que s'il est compréhensible qu’une agoraphobie puisse faire craindre de sortir dans la foule et de devoir prendre les transports publics, elle n’empêche pas de prendre une voiture privée et de se rendre à un entretien en tête à tête avec un médecin. Il fait remarquer que s'il suffit d’invoquer une telle atteinte pour échapper à une expertise, il ne pourra plus instruire et statuer en toute connaissance de cause et n'aura d'autre choix que de suivre l’avis des médecins traitants.

À l’appui de cette dernière écriture, l’OAI joint un nouvel avis du SMR maintenant qu’une expertise pluridisciplinaire est indispensable afin d’évaluer de manière exhaustive et consensuelle l’évolution des atteintes à la santé de l’assurée et qu'une expertise psychiatrique isolée ne serait pas suffisante pour se prononcer.

g. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie "en droit" du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était alors pendant devant la Cour de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

4.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

5.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l'intimé de soumettre la recourante à une expertise pluridisciplinaire confiée au CEMEDEX, à Fribourg.

6.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

7.             Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

8.             Selon l’art. 44 LPGA, si l’assureur doit recourir aux services d’un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser l’expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions.

Lorsqu’il y a désaccord quant à l’expertise telle qu’envisagée pour l’assureur, celui-ci doit rendre une décision incidente au sens de l’art. 5 al. 2 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021). Il s’agit d’une décision d’ordonnancement de la procédure contre laquelle la voie de l’opposition n’est pas ouverte (art. 52. Al.1 LPGA ; cf arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 29/03 du 25 novembre 2004), qui est directement susceptible de recours devant le tribunal cantonal des assurances (cf art. 56 al. 1 LPGA).

L’assuré peut faire valoir contre une décision incidente d’expertise médicale non seulement des motifs formels de récusation contre les experts, mais également des motifs matériels, tels que par exemple, grief que l’expertise constituerait une « second opinion » superflue, contre la forme ou l’étendue de l’expertise, par exemple le choix des disciplines médicales dans une expertise pluridisciplinaire, ou contre l’expert désigné, en ce qui concerne notamment sa compétence professionnelle (ATF 137 V 210 consid. 3.4.7 p. 257 ; 138 V 271 consid. 1.1 p. 274.

Le Tribunal fédéral a considéré qu’il convient d’accorder une importance plus grande que précédemment à la mise en œuvre consensuelle d’une expertise et que l’assureur doit rendre une décision incidente susceptible de recours lorsqu’elle est en désaccord avec le requérant ou ses proches sur le choix de l’expert. Il est de la responsabilité tant de l’assureur social que de l’assuré de parer aux alourdissements de la procédure qui peuvent être évités. Il faut également garder à l’esprit qu’une expertise qui repose sur un accord mutuel donne des résultats plus concluant et mieux acceptés par l’assuré (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6 p. 256).

S’agissant plus particulièrement de la mise en œuvre d’une expertise consensuelle, le Tribunal fédéral a précisé, dans un arrêt subséquent, qu’il est dans l’intérêt des parties d’éviter une prolongation de la procédure en s’efforçant de parvenir à un consensus sur l’expertise, après que des objections matérielles ou formelles ont été soulevées par l’assuré. Ce n’est que si le consensus ne peut être atteint que l’assureur pourra ordonner une expertise, en rendant une décision qui pourra être attaquée par l’assuré (ATF 138 V 271 consid. 1.1).

9.             Pour répondre aux exigences posées par le Tribunal fédéral, le Conseil fédéral a adopté un nouvel art. 72bis du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ; RS 831.201), en vigueur depuis le 1er mars 2012, sur les expertises médicales pluridisciplinaires.

Cette disposition prévoit, en son premier alinéa, que les expertises comprenant trois disciplines médicales ou plus doivent se dérouler auprès d’un centre d’expertises médicales lié à l’office fédéral par une convention. Le second alinéa précise que l’attribution du mandat d’expertise doit se faire de manière aléatoire.

A cette fin, a été mise sur pied une plateforme basée sur le web, du nom de SuisseMed@P, qui attribue les mandats d’expertises médicales pluridisciplinaires de manière aléatoire. SuisseMed@P dispose d’un service statistique permettant de mesurer la qualité et le temps nécessaire à l’accomplissement des mandats.

Dans le même ordre d’idées, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a élaboré une liste des critères que les centres d’expertises doivent remplir depuis le 1er mars 2012, comprenant d’une part des exigences formelles et professionnelles, et, d’autre part, la mention obligatoire d’indications pour assurer une plus grande transparence et attester de l’indépendance des instituts. Il a également élaboré une convention et émis un nouveau tarif (cf. documents disponibles sur www.ofas.admin.ch).

Selon le guide à l’usage des centres d’expertises et des offices AI, l’office AI annonce à la personne assurée qu’elle juge une expertise médicale pluridisciplinaire nécessaire. Il l’informe des disciplines médicales concernées et des questions qu’il est prévu de soumettre aux experts. La personne assurée peut transmettre des questions supplémentaires à l’office AI dans les 10 jours.

Lorsque l’office AI transmet le mandat, SuisseMed@P tire au sort un centre d’expertises parmi ceux remplissant les critères requis pour son accomplissement (capacités disponibles dans les disciplines médicales voulues; possibilité de réaliser l’expertise dans la langue de procédure souhaitée). On peut raisonnablement exiger de la personne assurée qu’elle se soumette à des expertises dans toute la Suisse.

Le centre d’expertises tiré au sort et l’office AI à l’origine du mandat sont informés de l’attribution du mandat par courriel.

Dans un arrêt du 28 février 2013 (ATAS/226/2013), la Cour de céans a jugé qu'indépendamment des griefs invoqués par l'assuré à l'encontre de l'expert, la cause devait être renvoyée à l'OAI, au motif que ce dernier n'avait pas essayé de parvenir à un accord avec l'assuré sur le choix de l'expert, ce qui violait les droits de participation de l'assuré dans la procédure de désignation de l'expert (cf. également, pour un cas similaire : ATAS/540/2013 du 29 mai 2013).

10.         En l’occurrence, cette jurisprudence de la Cour de céans ne s'applique cependant pas dans la mesure où elle concerne des cas dans lesquels il s’agissait de désigner un seul expert alors que, s’agissant de la recourante, il s’agit de mettre sur pied une expertise pluridisciplinaire, soumise en tant que telle à la procédure particulière de l’art. 72bis RAI (désignation des experts, selon un mode aléatoire, parmi les médecins pratiquant au sein d’un centre d’expertise).

Force est de constater qu’en pareilles circonstances, c’est bien le hasard et non le consensus qui doit présider à l’attribution du mandat d’expertise, par le biais de l’utilisation de la plateforme SuisseMed@P, dont il n’est pas contesté qu’elle ait été utilisée en l’espèce.

Dans ces conditions, on ne saurait reprocher à l’intimé d’avoir désigné unilatéralement les experts, pas plus que d’avoir omis de rechercher un consensus. L’intimé a tout simplement respecté les dispositions légales.

Quant à savoir si, comme le soutient la recourante, seule une expertise psychiatrique pourrait suffire, cela n'apparaît pas manifeste, au vu des documents médicaux versés au dossier. En effet, il en ressort qu'outre les atteintes psychiques, d'éventuelles atteintes somatiques ont été évoquées, en particulier une éventuelle fibromyalgie et une possible maladie dégénérative débutante, de sorte que c'est à juste titre que l'intimé a envisagé une approche multidisciplinaire pour une symptomatologie multiple.

La nécessité du volet psychiatrique, contestée par la recourante, ne fait aucun doute au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral développée suite à son arrêt 9C_492/2014 du 3 juin 2015 publié aux ATF 141 V 281, dans lequel il a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables en introduisant un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4 p. 296), schéma qu'il a ensuite étendu aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 p. 426 et 7 p. 427 et les références). Désormais, le caractère invalidant de telles atteintes doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 p. 414 ; cf. aussi arrêts 9C_142/2018 du 24 avril 2018 consid. 5.2 et 9C_73/2017 du 14 mars 2018 consid. 5.1). En l'occurrence, les rapports fournis par le psychiatre traitant se révèlent clairement insuffisants pour évaluer les différents indicateurs jurisprudentiels, de sorte que la nécessité d'une expertise n'apparaît pas contestable.

Quant à la prétendue impossibilité pour la recourante de se rendre à Fribourg pour s'y soumettre à l'expertise, la Cour constate qu'aucun de ses médecins n'a jamais allégué une telle impossibilité. Ils ont certes fait état de difficultés à se déplacer, d'une anxiété importante ayant même poussé la recourante à s'infliger une brûlure, mais, à l'instar de l'intimé, si l'on peut comprendre qu'une agoraphobie pose problème pour prendre les transports publics, la solution préconisée par l'OAI (se rendre sur les lieux en transport privé ou en taxi et accompagnée d'une personne de son choix) apparaît comme une solution adéquate et raisonnablement exigible de l'assurée, étant rappelé l'obligation de celle-ci de se soumettre aux examens médicaux nécessaires à l’appréciation de son droit aux prestations.

Eu égard aux considérations qui précèdent, la décision de l'intimé d'ordonner une expertise pluridisciplinaire se révèle bien fondée, de sorte que le recours est rejeté.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Prend acte de la proposition de l'intimé de prendre en charge les frais d'un transport privé pour la recourante et un accompagnant pour se rendre sur les lieux de l'expertise.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le