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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1673/2020

ATAS/1229/2021 du 01.12.2021 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 19.01.2022, rendu le 22.03.2022, IRRECEVABLE, 9C_10/2022
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1673/2020 ATAS/1229/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er décembre 2021

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à Chancy

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise Service juridique; Rue des Gares 12; Case postale 2595, 1211 Genève 2

 

 

intimée

 


EN FAIT

A.           a. B______ SA (ci-après : B______ ou la société) – ayant pour but l'achat, la vente, le courtage en Suisse et à l'étranger de tous biens mobiliers notamment dans le domaine des métaux précieux, des antiquités, des objets d'art ainsi que la prise de participation dans toutes entreprises poursuivant des activités analogues et dans leur financement, et ayant son siège à Genève – a été inscrite au registre du commerce le 18 mars 2015.

b. Dès cette date, la société a eu Monsieur C______ (ci-après : l'administrateur président), domicilié à Nantes, pour administrateur président avec signature individuelle, Monsieur A______ (ci-après : l'intéressé ou le recourant), domicilié à Chancy (GE), pour administrateur avec signature individuelle, et Madame D______ (ci-après : la directrice), domiciliée à Nyon (VD), pour directrice avec signature collective à deux.

c. La directrice a été radiée du registre du commerce le 26 août 2015 et l'intéressé le 1er septembre 2015, en leur qualité respective précitée de la société.

B.            a. La société a été affiliée en qualité d'employeur auprès de la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l'intimée) du 1er mars 2015 au 30 juin 2016.

b. Le 18 juin 2015, la caisse a adressé à la société une facture d'acompte de cotisations sociales de CHF 12'710.00 pour la période du 1er mars au 30 juin 2015, payable au 30 juillet 2015, restée incontestée.

C. Par jugement du 1er juin 2016, le Tribunal de première instance a prononcé la dissolution de la société pour carence dans l'organisation de cette dernière et a ordonné sa liquidation selon les dispositions applicables à la faillite, conformément à l'art. 731b al. 1bis ch. 3 de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220).

D. a. Le 3 février 2017, la caisse a produit dans la faillite de la société une créance provisoire de cotisations sociales estimée à CHF 28'000.00 (en 2ème classe) et une créance de frais de sommation, amendes et intérêts moratoires estimée à CHF 2'000.00 (en 3ème classe), sous réserve de modifications pouvant intervenir du fait d'éléments alors encore inconnus (dont les attestations / déclarations de salaire 2015 et 2016).

b. D'après l'état de collocation publié le 10 mars 2017, le dividende prévisible serait de 0.00 %.

c. Le 4 avril 2017, la caisse a adressé à la société une facture finale de cotisations sociales de CHF 12'984.90 pour la période du 1er mars au 31 décembre 2015, incluant CHF 751.05 d'intérêts moratoires pour les cotisations sociales de cette même période courus du 1er janvier 2016 au 4 avril 2017, de même qu'une facture finale de cotisations sociales pour la période du 1er janvier au 30 juin 2016 donnant un solde en faveur de la société de CHF 2'823.35 (compte tenu d'un paiement de CHF 2'843.35). Ces factures sont restées incontestées.

d. Aucun dividende n'a été versé à la caisse dans la faillite de la société, dont la procédure a été clôturée par jugement du 24 avril 2017.

E. a. Par décision du 19 février 2019, la caisse a fait obligation à l'intéressé de réparer le dommage qu'elle subissait du fait du non-paiement des cotisations sociales, fixé à CHF 10'161.55, représentant les cotisations paritaires (y compris les frais et les intérêts moratoires), sommes dues et exigibles lorsqu'il avait pris ses fonctions et échues au cours de son mandat d'administrateur, et dont il était solidairement responsable avec l'administrateur président.

b. Le même jour, la caisse a adressé une même décision à l'administrateur président, auquel elle expédiera, le 1er octobre 2020, une "dernière sommation avant séquestre", vainement dès lors que l'administrateur président n'était alors plus connu à son adresse à Nantes.

F. Le 21 mars 2019, l'intéressé a formé opposition contre la décision de réparation précitée le concernant. Il avait été nommé administrateur uniquement pour le temps de la création de la société parce que M. C______, actionnaire unique, administrateur de fait et véritable dirigeant de la société, résidait à l'étranger. Il l'avait aidé uniquement pour les démarches d'affiliation à la caisse, mais n'avait pas été mis au courant du descriptif, du but ou de l'objectif de la société. Il n'avait jamais eu de signature bancaire, ni signé de contrat pour la société, ni exercé d'une quelconque manière une fonction de gérant de cette dernière. Il n'avait jamais été présent dans les bureaux de la société et n'avait rencontré qu'une seule fois la salariée, qui se plaignait de la façon dont l'actionnaire gérait la société, notamment concernant son salaire ; tous deux avaient constaté que l'actionnaire ne leur répondait pas. Cela avait pris du temps pour qu'il puisse signifier sa démission et obtienne sa radiation du registre du commerce comme administrateur.

G. Par décision du 15 mai 2020, la caisse a rejeté l'opposition de l'intéressé. Le dommage de CHF 10'161.55 dont elle revendiquait la réparation correspondait aux cotisations AVS/AC/AMAT et contributions AF impayées pour l'année 2015, et incluait les frais d'administration, de sommation et de poursuites et les intérêts moratoires. En sa qualité d'administrateur inscrit à ce titre au registre du commerce, l'intéressé engageait la société à l'égard des tiers, et il lui incombait de veiller personnellement au paiement des cotisations et contributions paritaires courantes et arriérées. Il n'avait pas cherché à savoir si les charges sociales étaient régulièrement payées. Ayant accepté de n'exercer aucun contrôle sur la gestion de la société et de n'avoir été en fin de compte qu'un prête-nom alors qu'il figurait au registre du commerce comme administrateur, il s'était rendu coupable d'une négligence grave, engageant sa responsabilité pour le dommage subi par la caisse.

H. Par recommandé du 12 juin 2020, l'intéressé a déclaré faire recours contre cette décision sur opposition auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS). L'entier de la responsabilité incombait à l'administrateur président de la société, dont il produisait une copie d'une pièce d'identité comportant son adresse (déjà connue de la caisse) à Nantes.

I. Par écriture du 19 août 2020, la caisse a conclu au rejet du recours. L'intéressé ne contestait pas les créances de cotisations paritaires fondant le dommage qu'elle subissait, ni son statut d'administrateur de la société, et il n'avançait aucun argument susceptible de l'exonérer de sa responsabilité. Il n'avait pas fait le nécessaire en vue de veiller à ce que la société remplisse ses obligations d'employeur.

J. Le 29 septembre 2020, l'intéressé a reconfirmé qu'il contestait sa responsabilité pour le paiement des cotisations paritaires, du fait qu'il avait démissionné de son poste d'administrateur dès lors que l'actionnaire unique, soit M. C______, ne lui avait transmis "aucune information par rapport au déroulement et activité de la société". Il n'avait été nommé administrateur que pour le temps de la création de la société.

K. Le 22 octobre 2020, la caisse a persisté dans les termes et conclusions de la décision attaquée et de sa réponse au recours.

L. Le 5 novembre 2021, rouvrant l'instruction de la cause, la CJCAS a demandé à la caisse de lui indiquer, pièces justificatives à l'appui, notamment à quelles dates les créances de cotisations constituant son dommage étaient devenues exigibles et comment elle justifiait que, si tel était le cas, elle réclamait à l'intéressé la réparation d'un dommage tenant aussi au non-paiement de cotisations sociales échues le cas échéant après le 1er septembre 2015, date de la fin de son mandat d'administrateur.

M. La caisse lui a répondu le 19 novembre 2021 que la décision de cotisations du 4 avril 2017 était calquée sur la facture d'acompte du 18 juin 2015, de CHF 12'710.00, exigible dès le 30 juillet 2015. L’administrateur président n'avait effectué aucun versement à la caisse.

N. La CJCAS a communiqué cette réponse et ses annexes à l’intéressé, et elle a informé les parties qu’il serait statué prochainement sur le recours.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la CJCAS connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA), dans le respect des exigences, peu élevées, de forme et de contenu posées par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 LPA).

Touché par la décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification, le recourant a qualité pour recourir (art. 59 LPGA ; art. 60 al. 1 let. a et b et 89A LPA).

Le recours est donc recevable.

2.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Le recours reste cependant soumis à l'ancien droit, dès lors qu'il était pendant devant la chambre de céans au 1er janvier 2021 (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass.féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

3.             3.1. L’art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 ss du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101), prescrit l’obligation pour l’employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Pendant l’année, les employeurs doivent verser périodiquement des acomptes de cotisations ; pour fixer les acomptes, la caisse de compensation se base sur la masse salariale probable (art. 35 al. 1 RAVS). Les employeurs sont tenus d’informer la caisse de compensation chaque fois que la masse salariale varie sensiblement en cours d’année (art. 35 al. 2 LAVS). Les employeurs doivent fournir le décompte des salaires dans les trente jours qui suivent le terme de la période de décompte, qui comprend une année civile (art. 36 al. 2 et 3 phr. 1 RAVS), de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l’objet de décisions. La caisse de compensation établit le solde entre les acomptes versés et les cotisations effectivement dues, sur la base du décompte ; les cotisations encore dues doivent être versées dans les trente jours à compter de la facturation ; les cotisations versées en trop sont restituées ou compensées (art. 36 al. 4 RAVS).

La LAVS s'applique par analogie à la fixation et la perception des cotisations de l'assurance-invalidité (art. 3 al. 1 phr. 1 de la loi sur l’assurance invalidité - LAI - RS 831.20), des cotisations dues pour les allocations pour perte de gain (art. 27 al. 2 phr. 1 de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 - LAPG - RS 834.1) et des cotisations dues pour les prestations de l’assurance-chômage (art. 6 de la loi fédérale sur l'assurance chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 - LACI - RS 837.0). Il incombe aux caisses de compensation pour allocations familiales admises de fixer et prélever les cotisations (art. 15 al. 1 let.b de la loi fédérale sur les allocations familiales du 24 mars 2006 LAFam – RS 836.2), au nombre desquelles figurent celles qui sont gérées par des caisses de compensation AVS (art. 14 let. c LAFam).

3.2. L’obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l’employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. L’employeur qui ne s’acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l’art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l’obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 118 V 193 consid. 2a).

4. 4.1. À teneur de l’art. 52 LAVS, l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l’assurance, est tenu à réparation (al. 1). Si l’employeur est une personne morale, les membres de l’administration et toutes les personnes qui s’occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage ; lorsque plusieurs personnes sont responsables d’un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2).

Une des conditions pour que la responsabilité subsidiaire des organes puisse être engagée est que la personne mise en cause soit un organe d’une personne morale tenue, à titre d’employeur, de payer des cotisations sociales, ce qu’était sans conteste la société.

La notion d’organe selon l’art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l’art. 754 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 234/02 du 16 avril 2003 consid. 7.3 publié in REAS 2003 p. 251). Elle comprend tant les organes formels que matériels et de fait de la personne morale employeur.

4.2. Les organes formels sont les organes décisionnels et de contrôle prévus par les dispositions organisationnelles de la personne morale considérée et nommés pour occuper lesdites fonctions (ATF 114 V 211 consid. 4). Ils représentent la personne morale à l’extérieur (ch. 8005 des directives de l’office fédéral des assurances sociales sur la perception des cotisations dans l’AVS, AI et APG [en abrégé : DP]). Ont notamment cette qualité, impliquant la haute surveillance sur la direction de la personne morale, les membres du conseil d’administration d’une société anonyme ou d’une société coopérative, les gérants d’une société à responsabilité limitée formellement désignés en cette qualité, les membres du comité d’un conseil de fondation ou d’une association. Les organes formels répondent, au sens de l’art. 52 LAVS, indépendamment de leur fonction ou de leur influence sur la marche des affaires de la société, de leur titularité ou non d’un pouvoir de signature ainsi que des motifs de leur mandat (ATF 126 V 237 ; Michel VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l’assurance-invalidité [AI], 2011, n. 2393 s.).

Sont des organes matériels les personnes auxquelles l’exécution de certaines tâches, incluant le domaine des cotisations sociales, a été déléguée par un acte juridiquement valable sur le plan interne de la personne morale considérée, en sorte de détenir en la matière des compétences allant au-delà d’un travail préparatoire et de collaboration technique ou juridique, autrement dit les faisant participer à la formation de la volonté de la société (Michel VALTERIO, op. cit., n. 2395 s.).

Les organes de fait englobent les personnes qui, sans être désignées formellement en qualité d’organes sur un plan externe ou purement interne, prennent dans les faits les décisions réservées aux organes formels ou matériels ou se chargent de la gestion proprement dite de la personne morale, à telle enseigne qu’elles concourent de manière déterminante à la formation de la volonté sociale et exercent effectivement une influence sur la marche des affaires de la société (ch. 8005 DP ; ATF 132 III 523 consid. 4.5). La qualité d’organe de fait doit être niée s’agissant de personnes qui ne détiennent aucune maîtrise sur la société et ne prennent pas de décisions réservées aux organes, mais n’effectuent que des tâches de bureau, comme l’échange de correspondances avec la caisse de compensation, la tenue de la comptabilité, la signature d’attestations de salaire, la réception de commandements de payer (Michel VALTERIO, op. cit., n. 2397 ss et jurisprudences citées).

4.3. En l'espèce, le recourant a été organe formel de la société, en tant qu'administrateur avec signature individuelle, du 18 mars 2015, date de la création de la société, au 1er septembre 2015, date de sa radiation du registre du commerce comme administrateur de la société. Il n'a pas été organe de la société au-delà de cette date-ci, ni formel, ni matériel ni de fait.

5. 5.1. L’obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l’employeur, des prescriptions régissant l’assurance-vieillesse et survivants (RCC, 1978, p. 259 ; RCC, 1972, p. 687). Pour savoir s’il y a un manquement d’une certaine gravité, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b). La caisse de compensation qui constate qu’elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l’employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n’existe pas d’indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l’absence d’une faute (RCC, 1983, p. 101).

Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d’une négligence grave l’employeur qui manque de l’attention qu’un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s’apprécie d’après le devoir de diligence que l’on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d’un employeur de la même catégorie que celle de l’intéressé. En présence d’une société anonyme ou d’une société à responsabilité limitée, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l’attention qu’elle doit accorder au respect des prescriptions.

Une différenciation semblable s’impose également lorsqu’il s’agit d’apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur. Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient d’examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l’entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l’entreprise (ATF 108 V 199 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.2). Un organe formel – comme l’était le recourant jusqu’au 1er septembre 2015 – n’en est pas moins tenu par un strict devoir de surveillance à l’endroit des autres organes de droit ou de fait de la société (Michel VALTERIO, op. cit., n. 2392, 2399 ; cf. arrêt du Tribunal cantonal des assurances du canton d’Argovie du 19 décembre 2017 dans la cause VBE.2017.584, in RSJ 114/2018 p. 481 s., selon lequel une incarcération ne libère pas un membre du conseil d’administration de son obligation de veiller au paiement correct des cotisations d’assurance sociale de la société).

5.2. En l'espèce, il appert qu'en sa qualité d'administrateur de la société, inscrit comme tel au registre du commerce, le recourant était tenu de veiller à l'acquittement des cotisations sociales courantes et le cas échéant arriérées. Or, il ne s’est pas soucié de cette question et il ne prétend d’ailleurs pas qu'il s’en serait soucié, alors qu'il savait que la société avait une salariée (que, dans son opposition, il a dit avoir rencontrée une fois pour recueillir ses doléances).

Son inaction en la matière représente une négligence grave, engageant sa responsabilité subsidiaire d'organe de la société pour le dommage subi par l'intimée du fait du non-paiement des cotisations sociales.

Le recourant ne saurait se libérer de cette responsabilité en invoquant le fait qu'il n'avait été nommé administrateur – ou ne l'aurait été, ce point n'étant pas démontré, ne serait-ce qu'au degré de la vraisemblance prépondérante – que pour le temps de la création de la société, compte tenu du fait que l'actionnaire unique, le vrai dirigeant de la société, au demeurant son administrateur président avec signature individuelle, résidait à l'étranger, situation dont le recourant n'allègue d'ailleurs pas même qu'elle ne devait pas durer au-delà du temps de la création de la société. Le recourant a accepté de devenir administrateur de la société sans même être mis – pour reprendre les termes de son opposition – "au courant par oral ou écrit du descriptif de la société, son but ou encore son objectif". L'allégation de n'avoir été nommé administrateur que pour aider l'actionnaire unique à effectuer les démarches d'affiliation auprès de l'intimée entre en contradiction avec la raison par ailleurs invoquée d'avoir à suppléer à l'absence de domicile en Suisse dudit actionnaire et administrateur président, alors exigée. Force est de retenir que le recourant a accepté d'être l'homme de paille de ce dernier.

5.3. C'est donc à bon droit que, sur le plan du principe, l'intimée a fait obligation au recourant de réparer le dommage consécutif au défaut de paiement des cotisations sociales.

6. 6.1. Pour la caisse, ce dommage s'élève à CHF 10'161.55.

A teneur des indications qu’elle a données dans sa décision initiale du 19 février 2019, ce montant correspond à la facture finale de CHF 12'984.90 du 4 avril 2017 afférente à la période du 1er mars au 31 décembre 2015, sous déduction d'un paiement de CHF 2'823.35 figurant dans une décision finale également du 4 avril 2017 afférente à la période du 1er janvier au 30 juin 2016. Dans sa décision sur opposition du 15 mai 2020 (soit la décision attaquée), l'intimée a indiqué que le montant précité de CHF 10'161.55 correspond aux cotisations AVS/AC/AMAT et contributions AF impayées "pour l'année 2015", et inclut les frais d'administration, de sommations et de poursuites et les intérêts moratoires.

Comme la responsabilité du recourant n'apparaissait a priori engagée que pour la période durant laquelle il avait été administrateur de la société, soit jusqu'au 1er septembre 2015, la chambre de céans a demandé à l'intimée de lui indiquer, pièces justificatives à l'appui, notamment à quelles dates les créances de cotisations constituant son dommage étaient devenues exigibles et comment elle justifiait que, si tel était le cas, elle réclamait à l'intéressé la réparation d'un dommage tenant aussi au non-paiement de cotisations sociales échues le cas échéant après la date de la fin de son mandat d'administrateur.

L'intimée a alors produit une facture d'acompte non payée du 18 juin 2015, de CHF 12'710.00, couvrant la période du 1er mars au 30 juin 2015, exigible dès le 30 juillet 2015, en précisant que la décision finale de cotisations du 4 avril 2017 était calquée sur cette facture d'acompte.

6.2. Le montant que l’intimée réclame au recourant est identique à celui qu’elle a mis par ailleurs à la charge de l’administrateur président, qui a eu cette fonction-ci d’organe formel de la société depuis la création de cette dernière (comme le recourant), mais au plus tôt jusqu’à sa dissolution prononcée par le Tribunal de première instance, le 1er juin 2016, soit au moins neuf mois de plus que le recourant.

Cela s’explique s’agissant des cotisations AVS/AI/APG (CHF 8'418.15), AC (CHF 1'798.05), SCAF (CHF 1'425.00) et AMAT (CHF 48.70) et des frais d’administration (CHF 220.65) – soit pour un total de CHF 11'910.55 – par le fait que la société ne doit avoir eu des employés (apparemment une seule salariée, la directrice) que jusqu’à la fin août 2015 au plus tard, donc alors que tant le recourant que l’administrateur président étaient en fonction.

La question se pose en revanche de savoir si les intérêts moratoires (CHF 751.05), les frais de sommation (CHF 220.00) et les frais de poursuites (CHF 103.30) peuvent également être mis à la charge du recourant.

6.3. A teneur d’une des décisions du 4 avril 2017, les intérêts moratoires réclamés sont ceux qui sont dus, selon l’art. 41bis RAVS, sur les cotisations sociales de la période du 1er mars au 31 décembre 2015 (ce qui revient en l’occurrence à retenir à ce sujet la période du 1er mars au 1er septembre 2015), soit sur le montant précité de CHF 11'910.55, toutefois en tant qu’ils ont couru – toujours à teneur de cette décision – du 1er janvier 2016 au 4 avril 2017, soit durant 454 jours, à 5 %, ce qui donne ledit montant de CHF 751.05.

Or, le recourant n’était plus organe de la société au-delà du 1er septembre 2015. Il n’assume pas de responsabilité pour ce surplus de dommage causé à l’intimée au titre d’intérêts moratoires courus durant la période précitée. Ce montant de CHF 751.05 ne saurait donc être mis à sa charge.

6.4. D’après l’art. 34a RAVS, fondé sur l’art. 14 al. 4 let. a et b LAVS, en cas de non-paiement des cotisations dans les délais prescrits, la caisse de compensation adresse aux personnes tenues de les payer une sommation écrite, assortie d'une taxe de CHF 20.- à 200.- ; et selon l’art. 15 al. 1 LAVS, les cotisations non versées après sommation sont perçues sans délai par voie de poursuite (ATAS/894/2021 du 1er septembre 2021 consid. 4).

En l’espèce, pourtant invitée à indiquer, pièces justificatives à l’appui, quand les créances constituant le dommage dont elle réclame réparation au recourant étaient devenues exigibles, l’intimée n’a pas établi qu’elle a adressé des sommations à la société (il doit y en avoir eu plusieurs au vu du montant de CHF 220.00 réclamé à ce titre, soit un montant supérieur au montant maximal de la taxe de sommation) et qu’elle a engagé des poursuites contre elle pour recouvrer les cotisations impayées, ni surtout à quelle(s) date(s) elle l’a fait le cas échéant. Il paraît peu probable qu’elle a adressé des sommations à la société et a entamé des poursuites contre cette dernière alors que le recourant en était encore administrateur, soit avant le 2 septembre 2015, si bien qu’il ne saurait être retenu, du moins en l’état, que ces frais de sommation et de poursuites peuvent être mis à la charge du recourant en application de l’art. 52 LAVS.

7. 7.1. En conclusion, le recours doit être partiellement admis, au sens des considérants, à savoir en tant que la décision litigieuse fait obligation au recourant d’assumer CHF 751.05 d’intérêts moratoires, d’une part, et – en l’état – CHF 220.00 de frais de sommation et CHF 103.30 de frais de poursuites, d’autre part. La chambre de céans réformera la décision attaquée, d’une part en réduisant à CHF 9'087.20 le montant dû par le recourant, mais d’autre part en réservant le droit de l’intimée de mettre en sus à la charge du recourant, par une décision dûment motivée et fondée sur des pièces, les frais de sommation et de poursuites le cas échéant antérieurs au 2 septembre 2015.

7.2. La procédure est gratuite (art. 61 al. 1 let. a aLPGA ; cf. art. 61 al. 1 let. fbis LPGA).

7.3. Le recourant plaidant en personne et n'ayant pas fait état de frais particuliers et importants engagés pour la défense de ses intérêts, il n'y a pas lieu de lui allouer une indemnité de procédure, en dépit du fait qu'il obtient partiellement gain de cause (art. 61 al. 1 let. g LPGA), ni d'ailleurs à l'intimée, dès lors qu'il s'agit d'une administration publique dotée d'un service juridique (Jean METRAL, in CR-LPGA, n. 98 et 100 ad art. 61 ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 1041).

 

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement, au sens des considérants.

3.        Réforme la décision attaquée en réduisant à CHF 9'087.20 le montant mis à la charge de Monsieur A______, mais en réservant le droit de la Caisse cantonale genevoise de compensation de mettre en sus à la charge de ce dernier, par une décision dûment motivée et fondée sur des pièces, les frais de sommation et de poursuites le cas échéant antérieurs au 2 septembre 2015.

4.        Dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure aux parties.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marguerite MFEGUE AYMON

 

Le président suppléant

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le