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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/607/2021

ATAS/1074/2021 du 19.10.2021 ( CHOMAG ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

frÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/607/2021 ATAS/1074/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 octobre 2021

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié chez famille B______, à GENÈVE, représenté par le Syndicat SIT

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A.      a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né en 1971, a travaillé en qualité de plâtrier dès le 25 juillet 2018 pour la société anonyme C______ (ci-après : la société), à laquelle la société anonyme D______ (ci-après ; l’adjudicataire) a sous-traité certains travaux d’un chantier public.

b. La société n'ayant pas versé le salaire de l’assuré, celui-ci a démissionné avec effet immédiat le 16 août 2018, après avoir notamment adressé quatre messages téléphoniques à la société pour obtenir son dû.

B.       a. Après la résiliation des rapports de travail, l’assuré a entrepris plusieurs démarches en vue d’obtenir le versement de son salaire, par le biais dans un premier temps de messages téléphoniques, puis, avec l’assistance de son syndicat, d’une mise en demeure, de courriers et d’entretiens téléphoniques jusqu’en juin 2019.

b. L'assuré a déposé une requête de conciliation auprès du Tribunal des prud'hommes le 11 juillet 2019, concluant à ce que la société soit condamnée à lui verser CHF 5'554.86 bruts et CHF 240.- nets avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er septembre 2018.

c. La société a été dissoute par jugement de faillite du Tribunal de première instance du 11 juillet 2019, publié dans la Feuille officielle suisse du commerce le 25 juillet suivant.

d. Le 19 août 2019, l'assuré a produit sa créance salariale auprès de l'Office des faillites.

e. La procédure de faillite de la société a été suspendue faute d'actifs par jugement du Tribunal de première instance du 11 novembre 2019. 

C.       a. En parallèle aux démarches entreprises à l’encontre de la société, dès novembre 2018, l’assuré s’est également adressé à l’adjudicataire, l’enjoignant de retenir le montant de son salaire sur la somme qu'elle devait à la société pour les travaux de sous-traitance. Plusieurs échanges de correspondances à ce sujet s'en sont suivis.

b. Le 11 mars 2019, l'adjudicataire a fait parvenir à l’assuré une attestation du Tribunal des prud’hommes établie le 18 décembre 2018 que la société lui avait transmise, aux termes de laquelle aucune procédure n’avait été introduite à l’encontre de cette dernière par l’assuré.

c. L’assuré a introduit une demande en paiement portant sur les salaires impayés à l’encontre de l’adjudicataire auprès du Tribunal des prud’hommes le 8 janvier 2021.

D.      a. Le 13 août 2019, l'assuré a déposé une demande d'indemnités en cas d'insolvabilité auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse). Il a fait valoir une créance de CHF 5'792.86, composée des salaires bruts de CHF 3'680.97 pour la période travaillée du 25 juillet au 16 août 2018 et de CHF 1'873.89 pour la période de congés, non œuvrée, ainsi que d'un montant net de CHF 238.- correspondant aux indemnités forfaitaires dues.

b. Par décision du 23 août 2019, la caisse a rejeté la demande d'indemnités en cas d'insolvabilité de l'assuré. Elle a relevé que le droit à cette indemnité dépendait du point de savoir si l'assuré avait entrepris toutes les mesures propres à sauvegarder ses droits. En l'espèce, aucune action contraignante n'avait été entreprise à l'encontre de la société après la mise en demeure du 25 septembre 2018, hormis la requête en conciliation du 11 juillet 2019. Or, au vu de la situation, l'assuré aurait dû faire valoir ses droits par la voie judiciaire dès le 11 mars 2019, date à laquelle il avait appris que l’adjudicataire avait libéré les salaires bloqués en faveur de la société, ce qui démontrait la mauvaise foi de cette dernière et la nécessité d'une action rapide.

c. L'assuré s'est opposé à cette décision le 11 septembre 2019. Il a en substance soutenu que la jurisprudence ne subordonnait pas le droit à l’indemnité pour insolvabilité à l’introduction sans délai d’une poursuite ou d'une procédure prud'homale, les solutions de compromis devant être prises en compte. Il a rappelé les démarches entreprises, précisant que son syndicat avait trouvé un accord avec la société pour le versement du salaire de deux autres de ses employés, et qu’il espérait également y parvenir dans son cas.

d. Par décision du 21 janvier 2021, la caisse a écarté l'opposition de l'assuré. Même à considérer que les démarches engagées par celui-ci jusqu'au 11 mars 2019 fussent suffisantes, il était impératif qu'il agisse par la voie judiciaire dès cette date. En se contentant d'un simple appel à la société le 28 juin 2019, et en attendant le 11 juillet 2019 pour déposer la demande en justice, l'assuré avait failli à son obligation de diminuer le dommage.

E.       a. L'assuré a interjeté recours contre la décision précitée par écriture du 19 février 2021 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS). Il a conclu à son annulation et au renvoi de la cause à l'intimée pour statuer sur le montant de l’indemnité pour insolvabilité. Il a allégué avoir travaillé 110 heures pour la société. Il a rappelé les démarches entreprises, notamment à l’encontre de l’adjudicataire, qu'il disait plus efficaces qu’une demande en justice à l’encontre de la société. Il avait également préparé une dénonciation et une demande d'exclusion des marchés publics de ces entreprises. En mars 2019, il n’avait pas à craindre une réelle dégradation de la situation financière de la société, qui venait d’obtenir un paiement de l’adjudicataire et restait active sur des chantiers. Après la faillite de la société, le recourant avait tenté de recouvrer ses salaires impayés auprès de l’adjudicataire. Au vu de ces éléments, on ne pouvait considérer qu'il était resté inactif et avait failli à son obligation de diminuer le dommage. Il a encore précisé que la procédure à l’encontre de l’adjudicataire était pendante.

b. Dans sa réponse du 16 mars 2021, l’intimée a conclu au rejet du recours.

c. Par réplique du 29 avril 2021, le recourant a persisté dans ses conclusions.

d. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l’intimée le 3 mai 2021.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Dans la mesure où le présent recours a été introduit après cette date, cette novelle est applicable (art. 82a LPGA a contrario).

3.        Le recours, interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, est recevable (art. 56ss LPGA).

4.        Le litige porte sur le droit du recourant à une indemnité en cas d’insolvabilité.

5.        a. Aux termes de l’art. 51 al. 1 LACI, les travailleurs assujettis au paiement des cotisations, qui sont au service d’un employeur insolvable sujet à une procédure d’exécution forcée en Suisse ou employant des travailleurs en Suisse, ont droit à une indemnité pour insolvabilité (ci-après : indemnité) lorsqu’une procédure de faillite est engagée contre leur employeur et qu’ils ont, à ce moment-là, des créances de salaire envers lui (let. a), ou que la procédure de faillite n’est pas engagée pour la seule raison qu’aucun créancier n’est prêt, à cause de l’endettement notoire de l’employeur, à faire l’avance des frais (let. b), ou qu’ils ont présenté une demande de saisie pour créance de salaire envers leur employeur.

b. L’art. 52 al. 1 LACI prévoit que l’indemnité couvre les créances de salaire portant sur les quatre derniers mois au plus d’un même rapport de travail, jusqu’à concurrence, pour chaque mois, du montant maximal visé à l’art. 3 al. 2. Les allocations dues aux travailleurs font partie intégrante du salaire.

c. Conformément à l’art. 53 LACI, lorsque l’employeur a été déclaré en faillite, le travailleur doit présenter sa demande d’indemnisation à la caisse publique compétente à raison du lieu de l’office des poursuites ou des faillites, dans un délai de 60 jours à compter de la date de la publication de la faillite dans la Feuille officielle suisse du commerce (al. 1). En cas de saisie de l’employeur, le travailleur doit présenter sa demande d’indemnisation dans un délai de 60 jours à compter de la date de l’exécution de la saisie (al. 2). À l’expiration de ces délais, le droit à l’indemnité s’éteint (al. 3).

d. L’art. 55 al. 1 LACI dispose que dans la procédure de faillite ou de saisie, le travailleur est tenu de prendre toutes les mesures propres à sauvegarder son droit envers l’employeur, jusqu’à ce que la caisse l’informe de la subrogation dans ladite procédure. Une fois que la caisse est devenue partie à la procédure, le travailleur est tenu de l’assister utilement dans la défense de ses droits (al. 1). Le travailleur est tenu de rembourser l’indemnité, en dérogation à l’art. 25 al. 1 LPGA, lorsque sa créance de salaire n’est pas admise lors de la faillite ou de la saisie ou n’est pas couverte à la suite d’une faute intentionnelle ou d’une négligence grave de sa part ou encore que l’employeur a honoré la créance ultérieurement (al. 2).

6.        L'art. 55 al. 1 LACI institue une obligation pour l'assuré de réduire le dommage (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_327/2020 du 17 juin 2020 consid. 3). Les assurés doivent se comporter comme si l'indemnité en cas d'insolvabilité n'existait pas (Thomas NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3ème éd. 2016, n. 627).

L'obligation de diminuer le dommage qui incombe à l'assuré avant la résiliation des rapports de travail n'est pas soumise aux mêmes exigences que l’obligation qui lui incombe après la résiliation des rapports de travail. L'étendue des démarches qui peuvent être exigées du travailleur pour récupérer tout ou partie de son salaire avant la fin des rapports de travail dépend de l'ensemble des circonstances du cas concret. On n'exige pas nécessairement de l'assuré qu'il introduise sans délai une poursuite contre son employeur ou qu'il ouvre action contre ce dernier. Il faut en tout cas que le salarié montre de manière non équivoque et reconnaissable pour l'employeur le caractère sérieux de sa prétention de salaire. Du point de vue de l'assurance-chômage, il importe d'éviter que le personnel d'un employeur insolvable renonce à réclamer les arriérés de salaire pendant de nombreux mois, en tablant sur la couverture de ses arriérés par l’assurance-chômage si l'employeur tombe en faillite (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 364/01 du 12 avril 2002 consid. 1b). En vertu de cette obligation, le travailleur doit entreprendre toute démarche utile à l’encontre de son employeur en vue de récupérer sa créance, sous peine de perdre son droit à l'indemnité en cas d'insolvabilité, et il ne peut pas rester inactif en attendant le prononcé de la faillite de son ex-employeur (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 27/06 du 25 janvier 2007 consid. 3.2.1). Cette obligation vaut également lorsque le rapport de travail est dissout avant l'ouverture de la procédure de faillite. Après la résiliation, l'assuré ne peut attendre plusieurs mois avant d'intenter une action judiciaire contre son ex-employeur. Il doit en effet compter avec une éventuelle péjoration de la situation financière de l'employeur, et donc avec une augmentation des difficultés, pour l'assurance-chômage, de récupérer les créances issues de la subrogation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_749/2016 du 22 novembre 2017 consid. 3.5.3). Les travailleurs doivent également tout entreprendre dans la procédure de faillite afin de sauvegarder leurs prétentions à l’encontre de l’employeur (ATF 127 V 183 consid. 3c). Selon la jurisprudence constante, l’assuré doit poursuivre de manière conséquente et continuer les démarches introduites, ce qui exclut une longue période sans réaction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_66/2013 du 18 novembre 2013 consid. 4.2). 

7.        La violation de l'obligation de diminuer le dommage implique que l'on puisse reprocher à l'assuré d'avoir commis une faute intentionnelle ou une négligence grave (arrêt du Tribunal fédéral 8C_898/2011 du 6 juin 2012 consid. 2.2).

Lorsque l'autorité examine si une violation de diminuer le dommage peut être reprochée à l'assuré, l’autorité doit prendre en compte la rapidité de sa réaction, les usages dans la branche, la langue dans laquelle l'assuré peut s’exprimer, ses connaissances juridiques, son éventuel domicile à l’étranger, le rapport entre les frais que l’assuré aurait dû assumer pour faire valoir sa créance et sa situation financière, un éventuel rapport de confiance, un conflit de loyauté, l’intégration dans l’entreprise, les responsabilités assumées et la possibilité de comparer sa situation à celle d’autres collègues (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 8 ad art. 55 LACI et les références).

Selon la jurisprudence, une assurée qui attend plus de neuf mois avant de faire valoir ses prétentions de salaire à l'encontre de son employeur, dont elle connaît les difficultés financières, viole l’obligation de réduire le dommage, ce qui entraîne la perte du droit à l’indemnité en cas d’insolvabilité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_801/2011 du 11 juin 2012 consid. 6.2). Un assuré qui reste inactif durant près de trois mois après la fin de ses rapports de travail, reportant les conséquences de l'insolvabilité éventuelle de son ancien employeur sur l'assurance-chômage et faisant passer sciemment les intérêts d'un tiers avant ceux de l'assurance sociale, contrevient manifestement à son obligation de réduire le dommage (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 91/01 du 4 septembre 2001 consid. 2b). Un assuré qui sait que son employeur n’est pas en mesure de le rémunérer et qui s’en accommode sans prendre de mesures contraignantes, se contentant de réclamations orales ou écrites qui n'offrent aucune garantie, viole son obligation de diminuer le dommage (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 367/01 du 12 avril 2002 consid. 2b et 2c). Notre Haute Cour a confirmé qu’un assuré qui n’a entrepris aucune démarche entre la résiliation du contrat de travail et l’ouverture de la faillite viole son obligation de diminuer le dommage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_630/2011 du 3 octobre 2011 consid. 4.1). Un assuré qui attend près de six mois avant de mettre en demeure son employeur de lui verser les arriérés de salaires commet une violation de l’obligation de réduire le dommage. Des réclamations orales ne suffisent pas à satisfaire à cette obligation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_956/2012 du 19 août 2013 consid. 6). Tel est également le cas d'un assuré qui attend plus d'un an pour le dépôt d'une requête en conciliation après la dernière correspondance adressée à son employeur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_749/2016 du 22 novembre 2017 consid. 3.5.3), et d'une assurée ayant laissé s'écouler cinq mois entre le défaut de paiement de son salaire et le dépôt d'une action (arrêt du Tribunal fédéral 8C_66/2013 du 18 novembre 2013 consid. 4). En revanche, dans le cas d'un assuré ayant attendu près de six mois pour mettre en demeure son employeur par écrit après des sommations orales, le Tribunal fédéral a nié une violation de l'obligation de diminuer le dommage, dès lors que des pourparlers avaient amené l'employeur à s'acquitter d'une partie des salaires (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 235/04 du 23 décembre 2005 consid. 3.4 et 3.5).

Le Tribunal fédéral a précisé que de manière générale, l’assuré ne se conforme pas à son obligation de diminuer le dommage lorsqu’il n’a pas obtenu l’exécution du contrat par l’employeur pendant une période de plus de deux à trois mois, sans versement d’un acompte ou d’un paiement partiel, et qu’il ne peut tabler sur une amélioration de la situation, et qu’il n’existe pas de raisons objectives justifiant son attente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_66/2011 du 29 août 2011 consid. 4.2).

8.        À Genève, le règlement sur la passation des marchés publics (RMC - L 6 05.01) dispose à son art. 20 al. 1 que pour le personnel appelé à travailler sur le territoire genevois, les soumissionnaires et les entreprises exécutantes doivent respecter les dispositions relatives à la protection sociale des travailleurs et aux conditions de travail applicables à Genève dans leur secteur d'activité (al. 1). Aux termes de l’art. 20A RMP, dans ses contrats, l'autorité adjudicatrice peut conditionner le paiement du prix à la preuve du paiement des salaires et charges sociales des travailleurs ayant participé à la réalisation du marché (al. 1). L’autorité adjudicatrice prévoit les dispositions contractuelles permettant le règlement d'éventuelles créances de salaire impayé des travailleurs ayant participé à la réalisation du marché sur territoire genevois (al. 2). L’art. 35 RMP régit les modalités de la sous-traitance. Cette disposition prévoit que les soumissionnaires doivent indiquer, lors de la remise de leur offre, le type et la part des prestations qui sont appelées à être sous-traitées, ainsi que le nom et le domicile ou le siège de leurs sous-traitants (al. 1). Tout sous-traitant doit satisfaire à l'ensemble des dispositions du règlement, notamment aux articles 20, 21 et 31 à 33 (al. 2). Les soumissionnaires doivent s'assurer, lors du dépôt de leur offre, lors de la conclusion de leur contrat et pendant son exécution, du respect par tous les sous-traitants des dispositions relatives à la protection sociale des travailleurs et des conditions de travail applicables à Genève dans leur secteur d'activité (al. 3). L’autorité adjudicatrice peut exiger au surplus des soumissionnaires qu’ils fournissent, pièces justificatives à l’appui, toutes indications utiles quant aux conditions auxquelles ils envisagent de faire appel à des sous-traitants (al. 4). Un soumissionnaire peut être exclu s’il subsiste à l’encontre d'un des sous-traitants participant à l'exécution du marché un motif d’exclusion au sens de l’article 42. L'adjudication peut être révoquée au sens de l'article 48, s'il existe à l'encontre d'un des sous-traitants participant à l'exécution du marché un motif d'exclusion au sens de l'article 42 (al. 5).

9.        La loi fédérale sur les mesures d’accompagnement applicables aux travailleurs détachés et aux contrôles des salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail (LDét – RS 823.20) règle les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés pendant une période limitée en Suisse par un employeur ayant son domicile ou son siège à l’étranger (cf. al. 1). Depuis le 15 juillet 2013, cette loi instaure une responsabilité solidaire de l’entrepreneur contractant en cas de non-respect par les sous-traitants des salaires minimaux nets et des conditions de travail mentionnées à l’art. 2 al. 1 de la loi, dans la mesure où le sous-traitant a été poursuivi préalablement en vain ou ne peut être poursuivi (cf. art. 5 al. 1 et 2 LDét).

10.    En l’espèce, le comportement du recourant pendant les rapports de travail pour recouvrer son salaire ne prête pas flanc à la critique. Il a en effet notamment adressé quatre messages téléphoniques à l’administrateur de la société.

Le recourant a poursuivi de manière active les démarches à l’encontre de la société après la résiliation de son contrat de travail. Dans ce cadre, il a exigé le paiement de l’arriéré dans une dizaine de messages téléphoniques adressés à l’administrateur de la société entre le 17 août et le 6 septembre 2018. Il a ensuite procédé à une mise en demeure formelle le 11 septembre 2018, assortie d’une menace d’action en justice à l’encontre de la société. Il a derechef requis le versement de son salaire par courrier du 25 septembre 2018, se référant à un accord avec l’adjudicataire. Il ressort en outre d'un échange de courriels de l’assuré avec l’adjudicataire qu’une rencontre tripartite aurait eu lieu le 12 novembre 2018 avec l’administrateur de la société, qui aurait à cette occasion admis le défaut de paiement des salaires, mais refusé de signer une cession de créance en faveur de l’assuré. La société, par son avocat, a quant à elle proposé une nouvelle rencontre au recourant afin de déterminer sa créance par courrier du 15 novembre 2018, bien que cette proposition ne se soit pas concrétisée après que son conseil a cessé d’occuper. Elle s'est par ailleurs acquittée des salaires d'un autre employé occupé sur le même chantier que le recourant, selon une attestation du 17 décembre 2018 signée par celui-ci. Le recourant a à nouveau requis de la société le paiement de son salaire par deux courriels des 17 décembre 2018 et 22 février 2019. Le 1er mars 2019, la société a établi des fiches de salaire pour le recourant, indiquant des montants bruts de CHF 504.45 en juillet 2018 et de CHF 2'000.85 en août 2018. Le 4 mars 2019, la société a demandé les coordonnées bancaires du recourant et lui a proposé le versement pour solde de tout compte des montants figurant sur les fiches de salaire établies. Celui-ci a décliné cette proposition par retour de courriel, dès lors que les fiches de salaire ne correspondaient pas à la rémunération due. Le 28 juin 2019, le recourant a encore tenté d’obtenir le paiement de son salaire lors d’un entretien téléphonique avec la société, avant le dépôt moins de deux semaines plus tard de la requête de conciliation préalable au dépôt de la demande en justice auprès du Tribunal des prud'hommes.

Le recourant s’est également adressé à l’adjudicataire dès novembre 2018. Il l’a ainsi enjoint de retenir le montant du salaire impayé sur le montant dû à la société. À la suite de la séance avec le recourant et la société, l'adjudicataire a demandé au recourant de lui préciser le montant du salaire en souffrance par courriel du 13 novembre 2018. Le 27 février 2019, le recourant a une nouvelle fois invité l'adjudicataire à lui confirmer qu'elle ne libérerait pas les montants correspondant aux salaires impayés en faveur de la société avant qu'un accord ne soit trouvé avec celle-ci à ce sujet.

Au vu de ces éléments, force est de constater que le recourant a fait preuve de diligence pour recouvrer son salaire. Il a en effet multiplié les démarches, tant auprès de la société que de l’adjudicataire après la fin des rapports de service. Il convient en particulier de souligner que jusqu'en mars 2019, le recourant avait obtenu certaines garanties de l’adjudicataire quant au blocage du versement du salaire qu'il réclamait à la société. Dans ces circonstances, il n'était pas indispensable qu'il intente une procédure prud’homale avant mars 2019. On doit aussi noter que les discussions avec la société permettaient au recourant d'espérer se voir payer sans devoir recourir à la voie judiciaire. En effet, la participation à une séance avec le recourant et l'adjudicataire, le paiement de la créance salariale d'un autre ancien employé en décembre 2018, l'établissement de fiches de salaire et la proposition formulée début mars 2019 semblaient démontrer que la société était disposée à trouver une solution dans le cas du recourant.

Il est vrai que le recourant s'est montré moins actif dans ses tentatives pour recouvrer son salaire après le 11 mars 2019, puisqu'après cette date, il a attendu quelque trois mois et demi avant de relancer la société. Cette seule période d'inactivité ne suffit cependant pas à conclure à une négligence grave ou une faute intentionnelle, au vu des circonstances du cas d'espèce et notamment des efforts déployés auparavant. Le recourant allègue en outre que la situation financière de la société n'était alors pas telle qu'une action judiciaire immédiate s'imposait, notamment au vu du montant alors libéré par l'adjudicataire et de la poursuite de son activité sur les chantiers. Il faut également prendre en considération que le recourant pensait pouvoir en dernier recours se retourner contre l'adjudicataire, comme le démontre l'action intentée en janvier 2021 à son encontre, fondée sur la responsabilité solidaire de l'entrepreneur découlant de la législation sur les travailleurs détachés. Cette circonstance explique également qu'il ait encore sursis quelque temps au dépôt de la requête de conciliation précédant la demande à l’encontre de la société. Il n'est certes à ce stade de la procédure pas établi que l'action dirigée contre l'adjudicataire soit bien fondée. Cette question ne ressortit cependant pas à la compétence de la chambre de céans. De plus, elle n'est pas déterminante pour apprécier l'existence d'une négligence grave du recourant, dès lors qu'on ne saurait exiger d'un assuré qu'il se comporte sans faute du point de vue juridique (arrêts du Tribunal fédéral des assurances C 63/05 du 21 décembre 2005 consid. 3.1 et C 111/05 du 16 août 2005 consid. 3.5).

11.    Compte tenu de ce qui précède, on ne peut reprocher au recourant une violation de l'obligation de diminuer le dommage.

Partant, le droit à l'indemnité en cas d'insolvabilité est en principe ouvert. La cause sera ainsi renvoyée à l'intimée pour déterminer le montant dû à ce titre. Dans ce cadre, il convient de rappeler que cette indemnité ne couvre en règle générale que les créances de salaires qui portent sur un travail réellement fourni, auquel la jurisprudence assimile les cas dans lesquels le travailleur ne peut fournir sa prestation en raison de la demeure de l'employeur (ATF 137 V 96 consid. 6.1 ; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 8C_749/2016 du 22 novembre 2017 consid. 3.2 au sujet des éléments non couverts par l'indemnité en cas d'insolvabilité).

Il convient encore de préciser que si le recourant devait être désintéressé par l'adjudicataire, l'intimée serait alors fondée à réclamer la restitution de l'indemnité en cas d'insolvabilité, conformément à l'art. 55 al. 2 LACI. Le versement du salaire par l'adjudicataire dans un tel cas doit en effet être assimilé au cas où un employeur s'acquitte ultérieurement de sa dette.

12.    Le recours est admis.

Le recourant a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision de l'intimée du 21 janvier 2021.

4.        Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Condamne l'intimée à verser au recourant une indemnité de dépens de CHF 1'500.-.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le