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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2157/2020

ATAS/488/2021 du 20.05.2021 ( ARBIT )

En fait
Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2157/2020 ATAS/488/2021

ARRET

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

du 21 mai 2021

 

En la cause

SUPRA-1846 SA

CONCORDIA SCHWEIZ, KRANKEN- UND UNFALLVERSICHERUNG AG

ATUPRI KRANKENKASSE

AVENIR ASSURANCE MALADIE SA

KPT KRANKENKASSE AG

VIVAO SYMPANY AG

EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA

PROGRÈS VERSICHERUNGEN AG

SWICA

MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA

SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG

PHILOS ASSURANCE MALADIE SA

ASSURA BASIS SA

VISANA AG

HELSANA VERSICHERUNGEN AG

SANA24 AG

COMPACT GRUNDVERSICHERUNGEN AG

Toutes représentées par SANTESUISSE, représentée par Maître SCHUMACHER Valentin

 

demanderesses

 

contre

 

 

Docteur A______, domicilié à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître BALAVOINE Marc

 

 

 

 

défendeur

 


EN FAIT

Attendu en fait :

 

Que, par demande du 3 juillet 2020 déposée par-devant le tribunal de céans, 16 assureurs-maladie, représentés par SANTESUISSE, ont réclamé au Dr A______, médecin praticien exerçant à Genève, le remboursement de CHF 144'552.50 (dont un montant de CHF 69'168,50 calculé selon « l’indice de régression »), subsidiairement CHF 189'176.60 (dont un montant de CHF 113'792,80 calculé selon l’indice ANOVA), pour la fourniture de prestations jugées non économiques pour l’année 2018 ;

Que ces montants ont été calculés sans la part du groupe CSS (CSS, INTRAS et ARCOSA SA), soit « 25,35 % des prestations LAMal » du défendeur remboursées par ce groupe en 2018 ;

Qu’ils comprennent également un montant de CHF 75'384.- correspondant, selon les demanderesses, à des « prestations non autorisées selon les valeurs intrinsèques », respectivement à des positions TARMED surfacturées comparativement « aux autres médecins praticiens suisses » ou facturées sur la base d’une position erronée ;

Qu’une audience de conciliation s’est tenue le 16 octobre 2020, lors de laquelle les demanderesses ont modifié leur conclusion principale (ramenée à CHF 151'529.-) et leur conclusion subsidiaire (portée à CHF 163'770.-) ;

Qu’à l’issue de cette audience, le tribunal a invité le défendeur a produire la totalité des factures établies en 2018 concernant les patients traités à l’institution B______, patient par patient, ainsi que ses attestations de valeur intrinsèque ;

Que, par écriture du 3 novembre 2020, les demanderesses ont explicité les calculs à l’appui de leurs dernières conclusions ;

Que, par courrier du 30 novembre 2020, le tribunal a accordé au défendeur un délai, - régulièrement prolongé, puis suspendu, à sa demande, à ce jour - afin de se déterminer sur la requête en paiement et les écritures subséquentes des demanderesses ;

Que, par courriers des 3 décembre 2020 et 5 janvier 2021, les parties ont désigné leurs arbitres ;

Que, par courrier du 27 janvier 2021, le précédent conseil du défendeur a informé le tribunal qu’il ne représentait plus ce dernier ;

Que, le 28 janvier 2021, Me Marc BALAVOINE s’est constitué pour la défense des intérêts du défendeur ;

Que, par écriture du 1er mars 2021, les demanderesses se sont réservées le droit d’augmenter leurs dernières conclusions après réception des attestations des valeurs intrinsèques du défendeur et compte tenu des factures reçues dans l’intervalle et de la « complexité des calculs y relatifs » ;

Que, le 25 mars 2021, le défendeur a requis la suspension de la présente procédure en application de l’art. 14 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) jusqu’à droit connu sur la requête en paiement du 14 janvier 2021 déposée à son encontre par CSS ASSURANCE MALADIE SA et INTRAS ASSURANCES-MALADIE SA, par-devant le tribunal de céans (cause A/142/2021) ;

Qu’il a fait valoir que, dans cette dernière affaire, les demanderesses réclamaient le remboursement de prestations facturées en 2018, à hauteur de CHF 65'890.- au moins ; selon le sort de ces prétentions en restitution, le chiffre d’affaires réalisé en 2018 pourrait ainsi être corrigé de façon significative, si bien que les coûts directs de CHF 354'783.- pour cette année-là devraient être ramenés à CHF 288'893.- (354'783 - 65'890) si les prétentions de CSS ASSURANCE MALADIE SA et INTRAS ASSURANCES-MALADIE SA devaient être admises ;

Qu’il a ajouté que, dans la présente procédure, les demanderesses avaient comparé le chiffre d’affaires de CHF 354'783.- à celui généré en moyenne par les médecins appartenant au groupe de contrôle pour aboutir à un indice statistique de 189 selon la méthode de régression et de 166 selon la statistique RSS ; ces indices devraient être abaissés si le chiffre d’affaires devait être corrigé à la baisse en raison de l’admission totale ou partielle de la demande en restitution dans la cause A/142/2021 ; une modification du chiffre d’affaires entraînerait probablement une modification des différents éléments pertinents pour le calcul de l’indice de régression sur lequel les demanderesses fondaient leurs prétentions (principales) ; en raison du litige encore pendant dans la cause A/142/2021, son chiffre d’affaires dans le cadre de la présente cause était encore incertain, de sorte qu’il était impossible pour le tribunal de déterminer si et dans quelle mesure il avait respecté le principe d’économicité ;

Qu’au surplus CSS ASSURANCE MALADIE SA et INTRAS ASSURANCES-MALADIE SA avaient limité leurs prétentions à la restitution de prestations indues, à l’exclusion de prétentions fondées sur une comparaison statistique des coûts directs et indirects entre lui-même et la moyenne des médecins praticiens ; si leurs prétentions pouvaient ainsi être examinées sans que le sort de la présente cause ne fût connu, l’inverse n’était pas vrai ;

Qu’enfin, il n’avait pas à pâtir du fait que les assureurs avaient pris le parti d’agir dans le cadre de deux demandes différentes ;

Que, par écriture du 13 avril 2021, les demanderesses se sont opposées à la suspension requise ; le chiffre d’affaires réalisé par le défendeur en 2018 n’était pas pertinent, dès lors que les demandes en restitution n’étaient pas fondées sur ce chiffre, mais sur ses coûts directs et indirects ; le chiffre d’affaires comprenait des prestations qui n’étaient pas à la charge de l’assurance obligatoire (ci-après : AOS) des soins et non pas aussi les coûts indirects ; les indices statistiques se fondaient, en revanche, sur la totalité des coûts annuels comptabilisés par les assureurs-maladie à charge de l’AOS ;

Qu’elles ont en outre fait valoir qu’en 2018, les coûts directs du défendeur s’étaient élevés à CHF 354'783.- et la part des coûts directs prise en charge par CSS ASSURANCE MALADIE SA et INTRAS ASSURANCES-MALADIE SA se montait à CHF 93’495.- en tout ; dans la mesure où elle ne représentait pas ces assureurs-maladie, SANTESUISSE en avait retranché les coûts directs et indirects afférents à la proportion correspondante de 25,35%, si bien qu’un montant bien supérieur à celui réclamé par CSS ASSURANCE MALADIE SA et INTRAS ASSURANCES-MALADIE (CHF 65'890.-) avait d’ores et déjà été déduit dans le cadre de la présente procédure ; le fait que certains assureurs-maladie renonçaient à intenter des actions en restitution ou agissaient seuls ou par groupe n’avait aucune incidence sur les indices statistiques ; la part des coûts directs et indirects prise en charge par CSS ASSURANCE MALADIE SA et INTRAS ASSURANCES-MALADIE SA avait été prise en compte dans les calculs de SANTESUISSE, si bien qu’il importait peu de connaître le sort de la cause A/142/2021 ;

Que, par courrier du 4 mai 2021, communiqué aux demanderesses, le 10 mai suivant, le défendeur a maintenu sa position : faute d’une issue judiciaire ou extrajudiciaire commune avec la cause A/142/2021, il ne sera pas possible de déterminer les montants effectifs devant être retranchés des coûts totaux, ni d’évaluer l’influence de ce retranchement sur l’indice de régression ;

Que, dans la cause A/142/2021, CSS ASSURANCE MALADIE SA et INTRAS ASSURANCES-MALADIE SA ont conclu au remboursement de respectivement CHF 201'850,75 et CHF 7'881,50 (arrondi), au titre de prestations versées indûment en raison d’une pratique du défendeur jugée non-économique selon les indices de régression ou ANOVA, respectivement de facturations non justifiées, excessives ou non autorisées de positions TARMED ou de surfacturation du temps de consultation, entre 2015 et 2019 ;

Qu’à l’issue de l’audience de conciliation qui s’est tenue le 19 mars 2021 dans le cadre de cette dernière cause, les parties ont convenu de suspendre la procédure jusqu’au 30 septembre 2021, afin de trouver une solution transactionnelle extrajudiciaire.

 

et considérant en droit 

Que selon l'art. 14 LPA, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence « d'une autre autorité » et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (al. 1) ; les autorités administratives et les juridictions administratives saisies d'une question préjudicielle sont toutefois liées par les décisions de l'organe compétent qui l'ont résolue avec force de chose jugée (al. 2) ;

Que, même si la suspension d'une procédure doit rester l’exception (ATF 123 II 3 consid. 2 ; 122 II 216 consid. 3), une telle mesure peut s'imposer lorsqu’il ne se justifie pas, sous l’angle de l’économie de procédure, de prendre une décision dans l’immédiat, notamment lorsque le jugement prononcé dans l’autre litige peut influencer l’issue du procès. Une suspension peut ainsi être ordonnée pour des motifs importants tenant, par exemple, à la sécurité de la décision ou à un souci d’économie. De manière générale, la décision de suspension relève du pouvoir d’appréciation du juge saisi ; ce dernier procède ainsi à la pesée des intérêts des parties, l’exigence de célérité l’emportant dans les cas limites (ATF 119 II 389 consid. 1b) ;

Que, dans le cadre de cet examen, il appartient au juge de mettre en balance, d’une part, la nécessité de statuer dans un délai raisonnable et, d’autre part, le risque de décisions contradictoires. La suspension peut être en particulier admise lorsqu’il se justifie d’attendre la décision d’une autre autorité, laquelle doit trancher une question décisive pour la première procédure. Le principe de célérité qui découle de l’art. 29 al. 1 Cst. pose cependant des limites à la suspension d’une procédure jusqu’à droit connu sur le sort d’une procédure parallèle (arrêt du Tribunal fédéral 4P.143/2003 du 16 septembre 2003 consid. 2.2) ;

Qu’en l'espèce, les conditions d'une suspension au sens de l'art. 14 LPA ne sont pas réunies, déjà parce que les deux causes sont pendantes devant la même autorité, à savoir le tribunal de céans, ce qui offre des garanties suffisantes quant à un risque d'issue contradictoire (comp. ATA/392/2021 du 8 avril 2021 consid. 8) ;

Qu’au demeurant, l'on ne saurait soutenir que le sort de la présente procédure dépend de la procédure A/142/2021 ;

Qu’à cet égard, le défendeur fait en substance valoir qu’une éventuelle baisse de son chiffre d’affaires pour 2018, en raison de l’admission totale ou partielle de la demande en restitution dans la cause A/142/2021, devrait entraîner une baisse des indices statistiques sur lesquels les demanderesses fondent leurs prétentions pour cette année-là ;

Que cette argumentation omet toutefois de prendre en considération que la baisse des coûts moyens des patients concernés doit également être répercutée, proportionnellement, sur les autres médecins faisant partie du groupe de comparaison, faute de quoi le calcul comparatif est faussé. En effet, sauf à vouloir favoriser indûment le défendeur par rapport à ses confrères, on ne saurait comparer les coûts ainsi réduits en 2018 avec les coûts totaux des médecins du groupe de comparaison retenus dans la présente cause pour cette même année (comp. arrêt du Tribunal fédéral 9C_167/2010 du 14 janvier 2011 consid 4.2) ;

Que le montant que le défendeur pourrait, ou non, être condamné à rembourser à la CSS ASSURANCE MALADIE SA et INTRAS ASSURANCES-MALADIE SA dans la cadre la procédure A/142/2021, au titre des prestations jugées non économiques en 2018, n’a ainsi pas d’incidence sur l’examen de l’économicité de la pratique du défendeur dans le cadre de la présente procédure ;

Qu’au surplus, à suivre l’argumentation du défendeur, on aboutirait au résultat paradoxal que l’éventuel caractère non-économique des prestations réglées en 2018 par ces deux assureurs pourrait conférer, rétrospectivement, un caractère économique aux prestations également prises en charge par les autres assureurs cette année-là ;

Que, du reste, ce raisonnement aurait pour conséquence de faire dépendre l’issue d’une procédure judiciaire en polypragmasie d’éléments imprévisibles ou aléatoires, tels que le dépôt, ou non, d’une procédure parallèle par d’autres assureurs ;

Qu’en tout état, le défendeur ne risque pas de devoir rembourser deux fois le montant éventuellement dû à CSS ASSURANCE MALADIE SA et INTRAS ASSURANCES-MALADIE SA pour 2018, dans la mesure où les demanderesses ont retranché de leurs conclusions le montant réclamé par ces deux assureurs.

Que, de surcroît, la requête de suspension de la présente procédure jusqu’à droit jugé dans la procédure A/142/2021 s’avère contraire au principe de l’économie de la procédure, voire dilatoire, dans la mesure où cette dernière procédure est elle-même suspendue jusqu’au 30 septembre 2021 ;

Que force est ainsi de constater qu'aucune des conditions prévues par l'art. 14 LPA n'est en l'occurrence remplie, de sorte qu'il ne se justifie pas de suspendre la présente procédure jusqu’à droit jugé dans la procédure A/142/2021 ;

Que le sort des frais de la procédure est réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES:

Statuant sur incident

 

1. Rejette la demande de suspension formée par le défendeur.

2. Imparti au défendeur un délai au 22 juin 2021 pour se déterminer sur la requête en paiement et les écritures subséquentes des demanderesses.

3. Réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

La greffière

 

 

Adriana MALANGA

 

Le président

 

 

Jean-Louis BERARDI

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le