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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/417/2020

ATAS/446/2021 du 12.05.2021 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/417/2020 ATAS/446/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 mai 2021

8ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à 1228 Plan-les-Ouates, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître RAPPARD William

 

 

recourante

contre

 

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, Genève

 

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante) est née le ______ 1961 en Macédoine du Nord, où elle a été scolarisée pendant deux ans puis a aidé sa mère au domicile familial, sans acquérir de formation. Elle est albanophone et ne maîtrise pas le français. Le 4 octobre 1986, l'assurée a épousé Monsieur B______, alors déjà installé en Suisse, dans le canton de Genève. De leur union sont issues quatre filles, C______ (née le ______ 1989), D______ (née le ______ 1992), E______ (née le ______ 1994) et F______ (née le ______ 1996). L'assurée et ses quatre filles ont emménagé chez leur époux et père à Genève le 17 avril 2005, puis ont déménagé avec ce dernier à Plan-les-Ouates (GE) le 1er septembre 2006.

D'après la banque de données de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), les trois premières filles du couple quitteront à la fois le domicile de leurs parents et le canton de Genève respectivement, s'agissant de C______, le 19 juin 2010 pour Spreitenbach (AG), s'agissant de D______, le 12 novembre 2014 pour Zurich (ZH) et, s'agissant de E______, le 1er septembre 2019 pour Spreitenbach (AG), tandis que la cadette, F______, a quitté le domicile de ses parents le 28 novembre 2014 pour habiter à d'autres adresses à Plan-les-Ouates (GE).

2.        L'assurée n'a jamais exercé d'activité lucrative.

3.        En décembre 2006 et octobre 2007, l'assurée a été hospitalisée en milieu psychiatrique à Belle-Idée en raison d'un trouble dépressif récurrent dans un contexte de difficultés relationnelles familiales et d'éloignement géographique du pays d'origine.

4.        Le 3 avril 2008, l'assurée a subi aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) un bilan neuropsychologique dans le cadre d'un dysfonctionnement dans les activités de base de la vie quotidienne d'origine peu claire. Elle présentait des troubles mnésiques et exécutifs importants, attribués au trouble dépressif précité sans exclusion d'une origine organique, des difficultés dans la dénomination et les praxies constructives, mises en lien avec le manque d'acquisition scolaire.

5.        En 2014, l'assurée a fait une chute avec perte de connaissance et amnésie circonstancielle.

6.        En 2016, l'assurée présentant des troubles de l'équilibre et des vertiges se péjorant depuis une année, son médecin traitant (la docteure G______, généraliste-interniste), lui a fait subir, le 24 avril 2016, une IRM cérébrale, qui a mis en évidence une hydrocéphalie importante, puis l'a adressée à un neurochirurgien (le docteur H______). Selon le rapport que ce dernier a établi le 7 juin 2016 (dont seule la page 1 figure au dossier) d'une consultation de neurochirurgie du 6 juin 2016 effectuée en présence d'une de ses filles (pour la traduction, mais on ne sait laquelle), l'assurée présentait une démarche ataxique majeure et, selon sa fille, elle avait des troubles de la mémoire ; l'examen clinique a été difficile en raison d'une barrière de la langue. Ledit neurochirurgien n'a eu qu'un accès partiel aux images de l'IRM précitée ; y voyant une hydrocéphalie majeure, il a proposé que l'assurée soit prise en charge par des neurochirurgiens des HUG.

7.        Les 26 et 27 juillet 2016, l'assurée a subi, au service de neurologie des HUG, un examen neuropsychologique et neurocomportemental pré- et post-ponction lombaire (ci-après : PL), à la suite duquel le docteur I______ (médecin chef de clinique), la docteure J______ (psychologue spécialiste en neuropsychologie FSF) et K______ (neuropsychologue stagiaire) ont établi un rapport, le 28 juillet 2016. Il s'agissait d'un bilan pré- et post-PL dans le cadre d'une suspicion d'hydrocéphalie à pression normale, l'assurée présentant une aggravation de ses troubles cognitifs et des difficultés à la marche depuis environ quatre ans. Au titre des antécédents médicaux relevants et des comorbidités étaient mentionnés le trouble dépressif récurrent précité de 2006 et 2007, ainsi que la chute précitée de 2014 ; étaient également cités le bilan neuropsychologique précité de 2008 et l'IRM cérébrale du 24 avril 2016. L'examen a été effectué en albanais, par l'intermédiaire, le 26 juillet 2016, d'une fille de l'assurée (on ne sait pas laquelle) et, le lendemain, de l'époux de l'assurée.

Comparativement au bilan pré-PL, le bilan post-PL montrait une péjoration sur le plan de l'écriture et celui de l'exécutif, ainsi que la persistance d'un ralentissement au niveau attentionnel et dans les tâches psychométriques, une altération de la mémoire à court terme et de travail verbale et visio-spatiale, des scores sévèrement déficitaires dans une épreuve évaluant la motricité fine, et, sur le plan du transfert inter-hémisphérique, de quelques difficultés au tapping bilatéral simultané. Ces résultats devaient être considérés avec une grande prudence, au vu de la très faible implication de l'assurée dans les tâches et de la qualité de la traduction, au point qu'il était impossible de se prononcer quant à une éventuelle amélioration des performances cognitives après la ponction lombaire. Les résultats de l'examen pré-PL étaient globalement superposables à ceux de 2008. Une origine psychiatrique participait clairement au tableau cognitif, l'ensemble du tableau dépassant en lui-même les troubles de l'humeur, et l'hydrocéphalie ou d'autres pathologies permettaient également d'expliquer les troubles de l'assurée.

8.        L'assurée a séjourné les 9 et 10 novembre 2016 au service de neurochirurgie des HUG pour la pose d'une dérivation ventriculo-péritonéale (ci-après : DVP) en raison d'une hydrocéphalie très prononcée. D'après le rapport (dont seules les pages 1 et 3 sur quatre figurent au dossier) du 24 novembre 2016 du docteur L______, médecin adjoint agrégé auprès dudit service des HUG, l'assurée avait une hydrocéphalie communicante (le plus probablement congénitale), avec des troubles exécutifs, mnésiques et attentionnels.

9.        Le Dr L______ a revu l'assurée (accompagnée de son mari) le 17 mars 2017 en consultation ambulatoire de contrôle, lors de laquelle il a eu l'impression que la marche de l'assurée était plus rapide qu'auparavant, mais il a aussi pris note d'une persistance des vertiges, des vomissements, de céphalées, d'une mauvaise mémoire et d'une marche difficile. Au vu d'une hydrocéphalie aussi chronique et marquée, on ne pouvait s'attendre à une amélioration après dérivation mais à une stabilisation des troubles neurologiques. Ledit médecin a légèrement augmenté le drainage réalisé par le DVP. D'après le scanner cérébral réalisé le même jour, le drain ventriculaire par abord frontal droit était en place, sans modification de la taille des ventricules depuis le scanner effectué après la pose de la DVP.

10.    Le 29 mars 2017, l'assurée a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité (ci-après : AI) auprès de l'office de l'AI du canton de Genève (ci-après : OAI). Elle était femme au foyer ; son atteinte à la santé était due entièrement ou partiellement à un accident et à une maladie ; elle était suivie par le Dr L______ des HUG et la Dre G______.

11.    Le 16 mai 2017, l'assurée a subi un nouvel examen neuropsychologique et neurocomportemental au service de neurologie des HUG, qui a été réalisé en albanais avec l'aide d'une traductrice professionnelle. L'assurée vivait à son domicile avec son époux et l'un de leurs quatre enfants (il n'est pas précisé lequel). En conclusion de leur rapport du 24 mai 2017, la Dre J______ et le psychologue diplômé M. M______ ont relevé notamment, sur le plan comportemental, des attitudes démonstratives quant aux difficultés cognitives éprouvées lors de la réalisation des tests, avec de multiples plaintes, un faible investissement dans les tâches proposées, une tendance à abandonner prématurément la recherche de réponses, des réponses évasives, de multiples hésitations, une irritabilité, une fatigabilité accrue, une symptomatologie anxio-dépressive, un effondrement des résultats dans l'ensemble des tests réalisés avec des discordances (notamment entre l'anamnèse et les résultats aux tests, entre les résultats aux tests et ce qui était connu du fonctionnement cognitif et entre les résultats aux tests mesurant la mémoire). Les résultats aux tests ne correspondaient pas aux capacités de l'assurée. Il était impossible de se prononcer quant à l'évolution cognitive de l'assurée depuis le dernier bilan effectué en 2016.

12.    Le 21 juin 2017, le Dr L______ a revu l'assurée, accompagnée de sa fille (on ne sait pas laquelle), en consultation de suivi. L'assurée indiquait que sa marche, ses vertiges, ses vomissements et ses troubles de la mémoire restaient inchangés.

13.    Le 15 janvier 2018, le service de neurologie des HUG a communiqué à l'OAI les rapports des bilans neuropsychologiques précités des 26-27 juillet 2016 et du 16 mai 2017.

14.    Le 18 janvier 2018, le gestionnaire du dossier à l'OAI a demandé au service médical régional de l'AI (ci-après : SMR) de se prononcer, en relevant que « Monsieur souffr(ait) d'hydrocéphalie à pression (congénitale) traitée par une dérivation ventriculo-péritonéale » et présentait des « troubles de l'équilibre avec vertiges, troubles de la marche, troubles de la mémoire des faits récents, céphalées, vomissements ».

15.    Par avis du 2 juillet 2018, après avoir examiné les pièces médicales versées au dossier, le SMR a confirmé l'existence d'une atteinte à la santé incapacitante avec des limitations fonctionnelles permanentes et irréversibles en lien avec une hydrocéphalie à pression normale à sévère avec troubles neurocognitifs conséquents ; aucune évolution neurologique notable n'avait été constatée malgré la mise en place d'une DVP en 2016. Le début de l'incapacité de travail totale se situait en avril 2016.

16.    Le 2 novembre 2018, l'OAI a demandé que l'assurée, ayant le statut de femme au foyer, fasse l'objet d'une enquête économique sur le ménage, en vérifiant par la même occasion si elle présentait une impotence.

17.    L'enquête économique sur le ménage a été effectuée le 31 janvier 2019, durant une heure et quart, au domicile de l'assurée, en présence d'une fille de cette dernière (Mme E______, pour la traduction), par Madame N______, infirmière. D'après son rapport du 11 février 2019, co-signé par Madame O______, responsable du Service extérieur, l'assurée n'avait pas participé à l'entretien de manière active ; l'entretien s'était passé principalement avec sa fille. Le rapport faisait mention, au titre des atteintes à la santé, d'une hydrocéphalie à pression normale à sévère avec troubles neurocognitifs conséquents (hydrocéphalie vraisemblablement congénitale d'après le SMR), et confirmait le statut de femme au foyer de l'assurée, vivant avec son époux (qui n'avait plus de travail depuis 2016) et leur fille E______. Il décrivait les conditions et l'équipement du logement. Il relatait les dires essentiellement de la fille de l'assurée quant aux travaux ménagers que cette dernière pouvait (et, surtout, ne pouvait pas) effectuer (déjà) tant avant qu'après l'atteinte à la santé, en sorte que l'enquêtrice avait consigné les évaluations suivantes pour les champs d'activité habituels (étant précisé que l'assurée n'avait pas à apporter des soins ou une assistance à des enfants ou des proches), toujours « selon les dires de la fille » :

Alimentation

La situation est identique à celle décrite avant l'atteinte. Il est estimé que l'assurée peut participer à l'élaboration des repas pour des tâches simples et sous supervision de sa famille.

Entretien du logement

La situation est identique à celle décrite avant l'atteinte. Il est estimé que l'assurée peut participer à l'entretien du logement pour des tâches simples et sous supervision de sa famille. Il a été également pris en considération que l'assurée dit ressentir des vertiges lorsqu'elle reste en station debout prolongée.

Achats

La situation est identique à celle décrite avant l'atteinte. Il est estimé que l'assurée n'est pas apte à planifier les courses.

Lessive et entretien des vêtements

La situation est identique à celle décrite avant l'atteinte. Il est estimé que l'assurée peut participer à l'entretien des vêtements pour des tâches simples comme la lessive, l'étendage et le pliage des vêtements sous supervision de sa famille.

L'enquêtrice a retenu les pondérations et les empêchements avec et sans exigibilité suivants :

Champs d'activité

Pondé-ration

Empêche-ment brut

Empêche-ment pondéré sans exigibilité

Exigi-bilité

Empêche-ment pondéré avec exigibilité

Alimentation

45 %

50 %

22.50 %

30 %

9 %

Entretien du logement ou de la maison et garde des animaux domestiques

35 %

70 %

24.50 %

30 %

14 %

Achats et courses diverses

2 %

100 %

2 %

30 %

1.40 %

Lessive et entretien des vêtements

18 %

50 %

9 %

30 %

3.60 %

Soins et assistance aux enfants et aux proches

0 %

0 %

0 %

0 %

0 %

Totaux

100 %

---

58 %

---

28 %

Le total de l'exigibilité retenue, de la part de la famille, était ainsi de 30 %.

En conclusion, l'assurée n'avait jamais été apte à gérer les différentes tâches ménagères ; elle avait toujours effectué des tâches légères sous supervision de sa famille. Selon les dires mêmes de sa fille, l'assurée avait actuellement une situation superposable à celle qui prévalait avant son arrivée en Suisse en 2005. D'après les rapports médicaux versés au dossier, l'examen neuropsychologique et neurocomportemental du 27 juillet 2016 était lui aussi superposable à celui qui avait été réalisé en 2008. Le rapport faisait aussi mention d'un avis que le SMR avait émis le 6 février 2019, aux termes duquel, au vu des constatations de l'infirmière ayant réalisé l'enquête ménagère et notamment des déclarations de la fille de l'assurée, il retenait que, selon toute vraisemblance, l'hydrocéphalie de l'assurée était d'origine congénitale et la cause de ses déficits neurocognitifs sévères et permanents, et qu'en raison de cette hydrocéphalie congénitale sa capacité de travail dans l'économie de marché était nulle dès avant son arrivée en Suisse.

En même temps que l'enquête ménagère, l'infirmière N______ a instruit la question de savoir si l'assurée remplissait les conditions pouvant ouvrir le droit à une allocation pour impotent, et elle y a répondu par l'affirmative dans un rapport du 12 février 2019. Toujours selon les dires de sa fille, l'assurée était autonome pour les actes ordinaires de la vie, soit pour se vêtir et se dévêtir, choisir ses vêtements, se lever, s'asseoir et se coucher, lors du manger pour couper les aliments et les porter à la bouche, pour faire sa toilette, aller aux toilettes, pour se déplacer dans l'appartement (fait observé lors de l'enquête). Elle avait besoin d'un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie depuis son entrée dans l'âge adulte. Pour la gestion du quotidien, l'assurée avait toujours bénéficié de l'encadrement de sa famille, d'abord de ses parents et de sa soeur, au Kosovo, puis de son époux et de ses quatre filles. Pour le ménage et la situation nutritionnelle, elle n'était pas apte, depuis toujours, à planifier les repas, les différentes tâches ménagères, l'entretien des vêtements ; elle pouvait effectuer des tâches légères, sous supervision. L'assurée n'était pas apte à gérer les démarches administratives, toujours effectuées par son époux, elle-même ne sachant d'ailleurs ni lire ni écrire ; elle avait besoin d'être aidée pour la prise de rendez-vous et d'être accompagnée pour tous ses déplacements à l'extérieur. Son invalidité ne nécessitait pas de soins médicaux particuliers. L'assurée n'avait pas besoin d'une surveillance personnelle, pouvant rester seule à domicile sans se mettre en danger, ni de moyens auxiliaires. En conclusion, l'infirmière estimait que l'assurée avait droit à une allocation pour impotence faible pour un accompagnement dès un an avant la date de l'enquête, à la condition - ajoutait-elle - qu'elle ait aussi droit au minimum à un quart de rente d'invalidité.

18.    Par projet de décision du 18 avril 2019, l'OAI a informé l'assurée qu'il entendait lui nier le droit à une rente d'invalidité. Elle avait le statut d'une personne non active consacrant tout son temps à ses travaux habituels. Elle présentait une atteinte à la santé ayant valeur d'invalidité avant son arrivée en Suisse. Ses empêchements dans la sphère des travaux habituels s'élevaient à 28 %. Elle n'avait donc pas droit à des prestations de l'AI.

19.    Par courrier du 13 mai 2019, désormais représentée par un avocat, l'assurée a formulé des objections à l'encontre de ce projet de décision. Son état de santé ne lui permettait pas d'effectuer la moindre tâche ménagère. Elle avait été admise aux urgences des HUG le 4 mai 2019 après avoir craché du sang, ce qui démontrait la présence d'une pathologie totalement invalidante. Elle sollicitait l'assistance juridique gratuite et l'octroi d'une rente entière d'invalidité. D'après un rapport médical du 9 mai 2019 des HUG (qu'elle produira ultérieurement), l'assurée avait été hospitalisée le 28 avril 2019 en raison d'une hématémèse ; elle présentait, au titre de comorbidités et antécédents pertinents, une hydrocéphalie congénitale avec drain en place depuis 2016, une hernie hiatale avec reflux gastro-oesophagien, une fracture traumatique du col du fémur gauche en 2003 et un facteur de risque de maladie cardio-vasculaire surpoids.

20.    Par un téléphone du 4 juin 2019, l'OAI a expliqué au conseil de l'assurée que les conditions d'assurance étaient également discutées et qu'il fallait, jusqu'au 11 juillet 2019 au plus tard, produire des pièces médicales (notamment au sujet de la dernière consultation aux HUG) et préciser les points de l'enquête ménagère qui étaient contestés.

21.    Par décision du 12 juin 2019, l'OAI a rejeté la requête d'assistance juridique de l'assurée. Le recours que l'assurée a interjeté le 9 juillet 2019 contre cette décision (cause A/2609/2019) sera rejeté par la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) par un arrêt du 6 juillet 2020 (ATAS/568/2020).

22.    Par un projet de décision du 10 octobre 2019 (faisant suite à une note de travail du 25 septembre 2019 relevant qu'il n'était pas nécessaire que l'assurée soit au bénéfice au moins d'un quart de rente d'invalidité pour avoir droit à une allocation pour impotence de degré faible), l'OAI a fait part à l'assurée de son intention de lui octroyer une allocation pour impotent de degré faible depuis le 1er janvier 2018.

23.    Par décision du 20 décembre 2019, reprenant pour l'essentiel les termes de son projet de décision précité du 18 avril 2019, l'OAI a nié le droit de l'assurée à une rente d'invalidité (ainsi qu'à des mesures professionnelles). L'assurée présentait une atteinte à la santé ayant valeur d'invalidité avant son arrivée en Suisse. Ses empêchements dans la sphère des travaux habituels s'élevaient à 28 %.

24.    Par acte du 3 février 2020, l'assurée a recouru contre cette décision auprès de la CJCAS, en concluant, principalement, à l'octroi d'une demi-rente d'invalidité et, subsidiairement, à celui d'un quart de rente d'invalidité. L'enquêtrice avait procédé à une estimation « contradictoire et farfelue » de ses empêchements, en particulier en retenant, pour l'alimentation et l'entretien du logement, un empêchement brut respectivement de 50 % et 70 % en considération des tâches simples que l'assurée pouvait assumer pour participer à ces activités sous la supervision de sa famille et en prévoyant en plus une exigibilité de 30 % dans les deux domaines ; dès lors que sa capacité était conditionnée à l'aide de sa famille, son incapacité était complète sans cette aide, sans préjudice d'imputer ensuite une exigibilité de 0 à 30 %, comme cela était retenu pour les achats. La prise en compte d'une aide de la famille impliquait une double imputation pour exigibilité. Les différentes pathologies de l'assurée, chroniques, étaient appelées à se péjorer, dynamique dont l'enquête ménagère n'avait pas tenu compte.

25.    L'assurée a été mise au bénéfice de l'assistance juridique pour cette procédure A/417/2020 devant la CJCAS par décision de la vice-présidence du Tribunal de première instance.

26.    Par écriture du 3 mars 2020, l'OAI a conclu au rejet du recours. Les prestations de l'AI étaient refusées à l'assurée pour des raisons de conditions d'assurance, l'atteinte à la santé invalidante étant déjà présente lors de son arrivée en Suisse ; le degré d'invalidité était déterminé pour d'éventuelles prestations publiques d'autres services, mais n'ouvrait de toute façon pas un droit aux prestations de l'AI. D'après les rapports médicaux, les symptômes de l'assurée étaient dus à une « hydrocéphalie congénitale commençant à se décompenser » (rapport du Dr L______ du 24 novembre 2016) ; les bilans neuropsychologiques et neurocomportementaux comparant la situation post-opératoire de 2016 et celle de 2017 relevaient des incohérences importantes, si bien que les résultats aux tests ne correspondaient pas aux capacités de l'assurée. De plus, selon les explications que sa fille avait données à l'enquêtrice, l'assurée avait en réalité une situation identique avant et après l'atteinte à la santé ; elle avait toujours présenté les mêmes limitations dans ses activités quotidiennes liées à son atteinte congénitale. Dans le cadre de l'enquête ménagère, en l'absence d'un état de fait antérieur à l'atteinte, l'enquêtrice avait comparé un état de fait hypothétique, une situation fictive, à la situation concrète de l'assurée. La supervision permettant à l'assurée d'exercer des tâches avec une certaine autonomie n'impliquait pas l'exécution des tâches à la place de la personne surveillée, si bien que l'exigibilité de la famille n'avait pas été retenue à double.

27.    Par réplique du 11 mai 2020, l'assurée a objecté que son invalidité était survenue en 2016, plus de dix ans après son arrivée en Suisse, sa santé ayant connu depuis lors une péjoration importante, ainsi que le Dr H______ l'avait pleinement documenté et que le soulignait en outre son hospitalisation en mai 2019 pour une hernie distale et une oesophagie entrainant des vomissements constants et des pertes de sang. L'OAI ne pouvait s'appuyer sur les souvenirs de la fille de l'assurée alors âgée, en 2005, de 11 ans pour admettre une atteinte à la santé antérieure à l'arrivée en Suisse. La supervision familiale avait été retenue une première fois dans l'évaluation de l'empêchement, puis une seconde fois sous la rubrique « exigibilité » ; l'aide de la famille était une condition sine qua non de l'autonomie résiduelle de l'assurée pour un grand nombre de tâches ménagères, y compris les plus légères. Elle persistait dans les termes et conclusions de son recours.

28.    Le 8 juin 2020, l'OAI a indiqué persister dans ses précédentes conclusions.

29.    La cause a été annoncée gardée à juger dès le 1er juillet 2020.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la CJCAS connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité, du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20). Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie, la décision attaquée ayant été rendue en application de ces lois.

Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA), compte tenu de la suspension du délai de recours du 18 décembre (2019) au 2 janvier (2020) inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA).

Il respecte les exigences de forme et de contenu posées par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 LPA).

Touchée par la décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification, la recourante a qualité pour recourir (art. 59 LPGA ; art. 60 al. 1 let. a et b et 89A LPA).

Le recours est donc recevable.

2.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Le recours reste cependant soumis à l'ancien droit, dès lors qu'au 1er janvier 2021 il était déjà pendant devant la chambre de céans (cf. art. 83 LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597).

3.        L'intimé a nié le droit de la recourante à une rente d'invalidité pour deux motifs : le premier parce que, selon lui, l'atteinte invalidante à la santé qu'il lui a reconnue préexistait à son arrivée en Suisse (soit au 17 avril 2005), ce qui ne lui ouvrait pas le droit à une prestation de l'AI, et le second parce qu'en tout état elle n'impliquait, d'après lui, qu'un degré d'invalidité de 28 %, ce qui ne lui ouvrait pas le droit à une rente d'invalidité.

4.        a. Être invalide constitue la condition première pour avoir droit à une prestation de l'AI. Aussi sied-il d'indiquer liminairement qu'au sens de la LAI (qui renvoie à la LPGA notamment à ce sujet [art. 1 et 4 al. 1 LAI]), l'invalidité suppose une atteinte à la santé qui soit causée par une infirmité congénitale, une maladie ou un accident, et qui, de façon présumée permanente ou de longue durée, diminue totalement ou partiellement la capacité de gain de l'intéressé ou - s'agissant de majeurs n'exerçant pas d'activité lucrative avant l'atteinte à leur santé et dont il n'est pas exigible qu'ils en exercent une - la capacité d'accomplir leurs travaux habituels (art. 5 al. 1 LAI ; art. 8 al. 3 LPGA).

b. Le droit à des prestations de l'AI suppose que la personne assurée remplisse les conditions d'assurance, à propos desquelles l'art. 6 al. 1 LAI renvoie aux dispositions du chap. III de la première partie de la LAI.

Les conditions d'assurance que fixent ces dispositions s'appliquent aux ressortissants suisses et étrangers ainsi qu'aux apatrides, sans préjudice, toutefois, de conditions supplémentaires que pose l'art. 6 al. 2 LAI pour les étrangers (exceptés ceux visés par l'art. 9 al. 3 LAI en matière de mesures de réadaptation), en particulier la condition qu'ils comptent, lors de la survenance de l'invalidité, au moins une année entière de cotisations ou dix ans de résidence ininterrompue en Suisse, les dispositions de traités internationaux restant réservées (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité, 2018, n. 1 s. et 5 ad art. 6).

Depuis le 1er janvier 2008, date d'entrée en vigueur de la 5ème révision de la LAI du 6 octobre 2006 (RO 2007 5129 ; FF 2005 4215), l'art. 36 al. 1 LAI subordonne cependant le droit à une rente ordinaire d'invalidité à la condition que l'assuré (suisse, étranger ou apatride) compte au moins trois années de cotisations lors de la survenance de l'invalidité (Michel VALTERIO, op.cit., n. 1 ad art. 36). Antérieurement, ce délai de cotisation était d'un an ; c'est lui qui s'applique pour les rentes d'invalidité déduites d'une survenance d'invalidité antérieure au 1er janvier 2008, conformément au principe de l'applicabilité des règles de droit matériel en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; 127 V 467 consid. 1 et les références ; ATAS/449/2017 du 6 juin 2017 consid. 4).

c. Selon l'art. 4 al. 2 LAI, l'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. Ce moment doit être déterminé objectivement, d'après l'état de santé de l'intéressé. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et il ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l'assuré apprend, pour la première fois, que l'atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d'assurance ; des facteurs externes fortuits n'ont pas d'importance (ATF 126 V 157 consid. 3a ; 118 V 79 consid. 3a et les références ; 103 V 130 ; ATAS/7/2021 du 11 janvier 2021 consid. 8a ; ATAS/449/2017 du 6 juin 2017 consid. 5a ; Michel VALTERIO, op.cit., n. 36 ad art. 4). La survenance de l'invalidité ou du cas d'assurance est ainsi réalisée au moment où une prestation de l'AI est indiquée objectivement pour la première fois (Circulaire sur l'invalidité et l'impotence dans l'assurance-invalidité [CIIAI], n. 1028).

S'agissant d'une rente, l'invalidité est réputée survenue au moment où le droit à la rente prend naissance, c'est-à-dire au moment où - à teneur de l'art. 28 al. 1 LAI (cf. art. 29 al. 1 aLAI) - l'assuré a présenté une incapacité de travail ou d'accomplir les travaux habituels d'au moins 40 % en moyenne depuis une année sans interruption notable et qu'au terme de cette année son incapacité de travail ou d'accomplir les travaux habituels a perduré à 40 % au moins, les conditions supplémentaires conditionnant le droit à la rente prévues par l'art. 29 LAI restant réservées (ATAS/45/2021 du 27 janvier 2021 consid. 6 ; ATAS/7/2021 du 11 janvier 2021 consid. 8b ; Michel VALTERIO, op.cit., n. 39 ad art. 6, n. 2 ss ad art. 28).

d. En l'espèce, il convient donc de déterminer si la recourante présentait un degré d'invalidité d'au minimum 40 % en moyenne depuis une année, ouvrant le droit à une rente d'invalidité, déjà lors de son arrivée en Suisse, le 17 avril 2005. Dans l'affirmative, la recourante n'aurait pas le droit à une rente d'invalidité en raison de la non-réalisation des conditions d'assurance. Dans la négative, il faudrait examiner s'il y a eu dans l'intervalle aggravation de son invalidité, au point qu'elle aurait atteint un degré d'invalidité d'au moins 40 % depuis une année au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle elle a fait valoir son droit aux prestations de l'AI, soit à compter du 29 mars 2017.

5.        a. En l'espèce, il n'est pas contesté que la recourante n'a jamais exercé d'activité lucrative, ni qu'à défaut de son atteinte à la santé invalidante elle n'en exercerait pas, autrement dit qu'elle a, en tant que femme au foyer, le statut d'une personne non active consacrant son temps aux travaux dits habituels (ou ménagers).

Aussi ses empêchements d'accomplir les travaux habituels, déjà lors de son arrivée en Suisse et le cas échéant ultérieurement, doivent-ils être évalués au moyen de la méthode spécifique, qui consiste à spécifier les différents éléments de l'activité qu'exerçait la personne assurée avant la survenance de l'invalidité puis à les comparer à l'ensemble des tâches auxquelles on peut raisonnablement exiger qu'elle s'astreigne (Michel VALTERIO, op.cit., n. 104 ss ad art. 28a).

b. Pour des personnes s'occupant du ménage, les travaux habituels consistent en l'activité usuelle dans le ménage ainsi que dans les soins et l'assistance apportés aux proches (art. 27 al. 1 du règlement sur l'assurance-invalidité, du 17 janvier 1961 - RAI - RS 831.201). Ils sont détaillés dans le tableau établi par l'office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS), sur lequel l'enquêteur doit se fonder (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 393/03 du 13 avril 2005 consid. 5.2 ; ch. 3090 CIIAI ; ATAS/353/2021 du 21 avril 2021 consid. 5c et 6c). Ce tableau répartit comme suit les domaines partiels de la gestion du ménage, en en fixant les proportions minimales et maximales, qu'il incombe à l'enquêteur de préciser :

 

Activités

% minimal

% maximal

Alimentation (préparer et cuire les aliments, servir les repas, nettoyer la cuisine au quotidien, faire des provisions)

0

50

Entretien du logement (ranger, épousseter, passer l'aspirateur, entretenir les sols, nettoyer les installations sanitaires, changer les draps de lit, nettoyer en profondeur, soigner les plantes, le jardin, l'extérieur de la maison, sortir les déchets) et garde des animaux domestiques

0

40

Achats (courses quotidiennes et achats plus importants) et courses diverses (poste, assurances, services officiels)

0

10

Lessive et entretien des vêtements (laver, étendre et plier le linge, repasser, raccommoder, nettoyer les chaussures)

0

20

Soins et assistance aux enfants et aux proches

0

50

 

c. L'évaluation des empêchements d'accomplir les travaux habituels requiert la réalisation d'une enquête économique sur le ménage par une personne qualifiée (art. 69 al. 2 phr. 2 RAI ; ATF 130 V 97 consid. 3), en principe une infirmière spécialisée du service extérieur de l'office de l'AI considéré, étant précisé que le fait que l'enquêtrice soit dans un rapport de subordination vis-à-vis d'un tel office (soit de l'intimé) ne permet pas de conclure à un manque d'objectivité de sa part et à un parti pris (ATF 130 V 61 consid. 4 p. 93). Exceptionnellement, notamment pour des assurés atteints de troubles psychiques, il peut s'avérer nécessaire d'associer un médecin spécialiste des pathologies considérées à l'évaluation le cas échéant contestée des empêchements d'accomplir les travaux habituels (arrêts du Tribunal fédéral 8C_620/2011 du 8 février 2012 consid. 4 ; 9C_201/2011 du 5 septembre 2011 consid. 2 ; 9C_108/2009 du 29 octobre 2009 consid. 4.1 ; Michel VALTERIO, op.cit., n. 112 ad art. 28a).

Il est par ailleurs essentiel que la personne qualifiée en charge de l'enquête et de l'établissement du rapport d'enquête ait connaissance non seulement de la situation locale et spatiale de l'assuré, mais aussi de ses empêchements et de ses handicaps résultant des diagnostics médicaux.

d. Le statut de personne non-active de l'assuré dont l'invalidité doit être évaluée ne change cependant rien au fait que si l'invalidité est une notion juridique mettant l'accent sur les conséquences économiques d'une atteinte à la santé, elle n'en comprend pas moins un aspect médical important, puisqu'elle doit résulter d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique. En conséquence, pour que l'administration ou, sur recours, le juge puissent se prononcer sur l'existence et la mesure d'une invalidité, mais aussi sur la survenance d'une invalidité, il est indispensable qu'ils disposent de documents de médecins, éventuellement d'autres spécialistes. C'est en effet à des médecins que revient la tâche de porter un jugement sur l'état de santé de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références), même si, pour des assurés non actifs, le degré d'empêchement d'accomplir les travaux habituels ne doit pas être déterminé sur une base médico-théorique, mais en tenant compte des conséquences concrètes de l'atteinte à la santé sur chacune des activités qui les constituent. Et, pour avoir une valeur probante, les rapports attendus des médecins doivent se fonder sur des examens complets, prendre en considération les plaintes exprimées, avoir été établis en pleine connaissance du dossier, décrire le cas échéant les interférences médicales de façon claire et comporter des conclusions bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

6.        a. En l'espèce, il ne saurait être retenu que l'évaluation de l'invalidité de la recourante s'est faite sur la base d'une connaissance approfondie de la situation médicale de celle-ci, pourtant requise pour déterminer ses empêchements d'accomplir les travaux habituels, déjà de façon contemporaine (au 31 janvier 2019), et aussi et a fortiori à l'époque de l'arrivée en Suisse (le 17 avril 2005).

b. L'enquêtrice a fait mention, au titre des atteintes à la santé, d'une hydrocéphalie à pression normale à sévère avec des troubles neurocognitifs (rapport d'enquête ménagère, p. 1). Sans doute le diagnostic d'hydrocéphalie et de tels troubles figuraient-il dans les pièces médicales du dossier dès l'année 2016, ayant été posé à la suite de l'IRM que le médecin traitant de la recourante a fait subir à cette dernière le 24 avril 2016, et était-il mentionné de façon même principale dans le rapport du neurochirurgien H______ du 7 juin 2016 (qui n'a cependant eu qu'un accès partiel aux images de cette IRM et dont le rapport versé au dossier de l'intimé est incomplet), de même que dans les rapports des neurochirurgiens des HUG des 26 et 27 juillet 2016, du 24 novembre 2016 (incomplet dans le dossier de l'intimé) et 24 mai 2017. Et sans doute y a-t-il une certaine convergence dans ces pièces médicales que cette hydrocéphalie est - non catégoriquement, mais vraisemblablement - d'origine congénitale.

Il n'empêche que le dossier médical comporte la mention d'hospitalisations en décembre 2006 et octobre 2007 en milieu psychiatrique en raison d'un trouble dépressif récurrent dans un contexte de difficultés relationnelles familiales et d'éloignement géographique du pays d'origine, et qu'il attribue les troubles mnésiques et exécutifs importants de la recourante du moins aussi à ce trouble dépressif (rapport du bilan neuropsychologique du 3 avril 2008 ; rapport des examens neuropsychologique et psychocomportemental des 26 et 27 juillet 2016 : « une origine psychiatrique participe clairement au tableau cognitif » ; rapport de l'examen neuropsychologique et psychocomportemental du 24 mai 2017, qui fait état d'une symptomatologie anxio-dépressive).

c. Le risque est trop grand que l'évaluation des empêchements de la recourante d'accomplir les travaux ménagers a été biaisée par une sous-estimation sinon une ignorance des troubles psychiatriques, même si la possible participation d'une pathologie psychiatrique au tableau cognitif a été ajoutée à la fin du rapport d'enquête (cf. infra consid. 6d). La valeur probante du rapport d'enquête économique sur le ménage s'en trouve d'autant plus fragilisée que non seulement il était indispensable que l'enquêtrice pût s'appuyer sur des diagnostics fiables posés par des médecins - psychiatre, neuropsychiatre et/ou neurochirurgien - dans des rapports dûment étayés et motivés, reposant sur une anamnèse complète, tirant les interférences médicales au clair, mais encore qu'il pouvait s'avérer nécessaire, en présence des pathologies considérées, qu'un médecin d'une de ces spécialités soit associé à l'évaluation de l'impact des troubles en question sur la capacité de la recourante d'accomplir ses travaux habituels.

Cette appréciation vaut déjà pour la situation contemporaine de la recourante lors de l'enquête ménagère faite (donc au 31 janvier 2019), mais aussi et a fortiori pour sa situation lors de son arrivée en Suisse (donc au 17 avril 2005).

d. A cet égard-ci, on ne peut qu'être interloqué par le fait que cet examen rétroactif - d'autant plus qu'il était difficile à réaliser - n'a pas été fait par un médecin, mais par l'infirmière enquêtrice, de surcroît sur la base de déclarations de la fille de la recourante. Il est fort surprenant que le SMR lui-même a émis son avis médical le 6 février 2019, après que l'enquêtrice avait rencontré la recourante, pour retenir, « au vu des éléments recueillis lors de l'enquête ménagère à domicile » - soit au vu des constatations de l'infirmière ayant réalisé l'enquête ménagère et notamment des déclarations de la fille de l'assurée -, que l'hydrocéphalie était d'origine congénitale et la cause des déficits neurocognitifs sévères et permanents de la recourante, et que la capacité de travail de cette dernière dans l'économie de marché était nulle avant son arrivée en Suisse.

Or, le dossier médical comporte des indices que la situation de la recourante a pu se péjorer sensiblement plusieurs années après son arrivée en Suisse. Lorsque la Dre G______ lui a fait subir une IRM, le 24 avril 2016, les troubles de l'équilibre et les vertiges de la recourante s'étaient péjorés depuis une année ; le rapport d'examen neuropsychologique et neurocomportemental du 28 juillet 2016 fait quant à lui mention d'une aggravation de ses troubles cognitifs et de ses difficultés à la marche depuis quatre ans. Dans son avis médical du 2 juillet 2018, le SMR a situé l'incapacité de travail totale de la recourante en avril 2016. L'examen neuropsychologique et neurocomportemental du 27 juillet 2016 serait superposable à celui qui avait été réalisé le 3 avril 2008. Le dossier médical ne contient par ailleurs pas d'explication commandant de retenir que, pour le cas (présenté comme vraisemblable) où l'hydrocéphalie de la recourante serait d'origine congénitale, elle aurait de ce fait nécessairement été invalidante dès avant l'arrivée en Suisse.

7.        Il s'impose d'autant plus de considérer que le dossier médical est insuffisant pour fonder la décision attaquée que, sous réserve de l'examen neuropsychologique et neurocomportemental effectué le 16 mai 2017 aux HUG, tous les autres examens médicaux ainsi que l'enquête ménagère ont été réalisés sans le concours d'un interprète fiable, mais avec celui le plus souvent d'une fille de la recourante (mais on ne sait laquelle, sauf pour l'enquête ménagère) et une fois de l'époux de la recourante, et ce alors que cette dernière est albanophone et ne maîtrise pas le français.

Or, si les échanges écrits entre un assureur social et un assuré doivent avoir lieu dans la langue officielle (en Suisse) que parle ce dernier, soit, s'il s'agit d'un organisme cantonal, dans la langue officielle du canton, l'assuré n'en a pas moins droit à la présence d'un interprète dans la mesure où celle-ci s'avère nécessaire pour la complète et correcte instruction du dossier, notamment en cas d'expertise psychiatrique (Ueli KIESER, Kommentar ATSG, 4ème éd., 2020, n. 25 ad art. 43 ; Anne-Sylvie DUPONT, in CR-LPGA, n. 7 ss ad art. 42 ; Jacques-Olivier PIGUET, CR-LPGA, n. 49 s ad art. 42). L'interprète ne doit pas nécessairement posséder un diplôme spécifique, mais il doit disposer des compétences linguistiques nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral I 77/07 du 4 janvier 2008 consid. 5.2).

Il ne saurait être admis que tel a été le cas en l'espèce. Certains des rapports médicaux font en effet mention d'un défaut de fiabilité des traductions ainsi assurées, en particulier le rapport du Dr H______ du 7 juin 2016 (« l'examen clinique a été difficile en raison d'une barrière de la langue ») et le rapport de l'examen neuropsychologique et neurocomportemental du 27 juillet 2016 (évoquant une qualité de traduction contribuant à ce qu'il soit impossible de se prononcer quant à une éventuelle amélioration des performances cognitives après la ponction lombaire). Force est dès lors de retenir que ces rapports ont été établis en violation du droit d'être entendu de la recourante, dont se déduit le droit précité à l'aide d'un interprète présentant les compétences nécessaires (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101).

8.        a. Il faut aussi que l'interprète présente des garanties d'indépendance et d'impartialité, et, en plus, qu'il soit en mesure de tenir compte du contexte socioculturel de la personne pour laquelle il intervient. Aussi est-ce avec beaucoup de réserve qu'il faut admettre que l'interprétation soit assurée par un membre de la famille ou des proches de la personne concernée, particulièrement pour une anamnèse psychiatrique (ATF 140 V 260 consid. 3.2 ; Jacques-Olivier PIGUET, CR-LPGA, n. 49 s ad art. 42). En l'occurrence, compte tenu du moins de la probable dimension psychiatrique des troubles cognitifs de la recourante, il était nécessaire que les examens neuropsychologiques et neurocomportementaux soient réalisés avec le concours, comme interprète, non d'une fille ou de l'époux de la recourante, mais d'une personne dotée des qualités précitées.

b. Il aurait aussi été souhaitable que tel soit le cas pour l'enquête ménagère. En tout cas n'était-il pas admissible que la fille de la recourante soit interrogée pour l'essentiel en lieu et place de cette dernière, au point d'être en réalité substituée à sa mère, restée mais aussi laissée essentiellement passive.

L'inobjectivité du procédé saute en l'espèce aux yeux quand on mesure qu'en l'occurrence la fille de la recourante a estimé devoir et pouvoir renseigner l'enquêtrice sur des faits remontant aux années de son enfance en Macédoine du nord, avant et jusqu'à l'arrivée de la recourante en Suisse, soit alors qu'elle-même avait au plus onze ans, et de surcroît qu'elle a été amenée à desservir les intérêts de sa mère puisque les renseignements ainsi collectés auprès d'elle ont été utilisés pour nier que la recourante remplissait les conditions d'assurance ouvrant le droit à une rente d'invalidité.

Si l'enquêtrice n'a probablement pas exploité sciemment la situation, il ne ressort aucunement du dossier et apparaît des plus improbables qu'elle aurait informé la fille de la recourante de son droit de refuser de témoigner (ainsi qu'elle était en réalité amenée à le faire à son insu). Dans le cadre de l'instruction d'une demande de prestations d'assurances sociales, les témoignages ne sont admissibles, en l'absence de disposition à ce propos dans la LPGA (art. 55 al. 1 LPGA), qu'aux conditions prévues aux art. 14 ss de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA - RS 172.021), dont l'art. 16 al. 1 prévoit que le droit de refuser le témoignage est régi par l'art. 43 al. 1 et 3 de la loi fédérale du 4 décembre 1947 de procédure civile fédérale (RS 273), qui, en substance, permet à une personne de refuser de témoigner sur des faits dont la révélation exposerait notamment un parent en ligne directe notamment à un dommage pécuniaire certain (Ueli KIESER, op.cit., n. 40 et 90 ad art. 28, n. 47 ad art. 43 ; Guy LONGCHAMP, CR-LPGA, n. 12 i.f. ad art. 28).

9.        a. Il s'ensuit que la décision attaquée repose doublement sur une violation des garanties procédurales de la recourante, en plus qu'elle ne se fonde pas sur des rapports médicaux et un rapport d'enquête ménagère ayant une valeur probante suffisante, et ce non seulement pour l'évaluation contemporaine de l'invalidité de la recourante mais aussi pour celle d'une survenance d'invalidité le cas échéant antérieure à l'arrivée en Suisse.

Aussi la chambre de céans annulera-t-elle la décision attaquée et renverra-t-elle la cause à l'intimé pour que la situation médicale de la recourante soit instruite dûment, d'abord par des médecins spécialistes des pathologies de la recourante, tant pour le passé incluant la période de l'arrivée de cette dernière en Suisse que pour la période contemporaine, et qu'ensuite une nouvelle enquête économique sur le ménage soit réalisée, dans le respect des garanties procédurales de la recourante et de l'exigence - si l'élucidation approfondie de la situation médicale en confirmait la nécessité - d'associer un médecin spécialiste à l'évaluation (rétroactive et contemporaine) de ses empêchements d'accomplir les travaux habituels. Il appartiendra ensuite à l'intimé de rendre une nouvelle décision.

b. Dès lors, la question ne saurait être tranchée en l'état de savoir si, dans le cadre de l'enquête économique sur le ménage fondant la décision attaquée, l'aide de la famille de la recourante a ou non été prise en compte à double, soit d'une part au titre de la supervision de la famille qui, selon l'intimé, était déjà présente et nécessaire « avant l'atteinte à la santé », et au titre de l'aide exigible de la famille « après l'atteinte à la santé ». Il appartiendra à l'intimé, le moment venu, de veiller à ce qu'il y ait une pleine cohérence à ce sujet entre l'évaluation faite des empêchements bruts (en particulier pour l'alimentation [50 %], l'entretien du logement [70 %] ainsi que la lessive et l'entretien des vêtements [50 %]) et l'exigibilité fixée pour les différents champs d'activité (30 %).

10.    a. La procédure n'est pas gratuite en matière de contestation portant sur l'octroi ou le refus de prestations de l'AI devant le tribunal cantonal des assurances (art. 69 al. 1bis LAI), en dérogation à l'art. 61 let. a LPGA (dans sa version ici applicable). Aussi un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de l'intimé.

b. La recourante obtenant partiellement gain de cause, et étant représentée par un avocat, il doit lui être alloué une indemnité de procédure, qui sera arrêtée à CHF 1'500.- (art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) et mise à la charge de l'intimé.

 

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet, au sens des considérants.

3.        Annule la décision de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève du 20 décembre 2019 et renvoie la cause à cet office pour instruction complémentaire, au sens des considérants, puis nouvelle décision.

4.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'office précité.

5.        Alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de l'office précité.

6.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

Le président suppléant

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le