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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1395/2019

ATAS/393/2020 du 14.05.2020 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1395/2019 ATAS/393/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 mai 2020

10ème Chambre

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, GENÈVE, représentée par ASSUAS association suisse des assurés

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née en 1981, d'origine portugaise, sans formation professionnelle, mariée, mère de quatre enfants, nés respectivement le ______ 2010, ______ 2012, ______ 2013 et ______ 2017, a travaillé en tant que serveuse à plein temps auprès de B______ du 1er décembre 2007 au 31 décembre 2010, date de la fin des rapports de travail suite à son licenciement.

2.        L'assurée a été mise en arrêt de travail total à compter du 12 juin 2010.

Le 3 janvier 2011, elle a déposé une demande de prestations auprès de l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : l'OAI), invoquant des talalgies bilatérales.

3.        Le 18 février 2011, l'assurée a eu un entretien avec l'OAI, dont le contenu a été retranscrit dans un rapport d'évaluation du même jour. À cette occasion, elle a déclaré qu'au vu de la naissance de son fils, elle aurait, sans atteinte à la santé, probablement travaillé à 50%.

4.        Mandaté par l'assureur perte de gain maladie, le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a, dans son rapport d'expertise du 22 mars 2011, retenu le diagnostic de talalgie simple bilatérale sur une fasciite plantaire modérée. La marche s'effectuait sans boiterie, avec un déroulement du pas sans particularité des deux côtés. Les douleurs au genou, apparues en octobre 2010, avaient cessé. La capacité de travail (ci-après : CT) était totale dans l'activité habituelle à la date de l'expertise (le 16 février 2011), moyennant le port de chaussures adéquates avec une semelle souple et amortissante. Dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles (éviter le port de charges lourdes systématiques sur de longues distances), la CT était entière.

5.      Par avis du 16 juin 2011, le service médical régional AI pour la Suisse romande (ci-après : le SMR) a fait siennes les conclusions du Dr C______.

6.        Par décision du 13 septembre 2011, l'OAI a rejeté la demande de prestations, l'incapacité de travail n'ayant pas duré une année.

7.        Dans une attestation du 25 juillet 2016, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a relevé que l'assurée souffrait de fibromyalgie depuis 2012 avec pour symptômes des douleurs généralisées diffuses, une fatigue importante, ainsi que des douleurs ostéo-articulaires quasi constantes. Elle présentait également des épines calcanéennes depuis 2010 ainsi qu'une hernie discale.

8.        Le 18 août 2016, l'assurée a déposé une nouvelle demande de prestations, en invoquant des talalgies, deux hernies discales, un état dépressif et une fibromyalgie.

9.        Une imagerie par résonnance magnétique (IRM) de la colonne lombaire du 31 août 2016 a mis en évidence une discopathie modérée L4-L5 de type Modic 1, sans hernie discale.

10.    Dans un rapport reçu par l'OAI le 10 octobre 2016, le Dr D______ a posé les diagnostics, avec effet sur la CT, de fibromyalgie (17 points douloureux sur 18), d'épines calcanéennes, d'aponévrosites plantaires des deux côtés et d'un trouble dépressif récurrent. La CT de l'assurée était nulle dans toute activité.

11.    Dans un rapport du 11 novembre 2016, la doctoresse E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué suivre l'assurée depuis le 27 avril 2016, après un premier suivi de mai à novembre 2012. Celle-ci présentait, avec répercussion sur la CT, un trouble dépressif récurrent avec un épisode actuel moyen (F33.1), confirmé par l'échelle de Hamilton (score à 17 le 2 avril 2016) dans un contexte de fibromyalgie, diagnostiquée en 2016, et de douleurs plantaires bilatérales liées à des épines calcanéennes. L'assurée se plaignait d'asthénie quotidienne, d'une perte d'intérêt pour les activités quotidiennes, d'une perte de plaisir, d'une grande irritabilité, et d'une tristesse avec pleurs fréquents, sans idées suicidaires ni insomnies. Elle était très anxieuse vis-à-vis de son avenir. Son appétit était normal et son poids stable. La CT, qui dépendait principalement des troubles physiques, était nulle dans toute activité. Les capacités de concentration, de compréhension et d'adaptation n'étaient pas limitées. La résistance l'était en raison de l'asthénie.

12.    À la demande de l'OAI, une expertise rhumatologique et psychiatrique, mise en place auprès du Centre d'expertises médicales (CEMed), a été réalisée les 6 et 11 avril 2018 par les docteurs F______, spécialiste en médecine physique et réadaptation, et G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

Dans leur rapport du 29 mai 2018, les experts ont retenu, avec répercussion sur la CT, les diagnostics de cervicalgies sur cervicarthrose C4/C5, C5/C6, et de lombalgies avec pincements discaux L4-L5 et L5-S1. Sans répercussion sur la CT, l'assurée présentait une dysthymie (F34.1), un syndrome douloureux diffus sans substrat, et une fasciite plantaire postérieure gauche anamnestique. Sur le plan somatique, la CT était entière dans l'activité habituelle en respectant les limitations fonctionnelles (pas de port répétitif de charges supérieures à 8 kg, possibilité de varier les positions assise et debout ou de s'asseoir quelques minutes chaque heure en cas de station debout prolongée), avec une diminution de rendement de 10% pour permettre l'alternance des positions. Sur le plan psychique, la CT était complète dans toute activité sans diminution de rendement, en l'absence de limitation fonctionnelle.

13.    Par avis du 25 juin 2018, le SMR, se référant à cette expertise, a retenu une CT entière dans toute activité respectant les limitations fonctionnelles, avec une baisse de rendement de 10% dans l'activité habituelle, ce dès août 2016, date de la première radiographie connue du rachis.

14.    Dans un projet de décision du 5 juillet 2018, ayant reconnu à l'assurée le statut d'active, l'OAI a nié le droit à toute prestation. Le degré d'invalidité était fixé à 10%.

15.    Le 26 août 2018, l'assurée a contesté ce projet de décision.

16.    Par avis du 10 septembre 2018, le SMR a, sur la base des critiques émises par le Dr D______ dans un courrier du 28 août 2018 à l'encontre de l'expertise somatique, nié la valeur probante du rapport d'expertise du 29 mai 2018, et préconisé la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise bi-disciplinaire avec un spécialiste FMH en rhumatologie.

17.    Dans un rapport du 23 octobre 2018 relatif à des radiographies des chevilles, pieds, poignets, genoux, épaules, colonne cervico-dorso-lombaire et des hanches effectuées la veille, il a été conclu à un bilan radiologique démontrant essentiellement des signes de discarthrose C4/C5 et C5/C6, associée à des troubles statiques de la colonne, ainsi qu'un éperon calcanéen bilatéral.

18.    Dans une attestation du 8 novembre 2018, Madame H____________, psychologue, a indiqué suivre l'assurée depuis le 19 octobre 2018, laquelle présentait un état dépressif et un épuisement somatique réactionnel aux souffrances physiques (fibromyalgie et épines calcanéennes). Il en résultait une invalidité physique conséquente, induisant un retrait social et professionnel.

19.    Le 16 novembre 2018, l'assurée a été examinée par les docteurs I______, spécialiste FMH en rhumatologie, et J____________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, tous deux médecins auprès du SMR.

Dans leur rapport du 25 janvier 2018, les examinateurs ont résumé les pièces au dossier, relaté l'anamnèse (familiale, scolaire, professionnelle, par système, psychosociale, psychiatrique) et les plaintes de l'assurée, décrit le contexte psychosocial, ses habitudes, ainsi que sa vie quotidienne, avant de procéder à l'appréciation consensuelle du cas.

Durant l'entretien avec le rhumatologue, d'une durée de cinquante-cinq minutes, l'assurée s'était levée après vingt minutes, se plaignant d'être restée assise trop longtemps. Après cinq minutes debout, elle s'était rassise jusqu'à la fin de l'entretien.

Au status neurologique, l'examinateur a indiqué que l'assurée déambulait sans poser le talon gauche. La marche sur les talons s'effectuait de manière incomplète en posant les talons sur le bord du pied. L'accroupissement était légèrement limité. L'assurée se plaignait de dysesthésies au testing de la sensibilité superficielle de tout le corps. Ces troubles sensitifs mal systématisés, qui n'étaient pas latéralisés, étaient probablement d'origine fonctionnelle, au vu du reste du status neurologique, qui était rassurant.

Au status ostéo-articulaire, il n'existait pas d'importants troubles statiques du rachis. La mobilité lombaire était cependant très limitée. L'assurée poussait des soupirs et des gémissements lors de l'examen du rachis et de l'appareil locomoteur de manière démonstrative. La mobilité cervicale était également limitée, l'assurée poussait des gémissements. La mobilité des articulations périphériques était bien conservée. Seule la distance pouce - 7ème vertèbre cervicale était légèrement augmentée à l'épaule droite par rapport à l'épaule gauche. Cependant, les épreuves de périarthrite scapulo-humérale étaient toutes négatives. L'assurée ne présentait pas de périarthrite de hanche, mais poussait des gémissements et des cris à la mobilisation des hanches.

L'examinateur a relevé des signes de Waddell (5 points sur 5), sous forme de lombalgies à la pression axiale céphalique, à la rotation du tronc, d'une importante discordance entre la distance doigts-sol et la distance doigts-orteils sur le lit d'examen, de troubles sensitifs mal systématisés du corps et d'une importante démonstrativité à l'examen du rachis lombaire.

L'assurée présentait des douleurs à la palpation de tous les points typiques de la fibromyalgie selon les anciens critères (18 points) et les nouveaux critères révisés en 2016.

Au status psychiatrique, l'examinateur a mentionné notamment qu'au cours de l'entretien, d'une durée d'une heure et vingt-cinq minutes, aucune attitude antalgique n'avait été mise en évidence. Il n'existait pas de signes en faveur de crises d'anxiété aiguë, ni de trouble de la personnalité. L'assurée présentait un abaissement de l'humeur fluctuant, discret à moyen. Il existait une réduction de l'énergie à la fois matinale et vespérale qui n'était pas d'origine dépressive : l'assurée mettait en relation l'asthénie matinale avec sa mauvaise nuit due aux douleurs et l'asthénie vespérale avec le fait qu'elle était épuisée par la journée qu'elle venait de passer.

Sur la base de l'examen clinique et des imageries, y compris radiologiques, les examinateurs ont retenu les diagnostics, avec répercussion sur la CT, de talalgies bilatérales dans le cadre d'éperons calcanéens bilatéraux et d'une fasciite plantaire bilatérale; de fibromyalgie; de rachialgies diffuses avec cervicoscapulalgies dans le cadre de troubles dégénératifs du rachis, surtout cervical; et de syndrome rotulien bilatéral dans le cadre d'une très discrète gonarthrose avec status après rupture subtotale du ligament croisé antérieur gauche et contusions osseuses dans le condyle fémoral externe et l'épiphyse proximale du tibia. Sans répercussion sur la CT, l'assurée présentait une suspicion clinique de syndrome du tunnel carpien bilatéral; un excès pondéral avec body mass index à 27,5; un discret status variqueux des membres inférieurs; un status après fracture de stress de la base du 4ème métatarse gauche; et une dysthymie (F34.1).

Le diagnostic de dysthymie avait été retenu en présence d'un affaissement chronique de l'humeur existant depuis 2010 en relation avec l'apparition progressive des douleurs. Aucun épisode dépressif caractérisé n'était mis en évidence à l'examen, en l'absence des trois critères majeurs de la dépression (abaissement de l'humeur fluctuant et non permanent; pas de diminution de l'intérêt et du plaisir; réduction de l'énergie qui n'était pas d'origine dépressive). Il n'existait en outre ni troubles de l'attention, de la concentration ou de la mémoire, ni d'attitude morose et pessimiste face à l'avenir (l'assurée déclarait avoir confiance et espérait « trouver une guérison pour cette maladie, pouvoir être heureuse et ouvrir le business dont [elle avait] toujours rêvé, la cuisine »), ni d'idéation suicidaire, ni de perturbation du sommeil d'origine dépressive ni de diminution de l'appétit. L'assurée avait affirmé avoir perdu 12 kg depuis le mois d'août dernier en raison du régime qu'elle avait suivi. Enfin, seul un symptôme du syndrome de la dépression était présent (diminution marquée de la libido).

L'examinateur ne retenait pas le diagnostic de trouble dépressif récurrent, l'assurée n'ayant jamais présenté d'antécédents psychiatriques avant 2010. De plus, le fait que les capacités de concentration, compréhension et adaptation étaient restées intactes selon les rapports des médecins traitants plaidait contre la survenue d'un épisode dépressif caractérisé.

Sur le plan rhumatologique, les limitations fonctionnelles étaient en ce qui concernait le rachis : nécessité de pouvoir alterner deux fois par heure les positions assise et debout, pas de soulèvement régulier de charges d'un poids excédant 5 kg, pas de port régulier de charges d'un poids excédant 8 kg, pas de travail en porte-à-faux statique prolongé du tronc, pas d'exposition à des vibrations, pas de mouvements répétés de flexion-extension de la nuque, pas de rotation rapide de la tête, pas de position prolongée en flexion ou extension de la nuque; et en ce qui concernait les membres inférieurs : pas de génuflexions répétées, pas de franchissement régulier d'escaliers, d'escabeau ou échelle, pas de marche en terrain irrégulier, pas de travail en hauteur, pas de position debout ou de marche de plus d'un quart d'heure. Sur le plan psychiatrique, les limitations fonctionnelles étaient : les troubles du sommeil et la fatigue liée aux douleurs.

L'activité habituelle, eu égard à ces limitations fonctionnelles, n'était pas exigible. Par contre, dans une activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles, la CT était de 50%, taux qui tenait compte de la fibromyalgie et des autres diagnostics ostéo-articulaires. Aucune raison biomécanique ne justifiait de retenir une incapacité de travail supérieure à 50%. La tolérance à la position assise en cours d'entretien avait été relativement satisfaisante.

Des motifs d'exclusion (importante démonstrativité et exagération des symptômes) et des incohérences étaient relevés. L'assurée cotait ses douleurs au maximum de l'échelle d'évaluation de la douleur (EVA), mais avait pu se rendre au Portugal en voiture en juillet 2018 (bien que son mari ait conduit et que le trajet ait duré deux jours et demi). Elle arrivait également à effectuer une partie du ménage (enlever la poussière chambre par chambre avec des pauses, mettre la lessive dans la machine à laver le linge et dans le séchoir). Elle utilisait également les transports publics sans problème, excepté lorsqu'elle était bousculée par les gens.

L'assurée présentait également des ressources disponibles ou mobilisables. Elle était bien soutenue par son mari et sa soeur qui s'occupaient des enfants et faisaient le ménage.

L'assurée n'était pas motivée à reprendre une activité professionnelle adaptée à ses limitations fonctionnelles.

La thérapie était conduite selon les règles de l'art.

Sur le plan rhumatologique, l'incapacité de travail, restée totale depuis 2012 dans l'activité habituelle, était de 50% dans une activité adaptée strictement adaptée aux limitations fonctionnelles. Sur le plan psychique, le degré d'incapacité de travail de 50% dans le contexte du trouble douloureux (fibromyalgie) était demeuré inchangé depuis le 27 avril 2016, date de la première consultation auprès de la Dresse E______.

En définitive, la CT exigible était nulle dans l'activité habituelle, mais de 50% dans une activité adaptée depuis 2012.

20.    Par décision du 7 mars 2019, l'OAI a mis l'assurée au bénéfice d'une demi-rente d'invalidité dès le 1er février 2017. La comparaison des gains sans invalidité de CHF 49'714.- et avec invalidité de CHF 23'149.- aboutissait à un degré d'invalidité de 53% à l'issue du délai d'attente d'un an en janvier 2013. La demande de prestations ayant toutefois été déposée tardivement, la rente ne pouvait être versée qu'en février 2017.

21.    Par acte du 5 avril 2019, déposé auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS), l'assurée a, par l'intermédiaire du Dr D______, déclaré former « opposition totale » à la décision précitée.

Le Dr D______ a contesté l'expertise orthopédique de 2011, qui n'avait pas évoqué la fibromyalgie, alors que cette affection existait déjà à l'époque. Après avoir également remis en cause l'expertise somatique du 6 avril 2018, il a estimé que l'expertise psychiatrique avait été adéquate, car elle mettait en évidence l'influence de la fibromyalgie sur l'état psychique de la patiente, rendant l'état dépressif non pas primaire mais secondaire et réactionnel à la vie très invalidante d'une patiente fibromyalgique. S'agissant de l'expertise du 16 novembre 2018, le Dr D______ a indiqué que les experts rhumatologue et psychiatre avaient parfaitement accompli leur mission, mais se référant à l'annexe - jointe à son courrier - qui décrivait la vie quotidienne de sa patiente du 1er au 14 mars (douleurs, sommeil non réparateur, réveils nocturnes assortis de massages fréquents par l'époux, besoin d'aide de la soeur et de quelques amis durant la journée pour les tâches nécessaires à la tenue du ménage, aucune activité de loisir), il a considéré qu'elle devrait bénéficier d'une rente complète.

22.    Par acte du 8 avril 2019, l'assurée, représentée par Assuas, a interjeté recours contre la décision du 7 mars 2019, concluant, sous suite de frais et dépens, principalement, à son annulation ainsi qu'à l'octroi d'une rente entière d'invalidité; et subsidiairement, au renvoi de la cause à l'intimé pour instruction complémentaire.

La recourante a reproché aux experts de ne pas avoir retenu, à l'inverse de la Dresse E______, le diagnostic d'un trouble dépressif récurrent, au motif qu'elle n'avait pas présenté d'antécédents psychiatriques avant 2010. Cette conclusion était absurde, car cela revenait à dire que personne ne pourrait faire valoir une invalidité en l'absence d'un état invalide auparavant. Dans ses rapports, le Dr D______ retenait du reste une CT nulle dans toute activité. L'intimé, en tranchant l'affaire sans indiquer les motifs pour lesquels il se fondait sur l'expertise plutôt que sur les rapports des Drs E______ et D______, avait violé la jurisprudence.

La recourante a ensuite estimé que la conclusion selon laquelle elle disposerait d'une CT de 50% dans une activité adaptée n'était pas cohérente. Les experts avaient perdu de vue qu'elle n'avait, durant l'examen, tenu que vingt minutes en position assise, ayant demandé à se lever après ce laps de temps en raison de ses douleurs. En outre, son mari avait dû faire de fréquentes pauses lors de leur voyage en voiture au Portugal en juillet 2018, raison pour laquelle celui-ci avait duré deux jours et demi. Les experts avaient donc considéré à tort que la position assise au cours de l'entretien avait été relativement satisfaisante. Les experts avaient également passé sous silence le fait qu'elle n'avait pas d'amies en Suisse. Par ailleurs, la conclusion selon laquelle elle ne serait pas tant handicapée par ses douleurs, car elle était encore capable de faire la lessive, de mettre le linge dans le séchoir et d'enlever la poussière par étape et par chambre n'était pas convaincante, puisqu'il s'agissait là d'activités ponctuelles, effectuées sur une courte durée, moyennant des pauses. Or, un travail adapté à 50% nécessitait la pratique d'une activité plusieurs heures à la suite.

Les experts n'avaient pas non plus expliqué les raisons pour lesquelles ils estimaient que les gémissements de l'expertisée seraient des exagérations. Ils avaient méconnu le fait que la fibromyalgie entraîne des douleurs inexplicables physiquement. Ils n'avaient donc pas pris en compte ses plaintes.

La recourante a en outre considéré que le fait qu'elle soit soutenue par son entourage n'était pas pertinent pour évaluer sa CT, car ses proches ne pouvaient l'aider que pour effectuer les tâches ménagères, et non pour affronter le monde du travail.

Enfin, la recourante a exposé que la décision du 13 septembre 2011 devait être reconsidérée, dès lors qu'elle se fondait sur une expertise, non probante, qui n'avait pas été établie en pleine connaissance de l'anamnèse. À cette époque, la fibromyalgie était présente et l'anamnèse familiale aurait pu permettre de constater qu'il y avait de fortes probabilités que l'expertisée soit atteinte de cette maladie, à l'instar de sa mère et de ses cinq frères et soeurs. Il convenait en conséquence de lui allouer une rente entière dès juillet 2011, soit six mois après sa première demande.

23.    Dans sa réponse du 30 avril 2019, l'intimé a conclu au rejet du recours.

Il a fait valoir que le rapport d'examen du 25 janvier 2018 remplissait tous les réquisits jurisprudentiels pour se voir reconnaître une pleine valeur probante. En particulier, les rapports des médecins traitants avaient été pris en compte par les examinateurs pour fonder leur appréciation. Sur cette base, ces derniers avaient retenu que la recourante n'avait pas présenté d'antécédents psychiatriques avant 2010. Ils avaient également constaté que ses capacités de concentration, de compréhension ou d'adaptation étaient restées intactes et non limitées, ce qui plaidait contre la survenue d'un épisode dépressif caractérisé. Le diagnostic de dysthymie avait été retenu, en présence d'un affaissement chronique de l'humeur existant depuis 2010 et en relation avec l'apparition progressive des douleurs. Toutefois, aucun épisode dépressif caractérisé n'était mis en évidence au jour de l'expertise, les trois critères majeurs de la dépression étant absents. Le courrier du Dr D______ du 5 avril 2019 et son annexe n'apportaient pas d'éléments médicaux nouveaux objectifs permettant de remettre en cause l'évaluation faite par les examinateurs.

L'intimé a en outre estimé que les conditions d'une reconsidération de la décision du 13 septembre 2011, formellement passée en force, n'étaient pas réunies. Pour pouvoir qualifier une décision de manifestement erronée, il ne suffisait pas que l'assureur social ou le juge, en réexaminant l'un ou l'autre aspect du droit à la prestation d'assurance, procède simplement à une appréciation différente de celle qui avait été effectuée à l'époque et qui était, en soi, soutenable. Il n'y avait ainsi pas lieu de considérer, eu égard aux éléments à disposition à l'époque, que l'intimé ait statué sur la base d'un dossier manifestement insuffisant ou lacunaire, ou fait un usage manifestement erroné de son pouvoir d'appréciation.

24.    Dans sa réplique du 31 mai 2019, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle a répété que le rapport d'examen du 25 janvier 2018 n'était pas probant. Les experts retenaient comme limitation fonctionnelle le fait qu'elle devait éviter la position debout ou la marche de plus d'un quart d'heure. Or, à l'examen clinique, elle avait dû se lever au bout de vingt minutes en raison de ses douleurs, puis s'était rassise au bout de cinq minutes. Elle ne pouvait donc pas tenir plus de cinq minutes debout, ce que les experts n'avaient pas retenu à titre de limitation fonctionnelle.

Par ailleurs, les experts reconnaissaient eux-mêmes qu'ils n'avaient pas eu accès à un certain nombre de clichés radiologiques. Partant, leur expertise ne reposait pas sur des examens complets.

En outre, les experts, en affirmant que la recourante avait fait preuve de démonstrativité, n'avaient pas pris ses plaintes au sérieux. Elle avait coté ses douleurs à 10/10 à l'EVA, sans qu'ils ne remettent valablement en cause cette évaluation.

L'expertise n'avait pas non plus été établie en pleine connaissance de l'anamnèse, puisqu'elle ne mentionnait pas que la recourante n'avait pas d'amies en Suisse. Les experts avaient du reste ignoré le rapport de la Dresse E______ du 19 septembre 2016 qui posait le diagnostic de trouble dépressif récurrent avec un épisode actuel moyen sur la base de l'échelle de Hamilton qui avait abouti à un score de 17 le 2 avril 2016. Les plaintes rapportées à la Dresse E______ (asthénie quotidienne, perte d'intérêt pour les activités quotidiennes, perte de plaisir, grande irritabilité, tristesse avec pleurs fréquents sans idées suicidaires, sans insomnie, anxiété vis-à-vis de son avenir) contrastaient fortement avec le tableau que dressaient les experts. Ces derniers auraient dû reconnaître un épisode dépressif caractérisé, ou à tout le moins un trouble dépressif récurrent.

D'ailleurs, les experts, en retenant une incapacité de travail de 50%, au motif qu'il n'y aurait aucune raison biomécanique de reconnaître une incapacité de travail supérieure, ne motivaient pas suffisamment leurs conclusions. Ils affirmaient en quelque sorte qu'ils n'admettaient pas une incapacité de travail supérieure à 50% parce qu'ils ne voyaient aucune raison de le faire. Il s'agissait d'un raisonnement tautologique.

Enfin, la recourante a réitéré son argument relatif à la reconsidération de la décision du 13 septembre 2011.

25.    Dans sa duplique du 3 juillet 2019, l'intimé a persisté dans ses conclusions.

Il a relevé que, s'agissant des limitations fonctionnelles, les examinateurs avaient précisé au status, après que la recourante s'était plainte d'être restée assise trop longtemps, qu'ils lui avaient suggéré de se lever après vingt minutes d'entretien. Puis, après cinq minutes debout, elle s'était rassise jusqu'à la fin. Il n'était toutefois pas spécifié dans le rapport d'examen qu'elle ne pouvait pas tenir plus de cinq minutes debout, comme invoqué par son conseil.

L'intimé a ensuite ajouté que si les examinateurs n'avaient pas eu accès à un certain nombre de clichés radiologiques, ils avaient néanmoins valablement pu fonder leur appréciation en consultant les rapports y relatifs émanant des médecins de la recourante, qui comportaient une analyse précise de l'imagerie médicale radiologique.

26.    Dans une écriture spontanée du 2 octobre 2019, la recourante, s'appuyant sur le rapport joint du Dr D______ du 24 septembre 2019, a fait valoir que les experts ne pouvaient pas retenir qu'elle prenait les transports publics sans problème. L'aide apportée par ses proches était de nature à augmenter son invalidité plutôt qu'à la réduire. Les experts confondaient l'évaluation de la CT et l'évaluation de sa capacité à effectuer ses tâches ménagères. Or, ils ne devaient pas procéder à une enquête ménagère. Par ailleurs, elle faisait quelques tâches domestiques par espoir d'une amélioration de son état de santé physique. Or, une activité, même si elle était appropriée en soi, ne pouvait pas être exigée si elle dépassait, comme en l'espèce, manifestement les forces de la personne handicapée. Son voyage au Portugal, qui avait duré plus longtemps, du fait des pauses effectuées, nécessaires en raison de ses douleurs, devrait permettre de retenir un handicap plus important et non pas de minimiser ses douleurs. Le Dr D______ reconnaissait enfin des limitations fonctionnelles bien plus importantes que celles retenues par les experts.

Dans ledit rapport, le Dr D______ indiquait suivre la recourante depuis le 21 juin 2010 pour des épines calcanéennes. Il avait diagnostiqué la fibromyalgie en 2012, maladie, basée par définition sur des douleurs multiples, diffuses et invalidantes, étayée par une série de tests probants et reconnus, mais pas sur des troubles biomécaniques. Il a retenu, entres autres, le diagnostic d'état dépressif réactionnel et secondaire à la fibromyalgie.

Sa patiente présentait une augmentation des douleurs et de l'épuisement physique et psychique. Les traitements (Cipralex, Lyrica, Tramal, Ibuprofène, Oméprazole, Seresta) n'avaient eu qu'un effet partiel. Elle ne pouvait pas lever les bras au-dessus de l'horizontale, manquait de force, ses talalgies l'empêchaient de marcher, sa démarche était lente et l'ensemble du corps était douloureux, y compris le dos. Elle ne pouvait se charger de travaux lourds, ni faire les courses. Les nuits étaient systématiquement incomplètes et réduisaient la capacité à fournir un effort de base. Elle ne prenait les transports en commun que par contrainte, et de moins en moins, à cause de ses douleurs. Le fait qu'elle pouvait faire la lessive, mettre le linge dans le séchoir, qu'elle pouvait rester assise sans éprouver de grosses douleurs, et que ses proches l'aidaient ne permettait pas de réduire son incapacité de travail. Le voyage au Portugal avait été retenu par les experts pour confirmer une réduction de son handicap. Or, le but de ce voyage était une démarche de réconfort, de ressourcement et de bien-être moral, car cela faisait cinq ans qu'elle n'avait pas revu sa mère, âgée de 80 ans et très malade.

En outre, Waddell avait décrit des signes qui cherchaient à différencier des troubles organiques de trouble inorganiques, sans arrière-pensée de simulation, dans le cadre de lombalgies chroniques. Or, la symptomatologie de la recourante était bien plus étendue que celle de lombalgies. La fibromyalgie s'exprimait par la douleur vive, et non pas par des troubles biomécaniques. La douleur avait ses propres codes d'expression, uniques à chaque patient. Il ne fallait pas confondre l'expression de la douleur par un fibromyalgique avec une propension et une intention malsaine à l'exagération et encore moins à la simulation. L'interprétation des signes de Waddell en cas de fibromyalgie était inappropriée. Dans le cas de la recourante, il n'y avait ni simulation ni exagération, mais une appréhension.

27.    Dans sa détermination du 15 octobre 2019, l'intimé s'est rallié à l'avis annexé du SMR du même jour.

Dans ce document, le SMR a considéré que le Dr D______, qui n'était pas psychiatre, n'amenait pas d'éléments objectifs permettant de retenir l'existence d'un trouble dépressif réactionnel. Il n'y avait pas d'argument objectif avancé pour une aggravation de l'état de santé. Les douleurs demeuraient un symptôme subjectif. Le traitement médicamenteux était semblable à celui décrit en novembre 2018, hormis le Lyrica et le Tramal que la recourante ne prenait pas à l'époque en raison des effets secondaires. Les limitations fonctionnelles avaient été clairement décrites dans le rapport de novembre 2018 au moyen de l'anamnèse et de l'examen clinique. Les examinateurs s'étaient exprimés sur la CT en tenant compte des indicateurs standards. Le Dr D______ procédait à cet égard à une appréciation différente d'un même état de fait. Ce médecin avait retenu le diagnostic de fibromyalgie en 2012 et spécifié que la recourante présentait des douleurs depuis au moins deux ans. Cette anamnèse était connue des examinateurs en novembre 2018. Le Dr D______ interprétait mal le rapport d'examen lorsqu'il estimait hors sujet d'évaluer la fibromyalgie pour des raisons biomécaniques. Le Dr I____________ avait évalué la partie rhumatologique en dehors de la fibromyalgie en examinant les atteintes ostéo-articulaires. La fibromyalgie avait été examinée selon les indicateurs standards par les deux experts. Les journées-type que la recourante décrivait dans l'annexe au courrier du Dr D______ du 5 avril 2019 ne permettaient pas de remettre en cause les conclusions des examinateurs. Le Dr I____________ avait relevé des signes de Waddell positifs en examinant la région lombaire. Cette analyse était importante dans un contexte de lombalgies, même en présence d'une fibromyalgie. Le Dr I______ n'avait pas évoqué une simulation, mais avait retenu une exagération des symptômes et une importante démonstrativité à titre de motifs d'exclusion. La recourante maintenait des ressources mobilisables, même si elles étaient diminuées. Le SMR a conclu que les conclusions du rapport d'examen du 25 janvier 2018 restaient valables.

28.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours, déposé auprès de la chambre de céans le 5 avril 2019, complété le 8 avril, est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

4.        Le litige porte, dans le cadre d'une nouvelle demande de prestations, sur le point de savoir si la recourante peut prétendre à une rente d'invalidité entière depuis le 1er juillet 2011 (au lieu d'une demi-rente octroyée par l'intimé dès le 1er février 2017).

5.        Quand l'administration entre en matière sur une nouvelle demande (art. 87 al. 3 du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201]), elle doit examiner la cause sur le fond et déterminer si la modification du degré d'invalidité rendue plausible par l'assuré a effectivement eu lieu. En cas de recours, cet examen matériel incombe au juge (ATF 117 V 198 consid. 3a). 

Selon la jurisprudence, l'administration doit procéder de la même manière que dans les cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 545 consid. 6), c'est-à-dire comparer les circonstances existant lorsque la nouvelle décision est prise avec celles qui existaient lorsque la dernière décision reposant sur un examen matériel du droit à la rente est entrée en force (ATF 133 V 108 consid. 5), pour apprécier si dans l'intervalle est intervenue une modification sensible du degré d'invalidité justifiant désormais l'octroi d'une rente. C'est en effet la dernière décision reposant sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l'examen d'une modification du degré d'invalidité lors d'une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4; 130 V 343 consid. 3.5.2).

Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain (ou sur l'accomplissement des travaux habituels) ont subi un changement important (cf. ATF 130 V 343 consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 526/01 du 6 mai 2002 consid. 1a).

6.        En vertu de l'art. 53 al. 2 LPGA, l'assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (reconsidération). 

Par le biais de la reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit, de même qu'une constatation erronée résultant de l'appréciation des faits. Un changement de pratique ou de jurisprudence ne saurait en principe justifier une reconsidération (ATF 117 V 8 consid. 2c; ATF 115 V 308 consid. 4a/cc). Une décision est sans nul doute erronée non seulement si elle a été rendue sur la base de normes fausses ou non pertinentes, mais encore lorsque les dispositions pertinentes n'ont pas été appliquées ou qu'elles l'ont été de manière erronée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_187/2007 du 30 avril 2008 consid. 4.3). Tel est notamment le cas lorsque l'administration a accordé une rente d'invalidité au mépris du principe de la priorité de la réadaptation sur la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 406/05 du 13 juillet 2006 consid. 5.2). Pour des motifs de sécurité juridique, l'irrégularité doit être manifeste, de manière à éviter que la reconsidération devienne un instrument autorisant sans autre limitation un nouvel examen des conditions à la base des prestations de longue durée. En particulier, les organes d'application ne sauraient procéder en tout temps à une nouvelle appréciation de la situation après un examen plus approfondi des faits. Le caractère inexact de l'appréciation doit bien plutôt résulter de l'ignorance ou de l'absence - à l'époque - de preuves de faits essentiels (arrêt du Tribunal fédéral 9C_76/2010 du 24 août 2011 consid. 4.2). Ainsi, une inexactitude manifeste ne saurait être admise lorsque l'octroi de la prestation dépend de conditions matérielles dont l'examen suppose un pouvoir d'appréciation, quant à certains de leurs aspects ou de leurs éléments, et que la décision initiale paraît admissible compte tenu de la situation antérieure de fait et de droit. S'il subsiste des doutes raisonnables sur le caractère erroné de la décision initiale, les conditions de la reconsidération ne sont pas remplies (arrêt du Tribunal fédéral 9C_71/2008 du 14 mars 2008 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 5/07 du 9 janvier 2008 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_575/2007 du 18 octobre 2007 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 907/06 du 7 mai 2007 consid. 3.2.1).

Pour juger s'il est admissible de reconsidérer une décision pour le motif qu'elle est sans nul doute erronée, il faut se fonder sur les faits et la situation juridique existant au moment où cette décision a été rendue, compte tenu de la pratique en vigueur à l'époque (ATF 141 V 405 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_265/2016 du 16 août 2016 consid. 2).

7.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

8.        En vertu de l'art. 28 al. 2 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40% au moins. En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l'assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu'au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle l'assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l'art. 29 al. 1 LPGA et cela également en cas de dépôt d'une nouvelle demande après un premier rejet de prestation (ch. 2030 de la circulaire sur l'invalidité et l'impotence dans l'assurance- invalidité du 1er janvier 2015 - CIIAI).

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

9.        a. Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l'existence d'une atteinte à la santé psychique suppose la présence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant selon les règles de l'art sur les critères d'un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 et 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1).

Dans sa jurisprudence récente (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7), le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la CT et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques, y compris troubles dépressifs de degré léger ou moyen (ATF 143 V 409 consid. 4.5.1). En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée.

b. La CT réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d'une part et les ressources de compensation de la personne d'autre part (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). Il n'y a plus lieu de se fonder sur les critères de l'ATF 130 V 352, mais sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4). Dans ce cadre, il convient d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources).

Les indicateurs standard qui doivent être pris en considération en règle générale peuvent être classés selon leurs caractéristiques communes :

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3)

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Le « complexe personnalité » englobe à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu'on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l'atteinte à la santé et de la CT (par exemple : autoperception et perception d'autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la CT invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée.

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la CT, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d'un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

c. Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une telle évaluation si elle n'est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va notamment ainsi lorsqu'il n'existe aucun indice en faveur d'une incapacité de travail durable, ou si l'existence d'une incapacité de travail est niée de manière convaincante par un avis médical spécialisé ayant pleine valeur probante et que les éventuels avis contraires peuvent être écartés faute de pouvoir se voir conférer une telle valeur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7).

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l'instrument de base de l'analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Expression des éléments pertinents pour le diagnostic et des symptômes

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l'atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l'étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L'échec définitif d'un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d'espèce, on ne peut rien en déduire s'agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d'une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation. Si des mesures de réadaptation entrent en considération après une évaluation médicale, l'attitude de l'assuré est déterminante pour juger du caractère invalidant ou non de l'atteinte à la santé. Le refus de l'assuré d'y participer est un indice sérieux d'une atteinte non invalidante. À l'inverse, une réadaptation qui se conclut par un échec en dépit d'une coopération optimale de la personne assurée peut être significative dans le cadre d'un examen global tenant compte des circonstances du cas particulier (consid. 4.3.1.2).

3. Comorbidités

La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu'en fonction de son importance concrète dans le cas d'espèce, par exemple pour juger si elle prive l'assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l'influence du trouble somatoforme douloureux avec l'ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel (cf. consid. 4.3.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010, consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n'est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011, consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d'affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l'approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Il s'agit d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l'assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu'on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l'autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d'autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées (consid. 4.3.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l'assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s'assurer qu'une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d'autres difficultés de vie (consid. 4.3.3).

II. Catégorie « cohérence »

Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l'assuré. (consid. 4.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s'agit ici de se demander si l'atteinte à la santé limite l'assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l'exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu'ici doit désormais être interprété de telle sorte qu'il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l'assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d'activité sociale de l'assuré avant et après la survenance de l'atteinte à la santé (consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La prise en compte d'options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d'évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n'est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l'absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d'une incapacité (inévitable) de l'assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s'appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d'autres raisons que l'atteinte à la santé assurée (consid. 4.4.2).

Le juge vérifie librement si l'expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l'atteinte à la santé et si son évaluation de l'exigibilité repose sur une base objective (consid. 5.2.2; ATF 137 V 64 consid. 1.2 in fine).

d. Le diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargées d'appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. Il suppose l'existence de limitations fonctionnelles dans tous les domaines de la vie (tant professionnelle que privée). Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d'exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. et 2.2). Ainsi, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (ATF 131 V 49 consid. 1.2).

L'organe chargé de l'application du droit doit avant de procéder à l'examen des indicateurs mentionnés analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2).

10.    a. Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4; ATF 115 V 133 consid. 2; ATF 114 V 310 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2).

b. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d'opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en oeuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

11.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

12.    a. En l'espèce, il n'est pas contesté qu'une aggravation de l'état de santé de la recourante est survenue depuis le rejet de sa première demande de prestations par décision du 13 septembre 2011.

Cette décision reposait sur un rapport d'expertise du 22 mars 2011, dont il ressortait que la recourante, qui souffrait de talalgie simple bilatérale sur une fasciite plantaire modérée, marchait sans boiterie, avec un déroulement du pas sans particularité des deux côtés. Les douleurs au genou gauche, apparues en octobre 2010, avaient par ailleurs cessé. La CT était jugée totale dans toute activité, moyennant le port de chaussures adéquates avec une semelle souple et amortissante et l'évitement du port de charges lourdes systématiques sur de longues distances.

La décision querellée du 7 mars 2019 se fonde quant à elle sur un rapport d'examen du 25 janvier 2018, posant les diagnostics, avec répercussion sur la CT, de talalgies bilatérales dans le cadre d'éperons calcanéens bilatéraux et d'une fasciite plantaire bilatérale; de fibromyalgie; de rachialgies diffuses avec cervicoscapulalgies dans le cadre de troubles dégénératifs du rachis, surtout cervical; et de syndrome rotulien bilatéral dans le cadre d'une très discrète gonarthrose. Sans répercussion sur la CT, la recourante présente entres autres une dysthymie (F34.1).

Ces diagnostics entraînent les limitations fonctionnelles suivantes : alternance des positions debout et assise deux fois par heure, pas de soulèvement régulier de charges d'un poids excédant 5 kg, pas de port régulier de charges d'un poids excédant 8 kg, pas de travail en porte-à-faux statique prolongé du tronc, pas d'exposition à des vibrations, pas de mouvements répétés ni de position prolongée en flexion-extension de la nuque, pas de rotation rapide de la tête, pas de génuflexions répétées, pas de franchissement régulier d'escaliers, pas de franchissement d'escabeau ou échelle, pas de marche en terrain irrégulier, pas de travail en hauteur, pas de position debout ou de marche de plus d'un quart d'heure, troubles du sommeil et fatigue liée aux douleurs.

Ces limitations ne permettent pas la pratique de l'activité habituelle de serveuse. Par contre, dans une activité strictement adaptée auxdites restrictions, la CT est de 50% depuis 2012, date à compter de laquelle le médecin traitant retient le diagnostic de fibromyalgie.

b. La recourante fait valoir que la décision du 13 septembre 2011, entrée en force, devrait être reconsidérée, au motif que le rapport d'expertise du 22 mars 2011 ne mentionne pas que plusieurs membres de sa famille souffrent de fibromyalgie, maladie dont elle était également atteinte à ce moment.

Ce raisonnement ne peut être suivi. En effet, peu importe que certains de ses proches soient affectés par cette maladie, il ressort des pièces médicales au dossier qu'à l'époque la recourante se plaignait uniquement de douleurs au genou gauche ainsi que de talalgies bilatérales, et non de douleurs généralisées et chroniques du système ostéo-articulaire. Ce n'est que dans son attestation du 25 juillet 2016 que le Dr D______ a indiqué pour la première fois avoir diagnostiqué en 2012 - soit après la décision du 13 septembre 2011 - une fibromyalgie chez sa patiente, information qu'il a confirmée dans son rapport du 24 septembre 2019.

Force est ainsi de constater que la décision précitée, qui ne pouvait pas tenir compte d'un fait inexistant au moment de sa reddition, n'est pas manifestement erronée.

c. La recourante nie ensuite la valeur probante du rapport d'examen du 25 janvier 2018, établi par des médecins du SMR.

À titre liminaire, on relèvera que ces praticiens ont réalisé un examen au sens de l'art. 49 al. 2 RAI, si bien que leur rapport ne constitue pas une expertise au sens de l'art. 44 LPGA. Cela ne signifie pas pour autant que la valeur probante dudit document doive être niée, mais simplement qu'elle doit être examinée conformément aux réquisits jurisprudentiels généraux (cf. ATAS/1118/2019 du 21 novembre 2019 consid. 16).

c/aa. Sur la forme, le rapport précité remplit toutes les exigences auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante d'un tel document. En effet, il comprend le résumé du dossier, l'anamnèse, les indications subjectives de la recourante, des observations cliniques somatique et psychiatrique, ainsi qu'une discussion consensuelle du cas.

C'est à tort que la recourante fait valoir que l'étude des pièces médicales a été incomplète, au motif que les examinateurs ne disposaient pas de certains clichés radiologiques et qu'ils auraient ignoré le rapport de la Dresse E______ du 19 septembre 2016.

En effet, bien que certains clichés radiologiques/IRMs soient absents du dossier, les examinateurs ont résumé les rapports figurant au dossier, établis par les radiologues, qui se réfèrent aux radiographies et IRMs effectuées (cf. rapport d'examen, p. 12-13). Les examinateurs ont donc pris connaissance des conclusions mises en évidence par tous les clichés radiologiques/IRMs. En outre, les examinateurs ont pris en compte le rapport précité de la Dresse E______ (cf. rapport d'examen, p. 3 et 17).

c/bb. Sur le fond, les examinateurs ont énuméré toutes les limitations fonctionnelles à mettre objectivement en lien avec les atteintes constatées. Leurs conclusions quant aux diagnostics et à la CT de la recourante sont motivées, et convaincantes.

Ceux-ci ont posé le diagnostic de fibromyalgie, avec incidence sur la CT, mais retenu des motifs d'exclusion - compte tenu d'une importante démonstrativité et d'une exagération des symptômes lors de l'examen du rachis lombaire, cervical et des hanches au regard du status radiologique (p. 15-16).

Il y a lieu de rappeler que la fibromyalgie est une affection rhumatismale reconnue par l'Organisation mondiale de la santé [OMS] (CIM-10: M79.0), caractérisée par une douleur généralisée et chronique du système ostéo-articulaire et s'accompagnant généralement d'une constellation de perturbations essentiellement subjectives (tels que fatigue, troubles du sommeil, sentiment de détresse, céphalées, manifestations digestives et urinaires d'allure fonctionnelle). Comme la fibromyalgie ne peut guère, étant donné son étiologie incertaine, être rangée dans la catégorie des atteintes à la santé psychiques ou psychosomatiques, ou encore dans celle des atteintes à la santé organiques, il se dégage une tendance générale parmi les auteurs d'admettre une combinaison de ces deux éléments, avec cependant une prépondérance des facteurs psychosomatiques. À ce jour, le Tribunal fédéral n'a cependant pas pris position sur cette controverse médicale (ATF 132 V 65 consid. 3.2 et 3.3). Un diagnostic de fibromyalgie ou de trouble somatoforme douloureux ne renseigne pas encore sur l'intensité des douleurs ressenties par la personne concernée, ni sur leur évolution ou sur le pronostic qu'on peut poser dans un cas concret. Certains auteurs déclarent du reste que la plupart des patients atteints de fibromyalgie ne se trouvent pas notablement limités dans leurs activités. Eu égard à ces caractéristiques communes et en l'état actuel des connaissances, il se justifie donc, sous l'angle juridique, d'appliquer par analogie les principes développés par la jurisprudence en matière de troubles somatoformes douloureux lorsqu'il s'agit d'apprécier le caractère invalidant d'une fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1).

In casu, dans la mesure où les examinateurs ont, en dépit des motifs d'exclusion, reconnu l'existence d'une atteinte à la santé importante, tant selon les anciens critères (18 points de Smythe sur 18) que les nouveaux (critères ACR 2010, révisés en 2016 par Wolfe et collaborateurs; cf. rapport d'examen, p. 11), il n'y a pas lieu d'admettre une exagération qui, selon la jurisprudence (ATF 131 V 49 consid. 1.2) conduirait d'emblée à nier une justification pour une rente d'invalidité. Il convient donc d'examiner le caractère invalidant du diagnostic retenu à l'aune des indicateurs jurisprudentiels.

S'agissant du « succès du traitement et de la réadaptation », la recourante, qui n'a jamais été hospitalisée en milieu psychiatrique, consulte le Dr D______ tous les quinze jours, ainsi qu'une psychologue une fois par semaine (cf. rapport d'examen, p. 8-9). Elle prend des médicaments au quotidien. En dernier lieu, le médecin traitant lui a prescrit de la Lodine au lieu du Tramal, en raison d'une intolérance (vomissements, douleurs abdominales ; p. 8). Les examinateurs ont relevé que le traitement est prescrit selon les règles de l'art (p. 16, 19). La recourante n'est donc pas confrontée à un échec de toute thérapie médicalement indiquée.

S'agissant de la « comorbidité », la recourante présente également des troubles somatiques concomitants, objectivés (talalgies bilatérales, fasciite plantaire bilatérale; rachialgies diffuses avec cervicoscapulalgies dans le cadre de troubles dégénératifs du rachis, surtout cervical; discrète gonarthrose), ainsi qu'une dysthymie réactionnelle à la fibromyalgie.

Si, selon les examinateurs, les atteintes somatiques ont valeur de maladie et impactent la CT de la recourante, en revanche, la dysthymie, qui ne remplit pas les caractéristiques objectives d'un véritable épisode dépressif au sens de la CIM-10 (en l'absence des critères majeurs de la dépression; cf. rapport d'examen, p. 18), n'est pas incapacitante. Les examinateurs ont par ailleurs expliqué de manière convaincante les motifs pour lesquels ils réfutent le diagnostic de trouble dépressif récurrent et caractérisé, retenu par les Drs D______ et E______. Ils relèvent en effet que la recourante ne s'était pas plainte d'un affaissement de l'humeur avant 2010, année où ses douleurs étaient apparues. Elle n'avait consulté un psychiatre pour ce motif qu'en mars 2012 et arrêté le suivi en novembre 2012, avant de consulter la Dresse E______ le 27 avril 2016 seulement. Les examinateurs ajoutent que, dans son rapport du 11 novembre 2016, celle-ci avait indiqué que les capacités de concentration, de compréhension et d'adaptation n'étaient pas limitées, ce qui plaidait contre la survenue d'un épisode dépressif caractérisé (cf. rapport d'examen, p. 18-19). La chambre de céans observe par ailleurs que le diagnostic d'un épisode dépressif moyen est justifié lorsqu'au moins deux symptômes « typiques » de la dépression (i.e. humeur dépressive; perte d'intérêt ou de plaisir; fatigue ou perte d'énergie); et trois, voire quatre « autres symptômes » (i.e. diminution de la concentration/attention; diminution de l'estime de soi/confiance en soi; idées de culpabilité/dévalorisation; attitude morose/pessimiste face à l'avenir; idées/actes auto-agressifs ou suicidaires; perturbation du sommeil; diminution de l'appétit) sont présents (cf. Lia OBERLÉ/ Barbara BROERS, La dépression, 2017, p. 3; https://www.hug-ge.ch/sites/interhug/files/structures/medecine_de_premier_recours/Strategies/strategie_depression.pdf). Or, le fait qu'en 2016 seuls les trois symptômes « typiques » de la dépression étaient réunis (i.e. tristesse avec pleurs fréquents; perte d'intérêt et de plaisir; fatigue quotidienne; cf. rapport précité de la Dresse E______), alors qu'il aurait fallu que trois « autres symptômes » au moins eussent également été présents, ce qui n'était pas le cas (pas d'idées suicidaires, pas d'inappétence, pas d'insomnies, pas de baisse de la concentration ; cf. rapport précité de la psychiatre traitante, qui du reste n'a pas mentionné avoir mis en évidence une baisse de l'estime de soi/confiance en soi, ni une attitude morose/pessimiste face à l'avenir, ni un sentiment de culpabilité/dévalorisation), met en doute le diagnostic de trouble dépressif moyen retenu par celle-ci. Dans ces circonstances, l'appréciation des examinateurs selon laquelle la dysthymie n'a pas valeur de maladie doit être suivie.

S'agissant du complexe de « la personnalité », ni la Dresse E______ ni l'examinateur psychiatre ne retiennent un trouble spécifique de la personnalité au sens d'une classification diagnostique reconnue.

Pour ce qui est du « contexte social », la recourante vit en harmonie avec son époux et ses quatre enfants. Elle voit fréquemment ses deux soeurs qui vivent dans le canton de Genève. Elle contacte régulièrement sa mère et une amie d'enfance qui habitent au Portugal (cf. rapport d'examen, p. 5-6). Si, en novembre 2018, elle a déclaré ne pas avoir d'amis en Suisse (p. 6), lors de la première expertise (sept mois plus tôt), elle avait toutefois affirmé que des « copines » lui rendaient visite (cf. rapport du 29 mai 2018, p. 14). En outre, elle rencontre une fois par mois son beau-frère, sa belle-soeur et sa belle-mère. Elle discute également avec des anciens collègues lorsqu'elle les croise (cf. rapport du 29 mai 2018, p. 15). Il s'avère donc que les diagnostics retenus, notamment la fibromyalgie, n'ont pas une incidence négative sur le fonctionnement de la recourante, en particulier sur les relations interpersonnelles.

En ce qui concerne la catégorie « cohérence », les examinateurs relèvent l'absence de concordance entre l'intensité des douleurs alléguées (10/10 sur l'échelle d'évaluation de la douleur) et le comportement de la recourante. En effet, lors de l'entretien avec l'examinateur rhumatologique, la position assise avait été relativement bonne (cf. rapport d'examen, p. 17). La chambre de céans constate en outre qu'au cours de l'entretien psychiatrique d'une durée d'une heure et vingt-cinq minutes, la recourante n'a présenté aucune attitude antalgique (p. 13). Si les examinateurs reconnaissent une certaine diminution dans l'exécution de ses travaux habituels (i.e. l'époux prépare le repas du soir, douche les enfants; la soeur ou le mari effectue le ménage; ce dernier fait les commissions), ils soulignent qu'en dépit de ses importantes douleurs rapportées, la recourante fait le lit des enfants, met la machine en route, met les vêtements dans le sèche-linge, enlève parfois la poussière par étape et par chambre, se rend à la Migros voisine pour les petites courses, et prépare de temps à autre des gâteaux pour ses enfants (cf. rapport d'examen, p. 9). Ils concluent ainsi qu'elle prend une part active à la vie du foyer et qu'elle a conservé un bon nombre de ses centres d'intérêts (lecture et musique; p. 9).

Au vu de l'analyse des indicateurs, on doit admettre avec les examinateurs que la recourante dispose d'une CT de 50% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles au regard de ses ressources restantes.

c/cc. À cet égard, c'est à tort que la recourante reproche aux examinateurs d'avoir considéré qu'elle peut rester en position assise sans difficultés. Si celle-ci a demandé à l'examinateur rhumatologue de se lever après vingt minutes dans cette position, elle ne l'a en revanche pas fait au cours de l'entretien avec l'examinateur psychiatre. En outre, si, comme elle l'allègue, son époux a dû faire de fréquentes pauses lors de leur voyage au Portugal en voiture en juillet 2018, on imagine mal que celui-ci ait fait des pauses chaque vingt minutes.

C'est également à tort que la recourante allègue qu'elle ne peut pas tenir plus de cinq minutes debout, au motif qu'après s'être levée au bout de vingt minutes d'entretien, elle s'était rassise cinq minutes après. Elle omet avoir indiqué au début de l'entretien que la position debout était limitée à dix minutes (cf. rapport d'examen, p. 6). La recourante modifie donc ses déclarations. On ne saurait alors reprocher aux examinateurs de ne pas avoir retenu à titre de limitation fonctionnelle l'évitement de la position debout de plus de cinq minutes. Il tombe du reste sous le sens que si elle s'était levée quelques minutes, c'était parce qu'elle se plaignait d'être restée assise trop longtemps, et non pas pour permettre aux experts de mesurer la durée de sa capacité à se tenir debout.

Ensuite, si, lors de l'examen, la recourante a affirmé qu'elle prenait le bus pour se rendre à ses rendez-vous médicaux (cf. rapport, p. 9), on ne voit pas pourquoi, dans un deuxième temps, elle critique ce rapport au motif que les examinateurs ont mentionné qu'elle utilisait les transports publics sans problème. Du reste, dans son rapport du 24 septembre 2019, le Dr D______ a uniquement relevé que l'usage des transports publics avait diminué, sans préciser que sa patiente rencontrerait des problèmes particuliers à cet égard, excepté la douleur, ce qui était toutefois déjà connu lors de l'examen du 16 novembre 2018.

Par ailleurs, la recourante conteste à tort le taux de CT (50%) retenu par les examinateurs, au motif qu'ils ont estimé qu'il n'existait aucune raison biomécanique à admettre un taux supérieur. En effet, ils se sont basés sur les imageries, leur examen clinique ainsi que les déclarations de la recourante, pour constater qu'elle dispose encore de ressources physiques pour exercer un travail adapté audit taux moyennant le respect des limitations fonctionnelles énumérées.

Enfin, dès lors que les médecins traitants n'ont pas fait état d'éléments objectivement vérifiables qui auraient été ignorés par les examinateurs, on ne peut remettre en cause le rapport d'examen du 25 janvier 2018 du seul fait que les médecins traitants évaluent la CT de la recourante à 0% dans toute activité (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2). En effet, les éléments mis en évidence par le Dr D______ dans son rapport du 24 septembre 2019 (talalgies, douleur diffuse, pas de travaux lourds, troubles du sommeil) avaient déjà été pris en compte par les examinateurs, étant relevé que, dans son courrier du 5 avril 2019, le médecin traitant n'avait pas critiqué le rapport d'examen, mais uniquement procédé à une appréciation différente de la CT. Si, par contre, comme l'indique le Dr D______ dans son dernier rapport, la recourante ne peut plus lever les bras au-dessus de l'horizontale, ce qu'elle pouvait faire au moment de l'examen de novembre 2018 (cf. rapport, p. 11), il s'agirait alors d'un fait nouveau, postérieur à la décision querellée du 7 mars 2019, de sorte que la chambre de céans ne saurait en tenir compte. C'est le lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références).

En outre, l'attestation du 8 novembre 2018 de Mme H____________, psychologue, n'est pas pertinente pour se déterminer sur la CT de la recourante, cette spécialiste n'étant pas médecin.

d. Force est ainsi de conclure que les arguments de la recourante et les rapports de ses médecins traitants ne jettent pas le moindre doute sur la valeur probante des conclusions des examinateurs.

13.    Reste à vérifier le calcul du degré d'invalidité auquel l'intimé s'est livré, étant précisé que, pour ce faire, ce dernier a appliqué la méthode générale de comparaison des revenus, considérant que la recourante avait un statut de personne active.

14.    a. Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 117 V 194 consid. 3b; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assuré, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 141 V 15 consid. 3.1; ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 125 V 146 consid. 2c ainsi que les références).

b. Pour évaluer l'invalidité des assurés travaillant dans le ménage, l'administration procède à une enquête sur les activités ménagères et fixe l'empêchement dans chacune des activités habituelles conformément à la circulaire concernant l'invalidité et l'impotence de l'assurance-invalidité. Aux conditions posées par la jurisprudence (ATF 128 V 93) une telle enquête a valeur probante.

c. Selon l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme [CourEDH] Di Trizio contre Suisse du 2 février 2016 (n° 7186/09), l'application dans l'assurance-invalidité de la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité à une assurée qui, sans atteinte à la santé, n'aurait travaillé qu'à temps partiel après la naissance de ses enfants et s'est vue de ce fait supprimer la rente d'invalidité en application des règles sur la révision de la rente constitue une violation de l'art. 14 CEDH (interdiction de la discrimination) en relation avec l'art. 8 CEDH (droit au respect de la vie privée et familiale; arrêt du Tribunal fédéral 9C_473/2016 du 25 janvier 2017 consid. 4).

On ne saurait déduire des considérants de l'arrêt de la CourEDH que la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité « viole la Convention » sans égard à la situation concrète dont avait à juger la CourEDH (arrêt du Tribunal fédéral 9C_473/2016, op. cit., consid. 4). Ainsi, la suppression d'une rente d'invalidité dans le cadre d'une révision est contraire à la CEDH lorsque seuls des motifs d'ordre familial (la naissance d'enfants et la réduction de l'activité professionnelle qui en découle) conduisent à un changement de statut de « personne exerçant une activité lucrative à plein temps » à « personne exerçant une activité lucrative à temps partiel » (en consacrant son temps libre à l'accomplissement de travaux habituels; ATF 143 I 50 consid. 4). La diminution d'une rente dans le cadre d'une révision est aussi contraire à la CEDH lorsque seuls des motifs d'ordre familial (la naissance d'enfants et la réduction de l'activité professionnelle qui en découle) conduisent à un changement de statut de « personne exerçant une activité lucrative à plein temps » à « personne exerçant une activité lucrative à temps partiel » (en consacrant son temps libre à l'accomplissement de travaux habituels; ATF 143 I 60 consid. 3.3.4).

15.    En l'espèce, certes, la recourante, avant sa première incapacité de travail en juin 2010, travaillait à plein temps en tant que serveuse. Elle a toutefois déclaré lors d'un entretien avec l'intimé le 18 février 2011 qu'après la naissance de son fils en avril 2010, elle aurait travaillé probablement à 50% si elle n'avait pas été atteinte dans sa santé. Il est donc invraisemblable qu'au moment du prononcé de la décision litigieuse le 7 mars 2019, la recourante, qui s'occupe de quatre enfants, âgés entre 2 et 9 ans, aurait travaillé à temps complet, même en bonne santé.

Partant, l'intimé aurait dû retenir un statut mixte réparti à raison de 50% pour la sphère professionnelle et de 50% pour la sphère ménagère.

L'application de la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité ne conduirait pas dans le présent cas à un résultat discriminatoire. En effet, on est en présence d'une seconde demande de prestations après une première décision négative en 2011, de sorte que la procédure ne relève pas d'une révision du droit aux prestations, singulièrement de l'octroi d'une rente, suivie de la suppression de celle-ci suite à la venue d'enfants au monde (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_473/2016 du 25 janvier 2017 consid. 4).

16.    Au vu de ce qui précède, le recours sera très partiellement admis, et la décision du 7 mars 2019 annulée. La cause est renvoyée à l'intimé afin qu'il applique la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité, et mette en oeuvre une enquête économique ménagère, même si cette enquête doit porter sur une période révolue (cf. dans ce sens : ATAS/877/2017 du 10 octobre 2017 consid. 10c).

17.    Le contenu du recours n'ayant eu aucune incidence sur le sort de la présente procédure - le motif qui a conduit à l'annulation de la décision entreprise ayant dû être relevé d'office par la chambre de céans -, il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (cf. ATAS/1128/2019 du 2 décembre 2019 consid. 18 et les références).

Étant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet très partiellement.

3.        Annule la décision du 7 mars 2019.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour nouveaux calculs dans le sens des considérants, et nouvelle décision.

5.        Dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Florence SCHMUTZ

 

Le président

 

 

 

 

Mario-Dominique TORELLO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le