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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3462/2018

ATAS/1128/2019 du 02.12.2019 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3462/2018 ATAS/1128/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 décembre 2019

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Catarina MONTEIRO SANTOS

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        M. A______, né le ______ 1960, a acquis en 1995 une villa, sise à Setúbal (Portugal). Marié à Mme D______ (née le ______1963), il est père de deux enfants, E______, née le ______ 1991, et F______ , né le ______ 1996.

2.        Le 3 novembre 2003, M. A______ a déposé une demande de prestations auprès de l'Office cantonal des personnes âgées (aujourd'hui : Service des prestations complémentaires : SPC). A cette occasion, il n'a déclaré aucun bien immobilier et précisé n'avoir cédé aucun bien à ses enfants ni à des tiers.

3.        Par courrier du 23 janvier 2004, il a confirmé n'être propriétaire d'aucun bien immobilier.

4.        Par la suite, l'administration a régulièrement rappelé à l'intéressé son obligation de la renseigner, spontanément, en particulier sur sa situation patrimoniale. Elle lui a également régulièrement notifié des décisions comportant des plans de calculs de prestations complémentaires à l'AVS/AI indiquant les montants retenus à titre de fortune.

5.        Par acte du 10 août 2010, M. A______ a donné sa villa à son fils, F______, alors mineur, tout en en conservant l'usufruit, avec son épouse.

6.        Par courrier du 7 d'octobre 2016, le Conseiller d'État en charge du Département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé (ci-après : DEAS, aujourd'hui : Département de la sécurité, de l'emploi et de la santé) a informé les bénéficiaires de prestations sociales des nouvelles dispositions du code pénal suisse, entrées en vigueur le 1er octobre 2016, qui aggravaient les sanctions à l'encontre des bénéficiaires qui ne déclaraient pas les éléments déterminants pour l'octroi de prestations sociales. Les bénéficiaires concernés étaient invités à régulariser leur situation jusqu'au 31 décembre 2016. Jusqu'à cette date, et pour autant que la demande de régularisation se fît spontanément et qu'un accord raisonnable fût trouvé, aucune dénonciation pénale ne serait déposée à l'encontre des intéressés, en accord avec le Procureur général.

7.        Par courrier du 24 novembre 2016, M. A______ a informé le SPC qu'il était propriétaire d'une villa au Portugal, construite en 1986, dont la valeur vénale, s'élevait à EUR 79'750.-, « au 7 novembre 2016 », selon une expertise privée du bureau portugais G______, datée du même jour (jointe à son envoi). Il avait acquis ce bien grâce à un emprunt hypothécaire remboursé « avant 2010 ». En 2010, il avait donné cette villa à son fils. La famille utilisait la villa durant les vacances. Elle n'était pas louée et il était difficile, voire impossible de la vendre, car elle se situait dans un quartier populaire.

8.        Par courrier du 30 novembre 2016, le SPC a demandé à l'intéressé de lui fournir l'acte de donation en question, - que ce dernier a produit (non traduit) à une date indéterminée, mais au plus tard en janvier 2017.

9.        Par deux décisions de « prestations complémentaires » et de « remboursement du subside de l'assurance-maladie », du 18 janvier 2017, envoyées par pli prioritaire du 6 février 2017, le SPC a repris le calcul des prestations complémentaires rétroactivement au 1er février 2010, en tenant compte, dès cette date, de « l'usufruit du bien immobilier sis au Portugal ». Il en résultait un montant total de CHF 13'707,60 versé à tort à M. A______ et son épouse, à titre de subsides d'assurance maladie, entre février 2010 et janvier 2017. Depuis le 1er février 2017, M. A______ n'avait plus droit à aucune prestation de ce service. Par ailleurs, le SPC a réclamé aux intéressés le remboursement desdits subsides dans un délai de 30 jours.

Selon des décomptes annexés du 18 janvier 2017, le SPC a évalué la valeur vénale de la villa à CHF 120'727,90. Le produit de la fortune immobilière correspondant s'élevait à CHF 5'432,75 pour la période du 1er février 2010 au 31 décembre 2015 et à CHF 5'196,60 dès le 1er janvier 2016 jusqu'à 2017.

Le SPC a en outre tenu compte d'un gain potentiel estimé de Mme D______ de CHF 19'766.- (arrondi) pour la période du 1er février 2010 au 31 décembre 2012, respectivement de CHF 20'008.- (arrondi) pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, CHF 16'914.- (arrondi) pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 et CHF 17'144.- (arrondi) pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016, ainsi qu'à partir du 1er janvier 2017.

10.    Par acte du 20 février 2017, M. A______, par l'intermédiaire de son précédent mandataire, a formé opposition contre ces décisions, sollicitant un délai pour la compléter.

11.    Par écriture de sa nouvelle mandataire du 31 août 2017, M. A______ a conclu à l'annulation des décisions du 18 janvier 2017. Il a contesté la valeur du bien retenue par le SPC, dans la mesure où lui-même et son épouse n'étaient plus propriétaires de la villa sise au Portugal depuis 2010, mais uniquement usufruitiers, conformément à l'acte de donation du 10 août 2010. Ce document, dont il communiquerait prochainement une traduction, mentionnait que, selon le Service des finances de Setúbal, la valeur de ce bien s'élevait à EUR 26'233,17. L'on était « dès lors bien loin » du montant de CHF 120'727,90 retenu par le SPC au titre de valeur vénale. Dans la mesure où cette valeur était erronée, les revenus de la fortune immobilière correspondants l'étaient aussi.

Son seul revenu « résidait en sa rente AI à 100 % ». La situation financière du couple était particulièrement délicate. Leurs charges étaient importantes, compte tenu que leur fille était handicapée, qu'elle était placée dans un établissement de jour et bénéficiait uniquement d'une « rente moyenne d'impotence ». Son épouse avait subi une opération chirurgicale importante et souffrait « d'un problème aux ovaires ».

12.    Par décision sur opposition du 31 août 2018, reçue le 3 septembre suivant, le SPC a rejeté l'opposition.

Selon la loi, seule la valeur vénale d'un bien immobilier était déterminante, s'agissant d'une résidence secondaire, et non sa valeur fiscale. Le montant de CHF 120'727,90 retenu dans le calcul des prestations complémentaires pour la période du 1er février 2010 au 31 juillet 2010 correspondait à la valeur vénale de la villa dont M. A______ était « propriétaire », selon l'expertise privée réalisée le 7 novembre 2016, soit EUR 79'750.- x CHF 1.5183 (recte : 1.51383).

Les montants retenus au titre de revenus (hypothétiques) de la fortune étaient difficilement déterminables, faute pour l'intéressé d'en tirer « aucun produit réel ».

13.    Le 3 octobre 2018, M. A______ a interjeté un recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Il a conclu à l'annulation des décisions litigieuses, au constat que lui-même et son épouse avaient droit à des prestations complémentaires fédérales et cantonales pour la période litigieuse « et au-delà » ; au renvoi de la cause au SPC pour « reprise du plan de calcul des prestations et octroi des prestations » ; à l'allocation de dépens. Subsidiairement, il a conclu au constat qu'il ne devait pas rembourser le montant de CHF 13'707,60.

Les montants retenus au titre de fortune immobilière et au titre de gain potentiel étaient manifestement erronés. Le SPC aurait dû prendre en compte, à titre de valeur vénale, le montant de EUR 26'233,17 retenu par le Service des finances de Setúbal. Les taux de changes appliqués étaient également faux.

14.    Dans sa réponse du 27 novembre 2018, le SPC a conclu au rejet « des recours ».

Il a rappelé que le montant de EUR 26'233,17 retenu par le Service des finances de Setúbal correspondait à la valeur fiscale de la villa et non à sa valeur vénale. Le taux de conversion des devises correspondait à celui prévu pour les rentes étrangères par les directives en matières de prestations complémentaires à l'AVS/AI édictées par l'office fédéral des assurances sociales (ci-après : DPC), soit les taux fixés par la Commission administrative des communautés européennes pour la sécurité sociale des travailleurs migrants et publiés au Journal officiel de l'Union européenne jusqu'au 31 décembre 2012 et ceux publiés par la Banque centrale européenne dès le 1er janvier 2013. La commission administrative des communautés européennes pour la sécurité sociale de travailleurs migrants avait fixé le taux de conversion de CHF 1,5183 (recte : 1,51383) dès janvier 2010, selon le Journal officiel de l'Union européenne du 6 novembre 2009, C 264/15).

Le grief relatif au gain potentiel imputé à Mme D______ aurait dû être soulevé dans le cadre de l'opposition et non pas seulement au stade du recours. Au demeurant, les décisions rendues sur ce point par le SPC entre le 11 décembre 2009 et le 14 décembre 2016 n'avaient pas été contestées, si bien qu'elles étaient entrées en force.

15.    Dans sa réplique du 28 février 2019, le recourant a persisté dans les termes et conclusions de son recours.

Il a fait valoir, en substance, et pour autant qu'on l'ait bien compris, que la législation cantonale en matière fiscale permettait une déduction forfaitaire des frais d'entretien, calculée sur la valeur locative d'un immeuble non habité ni loué. Les éléments de fortunes qui ne pouvaient être convertis en argent ne devaient pas être retenus lors de la détermination de la fortune, dès lors qu'ils ne pouvaient être affectés au financement des besoins vitaux. Une partie de la demande en restitution était prescrite, à défaut d'un acte pénalement punissable permettant de prolonger le délai de prescription (recte : péremption) de cinq ans. Il n'avait pas expressément reconnu, « au stade de l'opposition », les éléments de calcul litigieux, si bien qu'il n'était pas forclos à les contester dans son recours. « Outre le gain hypothétique de son épouse », il s'était limité à contester les éléments que l'intimé avait annoncé avoir repris - singulièrement le bien immobilier sis à l'étranger - sans admettre pour autant les autres postes du calcul.

16.    Dans sa duplique du 22 mars 2019, le SPC a relevé que le requérant avait réalisé l'infraction prévue à l'art. 31 al. 1 let. a et d LPC. Ce dernier ne l'avait pas informé de l'existence du bien immobilier litigieux, ni de sa donation avec réserve d'usufruit, nonobstant le courrier qui lui avait été adressé chaque année lui rappelant son obligation de renseigner. Il n'avait pas non plus réagi aux décisions de prestations complémentaires à l'AVS/AI qui lui avaient été régulièrement expédiées, dans lesquelles il lui était expressément demandé de vérifier si les montants y figurant reflétaient une situation financière exacte.

17.    Dans ses déterminations du 28 mai 2019, le recourant a relevé que le taux de change opéré par le SPC en 2010 était erroné, et qu'il aurait dû être, au 31 décembre 2010, de CHF 1,2476. A cet égard, il a renvoyé à un extrait d'un site internet, non officiel, de conversion de devises.

18.    Par acte du 13 juin 2019, communiqué le 17 (?) juin suivant au recourant pour information, le SPC a réitéré son argumentation antérieure. Le cours de conversion applicable était le cours déterminant du début de l'année correspondante, soit ici 2010. Bien que les DPC concernassent les rentes servies, elles étaient applicables, mutatis mutandis, « aux autres éléments composant les revenus déterminants, tels que la fortune immobilière ».

19.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA; art. 9 de la loi cantonale sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité, du 14 octobre 1965 [LPFC; RS/GE J 4 20] ; art. 43 LPCC ; art. 61 let. b LPGA).

3.        Le litige concerne la restitution de CHF 13'707,60, représentant les subsides d'assurance-maladie que le recourant et son épouse auraient indûment perçus entre le 1er février 2010 et le 31 janvier 2017. Il porte plus particulièrement sur la détermination de la valeur de la villa cédée à leur fils en août 2010, moyennant octroi en leur faveur d'un usufruit (apparemment à vie), respectivement de la valeur dudit usufruit.

4.        Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s'appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n'y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d'exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d'exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC). La LPC a connu plusieurs modifications concernant le montant des revenus déterminants, entrées en vigueur le 1er janvier 2011. En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 130 V 445 consid. 1.2.1). Le droit aux prestations complémentaires du recourant se détermine, dès lors, selon les dispositions légales dans leur ancienne teneur pour la période jusqu'au 31 décembre 2010 et selon le nouveau droit pour les prestations dès cette date. On précisera que les règles applicables à la problématique qui nous occupe (évaluation du dessaisissement sous forme de donation avec réserve d'usufruit) n'ont pas connu de modifications significatives.

5.        Sur le plan fédéral, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants, conformément à l'art. 4 al. 1 let. a LPC.

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d'invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L'art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Les personnes qui, en raison de revenus excédentaires, n'ont pas droit à une prestation complémentaire annuelle, ont droit au remboursement des frais de maladie et d'invalidité qui dépassent la part des revenus excédentaires (art. 14 al. 6 LPC).

Selon l'art. 11 al. 1 LPC, les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (let. b) ; un quinzième de la fortune nette, un dixième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 40'000.- pour les couples (CHF 60'000.- dès le 1er janvier 2011 ; let. c, 1ère phrase) ; et les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi (let. g).

Quant aux dépenses, elles comprennent notamment, selon l'art. 10 al. 1 LPC, les montants destinés à la couverture des besoins vitaux (let. a) ; le loyer d'un appartement et les frais accessoires y relatifs (let. b) ; et les frais d'entretien des bâtiments et les intérêts hypothécaires, jusqu'à concurrence du rendement brut de l'immeuble (al. 3 let. b).

6.        Sur le plan cantonal, ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui remplissent les conditions de l'art. 2 LPCC et dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LPCC).

Le montant de la prestation complémentaire correspond à la différence entre les dépenses reconnues et le revenu déterminant du requérant (art. 15 al. 1 LPCC).

Aux termes de l'art. 5 al. 1 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations, notamment : les prestations complémentaires fédérales sont ajoutées au revenu déterminant (let. a) et en dérogation à l'art. 11 al. 1 let. c de la loi fédérale, la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est de un huitième, respectivement de un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, et ce après déduction des franchises prévues par cette disposition (let. c).

Quant aux dépenses reconnues, elles sont énumérées par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, à l'exclusion du montant destiné à la couverture des besoins vitaux, remplacé par le montant destiné à garantir le revenu minimum cantonal d'aide sociale défini à l'art. 3 LPCC (art. 6 LPCC).

Les bénéficiaires du revenu minimum cantonal d'aide sociale ont droit au remboursement des frais de maladie et d'invalidité dans les limites définies par la législation fédérale, mais seulement jusqu'à concurrence du solde non remboursé au titre des prestations complémentaires fédérales (art. 3 al. 4 LPCC).

7.        Pour le calcul de la prestation complémentaire fédérale annuelle, sont pris en compte en règle générale les revenus déterminants obtenus au cours de l'année civile précédente et l'état de la fortune le 1er janvier de l'année pour laquelle la prestation est servie (art. 23 al. 1 de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 [OPC-AVS/AI - RS 831.301]).

8.        Pour la fixation des prestations complémentaires cantonales, est déterminante, la fortune au 1er janvier de l'année pour laquelle la prestation est demandée (art. 9 al. 1 let. b LPCC). Cela étant, selon l'art. 25 al. 1 OPC-AVS/AI, la prestation complémentaire annuelle doit être augmentée, réduite ou supprimée : lorsque les dépenses reconnues, les revenus déterminants et la fortune subissent une diminution ou une augmentation pour une durée qui sera vraisemblablement longue ; sont déterminants les dépenses nouvelles et les revenus nouveaux et durables, convertis sur une année, ainsi que la fortune existant à la date à laquelle le changement intervient; on peut renoncer à adapter la prestation complémentaire annuelle, lorsque la modification est inférieure à CHF 120.- par an (let. c).

9.        a. Les prestations complémentaires ont pour but de garantir la couverture des besoins vitaux des personnes qui, malgré les prestations de l'AVS ou de l'assurance-invalidité, ne disposent pas de ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins. Si elles disposent d'une fortune leur permettant de couvrir tout ou une partie de ces besoins, il n'appartient pas aux prestations complémentaires d'y pourvoir. Le législateur a en effet estimé qu'il était équitable que les bénéficiaires de prestations complémentaires emploient, sous réserve des franchises prévues par la loi, une partie de leur fortune pour la couverture de leur entretien courant. La part de la fortune qui dépasse le montant de la franchise est ainsi « transformée en revenu » (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, p. 142, n. 42 ad art. 11). La transformation de la fortune en revenu suppose que celle-ci se compose - à tout le moins s'agissant de la partie prise en considération à titre de revenu - de liquidités (argent liquide ou créances exigibles). Il en résulte qu'outre les liquidités effectivement disponibles, seules les valeurs patrimoniales qui peuvent être transférées à des tiers de manière onéreuse, cédées ou converties en liquidités d'une autre manière, peuvent être prises en compte lors de la fixation du revenu déterminant. Les éléments de fortune qui ne peuvent être convertis en argent ne doivent pas être retenus lors de la détermination de la fortune au sens de l'art. 11 al. 1 let. c LPC, dès lors qu'ils ne peuvent être affectés au financement des besoins vitaux (Ralph JÖHL/Patricia USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Band XIV, Soziale Sicherheit, 3ème éd. 2016, p. 1842-1843 n. 161).

La fortune, au sens de l'art. 11 al. 1 let. b et c LPC, comprend toutes les choses mobilières et immobilières ainsi que les droits personnels et réels qui sont la propriété de l'assuré et qui peuvent être transformés en espèces (par le biais d'une vente ou d'un nantissement par exemple) pour être utilisés (Urs MÜLLER, Bundesgesetz über Ergänzungsleistungen zur Alters-, Hinterlassenen- und Invalidenversicherung, 2006 n. 35, JÖHL, op cit., p. 1844 s n. 163).

b. En vertu de l'art. 17 OPC-AVS/AI, la fortune prise en compte est évaluée selon les règles de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton du domicile (al. 1). Lorsque l'immeuble ne sert pas à l'habitation du requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire, il est pris en compte à sa valeur vénale (al. 4), soit la valeur du marché (ch. 3444.02 des directives de l'office fédéral des assurances sociales concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI [ci-après : DPC]). Si la valeur actuelle (valeur du marché) d'un immeuble n'est pas connue, on peut se fonder sur la valeur moyenne entre la valeur selon la législation sur l'impôt cantonal direct et la valeur d'assurance immobilière, pour autant que la valeur ainsi obtenue ne soit pas manifestement erronée. Quant aux immeubles sis à l'étranger, on peut se fonder sur une estimation établie à l'étranger s'il n'est pas raisonnablement possible de procéder à une autre estimation (reposant sur une valeur officielle ou reconnue comme telle) (arrêt du Tribunal fédéral 9C_540/2009 du 17 septembre 2009 ; ch. 3444.03 DPC).

c. Dans la mesure où il n'y a lieu de tenir compte que des actifs dont l'assuré peut disposer sans restriction et qui sont effectivement versés, ne sont notamment pas pris en considération pour le calcul de la prestation complémentaire : les éléments de fortune dont l'assuré est usufruitier ou titulaire d'un droit d'habitation ainsi que leur valeur capitalisée. Cette règle se justifie par le fait que si les titulaires d'un usufruit ou d'un droit d'habitation ont un droit d'usage sur la chose, ils n'ont pas le droit d'en disposer librement puisqu'ils n'en deviennent pas propriétaires. Une fortune théorique ne saurait dès lors entrer en ligne de compte (VALTERIO, op cit., p. 144-145 n. 45 ad art. 11 et la note de bas de page n. 449 et les références).

10.    a. Par dessaisissement au sens de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 123 V 35 consid. 1). Pour vérifier s'il y a contre-prestation équivalente et pour fixer la valeur d'un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 consid. 4b). Il y a également dessaisissement lorsque le bénéficiaire a droit à certains éléments de revenu ou de fortune mais n'en fait pas usage ou s'abstient de faire valoir ses prétentions, ou encore lorsqu'il renonce à exercer une activité lucrative possible pour des raisons dont il est seul responsable (ATF 123 V 35 consid. 1). Il y a lieu de prendre en compte dans le revenu déterminant tout dessaisissement sans limite de temps (Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002, p. 420).

b. Lorsqu'un bénéficiaire de prestations complémentaires cède la propriété d'un immeuble en le grevant d'un usufruit en sa faveur en contrepartie, il y a dessaisissement si la valeur de l'usufruit représente moins de 90% de la valeur de l'immeuble (ATF 122 V 394 consid. 5b = Pratique VSI 3/1997 pp. 144). La valeur de la contre-prestation, soit l'usufruit, doit être calculée en fonction de la valeur locative de l'immeuble au moment de son transfert, ou de la constitution de l'usufruit ; cette valeur locative doit ensuite être capitalisée selon les tables publiées par l'Administration fédérale des contributions et non selon les tables STAUFFER/SCHAETZLE. Si l'usufruit est accordé aux deux époux, la valeur déterminante sera la valeur la plus élevée issue des facteurs de conversion applicables pour l'homme et la femme (ATF 122 V 394 consid. 4b = Pratique VSI 3/1997 p. 143). L'art. 12 al. 1 OPC-AVS/AI précise que la valeur locative du logement occupé par le propriétaire ou l'usufruitier ainsi que le revenu provenant de la sous-location sont estimés selon les critères de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton de domicile. Lorsqu'un immeuble n'est pas situé dans le canton de Genève, - respectivement en Suisse -, l'administration fiscale peut faire recours à un taux forfaitaire de 4.5% de la valeur du bien pour fixer la valeur locative, et ce dans la mesure où les conditions locales ne peuvent pas être déterminées aisément, contrairement aux immeubles situés dans le canton (ATAS/237/2012 ; ATAS/43/2010 ; ATAS/732/2009). Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de juger que l'emploi de ce taux n'apparaissait pas comme excessif (arrêt P 57/05 du 29 août 2006 concernant un bien immobilier sis en Valais).

c. Le revenu de la fortune immobilière comprend les loyers et fermages, l'usufruit, le droit d'habitation, ainsi que la valeur locative du logement de l'assuré dans son propre immeuble, pour autant que cette valeur ne soit pas déjà comprise dans son revenu d'une activité lucrative (ch. 3433.01 des DPC). Un droit d'usufruit en faveur de la personne qui demande des prestations complémentaires représente pour elle une valeur économique, dans la mesure où elle obtient ainsi une prestation dont elle ne pourrait, à défaut, bénéficier sans engager d'autres moyens financiers ; pour ce motif, il importe de prendre en considération le produit de l'usufruit à titre de produit de la fortune, conformément à l'art. 11 al. 1 let. b LPC.

d. S'il s'agit d'un immeuble d'habitation, l'usufruitier peut le mettre en location ou y habiter lui-même (arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2014 du 14 janvier 2015 consid. 3). Conformément à l'art. 758 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), l'usufruitier dont le droit n'est pas éminemment personnel peut en transférer l'exercice à un tiers. Ce dernier peut donc ne pas user et jouir lui-même de la chose, mais en procurer l'usage et/ou la jouissance à un tiers par convention, soit remettre la chose à bail et percevoir un loyer ou un fermage (arrêt précité consid. 4.1.). Les loyers et fermages doivent, en principe, être pris en compte pour leur montant contractuel. Toutefois, lorsque ce montant est inférieur à celui qui est usuellement pratiqué dans la région, c'est ce dernier qui doit être pris en compte. Il en va de même dans les cas où aucun loyer n'a été convenu, ou dans les cas où l'immeuble est vide lors même qu'une location serait possible (ch 3433.03 des DPC). Des loyers obtenus, on peut déduire les frais d'entretien des bâtiments et les intérêts hypothécaires jusqu'à concurrence du rendement brut de l'immeuble (art. 10 al. 3 let. b LPC ; VALTERIO, op cit., p. 139 n. 37 ad art. 11).

11.    Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2).

12.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a). Selon la jurisprudence, le juge appelé à connaître de la légalité d'une décision rendue par les organes de l'assurance sociale doit apprécier l'état de fait déterminant existant au moment où la décision sur opposition litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

13.    a. Aux termes de l'art. 25 al. 1 1ère phrase LPGA, « les prestations indûment touchées doivent être restituées ». Selon la jurisprudence, cela implique que soient réunies les conditions d'une reconsidération (cf. art. 53 al. 2 LPGA) ou d'une révision procédurale (cf. art. 53 al. 1er LPGA) de la décision - formelle ou non - par laquelle les prestations ont été accordées (ATF 130 V 318 consid. 5.2). La modification de décisions d'octroi de prestations complémentaires peut avoir un effet ex tunc - et, partant, justifier la répétition de prestations déjà perçues - lorsque sont réalisées les conditions qui président à la révocation, par son auteur, d'une décision administrative. À cet égard, la jurisprudence constante distingue la révision d'une décision entrée en force formelle, à laquelle l'administration est tenue de procéder lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 122 V19 consid. 3a), de la reconsidération d'une décision formellement passée en force de chose décidée sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à laquelle l'administration peut procéder pour autant que la décision soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable (ATF 122 V 19 consid. 3a). En ce qui concerne plus particulièrement la révision, l'obligation de restituer des prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps ne sont pas liées à une violation de l'obligation de renseigner (ATF 122 V 134 consid. 2e). Il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal après la découverte du fait nouveau (arrêt du Tribunal fédéral 8C_120/2008 du 4 septembre 2008 consid. 3.1). Lorsque le versement indu résulte d'une violation de l'obligation de renseigner au sens des art. 31 LPGA, art. 31 LPC et 11 LPCC et que cette violation est en relation de causalité avec la perception indue de prestations d'assurance, la modification de la prestation a un effet rétroactif (ex tunc), qui entraîne - sous réserve des autres conditions mises à la restitution - une obligation de restituer (ATF 119 V 431 consid. 2 ; ATAS/191/2016).

b. En vertu de l'art. 25 al. 2 LPGA, le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant. Selon l'art. 31 al. 1 LPC est puni, à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée par le code pénal, d'une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amende: a. celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, obtient d'un canton ou d'une institution d'utilité publique, pour lui-même ou pour autrui, l'octroi indu d'une prestation au sens de la présente loi ; b. celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, obtient sans droit une subvention au sens de la présente loi; c. celui qui n'observe pas l'obligation de garder le secret ou abuse, dans l'application de la présente loi, de sa fonction ou tire avantage de sa situation professionnelle au détriment de tiers ou pour son propre profit ; d. Celui qui manque à son obligation de communiquer (art. 31 al. 1 LPGA). Aux termes de l'art. 97 al. 1 CP l'action pénale se prescrit : a. par 30 ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté à vie ; b. par quinze ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de plus de trois ans ; c. par dix ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de trois ans ; d. par sept ans si la peine maximale encourue est une autre peine.

c. Pour que le délai de plus longue durée prévu par le droit pénal s'applique, on doit être en présence d'un acte punissable. En l'absence d'un jugement pénal, - comme c'est le cas ici au vu l'accord conclu en 2016 entre l'ancien DEAS et le Procureur général -, il appartient au juge administratif d'examiner à titre préjudiciel si les circonstances correspondant à une infraction pénale étaient réunies et, partant, si un délai de prescription plus long que ceux prévus à l'art. 25 al. 2, 1ère phrase, LPGA s'applique en l'espèce (ATF 138 V 74 consid. 6.1).

d. Depuis le 1er octobre 2002, l'action pénale se prescrit par sept ans pour l'infraction décrite à l'art. 31 LPC et quinze ans pour celle visée à l'art. 146 CP (art. 97 al. 1 CP). En renvoyant (cf. art. 25 al. 2 LPGA), au délai de prescription plus long prévu par le droit pénal, le législateur avait pour but d'éviter la péremption d'une créance en restitution de prestations indûment versées, en raison d'un acte punissable, aussi longtemps que l'auteur de l'infraction reste exposé à une poursuite pénale, généralement plus lourde de conséquences.

e. Le point de départ du délai au sens de l'art. 25 al. 2 2ème phrase LPGA se détermine selon les critères établis à l'art. 98 CP, de sorte que le délai commence à courir dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable (let. a) et dès le jour du dernier acte si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b). En cas de délit par omission, le début de la prescription coïncide avec le moment où l'auteur aurait dû agir (ATF 138 V 74 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_213 du 4 novembre 2016 consid. 5.3.2).

f. L'art. 146 CP (escroquerie) punit d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. L'escroquerie suppose notamment, sur le plan objectif, que l'auteur ait usé de tromperie. La tromperie peut être réalisée non seulement par l'affirmation d'un fait faux, mais également par la dissimulation d'un fait vrai. A cet égard, on distingue la dissimulation d'un fait vrai par commission de celle par omission (improprement dite), laquelle ne peut constituer une tromperie que si l'auteur se trouve dans une position de garant, à savoir s'il a, en vertu de la loi, d'un contrat ou d'un rapport de confiance spécial, une obligation qualifiée de renseigner. Les devoirs légaux et contractuels du bénéficiaire de prestations d'assurance d'annoncer les modifications de sa situation personnelles susceptibles d'influencer son droit aux prestations ne fondent pas une position de garant (ATF 140 IV 11 consid. 2.3.2 et 2.4).

g. L'assuré qui, en vertu de l'art. 31 LPGA, a l'obligation de communiquer toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation, ne respecte pas cette obligation et continue à percevoir les prestations allouées initialement à juste titre, n'adopte pas un comportement actif de tromperie. Le fait de continuer à percevoir les prestations allouées ne saurait être interprété comme la manifestation positive - par acte concluant - du caractère inchangé de la situation. Il convient en revanche d'analyser la situation de façon différente lorsque la perception de prestations est accompagnée d'autres actions permettant objectivement d'interpréter le comportement de l'assuré comme étant l'expression du caractère inchangé de la situation. Tel sera le cas lorsque l'assuré ne répond pas ou pas de manière conforme à la vérité aux questions explicites de l'assureur destinées à établir l'existence de modifications de la situation personnelle, médicale ou économique; il n'est en effet plus question alors d'une escroquerie par omission, mais d'une tromperie active (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.3).

h. L'art. 31 al. 1 let. a et d LPC punit d'une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amendes celui qui, par des indications fausses ou incomplètes ou de toute autre manière, obtient pour lui-même ou pour autrui l'octroi indu d'une prestation au sens de la loi sur les prestations complémentaires (let. a) ou manque à son obligation de communiquer (let. d). Le but de la norme est l'exécution conforme au droit, la plus efficiente et équitable possible, de la branche d'assurance des prestations complémentaires ainsi que la bonne foi dans les rapports entre les autorités et les personnes demandant des prestations. La norme constitue une infraction de résultat, laquelle est consommée du point de vue formel dès le premier versement de prestations complémentaires. À ce moment-là, tous les éléments constitutifs objectifs et subjectifs sont réalisés. Il ne s'agit pas d'un délit continu, même si, après l'admission d'une demande de prestations complémentaires, les versements sont effectués mensuellement et ainsi étalés dans le temps et que le demandeur de prestations a, pendant toute la durée des prestations, le devoir, en vertu de l'art. 24 OPC-AVS/AI, d'informer les autorités de toutes les circonstances qui pourraient avoir une influence sur le versement ou le montant des prestations. Celui qui commet une infraction au sens de l'art. 31 al. 1 LPC (correspondant à l'art. 16 aLPC) ne crée pas un état de fait contraire au droit mais provoque uniquement le résultat de l'infraction qui consiste en l'obtention indue de prestations. Le résultat de l'infraction ne dure pas mais est accompli à nouveau à chaque versement (ATF 131 IV 83 consid. 2.1.1, in JdT 2007 IV 83).

i. L'art. 24 OPC-AVS/AI, qui règle l'obligation de renseigner, prévoit que les ayants droit, leur représentant légal ou, le cas échéant, les tiers ou les autorités à qui la prestation complémentaire est versée, doivent communiquer sans retard à l'organe cantonal compétent tout changement dans la situation personnelle et toute modification sensible dans la situation matérielle du bénéficiaire de la prestation. Cette obligation de renseigner vaut aussi pour les modifications concernant les membres de la famille de l'ayant droit.

14.    a. D'emblée, il convient de constater que l'argumentation du recourant ne remet pas en cause, dans son principe, son obligation de restituer le montant litigieux. A l'occasion de son autodénonciation du 24 novembre 2016, M. A______ a du reste expressément admis avoir omis de déclarer à l'intimé qu'il avait été (avec son épouse) propriétaire de la villa sise au Portugal de 1995 à 2010 et qu'à cette date, le couple l'avait cédée à leur fils mineur, moyennant un droit d'usufruit. Par la suite, dans le cadre de son recours devant la chambre de céans, le recourant a fait uniquement valoir, en substance, qu'une partie de la créance en restitution du SPC serait prescrite (recte : périmée) et que sa quotité serait erronée, dans la mesure où la valeur du bien immobilier litigieux s'élevait, selon lui, en 2010, à EUR 26'233,17[i], ce qui était « dès lors bien loin » du montant de CHF 120'727,90 retenu par l'intimé au titre de sa valeur vénale. Dans la mesure où l'évaluation de ce bien était erronée, les revenus de la fortune immobilière retenus par le SPC l'étaient aussi, sans compter que lesdits revenus avaient été calculés sur la base d'un taux de change également erroné.

b. Le recourant semble persister à soutenir que la valeur fiscale de la villa en cause serait seule déterminante pour déterminer son droit à des prestations complémentaire, à l'exclusion de la valeur fiscale. Outre qu'elle n'est aucunement motivée, cette position est contraire à la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée (cf. ci-dessus, consid. 10). En effet, en ce qui concerne le revenu dont l'ayant droit s'est dessaisi, il convient de prendre en considération un revenu fictif correspondant aux intérêts sur la valeur vénale de l'immeuble sur lequel porte l'usufruit, étant par ailleurs relevé que pour fixer la valeur d'un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs (vénales) respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 précité). Or le dossier ne contient aucune indication permettant d'établir la valeur vénale du bien litigieux au moment de sa donation (effectuée sous réserve d'usufruit), en août 2010. Il conviendra, dès lors, de renvoyer la cause à l'intimé, afin qu'il complète l'instruction sur ce point, le cas échéant avec la participation du recourant, conformément à son devoir de collaboration (cf. ci-dessus, consid. 11), auquel il incombera, le cas échéant, de produire une traduction officielle de l'acte de donation du 10 août 2010, respectivement de l'expertise privée du 7 novembre 2016.

c. Pareille solution s'impose d'autant plus que, dans le cadre de ses calculs, le SPC a appliqué à tort, pour la totalité de période litigieuse allant de janvier 2010 à janvier 2017, un taux de conversion uniforme [de CHF 1,5183 (recte : 1,51383) par an, conformément au Journal officiel de l'Union européenne du 6 novembre 2009, C 264/15]. Or, ce taux a souvent varié durant cette période (cf. site internet de la Banque centrale européenne http://sdw.ecb.europa.eu/quickview.do?SERIES_KEY=120.EXR.D.CHF.EUR.SP00.A). Il incombera donc à l'administration de recalculer les montant en cause sur la base du taux de conversion annuel moyen correspondant aux années litigieuses, le cours de conversion applicable étant celui déterminant du début de l'année correspondante (ATAS/1290/2013 du 20 décembre 2013 consid. 10). A juste titre, le recourant ne remet pas vraiment en cause l'application analogique, en l'espèce, du taux de conversion applicable aux rentes payées en devises étrangères. En effet, bien que ces directives concernent les rentes servies, elles sont applicables mutatis mutandis aux autres éléments composant les revenus déterminants, tels que la fortune immobilière (cf. dans ce sens : ATAS/589/2019 du 27 juin 2019 consid. 8 ; ATAS/1290/2013 du 20 décembre 2013 consid. 10). Enfin, le SPC devra également prendre en compte la déduction forfaitaire relative aux frais d'entretien de ce bien, que l'usufruitier a assumés, ou aurait été appelé à assumer (cf. art. 10 al. 3 let. b LPC, 16 al. 1 OPC-AVS/AI) (DPC n° 3260.02 et 3482.12).

d. Par surabondance, on relèvera que l'argument (avancé au stade de l'opposition) selon lequel la villa en cause serait difficile, voire impossible à vendre, au motif qu'elle se situait dans un quartier populaire, ne saurait être suivi. En effet, cette circonstance a dûment été (implicitement) prise en compte dans l'expertise réalisée par le bureau portugais G______ (comp. arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2018 du 16 avril 2019 consid. 7.2).

15.    a. Le recourant fait implicitement valoir que la créance du SPC serait périmée, en ce qui concerne la période allant au-delà du délai de péremption absolu de cinq ans, soit du 1er février 2010 au 1er février 2012. Autrement dit, il conteste que l'intimé puisse appliquer à son cas l'art. 25 al. 2 LPGA dernière phrase, selon lequel si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant, soit en l'espèce sept ans (cf. ci-dessus, consid. 7a).

b. En l'espèce, il est constant que l'intéressé a caché délibérément à l'administration l'existence de la villa en cause, respectivement qu'il était bénéficiaire, à l'instar de son épouse (cf. annexe 1 de l'expertise privée du 7 novembre 2016), d'un droit d'usufruit sur celle-ci depuis août 2010. Ce comportement entre manifestement dans les prévisions de l'art. 31 al. 1 LPC. En particulier, le recourant s'est a priori rendu coupable d'escroquerie en prétendant faussement, à l'appui de sa demande de prestation de prestations complémentaires du 3 novembre 2003, puis dans un courrier du 23 janvier 2004, qu'il n'était propriétaire d'aucun bien immobilier. Dès cet instant, il a adopté un comportement actif de tromperie visant à cacher une information décisive pour le calcul des prestations. En août 2010, le recourant a persisté à taire l'existence de l'immeuble dont il était, dans l'intervalle, devenu usufruitier, alors qu'il recevait chaque année les décisions du SPC adaptant le montant des prestations et en parallèle les communications lui rappelant son obligation de déclarer toute modification de sa situation financière et de contrôler les montants figurant dans les décisions. En ne réagissant pas à ces décisions et communications annuelles, le bénéficiaire a exprimé tacitement, mais de façon mensongère, que sa fortune immobilière était nulle et ce faisant, il a maintenu l'intimé dans l'erreur. Ce faisant, il ne pouvait ignorer que le SPC n'avait pas pris en compte l'usufruit en cause, ce qui ressortait de manière évidente des plans de calculs annexés aux décisions qui lui étaient notifiées chaque année. Il ne méconnaissait pas davantage que sa situation patrimoniale avait une incidence sur le calcul des prestations et que des renseignements incomplets à cet égard étaient propres à l'exposer à une restitution de l'indû. Ainsi, par son silence qualifié, le recourant a réalisé les conditions objectives et subjectives de l'infraction réprimée à l'art. 31 al. 1 let. d LPC chaque année de 2010 à 2016.

Partant, le délai de péremption de plus longue durée prévu par le droit pénal en matière d'infraction à l'art. 31 al 1 LPC, soit en l'occurrence sept ans conformément à l'art. 97 CP, est applicable (ATF 131 IV 83 consid. 2.1.1).

Dès lors, c'est à bon droit que le SPC a exigé, dans son principe, la restitution des prestations versées depuis le 1er février 2010 jusqu'au 31 janvier 2017, sous réserve des montants à recalculer, conformément aux considérants qui précèdent.

16.    S'agissant du gain hypothétique de l'épouse du recourant retenu dans la décision litigieuse pour la période du 1er février 2010 au 31 janvier 2017, la chambre de céans observera, par économie de procédure, qu'il avait déjà été pris en compte par le SPC dans ses précédentes décisions afférentes à cette période, lesquelles sont aujourd'hui formellement entrées en force, faute d'avoir été attaquées. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir. Au surplus, les arguments avancés par le recourant, au stade du recours seulement (situation financière du couple « particulièrement délicate », « rente moyenne d'impotence » perçue par leur fille et problèmes de santé allégués par son épouse), si tant est qu'ils soient recevables, ne constituent pas des éléments nouveaux susceptibles d'entraîner une reconsidération ou une révision desdites décisions au sens où l'entend l'art. 52 al. 1 et 2 LPGA.

17.    Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, les décisions entreprises annulées et la cause renvoyée à l'intimé pour qu'il procède à de nouveaux calculs et prononce de nouvelles décisions.

18.    Le recourant, représenté par un conseil, et obtenant partiellement gain de cause, aurait normalement droit à une indemnité de procédure, réduite, à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative, du 30 juillet 1986 [RFPA - RS/GE E 5 10.03] ; ATF 126 V 11 consid. 2). Toutefois, le contenu du recours n'ayant eu aucune incidence sur le sort de la présente procédure, - le motif qui a conduit à l'annulation de la décision entreprise ayant dû être relevé d'office par la chambre de céans -, il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (comp. arrêts du Tribunal administratif fédéral D-894/2014/D-893/2014 du 24 avril 2014 et E-3162/2011 du 6 décembre 2011 consid. 6.2).

19.    Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 


 

PAR CES MOTIFS,

LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

 

Statuant

 

À la forme :

1. Déclare le recours recevable.

 

Au fond :

2. L'admet partiellement.

3. Annule la décision sur opposition du Service des prestations du complémentaires du 31 août 2018 et retourne la cause à l'intimé pour nouveau calcul et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

4. Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure.

5. Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Irène PONCET

 

Le président suppléant

 

 

 

 

Jean-Louis BERARDI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le