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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/357/2005

ATAS/19/2006 du 12.01.2006 ( AVS ) , ADMIS

Recours TF déposé le 25.01.2006, rendu le 08.06.2006, ADMIS, H 18/06
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/357/2005 ATAS/19/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 3

du 12 janvier 2006

 

En la cause

Monsieur H__________, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Anne REISER

recourant

 

contre

FER CIAM, rue de Saint-Jean 98, case postale 5278, 1211 GENEVE 11

 

intimée

 


EN FAIT

La société X__________SA en faillite (ci-après : la société), inscrite au Registre du commerce de Genève (RC) depuis le 15 février 1995, avait pour but l'achat et la vente de matériel et logiciels informatiques, l’édition et la distribution de logiciels, les travaux de régie, d’engineering et de développement s’y rapportant ainsi que la prise de participations. La société faisait partie du groupe Z__________.COM.INC., enregistré au Nevada (USA), auquel appartiennent également la société Z__________ Y__________ SA en faillite, W__________ SA en faillite et Z__________ Y__________ INC., sise au Canada.

Monsieur H__________ a été inscrit au RC en qualité d’administrateur unique avec signature individuelle le 15 février 1995.

Dès l'été 2000, la société a rencontré des difficultés financières et les cotisations sociales n’ont plus été acquittées dans les délais prescrits par la loi. La Caisse interprofessionnelle d’AVS de la Fédération des entreprises romandes (ci-après la caisse), à laquelle la société était affiliée, a dû déposer plusieurs réquisitions de poursuite.

Le 14 juin 2001, Monsieur H__________ a avisé le juge que la société se trouvait en situation de surendettement et la faillite a été prononcée le 25 septembre 2001.

Suite à une menace de dénonciation pénale intervenue le 8 novembre 2001, un arrangement de paiement a été conclu avec Monsieur H__________ et la part pénale a été réglée en janvier 2002.

L'état de collocation a été publié le 4 septembre 2002.

Le 18 février 2003, un acte de défaut de biens a été notifié à la caisse pour un montant de Fr. 3'845.-.

Le 11 décembre 2003, la caisse a notifié à Monsieur H__________ une décision en réparation du dommage d’un montant de Fr. 3'172.70.

Le 22 décembre 2003, Monsieur H__________ a formé opposition en faisant notamment valoir qu'il n'avait pas commis de négligence grave.

Par décision sur opposition datée du 18 octobre 2004 mais notifiée le 18 janvier 2005, la caisse a confirmé sa décision initiale.

Par acte du 16 février 2005 déposé au guichet du Tribunal cantonal des assurances sociales, Monsieur H__________ a interjeté recours contre cette décision.

Il fait notamment valoir la prescription du droit pour la caisse de réclamer la réparation de son dommage. Il soutient que c'est l'ancien droit qui doit s'appliquer en la matière, dès lors qu'il s'agit d'une institution de droit matériel. Il relève que la survenance du dommage - fait juridiquement déterminant - date du prononcé de la faillite et est donc antérieure au nouveau droit.

Invitée à se prononcer, la caisse, dans sa réponse du 22 mars 2005, s’agissant de la prescription, a émis l’avis que l’ancien droit n’est applicable que dans les cas où la demande en réparation du dommage est intervenue avant le 1er janvier 2003. Dans le cas contraire, seule la nouvelle réglementation serait applicable. Elle fait valoir que la prescription de l’art. 52 al. 3 LAVS est applicable pour les dommages que la caisse n’a pas encore fait valoir avant le 1er janvier 2003 pour autant que la créance n’ait pas encore été prescrite à cette date selon l’ancien droit. Dès lors que la suspension de la faillite a été publiée le 14 juillet 2002, la décision en réparation du dommage du 11 décembre 2003 n'était, selon elle, pas prescrite.

Dans sa réplique du 29 avril 2005, le recourant a maintenu sa position. Il fait valoir que, contrairement à ce que soutient la caisse, ce n'est pas le moment auquel une demande en réparation du dommage est formée qui est déterminant pour savoir si le nouveau droit s'applique mais bien celui de la naissance de la créance en réparation du dommage. Or en l'occurrence, celle-ci est née sous l'ancien droit, si bien que la prescription a commencé à courir sous l'ancien droit également.

Dans sa duplique du 19 mai 2005, la caisse, pour sa part, a également maintenu sa position. Elle admet que les règles de prescription émanent du droit matériel, mais estime que, puisque la décision en réparation du dommage n'était pas périmée au 1er janvier 2003, c'est le nouveau délai de prescription qui est applicable, conformément à l'art. 82 al. 1 1ère phrase LPGA selon lequel les dispositions matérielles de la loi ne sont pas applicables aux prestations en cours et aux créances fixées avant son entrée en vigueur.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56V LOJ, le TCAS connaît en instance unique notamment des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA ; 830.1) relatives à la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS ; art. 56 V al. 1 let. a ch. 1 LOJ). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est donc établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant de nombreuses modifications dans le domaine de l’assurance-vieillesse, notamment en ce qui concerne l’art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de l’employeur est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant à l’art. 52 LAVS et les art. 81 et 82 du règlement du 31 octobre 1947 sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS) ont été abrogés. Les nouvelles dispositions légales ont notamment remplacé la procédure de la décision administrative, suivie, en cas d'opposition, d'une action de la caisse en réparation du dommage (ancien art. 81 RAVS), par une procédure de décision, de décision sur opposition et de recours de droit administratif (art. 52 al. 2 LAVS, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2003, art. 52 et 56 LPGA).

Le Tribunal de céans constate que le recours, interjeté en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA) est recevable en la forme.

Selon l'art. 52 LAVS, tel qu'en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de compensation, est tenu à réparation. Si l'organe est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATF 123 V 15 consid. 5b, 122 V 66 consid. 4a, 119 V 405 consid. 2 et les références).

L'art. 52 al. 1 LAVS en vigueur depuis le 1er janvier 2003 reprend l'ancien art. 52 LAVS quasiment sans modification. Les termes «caisse de compensation» sont remplacés par «assurance», sans que cela entraîne un changement quant aux conditions de la responsabilité de l'employeur (cf. ATF 129 V 13 sv. consid. 3.5).

Se pose en revanche la question préalable de savoir quelles sont les dispositions applicables en matière de prescription en l'espèce.

L'ancien art. 82 RAVS, qui régissait les effets du temps sur une créance en réparation du dommage, a été abrogé à la suite de l'entrée en vigueur de la LPGA et la question est désormais réglée par l'art. 52 al. 3 LAVS. Le recourant se réfère à cette disposition et fait valoir que la caisse n'a pas agi suffisamment tôt après avoir eu connaissance du dommage qu'elle subissait dans la faillite de la société, de sorte que ses prétentions étaient prescrites ou périmées lorsqu'elle lui a notifié la décision de réparation du dommage.

a) Selon l'ancien art. 82 al. 1 RAVS, le droit de demander la réparation du dommage se prescrit lorsque la caisse de compensation ne le fait pas valoir par une décision de réparation dans l'année après qu'elle a eu connaissance du dommage, et, en tout cas, à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du fait dommageable. Il s'agit de délais de péremption, en ce sens que la caisse de compensation est déchue du droit d'exiger la réparation du dommage si elle n'a pas agi dans les délais requis (cf. ATF 128 V 12 consid. 5a, 17 consid. 2a, 126 V 451 consid. 2a, 121 III 388 consid. 3b et les références; cf. également Andrea BRACONI, Prescription et péremption dans l'assurance sociale, in : Droit privé et assurances sociales, Fribourg 1990, p. 223 et 227ss). Si elle a rendu une décision de réparation du dommage dans ces délais et, en cas d'opposition, ouvert une action dans les 30 jours à compter du moment où elle a eu connaissance de l'opposition (ancien art. 81 al. 3 RAVS), ses droits sont sauvegardés pour toute la durée de la procédure, jusqu'à ce que la décision entre en force ou qu'un jugement définitif soit rendu (RCC 1991 p. 136 consid. 2c; arrêt non publié B. du 8 janvier 1990 [H 102/88] consid. 2c).

b) L'art. 52 al. 3 LAVS, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2003, prévoit que le droit à réparation est prescrit («verjährt»; «si prescrive») deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance de celui-ci. Ces délais peuvent être interrompus et l'employeur peut renoncer à s'en prévaloir. Il s'agit de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (FF 1994 V p. 964ss et FF 1999 p. 4422).

c) En l'absence de disposition transitoire relative aux délais de péremption et de prescription prévus par l'ancien art. 82 RAVS et l'art. 52 al. 3 LAVS, le TFA a relevé que l'on pourrait considérer comme un état de fait durable la créance en réparation du dommage soumise à prescription ou péremption, et lui appliquer la nouvelle réglementation dès son entrée en vigueur (cf. ATF 107 Ib 203ss consid. 7b, 102 V 207ss consid. 2; RDAF 1998 II p. 189ss consid. 7a; RDAT 1995 I n. 46 p. 115ss consid. 3). Il a cependant rappelé à cet égard que la péremption ou la prescription sont des institutions de droit matériel qui concernent directement l'existence de la créance en réparation du dommage, à laquelle elles sont donc étroitement liées. Selon lui, ce lien de connexité pourrait justifier de soumettre la naissance de la créance en réparation du dommage et sa péremption ou prescription à un seul et même régime de droit transitoire (ATFA H 96/03, H 98/03, H 99/03, H 103/03 du 30 novembre 2004, consid. 5.1 et 5.2; cf. ATF 126 II 2 sv. consid. 2a; RDAF 2002 II p. 94 consid. 5b). Dans cet arrêt du 30 novembre 2004, le TFA n'a cependant pas tranché la question et s'est contenté de relever que le délai de deux ans prévu par le nouveau droit ne commencerait à courir, le cas échéant, qu'à partir de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, le 1er janvier 2003, et pour autant que la créance ne soit pas déjà périmée à cette date conformément à l'ancien art. 82 al. 1 RAVS (ATF 107 Ib 203ss consid. 7b, 102 V 207ss consid. 2; RDAF 1998 II p. 189ss consid. 7a, RDAT 1995 I n. 46 p. 115ss consid. 3). Un recourant ne saurait donc, selon lui, se prévaloir du délai fixé par le nouvel art. 52 al. 3 LAVS moins de deux ans après son entrée en vigueur.

Dans un arrêt en matière de droit fiscal du 23 novembre 2001, publié in RDAF II p. 89ss, le Tribunal fédéral, lui, a tranché la question de la manière suivante : il a confirmé la jurisprudence selon laquelle des créances en matière d'impôt fédéral direct nées et interrompues sous l'empire de l'ancien droit ne devaient pas se voir appliquer les nouvelles dispositions relatives à la prescription, bien que ces normes soient intégrées à la partie de la loi relative à la procédure. Il a rappelé que la prescription est une institution de droit matériel qui concerne directement l'existence de la créance et qu'en l'absence d'une réglementation expresse contraire du nouveau droit, il se justifie de l'examiner d'après les dispositions de l'ancien droit (ATF 126 II 1 consid. 2a et réf. citées).

La créance de la caisse est née au moment de la survenance du dommage, c'est-à-dire dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 195 consid. 2.2, 126 V 444 consid. 3a, 121 III 384 consid. 3bb, 388 consid. 3a). Tel est le cas lorsque des cotisations sont frappées de péremption, ou en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage est réputé être survenu au moment de l'avènement de la péremption ou le jour de la faillite; ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de 5 ans de l'ancien art. 82 al. 1 in fine RAVS (ATF 129 V 195 consid. 2.2, 123 V 16 consid. 5c).

En l'occurrence, la faillite a été prononcée en date du 25 septembre 2001, date à laquelle doivent donc être fixées la survenance du dommage et la naissance de la créance de la caisse. En application de la jurisprudence citée supra, ce sont donc les anciennes dispositions légales en matière de péremption qui s'appliquent. En ne notifiant ses décisions en réparation du dommage qu'en date du 11 décembre 2003, soit plus d'une année après avoir eu connaissance du dommage (le 4 septembre 2002, date de la publication de l'état de collocation), la caisse a donc agi tardivement. Cela paraît d'autant plus justifié qu'au moment où la caisse a eu connaissance du dommage, c'est-à-dire au moment où a commencé à courir la péremption d'un an, les anciennes règles étaient encore applicables. La caisse savait donc qu'elle devait agir dans le délai d'une année.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours est admis.

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

L'admet.

Condamne l’intimée à verser à la recourante la somme de Fr. 1'000,-- à titre de dépens ;

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

La greffière

 

 

 

 

Janine BOFFI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le