Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4266/2024

ATA/1133/2025 du 14.10.2025 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4266/2024-AIDSO ATA/1133/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 octobre 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1995, a bénéficié d'une aide financière de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) du 1er novembre 2013 au 31 août 2019 (aide financière exceptionnelle pour jeunes adultes sans formation), du 1er juillet au 30 septembre 2021 (aide financière ordinaire), du 1er octobre 2021 au 30 novembre 2022 (aide financière exceptionnelle pour étudiant) et du 1er juin au 31 juillet 2023 (aide financière ordinaire).

b. Le 4 septembre 2017, elle a informé par téléphone l'assistant social qui suivait son dossier qu'elle devait, le lendemain, se rendre à un entretien d'embauche dans un établissement de restauration rapide. L'assistant social lui a demandé de le tenir au courant et, en cas d'engagement, de lui transmettre son contrat de travail puis, dans un second temps, sa fiche de salaire.

c. Le 3 octobre 2017, l'assistant social a validé le versement des prestations financières de A______, sans lui imputer de salaire.

d. A______ n'a indiqué que le 6 octobre 2017 qu'elle travaillait, et n'a communiqué son contrat de travail que le 17 octobre 2017.

e. Par décision du 6 novembre 2017 notifiée par pli recommandé, l'Unité « Point jeunes » de l'hospice a demandé à la précitée la restitution des prestations indûment perçues en octobre 2017, soit CHF 1'052.85.

Ladite décision mentionnait la voie et le délai d'opposition.

f. La concernée n'a toutefois déposé aucune opposition dans ledit délai.

g. Par la suite, une partie de la somme a été compensée par l'hospice, sous forme de prélèvements de CHF 100.- sur l'aide accordée.

B. a. Lors d'une période ultérieure d'aide, le centre d'action sociale (ci-après : CAS) de B______ a validé le 25 janvier 2022 les prestations d'aide financière ordinaire de A______ sans tenir compte d'une quelconque ressource de l'intéressée.

b. A______ a transmis dans le courant du mois de février 2022 l'information qu'elle avait été engagée par la C______, puis son décompte de salaire pour le mois de janvier 2022.

c. Par décision du 1er avril 2022 notifiée par pli recommandé, le CAS de B______ a demandé à la précitée la restitution des prestations indûment perçues en janvier et février 2022, soit CHF 1'213.60.

Ladite décision mentionnait la voie et le délai d'opposition.

d. La concernée n'a toutefois déposé aucune opposition dans ledit délai.

e. Le 13 octobre 2022, lors d'un entretien de bilan au CAS de B______, A______ a demandé des explications au sujet de sa dette envers l'hospice.

f. Le CAS a répondu par courriel du même jour, reprenant brièvement les circonstances à l'origine des deux demandes de remboursement. Le solde à rembourser relativement à la première demande était de CHF 752.85. Le montant total encore à rembourser s'élevait à CHF 1'966.45.

C. a. Par courrier non signé daté du 29 octobre 2024 adressé au CAS de B______, A______ a indiqué « faire fermement opposition aux décisions administratives du 2 novembre 2017 et du 1er avril 2022 ». Elle avait à chaque fois, en son temps, exprimé son désaccord auprès des assistants sociaux en charge de son dossier. Sa situation personnelle et financière était difficile et elle demandait l'annulation de sa dette.

b. Le 20 novembre 2024, l'hospice a déclaré l'opposition irrecevable. En formant opposition en novembre 2024 contre des décisions notifiées en 2017 et 2022, elle avait manifestement agi au-delà du délai de 30 jours. Subsidiairement, son opposition n'était pas signée.

D. a. Par acte posté le 20 décembre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée, concluant à « l'annulation complète de la dette », qui s'élevait à CHF 1'966.45.

Elle s'opposait à ladite décision, qui refusait d'annuler la dette en question, « contractée suite aux décisions administratives du 2 novembre 2017 et du 1er avril 2022 ».

Les erreurs ayant généré le trop-perçu étaient imputables à ses assistants sociaux. Elle avait exprimé son désaccord auprès de ces derniers. Elle leur avait demandé quels étaient ses recours et ils avaient répondu qu'il fallait impérativement solder sa dette. À l'époque, personne ne l'avait informée qu'il était possible de faire opposition à ces décisions. Elle traversait une période difficile sur le plan tant personnel que pécuniaire.

b. Le 13 février 2025, l'hospice a conclu au rejet du recours, reprenant la chronologie des différents événements et reprenant en la développant l'argumentation de la décision attaquée.

c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 21 mars 2025 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 18 mars 2025, l'hospice a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires.

e. Le 19 mars 2025, A______ a persisté dans les termes de son recours, revenant sur le déroulement des faits ayant conduit à la demande de remboursement de 2017.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

La conclusion principale de la recourante, tendant à l'« annulation » de sa dette envers l'hospice est cependant irrecevable. Dès lors que la décision attaquée porte sur l'irrecevabilité de l'opposition, le recours contre cette décision ne peut tendre qu'à ce que l'opposition soit déclarée recevable et à ce que la cause soit renvoyée à l'hospice pour examen au fond.

2.             Le 1er janvier 2025 sont entrés en vigueur la loi sur l'aide sociale et la lutte contre la précarité du 23 juin 2023 (LASLP - J 4 04) et son règlement d'application du 17 avril 2024 (RASLP - J 4 04.01), abrogeant la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI) et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI).

Il n'est toutefois pas nécessaire en l'espèce de déterminer laquelle de ces législations de fond est applicable, dès lors que la question principale relève de l'application de la LPA, qui n'a pas changé, et que le délai d'opposition est le même dans les deux lois, soit 30 jours à partir de la notification de la décision de l'hospice (art. 51 al. 1 LIASI et 71 al. 1 LASLP).

3.             Le litige porte sur le point de savoir si c’est à juste titre que l’autorité intimée a déclaré l’opposition de la recourante irrecevable.

3.1 Comme déjà exposé, le délai d’opposition est de trente jours à partir de la notification de la décision ; il court dès le lendemain de la notification de la décision contestée (art. 17 al. 1 et 62 al. 3 LPA).

Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d'être prolongés (art. 16 al. 1 LPA), restitués ou suspendus, si ce n'est par le législateur lui-même. Celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/1391/2024 du 26 novembre 2024 consid. 2.1). Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d'égalité de traitement et n'est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 125 V 65 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_507/2011 du 7 février 2012 consid. 2.3 ; 2D_18/2009 du 22 juin 2009 consid. 4.2).

Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1 2e phr. LPA. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; ATA/959/2025 du 2 septembre 2025 consid. 1.4).

3.2 Selon une jurisprudence bien établie, les communications des autorités sont soumises au principe de la réception. Il suffit qu'elles soient placées dans la sphère de puissance de leur destinataire et que celui-ci soit à même d'en prendre connaissance pour admettre qu'elles ont été valablement notifiées (cf. ATF 144 IV 57 consid. 2.3.2 ; 142 III 599 consid. 2.4.1 ; 122 I 139 consid. 1). Autrement dit, la prise de connaissance effective de l'envoi ne joue pas de rôle sur la détermination du dies a quo du délai de recours (cf. ATF 144 IV 57 consid. 2.3.2 ; 142 III 599 consid. 2.4.1).

3.3 Selon l’art. 62 al. 4 LPA, la décision qui n’est remise que contre la signature du destinataire ou d’un tiers habilité est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution.

3.4 Enfin, le fardeau de la preuve de la notification d'un acte et de sa date incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; 136 V 295 consid. 5.9). L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve, en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 et les références citées), dont la bonne foi est présumée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_570/2011 du 24 janvier 2012 consid. 4.3 et les références citées). La preuve de la notification peut toutefois résulter d'autres indices que des indications postales ou de l'ensemble des circonstances, par exemple d'un échange de correspondance ultérieur ou du comportement du destinataire (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2018 du 26 octobre 2018 consid. 5.2).

3.5 Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

3.6 En l'espèce, les décisions du 2 novembre 2017 et du 1er avril 2022 ont été notifiées à la recourante par plis recommandés, qu'elle ne prétend pas ne pas avoir reçus. Les deux décisions contenaient la mention de la voie de l'opposition et du délai dans lequel elle devait être déposée, de même que l'adresse à laquelle elle devait être expédiée. La recourante ne peut donc être suivie lorsqu'elle prétend que personne ne l'avait informée qu'il était possible de faire opposition à ces décisions, dès lors que lesdites décisions elles-mêmes contenaient cette information, conformément à la loi.

Dès lors, en formant opposition contre les demandes de remboursement le 29 octobre 2024, la recourante a manifestement agi au-delà du délai légal de 30 jours.

Elle ne se prévaut pour le surplus pas d'un éventuel cas de force majeure qui justifierait la tardiveté de son opposition.

C’est donc à juste titre que l’hospice a déclaré l’opposition de la recourante irrecevable, car tardive. Le recours doit partant être rejeté.

Par ailleurs, quand bien même le courrier de la recourante du 29 octobre 2024 aurait aussi pu être compris comme une demande de remise, le dossier ne sera pas renvoyé à l'hospice pour examiner cette question, dès lors que les délais prévus tant par l'art. 42 al. 2 LIASI (30 jours dès la notification de la demande de remboursement) que par l'art. 49 al. 2 LASLP (30 jours dès l'entrée en force de la décision exigeant le remboursement) étaient eux aussi largement dépassés.

4.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 décembre 2024 par A______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 20 novembre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :