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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/573/2025

ATA/706/2025 du 24.06.2025 ( FPUBL )

En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/573/2025-FPUBL ATA/706/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 24 juin 2025

 

dans la cause

 

A______

B______

C______

D______ recourants

représentés par Me Romain JORDAN, avocat

contre

COMMISSION DE RÉEXAMEN EN MATIÈRE D'ÉVALUATION DES FONCTIONS DE LA RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE intimée



EN FAIT

A. a. Le 18 octobre 2021, la société pédagogique genevoise (ci-après : SPG) a sollicité de l’État de Genève la révision de la classification portant sur la fonction de maîtres et maîtresses de disciplines artistiques et sportives, spécialistes en éducation musicale et rythmique (ci-après : MDAS-EMR).

b. Dans le cadre de cette procédure, divers MDAS-EMR, dont B______, ont été auditionnés par l’office du personnel de l’État (ci-après : OPE).

c. Le 13 décembre 2023, l’OPE a proposé au Conseil d’État de classer les MDAS‑EMR avec un profil, une pondération et une classification de K C I C G – 154 points – classe maximum 16.

d. Par décision du 28 février 2024, le Conseil d’État a suivi le préavis de l’OPE et classé la fonction de MDAS-EMP – enseignement primaire selon le profil K C I C G – 154 points – classe maximum 16. Cette modification entrait en vigueur le 1er du mois suivant, sous réserve de la disponibilité budgétaire nécessaire.

B. a. Un entretien a réuni, le 7 octobre 2024, le directeur des ressources humaines de la direction générale de l’enseignement obligatoire (ci-après : DGEO), B______, ainsi que les MDAS-EMR D______ et C______.

b. Le 29 octobre 2024, la SPG a interpellé la conseillère d’État en charge du département de l’instruction publique (ci-après : DIP).

En s’enquérant de l’avancement de la procédure de réévaluation des fonctions pour les MDAS-EMR, elle avait été informée, à sa grande surprise, que l’OPE avait déjà statué sur ce dossier « depuis le 16 novembre 2023 », sans que ni les personnes concernées ni la SPG en aient été informées. Elle exprimait sa très vive désapprobation avec le procédé. Conformément à la procédure telle qu’énoncée dans les directives contenues dans le Mémento des instructions de l'office du personnel de l'État 02.01.01 (ci-après : la fiche MIOPE), elle sollicitait l’envoi aux quatre délégués de la SPG, dont B______, de la position adoptée par l’OPE ainsi que de l’ensemble du dossier d’évaluation afin qu’elle puisse exercer son droit d’opposition en toute connaissance de cause.

C. a. Le 4 novembre 2024, l’association A______, B______, D______ et C______ ont saisi la commission de réexamen en matière d’évaluation des fonctions (ci-après : CREMEF) d’une demande de réexamen de leur situation concluant au profil, pondération et classification de M D J D G – 186 points - classe maximum 20.

Ils n’avaient toujours pas reçu de notification officielle de la proposition de décision de l’OPE. Afin de sauvegarder leurs droits, ils faisaient opposition contre celle-ci dans le délai de 30 jours après avoir appris son existence.

Ils motivaient chacune des évaluations précitées, précisant que l’opposition serait complétée dès qu’ils auraient obtenu l’accès au dossier, en particulier les informations quant au déroulement du processus et aux motifs ayant conduit un refus de réviser la classification de leurs fonctions.

b. Par décision du 15 janvier 2025, la CREMEF a constaté l’irrecevabilité de l’opposition du 4 novembre 2024.

Le Conseil d’État avait décidé, le 28 février 2024, de la classification de la fonction des opposants. Elle ne pouvait pas remettre en question une décision du Conseil d’État qui ratifiait l’évaluation qu’elle avait faite.

D. a. Par acte du 18 février 2025, l’association A______, B______, D______ et C______ ont interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de la CREMEF du 15 janvier 2025.

Ils ont conclu à l’annulation de la décision de la CREMEF afin qu’elle entre en matière sur l’opposition. Préalablement, la chambre administrative devait ordonner à la CREMEF de produire l’intégralité du dossier et constater, en tant que de besoin, que l’arrêté du Conseil d’État du 28 février 2024 était nul.

Les titulaires des postes MDAS-EMR n’avaient pas été informés de la proposition de l’OPE. Ils ignoraient même qu’elle eût été formulée, qu’elle avait obtenu l’accord du département et qu’elle avait été transmise au Conseil d’État. La décision de ce dernier, qui n’avait pas non plus été notifiée aux MDAS-EMR, était nulle car prise aux termes d’un grave vice de procédure affectant de manière importante les droits fondamentaux des recourants.

En constatant l’irrecevabilité de l’opposition, la CREMEF avait commis un déni de justice formel et privé les recourants d’une voie de droit. Il lui appartenait de procéder à la vérification prévue par la loi, puis de se prononcer sur la décision contestée en formulant une proposition au Conseil d’État. C’était uniquement ce dernier qui pouvait, au terme de la procédure prévue par la loi, rejeter l’opposition, voire la déclarer irrecevable. La CREMEF ne disposait pas de la compétence de constater l’irrecevabilité de l’opposition. Retenir le contraire, en l’espèce, priverait les recourants d’un degré de juridiction. Suivre le raisonnement de la CREMEF revenait à vider de sa substance le règlement instituant une commission de réexamen en matière d’évaluation des fonctions du 7 avril 1982 (RComEF - B 5 15.04), puisque les départements concernés pourraient se passer de notifier les préavis de l’OPE aux titulaires de postes concernés et faire entériner les décisions de l’OPE par le Conseil d’État, rendant ainsi toute demande de réexamen devant la CREMEF irrecevable.

b. La CREMEF a conclu à l’irrecevabilité du recours, interjeté tardivement. Au fond, elle a conclu à son rejet et a produit l’extrait du procès-verbal de la séance du Conseil d’État du 28 février 2024.

c. Dans sa réplique, les recourants ont contesté la tardiveté du recours et produit des pièces pour le prouver (envoi recommandé n° 1______).

EN DROIT

1.             La recevabilité du recours sera examinée au fond.

2.             Les recourants invoquent la nullité de la décision du Conseil d’État du 28 février 2024.

Ils n’avaient pas été informés de la proposition de l’OPE. Ils ignoraient qu’une telle proposition avait été formulée, qu’elle avait obtenu l’accord du département et qu’elle avait été transmise au Conseil d’État. La décision du Conseil d’État, qui n’avait pas non plus été notifiée aux intéressés, dont notamment B______, était nulle car prise aux termes d’un grave vice de procédure affectant de manière importante leurs droits fondamentaux.

2.1 La nullité ne se décide pas ; elle se constate, d'office, en tout temps, devant toute autorité ayant à connaître de cette décision (ATF 146 I 172 consid. 7.6 ; 134 III 75 consid. 2.4 ; 122 I 97 consid. 3a). Elle peut notamment être invoquée devant toute autorité pour laquelle la validité de la décision en cause constitue une question préjudicielle (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 920 p. 324).

2.2 L’autorité peut ordonner, d’office ou sur requête, l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure ; la décision leur devient dans ce cas opposable (al. 1). L’appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (art. 71 al. 2 LPA).

2.3 Dès lors que la validité de la décision du Conseil d’État est discutée, son appel en cause apparaît nécessaire, afin qu’il puisse s’exprimer et bénéficier des droits de partie dans la présente procédure.

2.4 Le sort des frais sera réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

ordonne l’appel en cause du Conseil d’État ;

communique au Conseil d’État  une copie du recours, de la décision attaquée et de la réponse de la partie intimée ;

dit que les pièces de la procédure peuvent être consultées au greffe de la chambre administrative ;

impartit un délai au Conseil d’État au 15 août 2025 pour présenter ses observations sur le fond du litige ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal-fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Romain JORDAN, avocat des recourants, à la commission de réexamen en matière d'évaluation des fonctions de la République et Canton de Genève ainsi qu’au Conseil d’État.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :