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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4146/2023

ATA/1204/2024 du 15.10.2024 ( TAXIS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4146/2023-TAXIS ATA/1204/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 octobre 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

DIRECTION DE LA POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée

_________



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1943, est titulaire d’une autorisation d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP) liée aux plaques GE 1______et travaille en qualité de chauffeur de taxi indépendant depuis le 1er octobre 2003.

b. Le 13 septembre 2017, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, devenu depuis la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : la direction) a prolongé l’AUADP jusqu’au 30 juin 2023.

c. Le 14 mars 2023, A______ a requis le renouvellement de son AUADP liée aux plaques d’immatriculation GE 1______, en vertu de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) et du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01), en fournissant les documents requis.

d. Selon un certificat médical du 6 novembre 2023, A______ était en bonne santé et satisfaisait à l’ensemble des exigences médicales liées à l’exercice de sa profession.

En outre, la moyenne de son activité est d’environ cinq courses et demie par jour, 20 jours par mois.

e. Par décision du 7 novembre 2023, la direction a constaté la caducité de l’AUADP liée aux plaques d’immatriculations GE 1______et ordonné à A______ de les déposer auprès de l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV).

Quand bien même il remplissait les conditions de renouvellement de son AUADP, la caducité de celle-ci devait être constatée en raison de son âge, selon l’art. 13 al. 9 let. c LTVTC. Le renouvellement de son AUADP lui était donc refusé.

f. Le 5 décembre 2023, A______ a interpellé la conseillère d’État en charge du département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département) afin de solliciter une décision fondée sur l’examen de sa situation individuelle.

Ce courrier est demeuré sans réponse.

B. a. Par acte du 11 décembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant, principalement, à son annulation et au renouvellement de son AUADP, en constatant qu’il en remplissait les conditions et, subsidiairement, au renvoi du dossier à la direction pour nouvelle décision au sens des considérants.

La pratique litigieuse consistant à appliquer automatiquement la limite d’âge de l’art. 13 al. 9 let. c LTVTC consacrait, d’une part, une violation de sa liberté économique et du principe de proportionnalité et, d’autre part, des principes de l’égalité de traitement et de l’interdiction de l’arbitraire.

La capacité de conduire devait être examinée à l’aune de sa personnalité et de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce. Le caractère automatique de la décision attaquée permettait toutefois à la direction de s’épargner cet examen. Or, les chauffeurs professionnels de plus de 75 ans pouvaient continuer à exercer leur activité de chauffeur de voiture de transport avec chauffeur (ci‑après : VTC), laquelle n’était soumise à aucune limitation. Le changement de catégorie ne permettait pas de garantir les buts visés par le législateur en lien avec la santé des travailleurs et la sécurité des usagers. L’examen des travaux préparatoires révélaient que la mesure concernait à l’époque quinze titulaires d’AUADP âgés de plus de 75 ans. Vu ce nombre, il convenait de s’interroger sur la pertinence de la mesure pour atteindre l’objectif d’opérer une rotation efficace des AUADP. La condition selon laquelle les AUADP ne devaient être octroyées qu’aux chauffeurs en faisant un usage effectif et régulier ressortait déjà de l’art. 5 RTVTC, sans nécessité du prononcé automatique de la mesure litigieuse. S’il était possible de présumer qu’à partir de l’âge de 75 ans, un certain nombre de titulaires d’AUADP puissent rencontrer des problèmes de santé ou n’exercer que très aléatoirement leur activité, cela n’exemptait pas la direction de procéder à l’examen de chaque cas ainsi que de pondérer les intérêts en présence.

La chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle ; ACST/26/2022 du 22 décembre 2022) avait retenu que la pratique litigieuse n’était nullement discriminatoire, dès lors que les intéressés pouvaient continuer à exercer leur activité en qualité de chauffeur de VTC, ce qui, selon elle, représentait une activité équivalente. Ce raisonnement ne pouvait être suivi. Si les chauffeurs de taxis âgés de 75 ans révolus pouvaient, sans atteinte à une quelconque liberté fondamentale, devenir des chauffeurs VTC, il était incompréhensible que les jeunes chauffeurs de VTC ne puissent pas continuer leur activité jusqu’à ce qu’une place se libère. S’il fallait en revanche considérer qu’il s’agissait d’activités de nature différente, l’examen de proportionnalité devait être plus strict afin de vérifier que la différence de traitement considérée repose sur des motifs objectifs suffisants. La décision attaquée n’était pas fondée sur des motifs objectifs suffisants, en prononçant automatiquement la caducité de son AUADP au seul motif qu’il était âgé de 75 ans révolus.

b. La direction a conclu au rejet du recours.

La décision ayant été prononcée en vertu de la limite d’âge fixée à l’art. 13 al. 9 let. c LTVTC et compte tenu de la jurisprudence précitée, elle n’emportait aucune violation des principes susmentionnés. La chambre constitutionnelle avait considéré que cette limite d’âge se fondait sur le droit d’usage accru du domaine public accordé aux seuls chauffeurs de taxis, à l’exclusion des VTC, sans aucune inégalité de traitement entre concurrents directs.

c. Le recourant a répliqué en relevant que la direction persistait à refuser d’appréhender sa situation sous l’angle du principe de proportionnalité, se contentant de se référer aux considérations générales ayant conduit à la mise en œuvre de la norme litigieuse pour justifier sa décision. Il ne s’agissait pas uniquement de savoir si la mesure litigieuse était de nature à atteindre le but fixé, sinon si elle apparaissait comme nécessaire et proportionnée dans chaque cas particulier. La fréquence de son activité lui évitait de se voir contraint de solliciter des prestations sociales.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision constatant la caducité de l’AUADP du recourant en raison de son âge.

Le recourant considère que l’art. 13 al. 9 let. c LTVTC viole, d’une part, sa liberté économique et le principe de proportionnalité et, d’autre part, les principes de l’égalité de traitement et de l’interdiction de l’arbitraire.

2.1.1 La LTVTC a pour but de réglementer et de promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1 LTVTC). Elle vise à garantir la sécurité publique, l’ordre public, le respect de l’environnement et des règles relatives à l’utilisation du domaine public, la loyauté dans les transactions commerciales, la transparence des prix, ainsi que le respect des prescriptions en matière de conditions de travail, de normes sociales et de lutte contre le travail au noir, tout en préservant la liberté économique (art. 1 al. 2 LTVTC).

Elle s’applique notamment aux activités exercées, sur le territoire cantonal, par les chauffeurs de taxi (let. a) et les chauffeurs de VTC (let. b, art. 2 al. 1 LTVTC).

Selon l’art. 5 LTVTC, le taxi est une voiture automobile des catégories M1 ou M2 jusqu’à 3,5 tonnes au sens du droit fédéral, dont le chauffeur se met à la disposition de tout public pour effectuer le transport professionnel de personnes et de leurs effets personnels, contre rémunération dans les limites maximales de la loi, offrant une complémentarité en matière de transport public et bénéficiant de l’usage accru du domaine public ainsi que du droit exclusif de faire usage de la dénomination « Taxi », notamment dans le cadre de sa publicité (let. a). Le VTC est une voiture automobile des catégories M1 ou M2 jusqu’à 3,5 tonnes au sens du droit fédéral, dont le chauffeur se met à la disposition de tout public pour effectuer le transport professionnel de personnes et de leurs effets personnels, par commande ou réservation préalable uniquement, contre rémunération convenue d’entente avec le client, ne bénéficiant ni de l’usage accru du domaine public ni du droit de faire usage de la dénomination « Taxi » (let. b).

L’activité de chauffeur de taxi, de chauffeur de VTC, d’entreprise de transport et d’entreprise de diffusion de courses est soumise à autorisation préalable (art. 6 al. 1 LTVTC).

Pour les taxis, les plaques d’immatriculation sont délivrées à une personne physique ou morale titulaire d’une AUADP au sens de l’art. 13 LTVTC. Chaque immatriculation correspond à une AUADP (art. 12 al. 2 LTVTC).

Concernant la caducité des AUADP, l’art. 13 al. 9 let. c LVTC prévoit en particulier que le département la constate lorsque son titulaire a atteint l’âge de 75 ans révolus.

2.1.2 La LTVTC, en vigueur depuis le 1er novembre 2022, résulte du projet de loi (ci-après : PL) n° 12'649 sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur, déposé par le Conseil d’État devant le Grand Conseil le 26 février 2020. Ce projet a été renvoyé à la commission parlementaire des transports qui a rendu deux rapports, respectivement le 16 août 2021 (PL 12’649-A) et le 11 janvier 2022 (PL12’649-B).

Il ressort de ces travaux préparatoires que la fixation d’une limite d’âge à 75 ans entraînant la caducité de l’AUADP vise à réduire le temps d’attente pour les personnes souhaitant exercer la profession et préserver la santé des administrés (pénibilité de la profession de chauffeur, charges importantes à soulever) et la sécurité des usagers (PL 12'649, exposé des motifs, p. 27). Il avait également paru important de fixer un âge maximum en présence de chauffeurs très âgés pratiquant encore leur métier pour s’occuper pendant leur retraite ainsi qu’en raison du numerus clausus et des difficultés des plus jeunes à entrer dans la profession. Initialement, le département avait prévu de fixer une limite d’âge plus basse puis, à la suite des discussions, il avait choisi de la fixer à dix ans après l’âge légal de la retraite, sachant qu’il n’y avait pas d’âge limite pour les indépendants (PL 12’469‑A, p. 33).

2.2.1 Selon l'art. 27 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 137 I 167 consid. 3.1 ; 135 I 130 consid. 4.2).

2.2.2 La liberté économique comprend également le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique. Selon ce principe, déduit des art. 27 et 94 Cst., sont prohibées les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même activité économique (ATF 143 II 598 consid. 5.1; 143 I 37 consid. 8.2). On entend par concurrents directs les membres de la même branche économique qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins. L'égalité de traitement entre concurrents directs n'est pas absolue et autorise des différences, à condition que celles-ci reposent sur une base légale, qu'elles répondent à des critères objectifs, soient proportionnées et résultent du système lui-même ; il est seulement exigé que les inégalités ainsi instaurées soient réduites au minimum nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public poursuivi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1149/2018 du 10 mars 2020 consid. 5.2 et les références).

2.3.1 Selon l'art. 8 Cst., tous les êtres humains sont égaux devant la loi (al. 1) ; nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique (al. 2).

Pareillement, il est prévu au plan cantonal que nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa situation sociale, de son orientation sexuelle, de ses convictions ou d’une déficience (art. 15 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00).

L'art. 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) complète quant à lui les autres clauses normatives de la Convention et des Protocoles et n'a en principe pas de portée indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1079/2019 du 23 décembre 2021 consid. 8.1 et les arrêts cités).

2.3.2 Une discrimination au sens de l'art. 8 al. 2 Cst. est réalisée lorsqu'une personne est juridiquement traitée de manière différente, uniquement en raison de son appartenance à un groupe déterminé historiquement ou dans la réalité sociale contemporaine, mise à l'écart ou considérée comme de moindre valeur. La discrimination constitue une forme qualifiée d'inégalité de traitement de personnes dans des situations comparables, dans la mesure où elle produit sur un être humain un effet dommageable, qui doit être considéré comme un avilissement ou une exclusion, car elle se rapporte à un critère de distinction qui concerne une part essentielle de l'identité de la personne intéressée ou à laquelle il lui est difficilement possible de renoncer (ATF 143 I 129 consid. 2.3.1).

Toutefois, l'interdiction de la discrimination au sens du droit constitutionnel suisse ne rend pas absolument inadmissible le fait de se fonder sur l'un des critères prohibés énumérés de manière non exhaustive par l'art. 8 al. 2 Cst. L'usage d'un tel critère fait naître une présomption de différenciation inadmissible qui ne peut être renversée que par une justification qualifiée : la mesure litigieuse doit poursuivre un intérêt public légitime et primordial, être nécessaire et adéquate et respecter dans l'ensemble le principe de la proportionnalité (ATF 145 I 73 consid. 5.1 ; 143 I 129 consid. 2.3.1).

Le Tribunal fédéral admet que les critères susceptibles de fonder une discrimination prohibée au sens de l'art. 8 al. 2 Cst. n'ont pas exactement tous la même portée, étant précisé que les distinctions fondées sur le sexe, la race et la religion sont interdites dans leur principe et nécessitent toujours une justification qualifiée (ATF 138 I 265 consid. 4.3).

2.3.3 L'art. 8 al. 2 Cst. interdit non seulement la discrimination directe, mais également la discrimination indirecte. Il y a discrimination indirecte lorsqu'une réglementation, sans désavantager directement un groupe déterminé, défavorise particulièrement, par ses effets et sans justification objective, les personnes appartenant à ce groupe. L'atteinte doit toutefois revêtir une importance significative, le principe de l'interdiction de la discrimination indirecte ne pouvant servir qu'à corriger les effets négatifs les plus flagrants d'une réglementation étatique (ATF 145 I 73 consid. 5.1 ; 142 V 316 consid. 6.1.2 ; 138 I 265 consid. 4.2.2).

2.4 L’art. 36 Cst. exige que toute restriction d’un droit fondamental soit fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3).

Le principe de proportionnalité se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

2.5.1 Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable (ATF 142 V 512 consid. 4.2 ; 141 I 49 consid. 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_26/2019 du 3 septembre 2019 consid. 4.2 ; 2C_596/2018 du 13 mai 2019). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 170 consid. 7.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_985/2019 et 2C_45/2020 du 26 mai 2020 consid. 6.3).

2.5.2 Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux de droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_37/2020 du 7 septembre 2020 consid. 5.1).

2.6 Dans ses arrêts ACST/25/2022, ACST/26/2022 et ACST/27/2022 du 22 décembre 2022, la chambre constitutionnelle a admis la conformité au droit supérieur de la LTVTC sur plusieurs points, dont l’art. 13 al. 9 let. c LTVTC.

À cet égard, elle a en particulier retenu que la fixation d’une limite d’âge au-delà de laquelle l’AUADP devenait caduque constituait une restriction admissible à la liberté économique. Cette mesure permettait de faire entrer de nouveaux chauffeurs dans la profession et habilitait les chauffeurs concernés à exercer leur activité dix ans après l’âge légal de la retraite, les intéressés pouvant, après avoir atteint l’âge de 75 ans, continuer leur activité de chauffeurs en qualité de chauffeurs de VTC. En outre, elle n’emportait aucune inégalité de traitement entre concurrents directs, conformément à la jurisprudence rendue en la matière, notamment concernant la distinction entre chauffeurs de taxi et chauffeurs de VTC (ACST/26/2022 précité consid. 5f et 6b).

La chambre constitutionnelle confirmait ainsi que l’art. 13 al. 9 let. c LTVTC poursuivait un but d’intérêt public, la limitation de l’âge du titulaire d’une AUADP visant à permettre une meilleure rotation de celles-ci et n’apparaissait pas inapte à atteindre ce but, lequel ne pourrait a priori pas être atteint d’une autre manière au regard de la situation sous l’empire de l’aLTAXIS, puis de l’aLTVTC (ACST/18/2022 du 31 octobre 2022 consid. 4).

La chambre constitutionnelle a également rappelé que l’AUADP octroyée aux chauffeurs de taxis ne conférait généralement pas de droits acquis, à moins de garanties spécifiquement obtenues concernant la poursuite de l’activité de location de plaques, ce qui n’était pas le cas dans les affaires dont elle était saisie (ACST/26/2022 ; ACST/27/2022).

2.7 Par ailleurs, dans le cadre de l’examen de l’incompatibilité d’une décision de retrait du permis de conduire avec la profession de chauffeur de taxi en application de l’art. 6 al. 2 RTVTC, la chambre de céans a retenu dans plusieurs de ses récents arrêts, confirmant la jurisprudence précédente, que la pratique visant à prononcer la révocation de l’autorisation de manière automatique en présence d’une infraction mentionnée à l’art. 6 al. 2 let. b RTVTC était contraire à la loi (art. 7 al. 3 let. e et al. 5 LTVTC cum art. 6 al. 2 let. b et al. 3 RTVTC) puisqu’elle relevait d’un excès négatif du pouvoir d’appréciation. La direction ne pouvait se fonder sur la condamnation de l’OCV pour révoquer son autorisation d’exercer sans examiner si celle-ci était effectivement incompatible avec l’exercice de la profession de chauffeur dans les circonstances d’espèce (ATA/371/2024 du 12 mars 2024 consid. 5 ; ATA/330/2024 du 5 mars 2024 consid. 5).

2.8 En l’espèce, le recourant se plaint principalement du fait que, conformément au principe de la proportionnalité, sa situation personnelle, à savoir son état de santé et sa nécessité de poursuivre son activité professionnelle de chauffeur de taxi, n’a pas été prise en considération dans l’analyse de la caducité de son AUADP selon l’art. 13 al. 9 let. c LTVTC. En d’autres termes, seul son âge aurait été retenu au détriment des circonstances propres le concernant.

En premier lieu, il convient de rappeler que la chambre administrative a déjà retenu, à plusieurs reprises, qu’elle ne voyait pas de raison de s’écarter de la jurisprudence de la chambre constitutionnelle qui a tranché la conformité de plusieurs dispositions de la LTVTC au droit supérieur, en particulier celle de l’art. 13 al. 9 let. c LTVTC, incluant l’examen du respect du principe de la proportionnalité et celui de la question des droits acquis, dans des arrêts du 22 décembre 2022 (ACST/26/2022 et ACST/27/2022) s’agissant de la nouvelle LTVTC et du 24 mars 2023 (ACST/15/2023) quant à son règlement d’application (ATA/525/2023 du 23 mai 2023 consid. 5 ; ATA/687/2023 du 27 juin 2023 consid. 4).

Ainsi, il n’appartient pas à la chambre administrative de revenir sur cette jurisprudence, entrée en force, au seul profit du recourant.

En second lieu, il sied de souligner, que, contrairement à l’art. 6 al. 2 RTVTC, l’art. 13 al. 9 let. c LTVTC ne comprend pas de disposition similaire à l’art. 6 al. 3 RTVTC, laissant un pouvoir d’appréciation à l’autorité intimée. En effet, l’art. 13 al. 9 let. c LTVTC prévoit une caducité de plein droit de l’AUADP dès lors que la personne concernée a atteint l’âge de 75 ans révolus. Le département ne peut que la constater sans qu’aucune marge d’appréciation ne lui soit laissée.

Ainsi, contrairement aux allégations du recourant, l’autorité intimée ne dispose pas in casu de la compétence de prolonger son AUADP au-delà de l’âge de 75 ans pour des circonstances particulières le concernant notamment compte tenu de son état de santé. En revanche, celui-ci lui permet de poursuivre son activité de chauffeur en tant que chauffeur de VTC. Le législateur a donc mesuré l’effet de la limitation en raison de l’âge, en n’excluant pas complètement les chauffeurs de taxi de plus de 75 ans de leur profession.

En outre, tel que cela ressort des travaux législatifs susrappelés, les hypothèses évoquées par le recourant, à savoir son état de santé et la volonté de prolonger son activité professionnelle au-delà de l’âge de la retraite, ont été examinés dans la fixation des buts visés par l’art. 13 al. 9 let. c LTVTC. À cet égard, il sied de relever qu’à défaut d’âge limite pour des indépendants dans l’exercice de leur activité de chauffeur de taxi et compte tenu du numerus clausus des AUADP, associé à la volonté de permettre aux plus jeunes d’accéder à cette profession, le législateur a estimé nécessaire de fixer la limite d’âge à 75 ans. Cette dernière est donc justifiée de manière objective par des buts d’intérêt public.

Dès lors, le recourant ne saurait exiger que son cas justifie une dérogation à l’art. 13 al. 9 let. c LTVTC, tandis que le législateur a précisément entendu exclure cette hypothèse pour divers motifs d’intérêt public exposés.

Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l’autorité intimée a constaté la caducité de l’AUADP liée aux plaques d’immatriculation GE 1______, en ordonnant leur dépôt auprès de l’OCV.

Partant, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 décembre 2023 par A______ contre la décision de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 7 novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge d'A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant ainsi qu'à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :