Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1069/2024 du 10.09.2024 ( FORMA ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2555/2024-FORMA ATA/1069/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 10 septembre 2024 1ère section |
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dans la cause
A______ recourante
contre
DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé
A. a. A______est née le ______ 2001.
b. En août 2020 elle a intégré une classe d’insertion scolaire à l’École de culture générale (ci-après : ECG) B______.
c. En juin 2021, elle a rempli les conditions d’admission en 1re année de l’ECG.
d. En juin 2022, elle a été promue en 2e année, en travail social, avec une moyenne générale de 4.4, une discipline insuffisante et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 0.4.
e. En juin 2023, l’étudiante n’était pas promue. Sa moyenne générale était de 4,1. Elle avait cinq disciplines insuffisantes et la somme des écarts négatifs à la moyenne se montait à 2.1.
La direction de l’établissement l’a autorisée à redoubler la 2e année.
f. À la fin du premier semestre de l’année scolaire 2023 - 2024, elle n’était pas promue. Sa moyenne générale était de 4.2. Elle avait quatre disciplines insuffisantes (2.4 en français ; 3.4 en anglais ; 3.5 en histoire et 3.1 en sociologie) et la somme des écarts négatifs à la moyenne se montait à 3.6. Elle cumulait 79 heures d’absences excusées, neuf non excusées, cinq devoirs non faits/oublis et une arrivée tardive.
g. En juin 2024, l’étudiante n’était pas promue en 3e année de l’ECG. Sa moyenne générale annuelle était de 4.2. Elle avait quatre disciplines insuffisantes (3.7 en français ; 3.1 en anglais ; 3.8 en histoire et 3.8 en sociologie) et la somme des écarts négatifs à la moyenne se montait à 1.6.
À la fin du deuxième semestre de l’année 2023 - 2024, elle cumulait 76 heures d’absences excusées, dix non excusées, neuf devoirs non faits/oublis et deux arrivées tardives.
La direction de l’établissement lui a signifié son échec dans la filière.
B. a. Par courrier du 26 juin 2024, A______ a recouru auprès de la direction générale de l’enseignement secondaire II (ci-après : la DGES II) et a sollicité une promotion par dérogation exceptionnelle en 3e année de l’ECG.
b. Par décision du 12 juillet 2024, la DGES II a rejeté le recours.
Les résultats de fin d’année de l’étudiante n’étaient pas proches des normes de promotion. La première condition d’une dérogation n’était en conséquence pas remplie.
Il n’était pas possible de poser un pronostic de réussite favorable, deuxième condition à l’octroi d’une dérogation.
Une réorientation lui permettrait d’entreprendre un parcours qui puisse être couronné de succès.
C. a. Par acte du 5 août 2024, A______a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision. Elle a conclu à l’annulation de la décision et à l’octroi d’une dérogation exceptionnelle pour passer en 3e année de l’ECG.
Elle n’avait pas été motivée au cours du premier semestre. Elle était isolée et ne se sentait pas bien. Elle avait progressé lors de la seconde partie de l’année scolaire même si ses notes avaient diminué dès lors qu’elle avait concentré son attention sur les branches insuffisantes. Malgré ses efforts, elle n’avait pas obtenu les résultats attendus. L’année scolaire avait été pénible en raison de son manque de motivation pour redoubler et la pression constante de sa mère qui lui avait indiqué qu’elle cesserait de la soutenir financièrement si elle échouait. Elle ne pouvait pas rechercher d’emploi, en l’absence de permis de travail en Suisse. Ses absences excusées étaient dues à des problèmes de santé personnelle. Celles non excusées relevaient d’un professeur qui avait décidé de ne pas les excuser.
Elle avait rencontré des difficultés supplémentaires avec la langue française. Elle avait sollicité une aide et s’engageait à améliorer ses compétences linguistiques, les sachant fondamentales pour sa réussite scolaire et son intégration dans la société suisse. Elle avait reçu le soutien de tous ses professeurs qui lui avaient même conseillé de demander une dérogation.
Elle était venue en Suisse avec l’espoir de se construire un avenir meilleur, de terminer ses études et de pouvoir « contribuer positivement à la société ». Il convenait que la chambre de céans considère sa situation particulière et lui permette de progresser en troisième année.
b. Le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci‑après : le département) a conclu au rejet du recours.
c. La recourante n’ayant pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti, les parties ont été informées, le 2 septembre 2024, que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 40 du règlement de l’enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 - REST - C 1 10.31 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée dans le cas d’espèce.
3. La recourante sollicite une dérogation exceptionnelle pour passer en 3e année à l’ECG.
3.1 Selon l’art. 29 REST, les conditions de promotion sont déterminées par les règlements de chaque filière (al. 1). L’orientation des élèves constitue une part importante de la mission de l’école et, dans cette optique, lors de l’analyse de l’octroi d’une promotion par dérogation ou d’un redoublement ou lors d’une réorientation, il doit être tenu compte des aptitudes de l’élève à mener à bien son projet de formation (al. 2). Sont également prises en considération les circonstances ayant entraîné l’échec, les progrès accomplis, la fréquentation régulière des cours et le comportement de l’élève (al. 3).
3.2 Le règlement relatif à l’école de culture générale du 1er février 2023 (RECG - C 1 10.70) est entré en vigueur le 8 février 2023. Il s’applique au présent litige, ce qui n’est pas contesté, étant précisé que l’issue du litige serait identique avec le règlement précédemment en vigueur.
3.3 Aux termes de l’art. 21 al. 1 RECG, est promu de 2e en 3e année l’élève qui obtient la note annuelle de 4.0 au moins pour chacune des disciplines non regroupées et pour chaque regroupement de disciplines.
Est promu par tolérance l’élève dont les résultats satisfont aux conditions suivantes : a) une moyenne générale égale ou supérieure à 4.0 ; b) au maximum trois notes inférieures à 4.0 ; c) la somme des écarts à 4.0 des notes insuffisantes ne doit pas dépasser 1.5 (art. 21 al. 2 RECG).
Restent réservées les dispositions concernant la promotion par dérogation, définies à l'art. 30 REST (art. 21 al. 1 RECG).
3.4 La direction d’un établissement, sur proposition de la conférence des maîtres de la classe ou du groupe ou, dans des cas exceptionnels, de sa propre initiative, peut accorder la promotion à des élèves qui ne remplissent pas complètement les conditions de promotion et qui semblent présenter les aptitudes nécessaires pour suivre l’enseignement de l’année suivante avec succès (art. 30 al. 1 REST). Un élève ne peut pas bénéficier de cette mesure plus d’une fois par filière (art. 30 al. 2 REST). Un élève ne peut bénéficier d’une dérogation à l’issue d’une année répétée (art. 30 al. 3 REST).
3.5 La promotion par dérogation, prévue à l’art. 30 al. 1 REST, prévoit deux conditions, la première étant que l’élève ne remplisse pas complètement les conditions de promotion.
Selon la jurisprudence de la chambre de céans, un écart à la moyenne de 1.2 n’est pas de peu d’importance puisqu’il dépasse de 20% le maximum de l’écart négatif autorisant d’entrer en matière sur une promotion par tolérance (ATA/776/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4 concernant l’ancienne version de la disposition non modifiée sur ce point).
La deuxième condition prévue pour l’octroi d’une promotion par dérogation est celle qui concerne les aptitudes que semble avoir l’élève et qui sont nécessaires pour suivre l’enseignement de l’année suivante avec succès en dépit de son échec.
3.6 Dans ce cadre, l’autorité scolaire bénéficie d’un très large pouvoir d’appréciation, dont la chambre de céans ne censure que l'abus ou l'excès. Ainsi, alors même que l’autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de ce pouvoir : elle doit exercer sa liberté conformément au droit. Elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité (ATA/1697/2019 du 19 novembre 2019 consid. 4d et les références citées).
3.7 En l’espèce, à teneur du règlement, un élève ne peut bénéficier d'une dérogation à l'issue d'une année répétée, situation dans laquelle se trouve la recourante qui redoublait sa deuxième année de l’ECG pendant l’année scolaire 2023 - 2024 (art. 30 al. 3 REST). Pour ce motif déjà, le recours doit être rejeté.
De surcroît, même à analyser les critères de promotion, le résultat ne serait pas différent. La recourante a obtenu, en fin de deuxième année, une moyenne annuelle de 4.2.
Toutefois, dans quatre disciplines (français, anglais, histoire et sociologie), ses notes sont inférieures à 4. Elle ne remplit dès lors pas les conditions d’une promotion ordinaire, conformément à l’art. 21 al. 1 RECG, ce qu’elle ne conteste au demeurant pas.
En outre, elle ne remplit pas les conditions de l’art. 21 al. 2 let. b et c RECG, de sorte qu’elle ne peut pas être promue par tolérance, ayant quatre disciplines insuffisantes et un écart à la moyenne de 1.6.
Elle se trouve de ce fait en situation d’échec, ce qu’elle ne conteste pas. Reste à voir si elle pourrait bénéficier d’une promotion par dérogation.
En fin d’année scolaire 2023 - 2024, la recourante cumule deux critères de non-promotion, à savoir le nombre de disciplines insuffisantes et un écart à la moyenne supérieur de 0.1 à ce qui est possible pour une promotion par tolérance. Dans ces conditions, il ne peut pas être soutenu que ses résultats sont proches des normes exigées réglementairement. La première condition pour une dérogation n’apparaît pas remplie.
Concernant le pronostic d’une éventuelle réussite en 3e année, la recourante n’était pas promue à l’issue du premier semestre et sa situation s’est péjorée lors du second. Elle a certes remonté ses notes de français (2.4 à 3.7 obtenant même un 5.0 lors de l’épreuve de fin d’année). De même, l’histoire a passé de 3,5 à 3,8 et sa note en sociologie s’est largement améliorée, passant de 3.1 à 4.5. L’anglais est toutefois resté insuffisant (à 3.4) aux deux semestres, alors que l’épreuve de fin d’année a été sanctionnée d’un 2.5. Si elle s’est, en conséquence, certes améliorée dans certaines branches insuffisantes au premier semestre, il ne peut pas être retenu que tel est le cas pour toutes. En parallèle, les autres branches se sont péjorées, à l’instar notamment des mathématiques où la recourante avait obtenu 5.0 au premier semestre, a passé à 4.5 au second alors que l’épreuve de fin d’année était évaluée à 3.5. La note d’italien a de même fluctué, baissant de 4.4 à 3.4 quand bien même l’intéressée a obtenu 4.5 à l’épreuve de fin d’année. La seconde condition pour une dérogation n’est pas non plus remplie.
C’est ainsi conformément au droit que l’autorité intimée a refusé à la recourante une promotion par dérogation en 3e année.
La décision sera en conséquence confirmée et le recours rejeté.
4. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 5 août 2024 par A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 12 juillet 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;
dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.
Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
J. PASTEUR
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| la présidente siégeant :
E. McGREGOR |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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