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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4251/2023

ATA/814/2024 du 09.07.2024 ( TAXIS ) , REJETE

Descripteurs : TAXI;AUTORISATION D'EXPLOITER UN SERVICE DE TAXI;CHAUFFEUR;LIBERTÉ ÉCONOMIQUE;INCAPACITÉ DE TRAVAIL
Normes : LMI.5.al1; AIMP.1.al3; AIMP.12.al3; LMP.22.al1; RMP.4; RMP.16; OMP.17
Résumé : Recours d’un chauffeur de taxi auquel le service compétent a refusé de délivrer une autorisation d’usage accru du domaine public (AUADP), faute pour ce chauffeur d’avoir été l’utilisateur d’une telle autorisation lors de l’adoption de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) le 28 janvier 2022. Dès lors que le recourant n’était effectivement pas au bénéfice d’une AUADP à cette date, le recours est rejeté, l’incapacité de travail due à un accident qui justifiait cette absence d’AUADP n’y changeant rien.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4251/2023-TAXIS ATA/814/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 juillet 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Guy Zwahlen, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ né le ______1991, chauffeur de taxi, a déposé, le 25 mai 2023, une « requête en délivrance d’une autorisation d’usage accru du domaine public, formulaire à l’attention des chauffeurs de taxi visés à l’art. 46 al. 13 de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) » auprès du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN).

Il avait loué du 1er octobre 2019 au 30 avril 2020 l’autorisation d’usage accru du domaine public (ci‑après : AUADP) correspondant à l’immatriculation GE 1______ à B______ et du 21 décembre 2020 au 8 avril 2021 l’AUADP correspondant à l’immatriculation GE 2______ à C______.

À la question de savoir s’il avait été l’utilisateur effectif le 28 janvier 2022, il a répondu qu’il était en « arrêt accident ».

Il a produit deux contrats de bail à ferme, un certificat médical établi le 25 mai 2023 par le docteur D______, médecin interne FMH, attestant qu’il avait été victime d’un « très grave accident de la route » le 2 avril 2021 et que, depuis cette date, il avait été en « convalescence médicale » et n’avait, pour cette raison, pas eu d’activité au cours de ces « deux dernière années », ainsi qu’une attestation de C______ du 8 avril 2021 confirmant la fin avec effet immédiat du bail à ferme conclu avec A______ en raison de l’accident de moto subi le 2 avril 2021.

b. Le PCTN lui a indiqué, le 13 juillet 2023, avoir l’intention de rejeter sa requête, dès lors que les documents fournis ne permettaient pas de conclure qu’il était l’utilisateur effectif d’une AUADP au moment du dépôt de la LTVTC et de son adoption, soit les 26 février 2020 et 28 janvier 2022.

c. Faisant usage de son droit d’être entendu le 27 juillet 2023, A______ a relevé qu’il avait fourni l’ensemble des documents permettant de prouver l’exercice de son activité à la date du dépôt de la loi, le 26 février 2020. Concernant le 28 janvier 2022, il était en incapacité totale d’exercer son activité professionnelle, ce qui était confirmé par l’attestation du Dr D______. Il avait désormais retrouvé sa pleine capacité de travail. Le silence de la LTVTC sur ce type de configuration devait faire l’objet d’un comblement. Il exerçait l’activité de chauffeur depuis 2019 et avait exercé cette activité sans interruption jusqu’à son accident. Il disposait ainsi de l’expérience et des qualifications nécessaires. L’art. 13 al. 9 let. d LTVTC réservait, s’agissant du constat de caducité d’une AUADP, l’incapacité totale de travail provisoire du chauffeur titulaire de l’autorisation, dès lors que cette dernière était médicalement attestée. La loi prévoyait ainsi en substance que l’interruption de l’activité d’un chauffeur ne pouvait être retenue à son détriment si ce dernier était en incapacité de travail. Cette disposition devait faire l’objet d’une application par analogie en lien avec la disposition transitoire de l’art. 46 al. 13 LTVTC. Il était inscrit sur une liste d’attente depuis juin 2019 et il apparaissait peu probable qu’il se voie octroyer une AUADP prochainement.

d. Par décision du 24 novembre 2023, le PCTN a rejeté la requête du 25 mai 2023, faute pour A______ d’avoir été l’utilisateur effectif d’une AUADP le 28 janvier 2022. La législation ne prévoyait pas la possibilité d’invoquer des motifs d’empêchement à la location d’une AUADP.

B. a. Par acte du 21 décembre 2023, A______ a formé recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à la délivrance d’une AUADP en sa faveur.

Le cas des chauffeurs de taxi ayant bénéficié d’une AUADP avant l’entrée en vigueur de la loi, mais n’ayant pas pu en faire un usage effectif à la date déterminante du 28 janvier 2022, en raison d’une incapacité de travail provisoire, n’avait pas été prévu. Il s’agissait bien d’une lacune de la loi. Il convenait donc d’appliquer l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC par analogie. Il était légitimé à invoquer le cas de rigueur.

La décision violait sa liberté économique et aucun intérêt public prépondérant justifiait d’entraver pour l’avenir un chauffeur qui bénéficiait auparavant d’une AUADP indispensable pour exercer sa profession.

Il a notamment produit des pièces médicales des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) des 2 et 3 avril 2021 et 20 mai 2021, d’où il ressort notamment qu’il avait été adressé aux HUG par hélicoptère suite à un accident sur la voie publique à moto à environ 50 km/h, causant un polytraumatisme (lacération splénique de grande IV avec hémopéritoine ; fracture de la clavicule gauche au niveau du tiers distal ; fractures multiples de côtes à gauche avec pneumothorax et contusion pulmonaire).

b. Par réponse du 29 février 2024, le PCTN a conclu au rejet du recours.

Les documents des HUG produits à l’appui de son recours ne pouvaient être pris en compte dès lors qu’ils n’avaient pas été produits dans le cadre de l’exercice de son droit d’être entendu. La mention de « convalescence médicale » du certificat médical ne permettait pas de présumer d’une incapacité totale ou partielle de travailler durant la période litigieuse. Il ne pouvait dès lors se prévaloir d’avoir été en incapacité de travail le 28 janvier 2022. La chambre administrative avait du reste déjà jugé qu’un chauffeur de taxi qui avait été absent de Suisse en janvier 2022 n’était pas utilisateur effectif de l’AUADP pendant cette période, peu importait les motifs invoqués (ATA/687/2023 et ATA/1084/2023).

Ni la LTVTC ni le règlement d’application ne prévoyaient la possibilité d’invoquer des motifs d’empêchement à la location d’une AUADP dans la période transitoire. Si le législateur avait voulu déroger au régime transitoire, plus particulièrement à l’exigence d’avoir été l’utilisateur effectif d’une AUADP au moment de l’adoption de la loi le 28 janvier 2022, il l’aurait clairement indiqué.

c. Par réplique du 2 avril 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a produit une nouvelle attestation du Dr D______ selon laquelle il avait été en incapacité de travail totale pendant toute la période concernée. Contrairement à ce que soutenait l’intimé, le cas de rigueur permettait précisément de déroger à la loi lorsqu’une situation particulière imposait de le faire pour des raisons de justice et d’équité. Si le recourant n’avait pas pu faire un usage effectif de son AUADP c’était en raison d’une situation indépendante de sa volonté, en l’occurrence d’une incapacité de travail due aux séquelles d’un accident. La décision violait également l’art. 35 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00).

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de délivrer une AUADP au recourant, en application du régime transitoire prévu par l’art. 46 al. 13 LTVTC.

2.1 L’art. 46 al. 13 LTVTC dispose, sous l’intitulé « Attribution des autorisations restituées ou caduques », que le département peut attribuer l’AUADP à la personne physique ou morale qui en était l’utilisateur effectif au moment du dépôt de la LTVTC, s’il en est toujours l’utilisateur au moment de l’adoption de la LTVTC, en fait la requête et réalise les conditions de délivrance visées à l’art. 13 al. 5 LTVTC.

Les personnes réalisant les conditions de l’art. 46 al. 13 de la loi peuvent requérir la titularité d'une AUADP. La requête doit être déposée dans le délai transitoire mentionné à l’al. 11 du présent article; l'art. 5 du présent règlement est applicable pour le surplus (art. 57 al. 12 règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01)). L’art. 57 al. 11 RTVTC prévoit que le service peut, pendant le délai transitoire des douze mois visé à l’art. 46 al. 8 LTVTC délivrer jusqu’à 200 AUADP supplémentaires aux utilisatrices et utilisateurs effectifs au sens de l’art. 46 al. 13 LTVTC.

2.2 Dans son arrêt du 24 mars 2023 (ACST/15/2023), la chambre constitutionnelle a jugé que l’art. 46 al. 13 LTVTC était une disposition légale transitoire, adoptée pour permettre aux chauffeurs de taxis exerçant leur profession à travers la location de plaques ou d’un bail à ferme de continuer leur activité, malgré l’abolition de ces pratiques par l’entrée en vigueur de la LTVTC, et de leur attribuer, pour autant que les conditions légales soient remplies, une AUADP (consid. 5.3.4). Dans ce contexte, le Conseil d’État avait indiqué que l’augmentation transitoire du nombre d’AUADP pendant un an (art. 57 al. 11 RTVTC) permettait d’atténuer les effets du passage au régime de l’interdiction de location des autorisations.

La chambre administrative a jugé que, malgré la lettre de l’art. 46 al. 13 LTVTC, il n’était pas nécessaire d’avoir été l’utilisateur effectif d’une AUADP au moment du « dépôt de la loi », à savoir le 26 février 2020, pour requérir une telle autorisation. Cette condition était en effet le résultat d’une erreur de retranscription et ne reflétait pas la volonté du législateur. Il était ainsi uniquement nécessaire d’avoir été l’utilisateur effectif de l’autorisation au moment de « l’adoption » de la loi, soit le 28 janvier 2022, ce qui correspondait à la réelle volonté du législateur (arrêt du Tribunal fédéral 2C-690/2023 du 4 juin 2024 consid. 3.2 ; ATA/779/2023 du 18 juillet 2023 consid. 5.6.2 ; ATA/886/2023 du 22 août 2023 consid. 6.6).

À propos de la nature effective de l’utilisation de plaques, la chambre de céans a jugé que le chauffeur de taxi qui avait été absent de Suisse de janvier à mars 2022 n’était pas, durant cette période, l’utilisateur effectif des plaques louées, peu importait les motifs pour lesquels il s’était rendu à l’étranger (ATA/687/2023 du 27 juin 2023 consid. 3.9).

2.3 Intitulé « Caducité », l’art. 13 al. 9 LTVTC énumère les cas dans lesquels le département constate la caducité de l’AUADP. Tel est le cas lorsque son titulaire n’en fait pas un usage effectif, en tant que chauffeur, respectivement en tant qu’entreprise pendant six mois consécutifs. Est réservé le cas d’incapacité totale de travail provisoire du chauffeur titulaire de l’autorisation, dûment attestée par un certificat médical (let. d).

2.4 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 144 V 313 consid. 6.1 ; 137 IV 180 consid. 3.4). La chambre de céans suit la même approche (ATA/1279/2023 du 28 novembre 2023 consid. 4.8 et l'arrêt cité).

2.5 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est toutefois pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA ; ATF 128 II 139 consid. 2b).

Sauf exception prévue par la loi, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures (art. 68 LPA).

2.6 Il suit des considérants qui précèdent qu’est déterminante la condition d’avoir été l’utilisateur effectif de plaques lors de l’adoption de la LTVTC le 28 janvier 2022. Le recourant ne conteste pas que le contrat de bail à ferme conclu avec C______ a pris fin avec effet immédiat le 2 avril 2021 et qu’il n’a plus loué d’AUADP depuis cette date. Il n’était, partant, plus locataire d’une AUADP à la date déterminante du 28 janvier 2022.

Interprétant la notion d’« utilisateur effectif » à la lumière de l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC, le recourant soutient que le chauffeur ayant subi une incapacité de travail provisoire, dûment attestée par un certificat médical, reste utilisateur effectif d’une AUADP au sens de l’art. 46 al. 13 LTVTC. Le cas des chauffeurs de taxi ayant bénéficié d’une AUADP avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, le 1er novembre 2022, mais n’ayant pas pu en faire un usage effectif à la date déterminante du 28 janvier 2022 en raison d’une incapacité provisoire de travail n’avait pas été prévu. Il convenait ainsi de combler cette lacune par une application par analogie de l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC. L’intimé conteste ce point de vue. Il considère que si le législateur avait voulu déroger au régime transitoire, plus particulièrement à l’exigence d’avoir été l’utilisateur effectif d’une AUADP au moment de l’adoption de la loi, il l’aurait clairement indiqué.

La question se pose donc de savoir si, malgré l’absence de location d’une AUADP au 28 janvier 2022, le recourant peut néanmoins être considéré comme ayant été « utilisateur effectif » d’une AUADP au sens de l’art. 46 al. 13 LTVTC, au motif qu’il était en incapacité de travail provisoire durant cette période.

On précisera, à titre liminaire, que, contrairement à ce que soutient l’intimé, le médecin traitant du recourant a attesté d’une incapacité de travail totale pendant les deux ans ayant suivi l’accident. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que le recourant a démontré à satisfaction de droit qu’il était en incapacité provisoire de travailler au moment de l’adoption de la loi, le 28 janvier 2022. C’est le lieu de préciser que le procédé de l’intimé consistant à écarter les documents médicaux établis par les HUG, au motif qu’ils n’avaient pas été produits avant la procédure de recours, est contraire à l’art. 68 LPA et à la maxime inquisitoire prévalant en droit public.

À rigueur de texte, l’art. 46 al. 13 LTVTC ne prévoit pas la possibilité d’invoquer des motifs d’empêchement à la location d’une AUADP. Il ressort des travaux parlementaires que l’objectif du régime transitoire en faveur des locataires des AUADP était « de donner la priorité aux utilisateurs effectifs et de mettre fin au bail à ferme » (rapport de la commission parlementaire des transports du 11 janvier 2022 au sujet du projet de loi n° 12'649 sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur, déposé par le Conseil d’État devant le Grand Conseil le 26 février 2020 [ci-après : Rapport B], p. 40). Il s’agissait d’un « aspect social » afin de clarifier rapidement leur situation puisqu’ils dépendaient encore de leur bailleur à qui ils devaient payer la location. Le bailleur avait une obligation soit d’employer les chauffeurs locataires, soit de restituer les AUADP. Les représentants du département signalaient aussi l’existence d’une disposition transitoire permettant « au département d’attribuer l’AUADP restituée à la personne qui l’exploitait effectivement, soit au locataire. Cette clause évit[ait] que le locataire ne perde son outil de travail lorsque l’AUADP [était] restituée par le bailleur » (p. 27 du Rapport B).

L’idée était ainsi de prévoir un passage en douceur pour les personnes subissant des sacrifices trop importants du fait de la nouvelle réglementation. Or, dans le cas présent, le recourant n’était plus locataire d’une AUADP au moment de l’adoption de la loi puisque le contrat de bail à ferme avait pris fin avec effet immédiat le 8 avril 2021. Ainsi, au moment de l’entrée en vigueur le 1er novembre 2022 de la nouvelle loi, il ne se trouvait pas dans la situation dans laquelle sa relation par rapport à son bailleur devait être clarifiée et il ne courrait pas le risque de perdre son outil de travail en raison de la restitution par son bailleur de l’AUADP. La lecture des travaux plaide ainsi en défaveur d’une application par analogie de l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC. S’ajoute à cela que cette disposition traite d’un cas différent, à savoir la caducité des AUADP, et se réfère à l’incapacité de travail du chauffeur titulaire d’une autorisation. Or, précisément, le recourant n’était plus titulaire d’une AUADP au moment déterminant. Ainsi, tant l’interprétation littérale, systématique que téléologique aboutissent au même résultat : l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC n’est pas applicable, fût-ce par analogie, aux situations prévues par l’art. 46 al. 13 LTVTC. Cette solution apparait enfin conforme à la jurisprudence, notamment à l’ATA/619/2024 du 21 mai 2024, dans lequel la chambre administrative a considéré que le recourant n’était pas titulaire d’une AUADP en janvier 2022 puisqu’il ressortait de ses propres déclarations, faites à son médecin et attestées par celui-ci, qu’il n’avait pas travaillé de 2015 à 2022 (consid. 4).

Il s’ensuit que le recourant ne remplit pas la condition d’avoir été utilisateur effectif d’une AUADP au 28 janvier 2022.

3.             Invoquant l’art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le recourant se plaint d’une violation du principe de proportionnalité en lien avec la liberté économique. Selon lui, il n’existerait aucun intérêt public prépondérant de l’empêcher d’exercer son activité professionnelle. Son intérêt privé à pouvoir continuer d’exercer celle-ci « comme auparavant » primerait.

3.1 Selon l’art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1) ; elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). L'art. 35 Cst-GE contient une garantie similaire.  

L’activité de chauffeur de taxi indépendant ou salarié est protégée par l’art. 27 Cst., même si l’exercice de cette activité implique un usage accru du domaine public (ATF 143 II 598 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_79/2023 du 23 février 2024 consid. 4.1.1, destiné à la publication et les arrêts cités). Les restrictions cantonales à l’exercice de la profession de chauffeur de taxi qui portent ainsi atteinte à la liberté économique doivent reposer une base légale, être justifiées par un intérêt public prépondérant et respecter le principe de proportionnalité, qui exige qu’une mesure soit apte à produire les résultat s escomptés (aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (nécessité), et interdit toute limitation des droits individuels allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (proportionnalité au sens étroit ; art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; ATF 149 I 191 consid. 6 et 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_79/2023 précité consid. 4.1.1, destiné à la publication).

Dans un arrêt récent concernant un refus d’attribution d’une AUADP en faveur d’un chauffeur de taxi genevois au motif qu’il n’était locataire d’une AUADP que depuis le 4 février 2022, le Tribunal fédéral a relevé que l’art. 46 al. 13 LTVTC ne restreignait d’aucune manière sa liberté économique. Une telle restriction résultait de l’art. 13 al. 3 (« les autorisations et la plaques d’immatriculation correspondantes sont strictement personnelles et intransmissibles ») et 9 let. e LTVTC (« le département constate la caducité de l’autorisation lorsque son titulaire met à la disposition d’un tiers l’autorisation, respectivement la plaque d’immatriculation correspondante en violation de l’al. 3 »). Le fait que l’art. 46 al. 13 LTVTC prévoie la possibilité, et non pas le droit, de se voir attribuer en priorité une autorisation personnelle pour les chauffeurs qui en louaient une à leur titulaire au moment de l’adoption de la loi, ne signifiait pas que cette disposition consacre une violation « directe » de sa liberté économique (arrêt du Tribunal fédéral 2C_690/2023 du 4 juin 2024 consid. 7.2).

3.2 Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend le recourant, l’art. 46 al. 13 LTVTC ne restreint pas sa liberté économique. Cette disposition prévoit la possibilité – et non le droit – de se voir attribuer une autorisation, étant rappelé que la jurisprudence admet que le droit cantonal puisse limiter l’utilisation du domaine public par les chauffeurs de taxi en soumettant celle-ci à autorisation. Le recourant reste libre d’obtenir une telle autorisation en déposant une demande d’inscription sur une liste d’attente, ce qu’il soutient avoir fait. On rappellera, enfin, qu’il n’existe pas de droit au maintien d’une législation en vigueur jusqu’alors et qu’un régime transitoire doit seulement permettre aux administrés de s’adapter à la nouvelle réglementation et non pas de profiter le plus longtemps possible de l’ancien régime plus favorable (ATF 149 I 291 consid. 5.4 ; 145 II 140 consid. 4).

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 décembre 2023 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 24 novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy Zwahlen, avocat du recourant ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :