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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/481/2024

ATA/729/2024 du 18.06.2024 ( MARPU ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/481/2024-MARPU ATA/729/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 juin 2024

 

dans la cause

 

A______ SA recourante

contre


VILLE DE GENÈVE - CENTRALE MUNICIPALE D’ACHAT ET D’IMPRESSION intimée

représentée par Me Michel D’ALESSANDRI, avocat



EN FAIT

A. a. A______ SA est sise à B______, inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Fribourg depuis le 4 septembre 1997, et dont le but statutaire est l’exploitation d’une entreprise générale concernant l’industrie du bois et le bâtiment, toutes les opérations connexes concernant le commerce du bois et matériaux de construction, ainsi que la construction elle‑même.

b. Le 13 décembre 2023, la Ville de Genève (ci-après : la ville), soit pour elle la centrale municipale d’achat et d’impression a publié sur le site internet Simap un appel d’offres en procédure ouverte pour un marché public de services intitulé « prestations de raccordement provisoire au réseau électrique et de location des équipements nécessaires à ce raccordement pour les manifestations organisées sur le domaine public », référencé « C_______A1 »

c. Trois offres ont été reçues par la ville dans le délai, dont celle de A______ SA.

d. Par décision du 2 février 2024, la ville a exclu l’offre de A______ SA.

Il avait été expressément demandé que le soumissionnaire inclue dans sa prestation globale l’installation et la pose de compteurs. Or, dans le formulaire d’offre A, la soumissionnaire n’avait pas chiffré les art. 1.4 à 1.4.4 relatifs à la location, l’installation et le raccordement de compteurs en indiquant que la fourniture et la pose serait faite par les services industriels de Genève (ci-après : SIG). Or, cela faisait plusieurs années que ces derniers n’effectuaient plus directement ces prestations. L’offre ne respectait dès lors pas le chiffre 4.1.1 du cahier des charges relatif à l’installation électrique.

L’offre était écartée car incomplète et ne serait pas évaluée.

B. a. Par acte du 9 février 2024, A______ SA a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, a conclu à son annulation et au réexamen de son offre.

Les prestations litigieuses devaient être réalisées par les SIG comme stipulé dans le document intitulé « PDIE Dispositions particulières SIG ; complément aux prescriptions des distributeurs d’électricité » (ci-après : PDIE) et non pas par l’entreprise. Le document détaillait la procédure et fournissait une adresse Internet avec tous les détails des principes de base des SIG. Ainsi, à la suite d’une demande de raccordement et de l’accord des SIG, A______ SA déposerait un « AI » et un « IAT » afin que les SIG puissent poser le compteur, qui serait restitué à la fin de la manifestation, comme cela avait été mentionné dans leur offre.

b. La ville a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

En l’absence de demande d’octroi d’effet suspensif, la ville avait adjugé le marché à D______ SA. La décision d’adjudication avait été publiée le 15 février 2024. A______ SA n’avait pas interjeté recours contre la décision d’adjudication. Le contrat avait pris effet le 1er avril 2024. La recourante n’avait pas pris de conclusion en réintégration, en octroi d’une indemnité, en constatation du caractère illicite de son exclusion et de la décision d’adjudication. Elle demandait uniquement à la chambre de céans d’examiner à nouveau son offre en prenant en compte son commentaire. Elle avait été spécifiquement informée, par un courrier de la ville, du fait que le marché public, objet de la présente procédure, avait fait l’objet d’une décision d’adjudication. Elle n’avait dès lors plus d’intérêt à demander sa réintégration à la procédure d’adjudication et, partant, à contester son exclusion.

Au fond, le recours devait être rejeté, l’offre de la recourante étant incomplète.

c. A______ SA n’ayant pas fait usage de son droit à la réplique, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté contre une décision d’exclusion, en temps utile et devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP ‑ L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01), étant précisé que bien que le pouvoir adjudicateur ait passé le contrat avec l’entreprise adjudicataire, la recourante conservait un intérêt à recourir, notamment pour chiffrer une éventuelle indemnisation (ATA/215/2022 du 1er mars 2022 consid. 1 ; ATA/927/2020 du 22 septembre 2020 et les arrêts cités).

2.             Le litige porte sur une décision d’exclusion de l’offre de la recourante.

2.1 Le droit des marchés publics a pour but d’assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires et de garantir l’égalité de traitement et l’impartialité de l’adjudication à l’ensemble de ceux-ci (art. 1 al. 3 let. a et b AIMP). En particulier, le principe d’égalité de traitement doit être garanti à tous les candidats et soumissionnaires dans toutes les phases de la procédure (art. 16 al. 1 et 2 RMP).

2.2 L’avis d’appel d’offres indique, notamment le lieu et l’échéance du délai pour la remise de l’offre (art. 26 let. i RMP). Les documents mis à disposition des candidats doivent contenir notamment le lieu et l’échéance du délai pour la remise de l’offre (art. 27 let. g RMP). Le délai pour la remise des offres est fixé au minimum à vingt-cinq jours (art. 30 al. 3 RMP).

Seules les offres parvenues dans les délais fixés dans les documents d’appel d’offres sont ouvertes (art. 38 al. 1 RMP). Dans le cadre d’une procédure ouverte ou sélective, un procès-verbal est établi à l’ouverture des offres. Il contient notamment le nom des personnes présentes, le nom des soumissionnaires, les dates de réception et les prix des offres (art. 38 al. 2 RMP).

2.3 L’offre est écartée d’office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non conforme aux exigences ou au cahier des charges (art. 42 al. 1 let. a RMP). Les offres écartées ne sont pas évaluées. L’autorité adjudicatrice rend une décision d’exclusion motivée, notifiée par courrier à l’intéressé, avec mention des voies de recours (art. 42 al. 3 RMP).

2.4 À teneur du cahier de soumission, pour être admis à soumissionner, les candidats devaient répondre cumulativement aux conditions fixées dans l’appel d’offres (art. 20.1 let. a). Les offres partielles n’étaient pas admises. Le cas échéant, l’offre serait exclue de la procédure (art. 31.1). L’autorité adjudicatrice évaluerait uniquement les offres qui étaient remplies selon les indications de l’autorité adjudicatrice (let. d) et répondaient aux conditions de soumission de l’appel d’offres (art. 37.1 let. e).

Selon le cahier des charges, les formulaires d’offres A et B permettraient à l’autorité adjudicatrice d’évaluer le soumissionnaire selon les critères d’adjudication définis dans le cahier de soumission. Ils devaient être dûment remplis par le soumissionnaire (art. 6).

Selon les instructions mentionnées sur la première page du formulaire d’offre A, le fichier est composé de quatre onglets (instructions, saisie des prix unitaires, scénario de prix et récapitulatif). Les informations à saisir sont matérialisées par des cases jaunes, seules ouvertes à la saisie. Tous les calculs se font automatiquement.

L’onglet récapitulatif fait la synthèse des projections de coûts par manifestation. Le total TTC sur quatre ans figurant dans cet onglet était à reporter sur la page de garde et servirait à l’évaluation du critère prix. Suivent quatre pages à compléter comprenant plus d’une centaine de lignes. En fin de formulaire, une feuille récapitulative détaille les montants relatifs à la fête de la musique, à la fête des écoles, à la manifestation du 1er août et à celle du 31 décembre. Un total annuel doit apparaître ainsi qu’un total TTC sur quatre ans.

2.5 Le droit des marchés publics est formaliste, ce que la chambre administrative a rappelé à maintes reprises (ATA/60/2022 du 25 janvier 2022 consid. 5 ; ATA/970/2019 du 4 juin 2019 consid. 7c et les références citées), notamment lorsqu’elle a confirmé des décisions d’exclusion d’offres fondées sur la non‑production des attestations requises dans l’appel d’offres au titre de condition de participation à la procédure de soumission (ATA/1208/2020 du 1er décembre 2020 consid. 5). L’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l’art. 16 al. 2 RMP (ATA/188/2021 du 23 février 2021 consid. 5). Le respect de ce formalisme est nécessaire pour concrétiser l’obligation d’assurer l’égalité de traitement entre soumissionnaires dans la phase d’examen de la recevabilité des offres et de leur évaluation. La conformité au droit de cette approche formaliste a été confirmée par le Tribunal fédéral (ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.4).

2.6 Toutefois, l’interdiction du formalisme excessif, tirée de l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), interdit d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité ou affectée d’un vice qui ne compromet pas sérieusement l’objectif visé par la prescription formelle violée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.1 ; 2D_50/2009 du 25 février 2010 consid. 2.4). L’interdiction du formalisme excessif ne l’oblige cependant pas à interpeller un soumissionnaire en présence d’une offre défaillante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.5).

Ces principes valent notamment pour la phase d’examen de la recevabilité des soumissions, lors de laquelle l’autorité adjudicatrice examine si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d’évaluation et il est exclu d’autoriser un soumissionnaire à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents (ATA/1208/2020 précité consid. 6 ; ATA/588/2018 du 12 juin 2018 consid. 3b).

De manière générale, la seule application stricte des règles de forme n’est pas constitutive de formalisme excessif (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.3). Tel est en particulier le cas de la sanction du non-respect d’un délai de procédure, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d’égalité de traitement et par un intérêt public lié à la bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (arrêt du Tribunal fédéral 8C_145/2019 du 3 juin 2020 consid. 6.3.3).

2.7 En l’espèce, le formulaire A produit à l’appui de la soumission de la recourante comprend, pour les rubriques 1.4 à 1.4.4, la mention « fourniture et pose par les SIG y compris facturation de la consommation, prévoir délai nécessaire pour démarches SIG », sans précisions de montants. En l’absence de toute indication de prix, alors que ce dernier était exigé à teneur des cahiers de soumission et des charges, l’offre de la recourante était incomplète.

La recourante se prévaut d’une pratique des SIG. Toutefois, le document produit à l’appui de son recours date de juin 2019. La recourante n’a par ailleurs pas contesté l’affirmation du pouvoir adjudicateur dans sa réponse au recours, selon laquelle les SIG n’effectuaient plus ce type de raccordements provisoires et temporaires. Aucun document n’a été versé au dossier qui contredirait cette affirmation et prouverait que la recourante était habilitée à se référer aux SIG pour ce type de prestations.

Dans ces conditions, c’est conformément au droit et sans abuser de son pouvoir d’appréciation que le pouvoir adjudicateur a prononcé une décision d’exclusion de la recourante au motif que son offre n’était pas complète au sens de l’art. 42 al. 1 let. a et al. 3 RMP.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 février 2024 par A______ SA contre la décision de la Ville de Genève du 2 février 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ SA, à Me Michel D’ALESSANDRI, avocat de la Ville de Genève - centrale municipale d’achat et d’impression, ainsi qu’à la Commission de la concurrence.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :