Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4273/2022

ATA/672/2024 du 04.06.2024 sur JTAPI/609/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4273/2022-PE ATA/672/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juin 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Pierre OCHSNER, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 juin 2023 (JTAPI/609/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1979, est ressortissant du Kosovo.

b. Les 21 décembre 2018, 9 et 23 décembre 2019 et le 20 mars 2021, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) lui a délivré des visas de retour afin de se rendre au Kosovo pour des raisons familiales.

B. a. Le 17 décembre 2018, A______ a déposé auprès de l'OCPM une demande d'autorisation de séjour le 17 décembre 2018 en y joignant notamment une copie de son passeport, un extrait de son casier judiciaire suisse, des attestations d'absence d'aide financière de l'Hospice général, une attestation de non-poursuite de l'office des poursuites, un formulaire M complété par la société B______ Sàrl accompagné de fiches de salaire pour 2018, un contrat de travail annonçant une prise d'emploi le 16 juillet 2018 ainsi qu'une attestation d'achat d'abonnements délivrée par les Transports publics genevois (ci‑après : TPG) le 23 novembre 2018, faisant état d'achats d'abonnements de 2010 à 2014, puis de 2017 à 2018.

b. Le 30 novembre 2019, sur demande de l'OCPM, A______ a transmis des documents complémentaires, notamment des fiches de salaire.

c. Le 9 mai 2022, l'OCPM a communiqué au Ministère public le dossier de A______ en raison de soupçons de falsifications de décomptes de salaire des entreprises C______(ci‑après : C______) et D______ Sàrl. Les premiers n'indiquaient pas les cotisations et ne figuraient pas sur le relevé AVS, et les secondes indiquaient un taux de cotisation incorrect pour l'AVS et n'apparaissaient pas non plus sur le relevé AVS.

d. Le 23 juin 2022, il a été entendu à ce sujet par la police judiciaire, avec l'aide d'un interprète car il parlait albanais. Il a admis que les décomptes de salaire litigieux étaient de faux documents et a reconnu avoir été « passablement absent de la Suisse » en 2015 et 2016. Il avait dû y passer entre cinq et six mois en tout.

e. Il résulte également du dossier que les quittances de salaire concernaient l'année 2009, alors que le titulaire de l'entreprise individuelle avait fait faillite en 2008.

f. Par ordonnance pénale du 23 juin 2022, le Ministère public a condamné A______ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 90.- le jour, avec sursis pendant trois ans, pour entrée et séjour illégal, exercice d'une activité lucrative sans autorisation, faux dans les titres, tentative d'induire en erreur les autorités de migration et infraction à la législation sur l'assurance-maladie.

g. Le 18 août 2022, l'OCPM a communiqué à A______ son intention de refuser de lui délivrer une autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai lui était imparti pour faire valoir ses observations écrites.

h. Le précité n'a pas fait usage de cette possibilité.

i. Par décision du 14 novembre 2022, l'OCPM a refusé, en application des dispositions légales relatives au cas individuel d'extrême gravité et des conditions posées par l'« opération Papyrus », de soumettre le dossier de A______ avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après  SEM). En outre, son renvoi de Suisse était prononcé, aucun élément du dossier ne laissant apparaître que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

Il avait reconnu avoir produit des documents falsifiés à l'OCPM afin de justifier de sa présence en Suisse durant dix ans, pour obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Sa situation ne répondait pas aux critères de l'opération Papyrus, notamment au vu de son comportement ainsi que de la durée du séjour qui n'avait clairement pas pu être démontrée. Par ailleurs, il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'une extrême gravité. Il n'avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Il ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée au point de devoir admettre qu'il ne pouvait pas quitter la Suisse sans devoir être confronté à des obstacles insurmontables. Il n'avait pas créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables. Il n'avait pas non plus acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu'il ne pourrait pas les mettre en pratique dans son pays d'origine. Il n'avait également pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place. Enfin, il avait gardé des attaches étroites avec son pays d'origine puisqu'il avait sollicité plusieurs visas de retour pour des raisons familiales.

C. a. Par acte du 15 décembre 2022, A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) concluant, à titre préalable, à sa comparution personnelle, et à titre principal à l'annulation de la décision querellée et à l'octroi d'une autorisation de séjour.

Il vivait en Suisse depuis plus de dix ans et était parfaitement intégré. Il maîtrisait le français, il n'avait pas de dettes et n'émargeait pas à l'aide sociale. Sa condamnation pénale en lien avec son statut d'étranger sans statut légal n'atteignait pas la gravité exigée pour remettre en question son intégration et n'était pas constitutive d'un comportement contraire à l'ordre juridique suisse. S'il faisait certes l'objet d'une procédure pénale, aucune réelle intention délictueuse n'était décelable. Il avait noué de solides et stables relations depuis son arrivée à Genève. Bien qu'il disposât de quelques membres de sa famille au Kosovo, il ne connaissait plus son pays d'origine. Il s'était fait aux us et coutumes helvétiques. La décision querellée était disproportionnée.

b. Le 14 février 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

A______ avait reconnu avoir produit de faux documents à l'appui de sa demande de régularisation et n'était pas parvenu à démontrer un séjour continu de dix ans en Suisse. Il ressortait également du procès-verbal d'audition du 23 juin 2022 qu'il effectuait régulièrement des allers-retours entre la Suisse et le Kosovo et que plusieurs membres de sa famille y vivaient. Il ne rencontrerait donc pas de difficultés insurmontables pour se réintégrer dans son pays d'origine.

c. Par jugement du 2 juin 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Si une procédure pénale était en cours d'instruction pour des soupçons relatifs à l'authenticité de documents produits dans le cadre de sa demande de régularisation, il ne faisait pour l'heure l'objet d'aucune condamnation en Suisse (sic ; l'ordonnance pénale du 23 juin 2022 est entrée en force en juillet 2022 sans avoir été contestée). Cela étant, l'intéressé avait admis avoir frauduleusement transmis de fausses fiches de salaire à l'OCPM dans le but d'obtenir une autorisation de séjour et séjourner sur le territoire depuis son arrivée à Genève en 2009, ce qui dénotait un certain mépris pour l'ordre juridique suisse et ses valeurs et tendait à démontrer un manque d'intégration.

Il avait aussi déclaré être arrivé pour la première fois à Genève le 10 mai 2009, et avoué avoir été « passablement absent de la Suisse » entre 2015 et 2016. À teneur du dossier, en particulier de son attestation d'achats d'abonnements TPG, il ne parvenait à démontrer à satisfaction de droit son séjour en Suisse que de 2010 à 2014 et de 2017 à 2018. Partant, il ne remplissait manifestement pas la condition de séjour continu de dix ans au minimum nécessaire à l'octroi d'une autorisation de séjour dans le cadre de l'« opération Papyrus ».

Au moment du dépôt de sa requête de régularisation de ses conditions de séjour, A______ ne pouvait se prévaloir, au mieux, que d'un séjour non continu d'une durée de six ans, effectué de plus sans titre de séjour. Son intégration socio-professionnelle en Suisse ne pouvait être qualifiée de remarquable ou d’exceptionnelle. Actif dans le domaine du bâtiment, il ne pouvait se prévaloir d’avoir acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays. Les faits qu'il avait admis démontraient son intégration. Il avait manifestement gardé des liens avec son pays de provenance, puisqu'entre 2018 et 2022, il avait sollicité l'octroi de quatre visas de retour afin de rendre visite à sa famille au Kosovo. Par ailleurs, arrivé à l'âge de 30 ans – selon ses déclarations –, il avait passé toute son enfance et son adolescence ainsi que la majeure partie de sa vie d'adulte dans son pays d'origine et en maîtrisait manifestement la langue ainsi que les us et coutumes. Il ne remplissait dès lors pas les conditions d'un cas d'extrême gravité.

D. a. Par acte déposé le 5 juillet 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à l'octroi d'une autorisation de séjour et à l'allocation d'une indemnité de procédure. À titre préalable, il demandait que soit ordonnée sa comparution personnelle.

Les conditions pour la régularisation de son séjour en Suisse étaient remplies. Il vivait en Suisse depuis plus de dix ans. Seules figuraient à son casier judiciaire des infractions en lien avec son statut de droit des étrangers. Une procédure pénale était certes en cours « mentionnant un élément grave » ; il n'avait toutefois pas eu de réelle intention délictueuse, mais uniquement une « volonté de survie ». Il avait noué des relations fortes et stables depuis son arrivée à Genève. Le jugement attaqué violait le principe de la proportionnalité, et la motivation au sujet de la nécessité d'un renvoi était lacunaire.

b. Le 22 août 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués, semblables à ceux présentés en première instance, n’étant pas de nature à modifier sa position. Au surplus, le recours n'indiquait pas quel motif d'inexécutabilité du renvoi serait donné en l'espèce.

c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 29 septembre 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 28 septembre 2023, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à formuler.

e. Le recourant en a fait de même le 29 septembre 2023.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant sollicite son audition en comparution personnelle.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l'espèce, le recourant a apporté des pièces au dossier et fourni des explications détaillées tant devant l’OCPM que devant le TAPI et la chambre de céans. Il a lui-même fait des déclarations selon lesquelles il faisait des allers et retours entre la Suisse et le Kosovo et reconnaissait avoir fourni de faux documents à l'intimé en vue de régulariser sa situation. Par ailleurs, la condamnation du recourant pour, notamment, faux dans les titres comportement frauduleux à l'égard des autorités de migration, est – contrairement à ce qui semble résulter du jugement attaqué – entrée en force, si bien qu'il ne saurait parvenir à démontrer par le biais d'auditions de témoins sa bonne foi à l'égard des autorités de migration. Les autres allégués qu'il se propose de confirmer par le biais de son audition soit ne sont pas contestés, soit pouvaient être établis au moyen de pièces, étant rappelé que la procédure administrative est en principe écrite. Son audition n'est ainsi pas susceptible d’influer sur l’issue du litige.

Il ne sera donc pas procédé à l'acte d’instruction sollicité.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier du recourant avec un préavis favorable et prononçant son renvoi de Suisse.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment du dépôt de la demande, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (secrétariat d'État aux migrations, Domaine des étrangers [ci-après : directives LEI], état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

3.3 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.4 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus »), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emportait aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/254/2023 du 14 mars 2023 consid. 2.1.4).

3.5 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

3.6 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.7 En l’espèce, le recourant a dans un premier temps soutenu être arrivé en Suisse en 2009. Dans son recours, il ne donne toutefois plus de date d'arrivée en Suisse, se contentant d'affirmer résider à Genève depuis plus de dix ans. Le TAPI a retenu à juste titre que le recourant ne parvenait à démontrer à satisfaction de droit son séjour en Suisse que de 2010 à 2014 et de 2017 à 2018, si bien qu'il ne remplissait pas la condition d'un séjour continu de dix ans posée dans le cadre de l’« opération Papyrus ». Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique, le recourant ne donnant aucun élément à même d'infirmer ce constat.

Le recourant ne remplit pas non plus les critères d’un cas d’extrême gravité, dont d’ailleurs l’« opération Papyrus » n’était qu’une illustration. En effet, la durée de son séjour en Suisse doit de toute façon être fortement relativisée du fait qu’elle s’est intégralement déroulée dans l’illégalité, ou au bénéfice d'une tolérance des autorités depuis le dépôt de la demande. Par ailleurs, la condamnation du recourant du 23 juin 2022 n’est pas anodine, puisqu’elle a directement trait à l’un des critères permettant de retenir une intégration sociale réussie, à savoir le respect de l’ordre public. Or, le recourant, en produisant de faux relevés de salaire, a – quoi qu'il en dise – cherché à induire en erreur les autorités en vue d’obtenir un titre de séjour. Ce comportement dénote un mépris certain pour les institutions du pays.

Si le recourant est, certes, indépendant financièrement, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas de dettes, de tels éléments ne suffisent pas pour retenir l’existence d’une intégration socio-professionnelle particulièrement réussie. Le recourant n’établit au titre de ses compétences linguistiques qu'une maîtrise du français limitée ; entendu par la police en juin 2022, il a dû avoir recours aux services d'un interprète. Il ne rend pas vraisemblable qu’il se serait investi dans la vie associative, culturelle ou sportive à Genève. Enfin, bien qu’indépendant économiquement, il travaille dans le secteur de la construction et ne peut se prévaloir d’une ascension professionnelle remarquable au sens de la jurisprudence, ce qu’il ne conteste d’ailleurs pas. En outre, les connaissances professionnelles acquises en Suisse ne sont pas spécifiques à ce pays, au point qu’il ne pourrait les utiliser au Kosovo.

Le recourant est né au Kosovo et y a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte jusqu’à l’âge de 31 ans. Il connaît les us et coutumes de son pays, la mentalité et en parle la langue. Il ne soutient pas ne plus y avoir de famille ; au contraire, il a demandé à plusieurs reprises des visas de retour au Kosovo pour raisons familiales. Ainsi, malgré la durée de son séjour en Suisse, son pays ne peut lui être devenu étranger. Âgé de 45 ans et en bonne santé, il pourra faire valoir en cas de retour l’expérience et les compétences acquises en Suisse pour sa réintégration, notamment professionnelle et sociale, et ne devrait ainsi pas rencontrer d’importants problèmes de réintégration professionnelle, du moins qui soient indépendants des difficultés connues par l'ensemble de la population au Kosovo. Sa situation ne permet en tout cas pas de retenir que sa réintégration serait gravement compromise au sens de la jurisprudence.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la loi ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation en refusant de préaviser favorablement auprès du SEM la demande d’autorisation de séjour présentée par le recourant.

3.8 Dès lors que l’OCPM a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, il devait prononcer son renvoi. En l’espèce, aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée. Comme relevé par l'intimé, le recourant ne précise même pas laquelle de ces trois hypothèses serait donnée en l'occurrence.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 juillet 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre OCHSNER, avocat du recourant, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au secrétariat d' État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MARMY

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.