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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2906/2021

ATA/186/2023 du 28.02.2023 sur JTAPI/734/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2906/2021-PE ATA/186/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 février 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Yves Rausis, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 juillet 2022 (JTAPI/734/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1984, est ressortissant du Kosovo.

2) Par décision du 8 janvier 2008, notifiée le 14 juillet 2008, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé une interdiction d’entrée en Suisse (ci-après : IES) à son encontre, valable jusqu’au 7 janvier 2013. Il lui était reproché d’avoir attenté à la sécurité et l’ordre publics en raison d’un séjour et d’une activité professionnelle sans autorisation ainsi que d’avoir commis un vol et des dommages à la propriété.

3) Le 7 juillet 2008, à Genève, M. A______ a épousé Madame B______, ressortissante espagnole titulaire d’une autorisation d’établissement.

4) Le 4 septembre 2008, il a sollicité auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) l’autorisation d’œuvrer en qualité d’aide installateur sanitaire au sein de C______.

5) Plusieurs échanges d’écritures ont eu lieu entre l’OCPM et M. A______ et Mme B______ s’agissant de cette requête entre 2008 et 2014.

Il ressort en particulier que, à teneur d'un rapport d’enquête de l’OCPM du 13 octobre 2010, Mme B______ leur avait indiqué la veille par téléphone qu'après trois jours de mariage, M. A______ avait quitté le domicile conjugal et n'y était plus revenu. Elle était sans nouvelles de lui. Lors d’un appel téléphonique du même jour, celui-ci avait indiqué qu'il habitait toujours avec son épouse. Confronté aux dires de cette dernière, il avait précisé s'être disputé avec elle et avoir quitté le domicile conjugal peu de temps auparavant. Mme B______ avait confirmé ses propos par courrier reçu par l'OCPM le 3 novembre 2010, précisant que son mari n'avait jamais habité chez elle et qu'après une semaine de mariage, elle n'avait presque plus eu de nouvelles de sa part.

6) Par décision du 29 août 2014, l’OCPM a refusé d’octroyer une autorisation de séjour à M. A______ et lui a imparti un délai au 28 octobre 2014 pour quitter la Suisse.

Les conditions d’octroi d’une autorisation au titre du regroupement familial n’étaient pas remplies, dès lors que, selon les déclarations de Mme B______, le couple n’avait jamais formé une communauté conjugale. Il ne pouvait pas davantage prétendre à la délivrance d’un permis de séjour humanitaire, au vu notamment des années qu'il avait passées au Kosovo, où il avait conservé des attaches familiales, et de l’absence d’une intégration professionnelle et/ou sociale particulièrement marquée en Suisse.

7) Cette décision a été confirmée par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 16 juin 2015, puis par la chambre administrative de la Cour de justice le 24 mai 2016.

La chambre administrative a notamment considéré que, contrairement à ce qu'il faisait valoir, il ne pouvait valablement invoquer que sa réintégration au Kosovo serait fortement compromise. Son intégration professionnelle en Suisse ne revêtait pas un caractère exceptionnel. Ses connaissances professionnelles comme jardinier et installateur sanitaire n’apparaissaient pas spécifiques à la Suisse. Il serait donc en mesure de les utiliser au Kosovo. Il pourrait, dans ce cadre, mettre en avant l’expérience professionnelle acquise en Suisse. Il avait des attaches familiales dans son pays d’origine, où il avait vécu durant son enfance, son adolescence et son jeune âge d’adulte. Il avait indiqué que ses parents, ses trois sœurs et son frère vivaient au Kosovo. Il était retourné au Kosovo plusieurs mois à la fin de l’année 2009 et au début de l’année 2010. S'il invoquait la nécessité de rester en Suisse, afin de pouvoir prendre en charge les coûts de santé de ses parents au Kosovo, ces motifs ne concernaient pas sa propre situation et étaient d’ordre économique, ne suffisant pas à retenir l’existence de raisons personnelles majeures. Enfin, il ne ressortait pas du dossier qu'il aurait tissé en Suisse des liens si étroits avec ce pays qu’ils pourraient contribuer à justifier une exception.

8) Par courrier du 29 juin 2016, M. A______ a sollicité auprès de l’OCPM l’octroi d’un délai au 31 décembre 2016 pour quitter la Suisse, tout en demandant qu’il fût renoncé au prononcé d’une IES à son encontre.

9) Faisant suite à cette requête, l’OCPM lui a imparti un délai au 31 octobre 2016 pour quitter le pays. Ce délai a encore été prolongé au 14 novembre 2016.

10) Par pli du 15 novembre 2016, l’ambassade de Suisse au Kosovo a transmis à l’OCPM la carte d’annonce de sortie de M. A______ ainsi qu’un billet de bus, daté du 11 novembre 2016, au nom de ce dernier, faisant état d’un trajet au départ de la Suisse à destination du Kosovo.

11) Entendu par les gardes-frontière suisses le 23 novembre 2017 en qualité de prévenu de séjour illégal et d’activité lucrative sans autorisation à la suite de son interpellation, M. A______ a notamment indiqué qu'il était le père d’un garçon de 5 ans, qui vivait avec son ex-compagne, et d’un second enfant, issu de sa relation avec sa compagne actuelle. Séjournant en Suisse depuis le 24 février 2006, il avait déposé une demande de titre de séjour et travaillait depuis environ un an et demi en qualité de plombier pour D______. Son plus jeune fils vivait avec lui à Genève et son aîné, qu’il voyait le dimanche et deux à trois fois par semaine, séjournait également dans le canton.

Il a été informé, à l’occasion de cette audition, qu’une décision d’IES, valable jusqu’au 13 juillet 2020, avait été rendue à son encontre le 14 juillet 2017. Était jointe au procès-verbal de son audition une copie de sa carte d’identité, établie par les autorités kosovares le 4 mai 2016 et de son permis de conduire, émis par les autorités kosovares le 11 février 2010 (les examens de conduite pour les véhicules de catégories B, B1, M, L et T ayant été réussis le 29 janvier 2010).

12) Le 20 février 2018, M. A______ a sollicité auprès de l’OCPM la délivrance d’un titre de séjour en application de l’« opération Papyrus ».

Arrivé dans le canton en février 2006, il avait toujours travaillé dans le domaine du bâtiment et n’avait jamais quitté Genève. Il pouvait se prévaloir d’un niveau B1 en français et d’un casier judiciaire vierge, ne faisait l’objet d’aucune poursuite ni acte de défaut de biens et n’avait jamais émargé à l’aide sociale.

Il a joint des fiches de salaire, des rapports de main-d’œuvre et des décomptes de salaires pour la période allant de mars 2008 à janvier 2018, soit, notamment : pour l’année 2010, un décompte des frais en lien avec la gestion d’un compte à son nom auprès de E______, faisant état d’une adresse dans le canton chez un tiers ; pour l’année 2011, un décompte du même type que celui mentionné ci-dessus et une fiche d’engagement professionnel à son nom signée le 26 novembre 2013 et indiquant « 2011 » comme date d’entrée ; pour 2012, des fiches de salaire pour les mois de mai à juillet, ainsi qu’une copie d’un dossier de demande de location d’appartement déposé dans le canton le 20 août 2012 ; pour 2013, des fiches de salaire pour la période allant de novembre à décembre ; pour 2015, des fiches de salaire, à l’exception des mois de janvier à mars et de décembre ; pour 2016, des fiches de salaire, sauf pour janvier, février et avril et, pour 2014 et 2017, des fiches de salaire allant de janvier à décembre.

13) Le divorce de Mme B______ et de M. A______ a été prononcé le 24 février 2018 par le Tribunal civil de première instance (ci-après : TPI).

14) Par ordonnance pénale du 2 mai 2018, le Ministère public a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de cent vingt jours-amende, avec sursis pendant trois ans, pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation.

15) L’OCPM a sollicité de M. A______, par courriel du 10 mai 2019, la production de divers documents, notamment une copie intégrale de son passeport, des justificatifs de résidence pour l’année 2010 et la liste de ses différents voyages, s’agissant notamment de son départ de Suisse en novembre 2016.

16) M. A______ a répondu par courriel du 6 août 2019 que son passeport ayant été perdu, des démarches allaient être entreprises pour en faire établir un nouveau. Il n’avait jamais quitté la Suisse depuis son arrivée « à l’exception d’une sortie de quelques jours à destination du Kosovo en novembre 2016 ». Il a en outre produit des décomptes de salaire établis par F______ pour les mois de février à juin 2010.

17) L’OCPM a demandé à M. A______ de lui fournir des explications quant au fait que la déduction des charges sociales apparaissant sur les fiches de salaire délivrées par F______ en 2010 ne figuraient pas sur l’extrait de son compte individuel auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation figurant au dossier, que l’extrait bancaire relatif à l’année 2010 n’indiquait aucun mouvement et que l’adresse genevoise figurant sur ce dernier n’était pas la même que celle mentionnée sur ses fiches de salaire. En outre, la fiche d’engagement correspondant à l’année 2011 étant datée de 2013, la production de justificatifs de présence durant l’année 2011 étaient exigée.

18) M. A______ a indiqué, par courriel du 23 septembre 2019, qu’il n'avait pas été informé du fait que les charges sociales déduites sur ses fiches de salaire n’avaient pas été versées à la caisse de compensation. Son compte bancaire n’indiquait aucun mouvement, car il avait dû le bloquer en raison de retraits effectués à son insu par son ex-épouse. Les différences d’adresses sur l’extrait bancaire et la fiche de salaire étaient dues au fait qu’il n’avait pas annoncé sa nouvelle adresse à son employeur. La mention d’une date en 2013 sur la fiche d’engagement de 2011 était due à une erreur, « cette fiche correspond[ant] bien à l’année 2013 ». Il séjournait à Genève sans interruption depuis son mariage en juillet 2008 et produirait, dès leur réception, des documents attendus de la part d’un ex-employeur et de son « ancien avocat » relatifs à 2011.

19) Par courriel du 29 septembre 2019, M. A______ a indiqué à l’OCPM qu'il lui transmettait des preuves complémentaires relatives à sa présence en 2011. Aucune pièce n’était jointe au courriel.

20) Par requête du 4 décembre 2019, M. A______ a sollicité, sans succès, la délivrance d’un visa de retour en vue de se rendre au Kosovo pour raisons familiales. Était jointe la traduction en français d’un rapport médical établi le 2 décembre 2013 par le Dr G______, de la clinique H______ à Gjilan (Kosovo), faisant état de la gravité de l’état de santé de son père.

21) Par courrier du 10 décembre 2019, l’OCPM a informé M. A______ qu'il était disposé à transmettre son dossier au SEM en vue de son approbation à l'octroi d'une autorisation de séjour, avec une proposition de levée de l’IES prononcée à son encontre, tout en soulignant que la décision de cette autorité demeurait réservée.

22) Le 20 février 2020, le SEM a informé M. A______ que son dossier était retourné à l’OCPM pour nouvel examen. Des incohérences avaient été constatées entre ses déclarations et les moyens de preuve produits. Notamment, les fiches de salaire de F______ pour février à juin 2010 contredisaient les affirmations de son mandataire selon lesquelles il n’avait pas été en Suisse de fin 2009 à mai 2010. Son permis de conduire et sa carte d’identité semblaient avoir été établis au Kosovo durant cette période. Selon la représentation suisse au Kosovo, le certificat médical d’un médecin kosovar émanait d’une clinique inconnue et le médecin précité avait fait l’objet d’une procédure pénale en raison de la production de fausses attestations moyennant rétribution.

23) Faisant suite à une demande quant à l’avancement du dossier, l’OCPM a demandé à M. A______ de lui apporter des éclaircissements s’agissant des incohérences relevées par le SEM.

24) Par courriel du 30 novembre 2020, le représentant de M. A______ a exposé qu’il n'avait jamais déclaré que son mandant n’avait pas été en Suisse de fin 2009 à mai 2010. Ce dernier s’était rendu en décembre 2009 au Kosovo et en était revenu au début de l’année suivante, étant précisé qu’il avait commencé à travailler pour F______ en février 2010. Son permis de conduire avait été établi le 11 février 2010 et avait été remis par les autorités compétentes à un membre de sa famille, qui le lui avait ensuite fait parvenir en Suisse.

25) Le 23 février 2021, M. A______ a bénéficié d’un visa de retour pour se rendre au Kosovo.

26) Par courrier du 11 mars 2021, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser de soumettre son dossier au SEM avec un préavis positif, de prononcer son renvoi et de transmettre son dossier à ce dernier, afin qu’il juge de l’opportunité de prononcer une IES à son encontre, tout en lui accordant un délai de trente jours pour produire ses éventuelles observations.

Les critères de l’« opération Papyrus » n’étaient pas remplis, dès lors que, compte tenu de son départ du sol helvétique le 11 novembre 2016, la durée de son séjour ininterrompu en Suisse était inférieure à dix ans. Il en allait de même des conditions relatives au cas de rigueur.

27) Sur requête de l’OCPM, la caisse cantonale genevoise de compensation a produit les extraits de comptes individuels de M. A______, datés du 16 mars 2021, dont il ressort que des cotisations ont été enregistrées pour les mois de septembre à décembre 2008, janvier à juillet et septembre 2009, février à octobre 2012, novembre à décembre 2013, janvier à février et avril à décembre 2014, janvier à décembre 2015, février à décembre 2016, puis janvier à décembre pour les années 2017, 2018 et 2019 ; F______ ne figure pas au nombre des divers employeurs mentionnés dans ces extraits.

28) Par écriture du 17 mai 2021, le nouveau mandataire de M. A______ a fait valoir que les critères de l’« opération Papyrus » étaient respectés. Même si l’existence d’un séjour ininterrompu de dix ans devait ne pas être retenue, les conditions du cas de rigueur étaient remplies.

Ayant lui-même représenté M. A______ dans le cadre de la contestation de la décision de refus de l’OCPM du 29 août 2014 jusqu’au prononcé de l’arrêt de la chambre administrative en mai 2016 et l’ayant en outre régulièrement rencontré et assisté dans diverses procédures civiles, il constituait un « témoin direct à la fois de la durée de son séjour, de la continuité de celui-ci et de sa formidable intégration ».

Arrivé en Suisse le 24 février 2016, son mandant avait été mis à la porte du domicile conjugal par son ex-épouse, au motif qu’il avait perdu son emploi. À la fin de l’année 2009, il avait fait un « court séjour au Kosovo, pour tenter de se ressourcer », mais était revenu en Suisse en janvier 2010, après en avoir profité pour refaire son passeport et passer son permis de conduire, document que son père avait été retiré le 11 février 2010, lui-même étant déjà revenu en Suisse à cette date. Les déclarations de son « précédent mandataire » à propos d’un séjour au Kosovo entre février et mai 2010 découlaient probablement d’un malentendu. À la suite du délai au 11 novembre 2016 imparti par l’OCPM pour quitter la Suisse, alors qu’il était employé par Monsieur I______ comme installateur sanitaire, il avait pris « des vacances supplémentaires pour respecter l’ordre de départ », mais était rentré « au début du mois de janvier 2017 pour reprendre régulièrement son travail après la trêve hivernale ». Faire débuter son « séjour officiel » en Suisse en 2017 équivaudrait à lui reprocher d’avoir obéi à une injonction de départ.

Il ne faisait l’objet d’aucune poursuite, n’émargeait pas à l’aide sociale, maîtrisait le français et n’avait jamais eu maille à partir avec les autorités pénales, à l'exception d'infractions relatives à son statut administratif. Depuis janvier 2020, il exploitait, avec M. I______, la société D______, dont il détenait la moitié des parts. La durée de son séjour en Suisse pouvait être qualifiée de longue, étant relevé que le traitement de son dossier par l’OCPM entre 2008 et 2014 n’était pas exempt de reproche. Plus d’une trentaine de membres de sa famille étaient établis à Genève, dont une quinzaine en situation régulière. Même si ses parents et l’une de ses sœurs vivaient ensemble au Kosovo, la taille du logement ne permettrait pas d’accueillir une personne supplémentaire. Ses liens sociaux avec son pays n’avaient pas résisté à sa longue absence et à seulement deux visites en quinze ans. Il ne pouvait être retenu que son intégration professionnelle n’était pas remarquable, sauf à réserver la délivrance d’un permis humanitaire à une « élite économique ».

Il a joint une attestation établie le 14 mai 2021 par M. I______, selon laquelle il avait pris des vacances du 11 novembre 2016 au 9 décembre 2016, trois déclarations écrites des 6 et 9 mai 2021 émanant, pour deux d’entre elles, de professionnels dans le domaine de l’architecture, attestant des qualités professionnelles et humaines de M. A______, un extrait du registre du commerce daté du 16 mai 2021 relatif à D______, ayant pour but l’exploitation d’une entreprise d’installation sanitaire, de plomberie et de chauffage, à teneur duquel M. I______ en est l'associé gérant, avec signature individuelle et M. A______ associé, sans signature, chacun d'eux disposant de la moitié des parts.

29) Par décision du 1er juillet 2021, l’OCPM a refusé de soumettre le cas de M. A______ au SEM avec un préavis positif, a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 1er septembre 2021 pour quitter la Suisse, tout en précisant que ses actes seraient transmis au SEM, qui jugerait de l’opportunité de prononcer une IES à son encontre.

Au vu de la durée insuffisante de sa présence ininterrompue en Suisse, les critères de l’« opération Papyrus » n’étaient pas respectés. Il en allait de même des conditions du cas de rigueur. Il n’avait pas prouvé une très longue durée de séjour en Suisse, ledit séjour ayant été interrompu en 2016 « de manière officielle ». L’existence d’une situation familiale justifiant une exemption des mesures de limitation n’avait pas été démontrée et, même si certains membres de sa famille séjournaient en Suisse, ses parents vivaient au Kosovo.

30) Par acte du 2 septembre 2021, M. A______ a interjeté recours devant TAPI contre cette décision, concluant préalablement à l’octroi d’un délai supplémentaire afin de compléter son recours, notamment par l’apport de pièces complémentaires, et principalement à son annulation et à la transmission de son dossier au SEM avec un préavis favorable. La comparution personnelle des parties ainsi que l’audition d’un témoin dont il ne précisait pas l’identité étaient proposées.

Reprenant les éléments déjà exposés, il a précisé que c’était un tiers qui lui avait apporté son permis de conduire en Suisse, lequel avait été retiré auprès des autorités kosovares le 11 février 2010. La seule condition demeurant litigieuse, sous l’angle de l’« opération Papyrus », était la durée et la continuité de son séjour, l’OCPM ne remettant pas en cause la réalisation des autres conditions. Il n’était pas contesté qu’il avait séjourné de manière continue en Suisse du 24 février 2006 au 9 novembre 2016, soit durant plus de dix ans et huit mois. Sur recommandations de son mandataire, afin d’éviter toute mesure de contrainte, une infraction supplémentaire et le prolongement potentiel de l’IES prononcée à son encontre, il avait pris un « supplément de vacances » en novembre 2016 pour rendre visite à son père, souffrant, comme le démontrait la photographie qu'il produisait, datée du 20 novembre 2016, sur laquelle il apparaissait notamment aux côtés de celui-ci. Il était cependant déjà de retour à Genève le 16 décembre 2016 pour la soirée de fin d’année organisée par son patron au restaurant « la Colline » à Genève, comme cela ressortait des photographies qu'il produisait, étant précisé que « l’obligation de sortie » n’interdisait pas à un étranger de revenir en Suisse par la suite.

L’absence de prise en compte de son séjour en Suisse antérieur à décembre 2016 avait pour conséquence qu’il avait été exclu de l’« opération Papyrus » et s’était vu nier la protection d’un cas individuel d’extrême gravité. Il n’était pas acceptable que les autorités suisses prélèvent des charges sociales et des impôts sur son salaire puis, à terme, le refoulent « en feignant d’ignorer la durée » de son séjour. De plus, il ne lui avait pas été reproché d’avoir « officialisé son départ », lorsque l’OCPM avait transmis son dossier au SEM pour approbation en décembre 2019. Il n’avait jamais déplacé son centre de vie de Genève depuis février 2006 et n’était en tous les cas pas retourné au Kosovo pour s’y établir. Entre son arrivée sur le territoire suisse et le dépôt de sa demande, il n’avait effectué que deux séjours au Kosovo, étant précisé que le premier, qui avait eu lieu en 2010, n’avait pas été considéré comme une interruption. Par conséquent, son séjour en Suisse avait été continu de février 2006 à février 2018. De plus, les 41 mois de procédure depuis le dépôt de sa requête devaient être comptabilisés, car il ne pouvait être tenu responsable de la durée de traitement « ahurissante » des « demandes Papyrus ».

Étaient jointes trois photocopies de photographies, sur lesquelles apparaissait l’administré en compagnie de tiers dans des lieux non identifiables, mentionnant des dates et des heures.

31) Par courrier du 1er octobre 2021, l’OCPM a transmis le dossier de M. A______ au Ministère public en raison de soupçons portant sur les décomptes de salaire établis par D______ et par F______ ainsi que sur le certificat médical du 2 décembre 2013 précité.

32) L’OCPM a conclu au rejet du recours.

33) Dans sa réplique, M. A______ a indiqué devoir, au vu des observations de l’OCPM, « prendre la décision d’énoncer certains faits importants qu’il n’avait jusqu’ici pas envie de dévoiler ».

Il était père de J______, né à Genève le ______ 2012, scolarisé dans le canton. Il n’avait pas fait état de cet élément important plus tôt, car il pensait son « dossier Papyrus » suffisamment solide pour ne pas avoir besoin de « mettre en péril la situation de cet enfant et de sa maman, tous deux sans autorisation de séjour ». Étant désormais dans la crainte que le TAPI suive le raisonnement de l’OCPM, il n’avait d’autre choix que d’annoncer sa paternité sur cet enfant. N’ayant pas été en mesure de réunir toutes les pièces attestant de ce lien de parenté, il sollicitait un délai pour produire les documents les plus pertinents.

34) Le 20 décembre 2021, il a produit divers documents relatifs à cet enfant et sollicité, au vu de ces éléments, l’annulation par l’OCPM de la décision attaquée, afin que sa requête soit instruite « à l’aune de ces faits nouveaux ».

Il a produit une confirmation de reconnaissance de paternité effectuée par ses soins le 24 juin 2013 en faveur de J______, des preuves de virements d’un montant de CHF 1'000.- en faveur de la mère de cet enfant pour les mois de janvier à novembre 2021, copie de la demande d'un droit de visite élargi déposée le 11 janvier 2019 par son conseil auprès du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) ainsi que la réponse y relative de la mère de l'enfant, qui s’y opposait, l'extrait du dispositif d’un jugement rendu par le TPAE rejetant sa requête d’autorité parentale conjointe, tout en rappelant qu’il devait notamment être informé des événements particuliers de la vie de son fils et être entendu avant la prise de décisions importantes, fixant un droit de visite, d’un week-end sur deux et de la moitié des vacances scolaires, à exercer sur le territoire suisse uniquement, sauf accord préalable contraire de l’autorité compétente.

35) Par courrier du 17 janvier 2022, l’OCPM a produit, pour information, l’autorisation de travail délivrée à M. A______ jusqu’à droit connu sur sa demande de titre de séjour, afin de lui permettre d’œuvrer pour D______, moyennant un salaire mensuel de CHF 6'120.-.

36) Le 18 janvier 2022, l’OCPM a persisté dans ses conclusions, tout en précisant que ces nouveaux éléments n’étaient pas de nature à modifier sa position.

37) Faisant suite à une demande de renseignements, le Ministère public a transmis au TAPI, par pli du 8 juin 2022 :

- le rapport de police relatif à l’arrestation de M. A______ le 21 mars 2022 faisant suite à la dénonciation adressée le 1er octobre 2021 par l’OCPM au Ministère public. Le relevé individuel OCAS de l’intéressé du 18 novembre 2021 faisait état d’une absence de cotisations entre fin 2009 et début 2012. Il était connu des services de police pour vol et infractions à la LEI en septembre 2007 et pour infractions à la LEI en septembre 2017. Il ressortait de l’enquête de police que le prévenu avait déposé une demande d’asile en France le 13 octobre 2006, étant précisé qu’il avait reçu un récépissé de carte de séjour dans ce pays du 25 juillet au 1er août 2007, avant de faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français le 11 septembre 2007. Selon les informations reçues de la police italienne, M. A______ avait déposé une demande d’asile en Italie en 2016 et obtenu un titre de séjour dans ce pays, lequel était valable du 23 juin 2016 au 15 août 2017. Il avait reconnu une partie des faits qui lui étaient reprochés, soit notamment le fait qu’il avait obtenu des fiches de salaire de la part du patron de K______ qui ne correspondaient pas à la réalité afin de les fournir à une régie immobilière en vue de l’obtention d’un appartement en location. Il avait également admis, à tout le moins, avoir violé la première IES rendue à son encontre.

- une ordonnance pénale du 22 mars 2022, condamnant M. A______ à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 80.- l’unité pour faux dans les titres, infractions aux art. 115 al. 1 let. a, let. b. et let. c LEI et tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI. Il lui était notamment reproché d’avoir produit, dans le cadre de sa « demande Papyrus » des documents falsifiés, soit des fiches de salaire et des décomptes de salaire ne correspondant pas à la réalité afin d’induire en erreur l’OCPM quant au nombre d’années qu’il avait passées en Suisse. Cette ordonnance précisait encore qu’il avait deux enfants à charge et travaillait en qualité de plombier moyennant un salaire mensuel net de CHF 5'000.-.

M. A______ a fait opposition à cette ordonnance pénale le 1er avril 2022. La procédure suit son cours.

38) Se prononçant sur ces documents, M. A______ a indiqué, le 7 juillet 2022, que la remarque « connu pour vol » figurant sur le rapport de police transmis par le Ministère public était basée sur les seuls renseignements de police, étant précisé que, lors de cet incident, les vigiles d’un centre commercial s’étaient rabattus sur lui, faute d’avoir pu interpeller l’un de ses amis soupçonné de vol à l’étalage, mais il avait été relâché sans suite après un interrogatoire de police. Quant à son arrestation en 2010 dans un fourgon de la société K______, elle confirmait son allégation selon laquelle il travaillait déjà pour cette entreprise à cette époque, alors que celle-ci ne l’avait déclaré à l’AVS qu’en 2012. Il ne pouvait être tenu pour responsable du fait que son employeur ne reversait pas les charges sociales ou appliquait le mauvais taux de cotisation. S’agissant de la demande d’asile déposée en Italie, il venait de faire l’objet d’une décision définitive de renvoi et avait ainsi tout naturellement tenté sa chance en Italie pour continuer de voir son fils régulièrement en toute légalité. Il n’avait cependant jamais séjourné en Italie et avait uniquement effectué des allers-retours entre la Suisse et ce pays lors des rendez-vous fixés par les autorités italiennes, à quatre ou cinq reprises.

39) Il ressort du dossier de l’OPCM, en particulier d’un procès-verbal d’audition du 14 mars 2012, qu’entendu par la police à la suite de son interpellation du même jour, M. A______ avait déclaré être rentré dans son pays en fin d’année 2009 et être revenu en Suisse en mai 2010.

40) Par jugement du 14 juillet 2022, le TAPI a rejeté le recours.

M. A______ n’avait pas établi qu’il avait séjourné de manière continue en Suisse pendant dix ans. Par ailleurs, il ne remplissait pas les conditions d’un cas de rigueur.

41) Par acte expédié le 14 septembre 2022, M. A______ a recouru contre ce jugement.

Il avait fait l’objet d’une décision favorable en 2019 et ne comprenait pas pourquoi le SEM n’avait pas rendu de décision. L’OCPM aurait dû, le 1er juillet 2021, révoquer sa précédente décision ou alors le dossier aurait dû être traité par le SEM. Les dix ans de séjour étaient établis, puisque l’OCPM l’avait reconnu dans la décision de 2019. Il avait toujours été financièrement indépendant et avait deux enfants vivant à Genève. Après les nombreuses années passées en Suisse, il ne pouvait imaginer retourner vive dans son pays d’origine. Il ne pensait pas enfreindre l’IES en étant en Suisse dans l’attente d’une autorisation de séjour. Il concluait à la délivrance d’une autorisation de séjour et à la restitution de l’effet suspensif.

42) L’OCPM a conclu au rejet du recours, se référant au jugement du TAPI.

43) Dans sa réplique, le recourant, représenté par un avocat nouvellement constitué, a relevé que l’OCPM avait omis de révoquer sa précédente décision. Le SEM lui avait demandé de compléter le dossier, ce que le recourant n’avait appris qu’incidemment après le prononcé de la décision querellée. Or, le SEM, autorité fédérale, n’était pas habilité à renvoyer le dossier à l’OCPM pour complément d’instruction. Ainsi, si ce dernier souhaitait revenir sur sa décision, il aurait dû la révoquer, ce qu’il n’avait pas fait. Le recourant n’avait toujours pas reçu de décision du SEM.

Pour le surplus, il a repris les arguments justifiant, selon lui, qu’il remplissait les conditions d’un cas d’extrême gravité.

44) Invité à se déterminer sur les nouveaux arguments, l’OCPM s’est rapporté à justice s’agissant de la question de savoir si le SEM avait commis un déni de justice en ne rendant pas de décision de refus d’approbation. Pour le surplus, il a rappelé que le recourant avait été condamné le 22 mars 2022 pour faux dans les titres et tentative d’infraction à l’art. 118 LEI. Bien qu’il fasse état de relations personnelles avec ses fils, le recourant ne précisait ni leur identité ni leur statut légal, de sorte qu’il n’était pas possible d’examiner si les conditions d’application de l’art. 8 CEDH, dont il se prévalait, étaient remplies.

45) Dans sa dernière écriture, le recourant a répété que l’OCPM aurait dû formellement révoquer sa précédente décision. Cela faisait désormais 17 ans qu’il séjournait en Suisse. Il contribuait régulièrement à l’entretien de son fils J______ qu’il voyait un week-end sur deux. La Cour européenne des droits de l’homme ne faisait pas dépendre la condition du droit de présence assuré comme condition préalable à l’examen de la violation de l’art. 8 CEDH. Enfin, il avait contesté sa condamnation du 22 mars 2022, qui de toute manière ne pouvait « anéantir » près la moitié d’une vie passée à se construire en Suisse.

Il a produit copie de la convention signée le 22 juin 2015 avec la mère de J______ fixant le montant de la contribution d’entretien en faveur de celui-ci à CHF 1'000.- par mois.

46) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L’objet du litige est circonscrit au bienfondé de la décision de l’OCPM du 1er juillet 2021. La chambre de céans ne saurait ainsi se prononcer sur la question de savoir si le SEM a commis un déni de justice en ne refusant pas formellement son approbation à l’octroi d’une autorisation de séjour.

3) Il convient, en premier lieu, d’examiner si l’OCPM, après renvoi par le SEM du dossier, aurait dû, préalablement, révoquer sa précédente décision.

a. Le Tribunal fédéral a exposé, au sujet du parallélisme des formes qu’invoque le recourant, ce qui suit. En vertu du principe de la légalité, toute autorité est liée par ses actes aussi longtemps qu'elle ne les a pas abrogés ou modifiés. Les justiciables doivent être assurés qu'elle applique à tous la même norme, et qu'il ne puisse y être dérogé que dans les cas que la norme prévoit elle-même. Toutefois, s'il était loisible à l'autorité de revenir sur ses actes par n'importe quelle voie, le principe de la légalité risquerait d'être éludé. Conformément à la règle du parallélisme des formes, l'autorité ne révise valablement ses actes que selon la forme dans laquelle ils ont été adoptés. Le législateur ne peut notamment s'écarter d'une loi sujette au referendum par un décret qui y est soustrait (ATF 94 I 29 consid. 3a et les références citées).

b. En l’espèce, l’OCPM, après avoir préavisé favorablement l’octroi d’une autorisation de séjour en faveur du recourant, a complété l’instruction du dossier après que le SEM le lui avait renvoyé à cet effet. Il a ensuite rendu une nouvelle décision concernant le recourant. Ce faisant, cet office est revenu sur sa précédente décision. Dans la mesure où la même autorité est revenue sur une décision ayant été rendue par ses soins, elle a respecté le principe du parallélisme des formes.

Le recourant a été informé, le 20 février 2020, du renvoi par le SEM de son dossier à l’OCPM pour nouvel examen, au regard des incohérences de ses déclarations et pièces produites ainsi que du fait que le certificat médical produit concernant son père émanait d’une clinique qui n’était pas connue et d’un médecin qui avait fait l’objet d’une procédure pénale pour fausses attestations. À la suite de la réception de ce courrier, le mandataire du recourant a pris contact avec l’OCPM pour connaître l’état d’avancement du dossier. Le lendemain, cet office lui a répondu en sollicitant des pièces complémentaires, exposant qu’il allait ensuite réexaminer le dossier. Le recourant a alors fourni, environ un mois plus tard, explications complémentaires, ensuite de quoi la décision querellée a été rendue.

Compte tenu du renvoi du dossier pour complément d’instruction, l’OCPM devait rouvrir le dossier du recourant, ce qui impliquait que sa décision précédente était mise à néant. La question de savoir si le renvoi pour complément d’instruction nécessitait que l’OCPM doive, pour ce faire, rendre préalablement une décision révoquant sa précédente décision peut demeurer indécise. Le recourant, pourtant alors assisté d’un mandataire professionnellement qualifié, ne s’est pas opposé à la reprise de l’instruction par l’OCPM, alors que cela signifiait que la procédure était reprise et allait conduire à une nouvelle décision. Il est ainsi forclos à s’en plaindre plusieurs mois plus tard. En outre, le renvoi du dossier à l’OCPM pour la prise d’une décision formelle de révocation ou reconsidération, si tant est qu’elle aurait dû intervenir, ne constituerait qu’une formalité, l’autorité intimée ayant intégré dans sa décision du 1er juillet 2021 l’ensemble des événements nouveaux survenus ou instruits après sa précédente décision.

Le grief sera ainsi écarté.

4) Le recourant soutient qu’il remplit les conditions permettant l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas d’extrême gravité, tels que prévus par l’« opération Papyrus ».

a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

d. L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

e. Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

Selon la jurisprudence, un étranger peut, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale garanti par l'art. 8 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu'il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 137 I 284 consid. 1.3 ; 136 II 177 consid. 1.2). Les relations visées concernent en premier lieu la famille dite nucléaire, c'est-à-dire la communauté formée par les parents et leurs enfants mineurs (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1).

L’examen de la proportionnalité de la mesure, imposé par l’art. 96 LEI, se confond avec celui qui est prévu à l’art. 8 § 2 CEDH (ATF 139 I 31 consid. 2.3.2 ; 139 I 145 consid. 2.2).

f. Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

g. Aux termes de l'art. 9 § 3 CDE, « les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ». Aucune prétention directe à l'octroi d'une autorisation de droit des étrangers ne peut toutefois être déduite des dispositions de la CDE (ATF 126 II 377 consid. 5 ; 124 II 361 consid. 3b).

h. Dans le cadre de l'exercice de leur très large pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

5) En l’espèce, le recourant séjourne en Suisse, selon ses dires, depuis 2006. La durée de son séjour en Suisse est donc longue. Elle doit cependant être relativisée en raison du fait qu’elle a, en grande partie, été effectuée dans l’illégalité. Le recourant savait dès son arrivée en Suisse qu'il ne disposait pas d'un titre de séjour ; sa première demande a d’ailleurs été refusée en août 2014. Ce n’est qu’à compter du 10 décembre 2019, date à laquelle l’OCPM l’a informé de la transmission de son dossier avec un préavis favorable au SEM, qu’il séjournait en Suisse au bénéfice d’une tolérance.

Par ailleurs et comme l’a constaté le TAPI, le séjour du recourant en Suisse n’a pas été ininterrompu. Dans son courriel du 30 novembre 2020 et son courrier du 17 mai 2021 à l’OCPM, puis dans le cadre de son recours devant le TAPI, il a indiqué avoir quitté la Suisse pour se rendre au Kosovo en décembre 2009, puis en novembre 2016, ce départ étant notamment corroboré par le renvoi, le 15 novembre 2016, de sa carte de sortie à l’OCPM par le biais de l’ambassade suisse au Kosovo. Le recourant a passé les examens de permis de conduire au Kosovo le 29 janvier 2010. Lors de son audition par la police le 14 mars 2012, il a indiqué être rentré au Kosovo fin 2009 et revenu en Suisse en mai 2010. Les fiches de salaire établies par F______ pour les mois de février à juin 2010, qui constituent selon le Ministère public des faux dans les titres, ne permettent pas de remettre en cause les éléments qui précèdent, notamment les déclarations du recourant lui-même. La durée du séjour en Suisse du recourant doit donc être relativisée au vu des éléments qui précèdent.

L’intéressé est financièrement indépendant, et il n’a pas recouru à l’aide sociale. Toutefois, alors qu’une décision lui refusant une autorisation de séjour avait été rendue et qu’il faisait l’objet d’une IES, il est resté, respectivement revenu en Suisse, faisant ainsi fi des décisions ayant été rendues à son encontre. Le recourant n’allègue ni n’établit qu’il se serait investi dans la vie culturelle, associative ou sportive à Genève. Au vu de ces éléments, son intégration sociale ne saurait être qualifiée de bonne, ni a fortiori d’exceptionnelle.

En outre, malgré sa relative longue durée de séjour en Suisse, le recourant ne fait pas état de liens affectifs ou amicaux particulièrement forts, en dehors des liens familiaux entretenus avec ses proches vivant à Genève. À teneur du dossier, le recourant semble, depuis 2019, exercer régulièrement son droit de visite sur J______ et verser la contribution d’entretien de CHF 1'000.- en faveur de celui-ci. Il ressort cependant également du dossier que ni l’enfant ni sa mère, de nationalité chilienne, ne disposent d’une autorisation de séjour. Or, conformément à ce qui a été exposé supra, le recourant ne peut se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à l’éventuelle séparation de son fils, dès lors que ni l’un ni l’autre ne bénéficient d’un droit de résider durablement en Suisse. En outre, père et fils pourront continuer à entretenir des relations régulières par le biais de moyens de télécommunication moderne et lors de séjours touristiques de l’un et l’autre au Kosovo ou en Suisse.

Le recourant est intégré professionnellement, son activité indépendante lui permettant de réaliser des revenus mensuels de plus de CHF 6'000.-. Cela étant, son activité dans le domaine des installations sanitaires, de plomberie et de chauffage, ne présente pas une réussite professionnelle à ce point remarquable qu’il ne pourrait être exigé de sa part de poursuivre son activité en dehors de la Suisse. Au contraire, les compétences professionnelles acquises en Suisse dans ce domaine d’activités, y compris la gestion d’une entreprise et les connaissances de la langue française, constituent autant d’atouts que le recourant pourra mettre à profit dans son pays d’origine. Celui-ci est encore relativement jeune, en bonne santé et a conservé des attaches affectives au Kosovo. Ainsi, quand bien même, après une absence de plusieurs années de son pays d’origine, le recourant traversera une nécessaire phase d’adaptation, sa réintégration tant sociale que professionnelle au Kosovo ne paraît pas gravement compromise.

Enfin, il est relevé que le recourant est venu vivre en Suisse et y est devenu père alors que tant lui que la mère de l’enfant étaient démunis d’un titre de séjour. Il ne pouvait ainsi ignorer qu’il pourrait être amené à devoir quitter la Suisse, avec les conséquences susceptibles d’en découler pour lui et son enfant. Pour le surplus, le recourant ne soutient pas entretenir de relations ni personnelles ni financières avec son second fils, dont il n’a au demeurant pas révélé l’identité.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’OCPM n’a pas violé la loi ni l’art. 8 CEDH ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le recourant ne remplissait pas les conditions restrictives permettant l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Il est encore observé que l’« opération Papyrus » se contentait de concrétiser les critères légaux fixés par la loi pour les cas de rigueur et que, comme cela vient d’être retenu, le recourant ne remplit pas les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA. Il ne saurait donc, pour ce motif non plus, se prévaloir de cette opération.

6) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que son renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé.

Mal fondé, le recours sera rejeté. Le présent arrêt rend sans objet la demande d’effet suspensif.

7) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 juillet 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Rausis, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.