Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3003/2022

ATA/1066/2022 du 20.10.2022 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3003/2022-FORMA ATA/1066/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 octobre 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE




EN FAIT

1) Monsieur A______ (ci-après : l’élève ou l’étudiant) est né le ______ 2003.

2) À la fin de sa onzième année de scolarité, en juin 2018, il a été promu par tolérance du cycle d’orientation en première année au collège.

3) En juin 2019, M. A______ a été promu par tolérance en deuxième année, avec une moyenne générale de 4,4, deux disciplines insuffisantes et un écart négatif à la moyenne de 1,0.

4) En juin 2020, il a été promu par dérogation en troisième année, avec une moyenne générale de 4,2, trois disciplines insuffisantes et un écart négatif à la moyenne de 1,7. Le total des branches français, moyenne des langues étrangères, mathématiques et option spécifique se montait à 16.7.

5) À l’issue de sa troisième année, M. A______ n’était pas promu en quatrième année. Bien qu’ayant une moyenne générale de 4,2, cinq disciplines étaient insuffisantes et l’écart à la moyenne s’élevait à 3,3. Le total des branches français, moyenne des langues étrangères, mathématiques et option spécifique se montait à 13,9.

Il a été autorisé à redoubler la troisième année.

6) À la fin du premier semestre de l’année scolaire 2021 - 2022, il n’était pas promu. Sa moyenne générale était de 4,4. Il avait toutefois quatre moyennes insuffisantes (3,4 en allemand ; 3,7 en mathématiques ; 3,0 en physique et 3,7 en éducation physique), et la somme des écarts négatifs à la moyenne se montait à 2,2. Le total des branches français, langues étrangères, mathématiques et option spécifique se montait à 15,9. Il présentait quarante-quatre absences excusées et
dix-sept non excusées.

7) Par courrier du 7 février 2022, la direction du collège lui a rappelé qu’en cas de non promotion au terme de l’année scolaire 2021 - 2022, il lui faudrait se réorienter vers une autre filière.

8) À la suite d’un diagnostic de dyspraxie, le collège a confirmé à M. A______, par pli du 20 mai 2022, qu’il bénéficierait de mesures d’aménagement scolaire, notamment de la prolongation du temps pour les évaluations.

9) À la fin de l’année scolaire 2021 - 2022, l’élève n’était pas promu. Sa moyenne générale était de 4,5. Il avait toutefois cinq disciplines insuffisantes
(3,6 en allemand ; 3,6 en mathématiques ; 3,3 en physique ; 3,6 en biologie et
3,9 en histoire), et la somme des écarts négatifs à la moyenne se montait à 2,0. Le total des branches français, langues étrangères, mathématiques et option spécifique se montait à 16,3.

10) a. Le 7 juillet 2022, l’élève a sollicité une dérogation pour passer en quatrième année du collège lors de la rentrée scolaire 2022 - 2023. Sa dyspraxie avait été découverte tardivement, à deux semaines seulement des épreuves semestrielles de fin d’année. Cette pathologie l’autorisait à avoir du temps supplémentaire pour toutes les épreuves, de toutes les matières, ainsi qu’un ordinateur lors des épreuves de langues et dans les disciplines nécessitant une capacité de rédaction telle que l’histoire, la philosophie et la géographie. Cette découverte remettait en cause non seulement les derniers résultats obtenus, mais tout son parcours scolaire, notamment le redoublement de sa troisième année. Il avait pu bénéficier des aménagements pédagogiques en lien avec sa dyspraxie pour les évaluations finales en allemand et physique. Il avait obtenu sa moyenne dans les deux matières.

En été 2021, il s’était fracturé la colonne vertébrale à la suite d’une crise d’épilepsie. De nombreux rendez-vous hospitaliers avaient été nécessaires, justifiant la majorité de ses absences scolaires et générant du retard non seulement dans ses révisions, mais aussi dans les épreuves à rattraper. Il fournissait des explications relatives à la péjoration de sa note d’histoire, de sport au premier semestre ainsi que de biologie et procédait à une comparaison de ses résultats selon les semestres. Il avait les capacités d’améliorer ses résultats. La somme des écarts négatifs à la moyenne de 5,4 était largement compensée par celle positive, de 8,1. Il devait être autorisé à passer en quatrième année.

b. Il joignait un document rédigé par son enseignant d’art visuel, qui l’avait suivi pendant deux ans. Il l’avait accompagné dans le cadre de son travail de maturité portant sur l’histoire de la science-fiction au cinéma des origines à nos jours. Il vantait les mérites de l’étudiant et la très grande qualité du travail fourni par celui-ci. Tout le portait à croire que la dyspraxie dont l’élève était atteint, diagnostiquée tardivement, avait pu jouer un rôle dans l’échec de M. A______.

Le document n’est ni daté ni signé.

11) Le 15 août 2022, la direction générale de l’enseignement secondaire II (ci-après : DGES II) a rejeté la demande de dérogation exceptionnelle.

Ayant répété la troisième année gymnasiale, il ne pouvait pas, réglementairement, bénéficier d’une dérogation à l’issue de cette seconde troisième année.

Par ailleurs, à toutes fins utiles, la DGES II relevait qu’il n’en remplirait pas les conditions. Ses résultats de fin d’année n’étaient pas proches des normes exigées. L’étudiant n’était pas promu en raison de deux causes d’échec, soit cinq disciplines insuffisantes au lieu des trois tolérées et un écart négatif de 2,0 à la place du 1,0 admis. De surcroît, le département ne pourrait pas formuler un pronostic de réussite favorable. Si, à la lecture des moyennes annuelles, l’étudiant semblait réduire l’écart négatif, l’analyse des résultats du second semestre démontrait une baisse des résultats dans cinq disciplines sur onze, notamment mathématiques, histoire et philosophie. Les seuls résultats du second semestre ne remplissaient pas les conditions de promotion. Il était indéniable que le diagnostic tardif de sa dyspraxie avait pu avoir un impact sur sa scolarité, mais n’expliquait pas, à lui seul, la fragilité des résultats, ce d’autant plus après une année renouvelée. L’élève était invité à rejoindre la deuxième année d’apprentissage d’employé de commerce, filière dans laquelle il était inscrit.

12) Par acte du 14 septembre 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la DGES II, laquelle a transmis l’acte de recours à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 16 septembre 2022 pour raisons de compétence.

L’étudiant concluait à l’annulation de la décision de refus de promotion en quatrième année et à l’octroi d’une autorisation de commencer sa quatrième année de collège avec toutes les mesures d’aménagement nécessaires. Subsidiairement, il devait être autorisé à redoubler sa troisième année de collège avec toutes les mesures d’aménagement nécessaires.

L’autorité avait abusé de son pouvoir d’appréciation et violé le principe de l’égalité de traitement. Si l’autorité avait reconnu que le diagnostic tardif de sa dyspraxie avait pu avoir un impact sur sa scolarité, elle n’avait tiré aucune conséquence de son constat. Il avait subi une situation « non égalitaire avec ses camarades » en subissant sa dyspraxie sans qu’elle n’ait été diagnostiquée. Enfin, en ne le laissant pas poursuivre sa scolarité au sein du collège, afin d’obtenir sa maturité, la direction générale empiétait sur ses projets de vie, ce qui était contraire à la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10). Or, il aspirait à faire des études de droit à l’Université.

13) Le département a conclu au rejet du recours et persisté dans son argumentation.

14) L’élève n’a pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti.

15) Sur ce, les parties ont été informées le 13 octobre 2022 que la cause était gardée à juger.


 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 40 du règlement de l’enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 - REST - C 1 10.31 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée dans le cas d’espèce.

3) a. L’art. 29 REST indique que les conditions de promotion sont déterminées par les règlements de chaque filière (al. 1). Il précise que l’orientation des élèves constitue une part importante de la mission de l’école et, dans cette optique, lors de l’analyse de l’octroi d’une promotion par dérogation ou d’un redoublement ou lors d’une réorientation, il doit être tenu compte des aptitudes de l’élève à mener à bien son projet de formation (al. 2). Sont également prises en considération les circonstances ayant entraîné l’échec, les progrès accomplis, la fréquentation régulière des cours et le comportement de l’élève (al. 3).

b. Aux termes de l’art. 29 du règlement relatif à la formation gymnasiale au collège de Genève du 29 juin 2016 (RGymCG – C 1 10.71), est promu l’élève qui obtient la note annuelle de 4,0 au moins pour chacune des disciplines d’enseignement suivies (al. 1).

Est promu par tolérance l’élève dont les résultats satisfont aux conditions suivantes :

a) la moyenne générale est égale ou supérieure à 4,0 ;

b) en option spécifique, la note est égale ou supérieure à 4,0 ;

c) la somme des écarts à 4,0 des notes insuffisantes (au maximum 3 notes) ne dépasse pas 1,0 ;

d) un total minimal de 16,0 est obtenu pour les disciplines suivantes : français, moyenne entre langue 2 et langue 3, mathématiques et option spécifique (al. 2).

Restent réservées les dispositions concernant la promotion par dérogation définies dans le règlement de l’enseignement secondaire II et tertiaire B (al. 3).

c. La direction d’un établissement, sur proposition de la conférence des maîtres de la classe ou du groupe ou, dans des cas exceptionnels, de sa propre initiative, peut accorder la promotion à des élèves qui ne remplissent pas complètement les conditions de promotion et qui semblent présenter les aptitudes nécessaires pour suivre l’enseignement de l’année suivante avec succès (art. 30
al. 1 REST). Un élève ne peut pas bénéficier de cette mesure plus d'une fois par filière (art. 30 al. 2 REST). Un élève ne peut bénéficier d'une dérogation à l'issue d'une année répétée (art. 30 al. 3 REST).

d. La promotion par dérogation, prévue par l’art. 30 al. 1 REST, prévoit deux conditions, la première étant que l’élève ne remplisse pas complètement les conditions de promotion.

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, un écart à la moyenne de 1,2 n’est pas de peu d’importance puisqu’il dépasse de 20 % le maximum de l’écart négatif autorisant d’entrer en matière sur une promotion par tolérance (ATA/776/2016 du 13 septembre 2016 concernant l’ancienne version de la disposition non modifiée sur ce point).

La deuxième condition prévue pour l’octroi d’une promotion par dérogation est celle qui concerne les aptitudes que semble avoir l’élève et qui sont nécessaires pour suivre l’enseignement de l’année suivante avec succès en dépit de son échec.

e. Dans ce cadre, l’autorité scolaire bénéfice d’un très large pouvoir d’appréciation, dont la chambre de céans ne censure que l'abus ou l'excès. Ainsi, alors même que l’autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de ce pouvoir : elle doit exercer sa liberté conformément au droit. Elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité (ATA/1697/2019 du 19 novembre 2019 consid. 4d et les références citées).

f. À teneur de l’art. 31 REST, l'octroi d'un redoublement n'est pas un droit (al. 1). La direction d’un établissement, sur proposition de la conférence des maîtres de la classe ou du groupe ou, dans des cas exceptionnels, de sa propre initiative, peut autoriser un élève non promu à redoubler l’année (al. 2). Dans les voies de formation générale, cette mesure ne peut être accordée qu'une seule fois par filière (al. 3). Un élève ayant bénéficié d’un redoublement ne peut prétendre ni à un triplement de l’année ni à un redoublement de l’année immédiatement supérieure (al. 4). La DGES II peut accorder un redoublement supplémentaire pour de justes motifs, tels que des problèmes de santé ou un accident (al. 7).

g. En l’espèce, il n’est pas contesté que les résultats du recourant ne lui permettent pas d’être promu en quatrième année (art. 28 al. 1 RGymCG) ni d’être promu par tolérance (art. 28 al. 2 RGymCG).

S’agissant d’une éventuelle dérogation (art. 28 al. 3 RGymCG), la teneur de l’art. 30 al. 3 REST est claire et ne laisse aucune marge d’appréciation au département. En effet, selon cette disposition, aucune dérogation ne peut être accordée à l’issue d’une année répétée. Or, tel est le cas du recourant, ce qu’il ne conteste pas. Il ne nie pas non plus avoir été informé des conséquences d’un éventuel échec en fin d’année redoublée. Il n’a par ailleurs aucun droit à un redoublement. Si, certes, la situation est sévère et que l’intéressé bénéficie de soutien à l’instar de son enseignant d’arts visuels, dans une attestation toutefois ni datée ni signée, le recours ne peut en conséquence qu’être rejeté, les considérations d’ordre médical ne pouvant infléchir ce qui précède, à teneur des dispositions applicables.

Le département a procédé, par surabondance de moyens, à une analyse des conditions de la dérogation au sens de l’art. 30 al. 1 REST. Il n’est toutefois pas nécessaire de la vérifier, celle-ci ne trouvant pas application, compte tenu de l’art. 30 al. 3 REST.

Le recours sera en conséquence rejeté.

4) Vu cette issue, un émolument de procédure de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2022 par Monsieur A______ contre la décision du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 15 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s’il porte sur le résultat d’examens ou d’autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d’exercice d’une profession ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Meyer

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :