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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/796/2022

ATA/1008/2022 du 04.10.2022 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/796/2022-EXPLOI ATA/1008/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 octobre 2022

1ère section

 

dans la cause

 

A______, soit pour elle Monsieur B______
représentée par Me Bruno Megevand, avocat

contre

POLICE MUNICIPALE DE C______
représentée par Me François Bellanger, avocat

 



EN FAIT

1) Les sociétés D______ (ci-après : D______) et A______ (ci-après : A______) ont été successivement propriétaires de l'enseigne « E______ » (ci-après : « E______ »), soit un établissement éphémère installé durant la période estivale sur la parcelle n° 2'258 de la commune de C______ (ci-après : la commune), sur le site de F______ (ci-après : F______). A______ en est l'actuelle propriétaire.

A______ est inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 16 décembre 2015 et a pour but notamment toutes activités dans les domaines de l'exploitation de restaurants et bars, de la production, la réalisation, la communication et l'organisation d'évènements et de spectacles en Suisse.

Monsieur B______ est l’un des associés gérants de cette société et le seul associé gérant, avec signature individuelle, de D______.

2) Le 8 février 2017, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a délivré à D______ une autorisation d'exploiter un établissement de catégorie café-restaurant à l'enseigne « E______ », d'une surface d'exploitation intérieure de 0 m2, mais d'une terrasse de 910 m2.

Les animations telles que la danse, la musique et la présentation d'un spectacle n'étaient pas couvertes et devaient faire l'objet de requêtes en autorisation distinctes.

3) Par circulaire adressée aux communes le 15 mai 2019 intitulée « Autorisations (accessoires) concernant les terrasses d'établissements publics. Note à l'intention des communes », le PCTN a clarifié sa pratique administrative relative à la gestion des terrasses d'établissements publics.

Ainsi, les communes étaient compétentes pour autoriser l'exploitation des terrasses et en fixer les conditions en tenant compte de la configuration des lieux, de la proximité, du type de voisinage et de tout autre élément pertinent. Elles avaient aussi la compétence d'autoriser les animations musicales sur les terrasses et d'en déterminer les conditions à respecter, concernant les horaires et le niveau sonore admis.

4) Par décision du 3 octobre 2019, se référant à une demande du 16 juin 2016, le PCTN a autorisé D______ à exploiter, dès le 1er janvier 2020, une surface de 0.01 m² tout en spécifiant que les animations telles que la danse, la musique et la présentation d'un spectacle devaient faire l'objet de requêtes spécifiques, référence étant faite à l'art. 36 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22).

5) Le 4 février 2020, F______ a publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) un avis d'appel d'offres de prestations de services, pour l'attribution d'un contrat-cadre d'exploitation de la zone événementielle précitée pour les saisons estivales 2021, 2022, 2023 et 2024. La mise au concours visait à sélectionner un exploitant qui mettrait en œuvre des prestations de bar/restauration et des animations de qualité.

Il ressort d'un communiqué de presse de la Cour des Comptes du 16 novembre 2021, concernant notamment le site de F______, que cet appel d'offres avait été entaché de plusieurs irrégularités, de sorte que c'était illégalement que l’établissement « E______ », pourtant arrivé en deuxième place, s'était vu attribuer l'utilisation de l'espace en question.

6) Selon la commune, étant relevé que ce document ne figure pas à la procédure, le PCTN a, le 25 février 2020, autorisé D______ à exploiter l'établissement « E______ » pour la saison estivale 2020.

L'autorisation du 8 février 2017 conservait sa validité pour ladite saison, mais elle deviendrait caduque à l'issue de celle-ci. Le PCTN avait pour compétence d'autoriser l'exploitation de « E______ » ou de tout concept comparable pour 0,01 m2, l'exploitation de la terrasse nécessitant l'obtention de l'autorisation de la commune. Compte tenu de la mise au concours de l'emplacement concerné et en concertation avec la commune, il avait décidé d'appliquer à ce cas particulier sa nouvelle pratique uniquement à partir du 1er janvier 2021. F______ devait intégrer ces exigences aux conditions du contrat à conclure.

7) Selon A______, étant relevé qu'aucune des deux parties n'a produit les documents y afférents, elle avait déposé une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée, dont l'entier du dossier avait été validé par F______, avant instruction auprès du département du territoire. L'autorisation avait été obtenue le 18 juin 2021 pour l'installation d'un café-restaurant et de ses annexes et les plans visés ne varietur.

8) La saison 2020 n'a pas eu lieu en raison du Covid-19.

9) Par arrêt ATA/1025/2020 du 13 octobre 2020, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a dénié à la zone événementielle « E______ » la qualification d'établissement au sens de la LRDBHD et que l'autorisation de l'exploiter était du ressort du PCTN. Les communes étaient compétentes pour autoriser des terrasses se trouvant sur leur territoire communal.

10) Le PCTN a, le 15 juillet 2021, autorisé l'exploitation d'une « surface d'exploitation intérieure de 0 m2 (une salle au rez-de-chaussée de 0 m2), attenante à un espace terrasse de 1'131 m² qui est sous autorisation de la commune », soit une terrasse à teneur d'un courriel du 16 juillet 2021, tout en précisant que les animations telles que la danse, la musique la présentation d'un spectacle n'étaient pas couvertes et devaient faire l'objet de requêtes distinctes.

11) A______ s'est vu délivrer le 20 juillet 2021, par le responsable de la police municipale de la commune, une autorisation d'exploitation d'une terrasse de 413 m2, pour la période du 15 juillet au 15 octobre 2021, de 12h00 à 01h00 du dimanche au mercredi et de 12h00 à 02h00 du jeudi au samedi. Ces horaires étaient sujets à réduction si des circonstances avérées le justifiaient. L'ordre devrait être appliqué en tout temps sur la terrasse. La diffusion de musique y était strictement interdite.

Cette autorisation devait être renouvelée chaque année et l'annonce devait parvenir à la police municipale avant le début de la saison.

La permission pouvait, en tout temps, être retirée ou suspendue pour des motifs d'intérêt général, par exemple la tranquillité publique, pour des besoins impératifs particuliers, par exemple des manifestations ou chantiers, ou tout autre motif justifié. Dans de telles éventualités, A______ ne pouvait prétendre à aucune indemnité.

Les hauts parleurs et autres sources de nuisances sonores notamment étaient proscrits.

Cette décision pouvait être attaquée par la voie du recours auprès de la chambre administrative.

Aucun recours n'a été déposé à son encontre.

12) a. Au rang des infractions liées à l'exploitation de « E______ », le 12 septembre 2016, la police cantonale a dressé un rapport de dénonciation à la LRDBHD et la loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques du 22 janvier 2004 (LVEBA - I 2 24), pour des faits survenus les 21 et 24 juillet 2016 à 22h30 dans l'établissement, les motifs étant une exploitation de l'établissement de manière à engendrer des inconvénients graves pour le voisinage ainsi qu'une animation musicale et danse sans autorisation.

Lors d'une patrouille lacustre ces deux soirs, la police avait constaté un niveau sonore élevé provenant de l'établissement. Le bruit de la musique couvrait la voix des policiers alors qu'ils se trouvaient dans le port G______ à une distance de 150 m ; à la sortie de la rade entre les phares H______ et I______, à une distance de 1'250 m, ils entendaient déjà la musique provenant de l'établissement. Pour des raisons de service, il n'avait pas été possible d'intervenir sur les lieux les soirs en question.

Le mardi 26 juillet 2016 entre 17h00 et 17h30, M. B______, entendu par les policiers, avait déclaré oralement qu'il y avait pratiquement tous les soirs depuis l'ouverture de l'établissement des animations musicales telles que des concerts live ou des DJs. Les soirs des 21 et 24 juillet 2016, il y avait eu des concerts live ; il était au courant de ne pas être en possession d'une autorisation « LSV », mais, selon lui, il n'en avait pas besoin.

Selon les policiers, et contrairement aux indications par lesquelles M. B______ avait tenté de les induire en erreur, il n'y avait pas de bise les 21 et 24 juillet 2016 et l'établissement n'était pas en règle avec le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : le SABRA).

L'infraction administrative consistait en l'organisation de spectacles, danse ou animation musicale (chaîne HI-FI ou DJ) sans autorisation (sauf cabaret et cabaret-dancing).

b. Par rapports de renseignement LRDBHD des 14 et 20 juin 2017, des agents de la police municipale de la commune avaient retenu la même infraction administrative en constatant, lors d'un contrôle de stationnement sur l'esplanade Alinghi, le jeudi 8 juin 2017 à 23h30 et le vendredi 16 juin 2017 à 23h00, des nuisances sonores provenant du café-restaurant, sur la terrasse extérieure.

Par écrit du 20 décembre 2017, D______, soit pour elle M. B______, avait contesté toute infraction à la LRDBHD et à son règlement d'application.

Le café-restaurant de l'établissement, éphémère et à ciel ouvert, ne possédait pas de terrasse extérieure. Aucune plainte ou dénonciation de tiers n'avait été portée à sa connaissance. La police cantonale était bien sur les lieux les soirs en question, mais pour des raisons relatives à la sécurité. M. B______ n'avait pas pris part aux constats effectués sur place par la police municipale. Pour le 16 juin 2017, la mesure des décibels n'aurait apparemment pas duré plus d'une minute, soit un laps de temps insuffisant.

c. Par décision du 6 mars 2018, le PCTN a infligé à M. B______, pour le compte de D______, une amende de CHF 2'430.-, conformément à l'art. 65 LRDBHD. Il était reproché à M. B______ des inconvénients pour le voisinage, en raison d'un bruit excessif de musique, ce en 2017, mais aussi en 2016 (art. 24 al. 2 LRDBHD), ainsi qu'un dépassement de la limite de 75 dB(A) au-delà de laquelle une autorisation d'animation (art. 36 LRDBHD) était requise mais dont les conditions d'octroi n'auraient, au surplus, pas été remplies ici, l'organisation d'animations musicales n'étant, conformément à l'art. 36 al. 4 LRDBHD, tolérée qu'à l'intérieur des locaux.

À la suite du recours déposé contre cette décision, la chambre administrative a, par arrêt ATA/1370/2019 du 10 septembre 2019, constaté la prescription des faits survenus les 21 et 24 juillet 2016, et fixé à CHF 1'200.- l'amende administrative pour les infractions commises les 8 et 16 juin 2017.

13) Par décision du 2 février 2022, adressée à M. B______, la police municipale de la commune, par son responsable de la sécurité du service de la sécurité de la commune, a infligé une amende de CHF 10'000.- à A______, en application de l'art. 65 LRDBHD.

Elle était motivée par la diffusion de musique au moyen d'un dispositif sonore sur la terrasse « E______ », en violation de l'interdiction selon décision du 20 juillet 2021 précitée. Des contrôles avaient été effectués sur place par la police municipale les 29 juillet et 13 août 2021. Un contrôle des valeurs du limiteur-enregistreur confirmait ces contrôles.

Une amende de CHF 10'000.- était conforme au droit et respectait le principe de proportionnalité. La violation de l'autorisation était intentionnelle. M. B______ avait refusé de communiquer sa situation personnelle à la commune. L'infraction en cause était la première. Elle résultait d'une volonté d'augmenter l'attractivité de la terrasse pour les clients et donc à réaliser un gain. La violation était intervenue dans un contexte sanitaire tendu. Il était fait référence à la tabelle des infractions émise par le SABRA.

Un bulletin de versement était joint en annexe, au-dessus duquel figurait la facture émise par la commune, sécurité municipale. Le bulletin de versement indique la commune comme bénéficiaire du montant à verser.

14) A______, soit pour elle M. B______, a formé recours contre cette décision par acte expédié à la chambre administrative le 11 mars 2022. Elle a conclu à l'annulation de ladite décision et, cela fait, à ce que l'audition des deux agents municipaux ayant effectué les contrôles des 29 juillet et 13 août 2021 soit ordonnée. Si une amende devait être maintenue, elle devrait être ramenée à tout le moins au quart du montant retenu, dans la mesure où il s'agissait de la première et au vu du contexte de Covid-19.

Elle revenait sur l'historique, depuis 2013, de la création de ce lieu éphémère et les démarches administratives y liées. À compter de juin 2016, elle avait reçu l'autorisation du PCTN d'exploiter sur ce site un établissement de catégorie café-restaurant. Elle avait remporté l'appel d'offres du 4 février 2020 précité pour une durée de quatre ans, soit jusqu'au 31 décembre 2024. Elle avait donc de bonne foi déposé et obtenu, le 18 juin 2021, une autorisation de construire, du département du territoire, un café-restaurant et ses annexes, dont l'entier du dossier avait été validé par le propriétaire de la parcelle, soit l'État de Genève. Elle avait obtenu une autorisation d'exploiter du PCTN le 15 juillet 2021, pour l'exploitation d'un café-restaurant, incluant la vente de tabac.

Dès le 31 août 2021, elle avait eu des échanges épistolaires avec la police municipale de la commune en lien avec les contrôles des 29 juillet 2021, par la police municipale, et le 13 août 2021, par la police cantonale. Elle avait relevé à leur attention que de la musique avait été diffusée à l'intérieur du restaurant et non pas sur la terrasse, étant relevé que désormais l'établissement comportait un toit ainsi que des volets et disposait d'un limiteur-enregistreur. Les agents de la commune avaient constaté et indiqué à M. B______ par téléphone qu'aucune musique n'émanait de l'extérieur. Aucune plainte n'avait été déposée en lien avec d'éventuelles nuisances.

Le concept « E______ » correspondait à la définition donnée à l'art. 3 LRDBHD. Le dossier démontrait bien les diverses délimitations des espaces. Même si les volets pouvaient se trouver ouverts, l'incidence sonore qui pourrait se produire à l'extérieur ne signifiait en aucun cas que la musique était diffusée en extérieur, ce qui n'était pas le cas. L'amende n'était donc pas justifiée.

Nonobstant ses explications et de manière surprenante, la police municipale lui avait infligé une amende, laquelle s'agissant de la première, aurait dû approcher les CHF 300.-, selon la LRDBHD, vu l'absence d'antécédents et le contexte sanitaire. La police municipale n'était pas « compétente » pour infliger une quelconque amende que ce soit.

15) La commune, soit pour elle la police municipale, a conclu, le 4 mai 2022, au rejet du recours et à l'octroi d'une indemnité de procédure. Préalablement, elle a conclu à ce qu'il soit ordonné au SABRA de transmettre à la chambre administrative son constat relatif au contrôle des valeurs du limiteur-enregistreur confirmant les contrôles effectués par la police municipale les 29 juillet et 13 août 2021 et au Ministère public, subsidiairement à la police, de transmettre le constat et le rapport émis à la suite du contrôle effectué le 13 août 2021.

Les 1'131 m2 de terrasse dévolue à la clientèle en 2021 se composaient d'une terrasse en plein air et d'une terrasse couverte. C'était cette partie que A______ qualifiait de manière trompeuse d'espace « intérieur » fermé. Cet espace ne disposait pas de véritables murs ni d'un plafond, mais d'un simple couvert modulable, similaire à une pergola, dont les lattes s'ouvraient en fonction des conditions météorologiques.

A______ n'en était pas à sa première infraction. Depuis 2015 déjà, l'établissement « E______ » avait fait l'objet de plaintes d'une dizaine d'habitants, vivant jusqu'en haut de la rampe de C______, pour des nuisances sonores importantes jusqu'à 2h00 ou 3h00, majoritairement des jeudis, vendredis, samedis et dimanches. En effet, l'établissement disposait alors d'une table de mixage et accueillait des musiciens ainsi que des disc-jockey (ci-après : DJ), lors de soirées où l'on dansait. M. B______ ne disposait alors que d'une autorisation d'exploiter cet établissement comme café-restaurant et d'une dérogation l'autorisant à l'exploiter jusqu'à 2h00 tous les soirs de la semaine, délivrée par le service du commerce (ci-après : SCOM), actuellement dénommé PCTN. Or, selon la LRDBH en vigueur à cette époque, seule une musique de fond était autorisée. Toute production sonore de musique devait être qualifiée d'animation musicale et faire l'objet d'une autorisation spéciale du SCOM.

Dès le 1er janvier 2016, la LRDBHD prévoyait la compétence de la commune du lieu de situation pour autoriser l'exploitation des terrasses et en régler les conditions d'exploitation. Lors d'une séance du 13 avril 2016 entre divers intervenants de la commune, un représentant du PCTN et M. B______ et ses mandataires, il avait été relevé à l'attention de ces derniers que l'exploitation d'une surface de 1'470 m² n'était pas couverte par l'autorisation du SCOM et était donc illicite. Le problème des nuisances sonores avait été évoqué et il avait été rappelé à M. B______ que seule une musique de fond était autorisée. Au-dessus, soit dès 75 dB(A), il s'agirait d'une animation musicale devant nécessairement faire l'objet d'une autorisation annuelle, trimestrielle ou ponctuelle du PCTN ainsi que d'un préavis favorable du SABRA. L'autorisation d'exploiter la terrasse avait été octroyée par le PCTN le 8 février 2017. M. B______ avait en revanche refusé de déposer la demande d'autorisation sollicitée à deux reprises par la commune, contestant la compétence de cette dernière.

Face aux infractions de plus en plus récurrentes et aux plaintes des voisins, nonobstant ses nombreux rappels, de même que ceux de la police et du PCTN, elle s'était vue dans l'obligation d'agir avec fermeté.

Le 29 juillet 2021 à 19h45, deux de ses agents avaient constaté une diffusion musicale avec DJ sur la terrasse, de même que la présence de plusieurs enceintes audio sur la partie non couverte et au premier étage, étant toutefois relevé que celles-ci n'étaient pas en fonction lors du contrôle.

Le samedi 31 juillet 2021 à 23h30, des agents de la police judiciaire avaient procédé à un contrôle. Alors qu'ils se trouvaient à plusieurs mètres avant les escaliers menant à la terrasse, ils avaient entendu « un fort volume provenir de cette dernière ». Le volume sonore avait immédiatement été baissé à leur arrivée. La personne responsable présente, Madame J______, avait expliqué qu'il n'y avait pas de plan de protection de l'établissement, obligatoire conformément aux dispositions de l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de Covid-19 en situation particulière. Le commissaire de police s'était donc rendu sur place et avait demandé, en vain, à Mme J______, puis à M. B______ de présenter les autorisations relatives à l'exploitation de la terrasse et à la diffusion de musique. Des infractions à l'ordonnance Covid-19 et aux art. 36 LRDBHD et 35 du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 (RRDBHD - I 2 22.01) avaient été retenues. Le rapport de police avait notamment été transmis au service des contraventions.

Lors d'un nouveau contrôle le 13 août 2021 dans le cadre des règles de protection Covid-19, des agents de la police cantonale avaient derechef constaté une diffusion de musique à haut volume sonore. Le commissaire de police, constatant l'absence de mise en conformité avec les règles Covid-19, depuis le précédent contrôle, avait pris l'initiative de fermer immédiatement l'établissement, sanction confirmée par le département.

Ces violations n'étaient pas isolées et s'étaient répétées au cours de la saison 2021, ce qui était attesté par des vidéos des soirées diffusées sur les médias sociaux, sur lesquelles on pouvait entendre très distinctement une animation musicale d'un débit sonore très largement supérieur à 75 dB(A).

Dans le cadre de l'usage de son droit d'être entendu, M. B______ avait, le 13 septembre 2021, contesté la compétence de la commune qui annonçait le prononcé d'une amende administrative en lien avec les constats effectués par les forces de police cantonale et communale. Le 29 octobre 2021, le SABRA avait adressé un courrier au représentant de A______ selon lequel « compte tenu de l'interdiction de diffusion de musique sur la terrasse explicitement mentionnée dans la décision de la commune de C______ du 20 juillet 2021, nous renonçons à donner suite à notre procédure d'amende sur les niveaux sonores, en laissant le soin à la commune de donner la suite nécessaire ».

A______ faisait preuve de mauvaise foi en lui déniant la compétence pour l'amender, tout comme la qualification de terrasse, question pourtant tranchée notamment dans l'ATA/1025/2021 précité. En effet, tant l'exploitation de la partie couverte que non couverte de la terrasse était soumise à son autorisation et devait respecter les conditions fixées.

L'autorisation de la commune du 20 juillet 2021 excluait explicitement la diffusion de musique sur la terrasse et aucune autorisation permanente ou temporaire pour de l'animation musicale ou pour la danse, n'avait été accordée, ce qui était expressément requis par la décision du PCTN du 15 juillet 2021. Ainsi, aucune diffusion musicale n'était autorisée, que ce soit sur la terrasse couverte ou non couverte. Ce nonobstant, « E______ » avaient délibérément et de manière répétée violé cette interdiction lors de la saison 2021, ce qui était attesté par les agents de la police cantonale et municipale dont l'audition n'amènerait rien de supplémentaire, vu le caractère complet et précis de leur rapport et l'absence de grief susceptible de remettre en cause leur valeur probante.

Le montant de l'amende, en l'absence d'éléments sur la situation personnelle de M. B______, malgré les rappels dans ce sens, tenait pour le surplus compte du caractère intentionnel des violations, des motivations illicites, puisqu'il était clair que le but de ces diffusions sonores par haut-parleurs et DJs était de rendre le lieu attractif pour les clients et ainsi de réaliser un gain, ainsi que des nombreux antécédents.

16) A______ et M. B______ ont très brièvement répliqué le 13 juin 2022 en rappelant que la police municipale de la commune n'était pas compétente pour infliger des amendes au sein des établissements publics mais uniquement sur les terrasses. De plus, le montant infligé pour une première amende était non seulement disproportionné, mais ne tenait nullement compte du fait que M. B______ était « aux APG ».

17) La commune a réagi le 15 juin 2022 en faisant état d'une procédure en cours devant le Tribunal administratif de première instance, dans le cadre de laquelle A______ s'était prévalue d'un chiffre d'affaires quotidien de plusieurs dizaines de milliers de francs en juin 2022. En conséquence, l'amende de CHF 10'000.- n'était manifestement pas disproportionnée et il était surprenant que son directeur, affirmant servir plusieurs centaines de clients chaque soir, se déclare « aux APG ».

18) La juge déléguée a, par courrier du 21 juin 2022, sollicité le PCTN, puis la commandante de la police, afin que lui soit transmis le rapport du contrôle censé avoir été effectué sur place le 13 août 2021 en lien avec le constat d'une éventuelle violation de la LRDBHD.

Le Conseiller d’État en charge du département de la sécurité, de la population et de la santé a transmis, le 22 août 2022, la main courante de l’intervention de la police du 12 août 2021 à 23h55.

19) Il en ressort qu’à l’arrivée de la police, environ trois cents personnes se trouvaient dans l’établissement. À l’exception des employés, aucune d’elles ne portait le masque de protection et les mesures de distanciation Covid n’étaient pas respectées. Madame K______ avait expliqué avoir repris l’activité depuis deux jours et avoir été submergée par les conditions météorologiques en milieu de soirée, qui avaient eu pour effet que tous les clients s’étaient rassemblés à l’intérieur et qu’ils n’arrivaient pas à faire respecter les mesures à leurs clients. Elle avait alors pris la décision, au vu de l’heure déjà avancée, de mettre fin à la soirée et de fermer l’établissement pour la nuit. Sur ordre du commissaire de police, l’ensemble du personnel avait été sensibilisé aux mesures anti Covid-19. Des contrôles seraient effectués les soirs suivants.

20) Les parties ont été appelées à se déterminer sur le contenu de cette main courante.

a. A______ a relevé, le 1er septembre 2022, que le « rapport de police » en question avait trait à des questions Covid pour lesquelles elle avait déjà été sanctionnée par une amende, qu’elle avait honorée, son restaurant ayant de plus été fermé.

Ceci corroborait le fait que la mesure prise était totalement disproportionnée. De plus, la règle « ne bis in idem » était un principe de droit qui trouvait toute son application dans le cas de figure.

b. La commune a relevé, dans ses observations du 12 septembre 2022, qu’elle avait été dûment informée par la police judiciaire du contrôle effectué dans la nuit du 12 au 13 août 2021, occasion au cours de laquelle la diffusion de musique avait été portée à sa connaissance. Les violations aux restrictions liées à l’épidémie de Covid-19 avaient été d’une gravité telle, que la présence de musique sur les lieux, bien qu’également constitutive d’une infraction, n’avait semble-t-il pas été mentionnée dans la main courante. La diffusion de musique, quand bien même elle n’était pas mentionnée dans la main courante, était évidente, sinon comment expliquer la présence de trois cents personnes debout, un jeudi soir à minuit, dans un établissement réputé pour ses animations musicales. Aussi, il convenait d’admettre que de la musique était diffusée lors de cette soirée, en violation des conditions d’exploitation, ce d’autant plus que lors du contrôle de police du 31 juillet 2021, tel était déjà le cas. Si la diffusion de musique ne devait pas être reconnue sur la base des pièces produites, elle sollicitait l’audition des quatre policiers intervenus sur place.

Les violations toujours plus nombreuses commises par A______ ainsi que son indifférence et sa désinvolture, en dépit des innombrables rappels à l’ordre et avertissements formulés ces dernières années par les autorités démontraient bien l’absence totale d’effet dissuasif et l’inefficacité de ce type de mesures dans ce dossier. Elle avait donc été contrainte de prononcer une sanction plus dissuasive, à savoir une amende administrative.

21) Les parties ont été informées, le 13 septembre 2022, que la cause était gardée à juger.

22) La teneur des pièces figurant à la procédure sera pour le surplus abordée ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du recours.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante sollicite l'audition des agents municipaux ayant procédé aux constats des 29 juillet et 13 août 2021 et l’intimée de ceux ayant procédé au second desdits constats.

L'intimée demande l'apport au dossier du constat effectué par le SABRA confirmant les contrôles effectués par la police municipale les 29 juillet et 13 août 2021 et qu'il soit demandé au Ministère public, subsidiairement à la police, de transmettre le constat et le rapport émis à la suite du contrôle effectué le 13 août 2021.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l’espèce, la recourante a eu l’occasion d’exposer ses arguments et de produire toutes pièces utiles, tant devant la commune avant le prononcé de la sanction litigieuse que devant la chambre de céans. La main courante afférente au contrôle dans la nuit du 12 au 13 août 2021 a finalement été versée à la procédure et chacune des parties a pu s’exprimer à son sujet.

La recourante soutient que la musique perçue par les agents lors des contrôles était alors diffusée « à l'intérieur du restaurant » et non pas sur la terrasse, ce en conformité de l'autorisation délivrée par le PCTN. Dans la mesure où la réponse à cet argument est de nature juridique, comme il sera vu plus loin, l'audition des agents n'est pas pertinente. Les constats nécessaires au traitement du recours figurent au demeurant sur les rapports établis les 5 et 10 août 2021, respectivement par la police municipale et la police judiciaire, et dans la main courante de la police cantonale du 13 août 2021.

Il ne sera partant pas donné une suite favorable à la demande d'audition des agents verbalisateurs.

3) La recourante conteste la compétence de la commune intimée pour lui infliger l'amende querellée.

a. La LRDBHD, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, a pour but de régler les conditions d'exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l'hébergement, ou encore au divertissement public (art. 1 al. 1 LRDBHD).

Elle vise à assurer la cohabitation de ces activités avec les riverains, notamment par leur intégration harmonieuse dans le tissu urbain, et à développer la vie sociale et culturelle et sa diversité, dans le respect de l'ordre public, en particulier la tranquillité, la santé, la sécurité et la moralité publiques (art. 1 al. 2 LRDBHD).

De plus, les dispositions en matière de construction, de sécurité, de protection de l'environnement, de tranquillité publique, d'utilisation du domaine public, de protection du public contre les niveaux sonores élevés et les rayons laser, de prostitution, de protection contre la fumée et l'alcool, d'âge d'admission pour des spectacles ou divertissements (protection des mineurs), de denrées alimentaires et d'objets usuels, d'hygiène, de santé, ainsi que de sécurité et / ou de conditions de travail prévues par d'autres lois ou règlements sont réservées. Leur application ressortit aux autorités compétentes (art. 1 al. 4 LRDBHD).

b. En vertu de l’art. 24 LRDBHD, l’exploitant doit veiller au maintien de l’ordre dans son établissement, qui comprend le cas échéant sa terrasse, et prendre toutes les mesures utiles à cette fin (al. 1). Il doit exploiter l’entreprise de manière à ne pas engendrer d’inconvénients pour le voisinage (al. 2).

c. Dans le chapitre IV relatif aux « dispositions sur les activités accessoires de divertissement dans les établissements voués au débit de boissons, à la restauration et à l'hébergement », section 1 afférente à l’animation, l’art. 36 LRDBHD prescrit que, sauf dans les dancings et cabarets-dancings, toute animation, telle que la musique, la danse ou la présentation d'un spectacle, est subordonnée à l’obtention préalable d’une autorisation du département, dans le respect de la procédure prévue aux art. 20 et 21 LRDBHD (al. 1). L’autorisation est délivrée pour un genre d’animation et une durée déterminés (al. 2). N'est pas considéré comme une animation un fond sonore ne dépassant pas le niveau de décibels fixé par le règlement d’exécution (al. 3).

L’art. 35 RRDBHD précise que, sauf dans les dancings et cabarets-dancings, toute animation (musique, danse, présentation d'un spectacle) est subordonnée à l'obtention préalable d'une autorisation, à moins que le fond sonore généré par l'animation ne dépasse pas 65 dB(A), pour les établissements construits avant 1985, ou 75 dB(A), pour ceux construits après cette date (al. 1). La diffusion de divertissements ou d'événements sportifs au moyen d'un téléviseur est assimilée à la présentation d'un spectacle (al. 2). L'autorisation est délivrée pour un genre d'animation et une durée déterminée (art. 36 al. 2 LRDBHD). Un établissement qui souhaite effectuer plusieurs types d'animations, doit déposer une requête pour chacun d'eux (al. 3). L'autorisation permet uniquement d'organiser les animations à l'intérieur des locaux de l'établissement, à l'exclusion de la terrasse (al. 4).

d. À teneur de l’art. 60 LRDBHD, le département est l’autorité compétente pour décider des mesures et sanctions relatives à l’application de la loi. Sont réservées les dispositions spéciales de la loi qui désignent d’autres autorités, de même que les mesures et sanctions prévues par d’autres lois et règlements qui relèvent notamment des domaines visés à l’art. 1 al. 4 LRDBHD (al. 1). Tout rapport établi par la police, ou par tout autre agent de la force publique habilité à constater les infractions à la LRDBHD, est transmis sans délai au département (al. 2).

e. De jurisprudence constante, la chambre administrative accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/897/2018 du 4 septembre 2018 consid. 7f ; ATA/73/2017 du 31 janvier 2017 consid. 7 et les références citées), sauf si des éléments permettent de s’en écarter.

f. En l'espèce, la décision prononçant l'amende litigeuse émane de la police municipale de la commune. Elle vise expressément l’autorisation de l'exploitation de la terrasse du 20 juillet 2021 délivrée par ses soins. Elle est fondée sur l'art. 65 LRDBHD.

4) a. Aux termes de l’art. 65 LRDBHD intitulé « amendes administratives », en cas d’infraction à ladite loi et à ses dispositions d’exécution, ainsi qu’aux conditions des autorisations, le département peut infliger une amende administrative de CHF 300.- à CHF 60'000.- en sus du prononcé de l’une des mesures prévues aux art. 61, 62 et 64, respectivement à la place ou en sus du prononcé de l’une des mesures prévues à l'art. 63 LRDBHD (al. 1). Si l’infraction a été commise dans la gestion d’une personne morale, d’une société en commandite, d’une société en nom collectif ou d’une entreprise en raison individuelle, la sanction de l’amende est applicable aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom. La personne morale, la société ou le propriétaire de l’entreprise individuelle répondent solidairement des amendes. La sanction est applicable directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu’il n’apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables (al. 2).

b. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut, au demeurant, aussi exister (ATA/1158/2019 du 19 juillet 2019 consid. 3 ; ATA/12/2015 du 6 janvier 2015 et les références citées ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, 2011, ch. 1.4.5.5 p. 160 s).

c. L’autorité qui prononce une amende administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; principes applicables à la fixation de la peine ; par renvoi de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 - LPG - E 4 05 ; ATA/1158/2019 précité consid. 5b ; ATA/1457/2017 du 31 octobre 2017 consid. 7a ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 consid. 14c). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence.

Par ailleurs, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.). Il y a lieu de tenir compte de la culpabilité de l’auteur et de prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est, notamment, déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu des circonstances (art. 47 al. 2 CP ; ATA/1158/2019 précité consid. 5b ; ATA/1457/2017 précité consid. 7b ; ATA/824/2015 consid. 14d).

Le PCTN, ce qui s’appliquera à la commune dans le cas d’espèce, jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer le montant de l’amende. La juridiction de céans ne le censure qu’en cas d’excès ou d’abus (ATA/1158/2019 précité consid. 5b ; ATA/331/2018 du 10 avril 2018 consid. 8b et les références citées).

5) a. Selon l'art. 3 de la loi-cadre sur la répartition des tâches entre les communes et le canton du 24 septembre 2015 (LRT - A 2 04), le principe de proximité suppose que les tâches publiques doivent s'accomplir au niveau le plus proche possible du citoyen (al. 1). Le principe de subsidiarité suppose que le canton n'assume une tâche que dans la mesure où il peut mieux s'en acquitter que les communes (al. 2). Le principe de transparence suppose que la répartition des tâches repose sur le modèle le moins complexe possible, le plus clair et le plus compréhensible pour le citoyen (al. 3). Le principe d’efficacité suppose que les tâches sont attribuées à la collectivité qui est mieux à même de les exécuter (al. 4).

b. À teneur de l'art. 15 LRDBHD, les communes fixent les conditions d'exploitation propres à chaque terrasse, notamment les horaires, en tenant compte de la configuration des lieux, de la proximité et du type de voisinage, ainsi que de tout autre élément pertinent. L'horaire d'exploitation doit respecter les limites prévues par l'autorisation relative à l’entreprise, sans toutefois dépasser l'horaire maximal prévu par les articles 6 ou 7, alinéas 1 et 2 (al. 1). Pour des motifs d'ordre public et/ou en cas de violation des conditions d'exploitation visées aux al. 1 et 2, les communes sont habilitées à prendre, pour ce qui touche à l'exploitation de la terrasse concernée, les mesures et sanctions prévues par la présente loi, lesquelles sont applicables par analogie (al. 3).

L'art. 4 al. 2 RRDBHD prévoit que la commune du lieu de situation des entreprises concernées reçoit, instruit et délivre les autorisations d’exploiter les terrasses, conformément au cadre fixé par l’art. 15 al. 1 et 2 LRDBHD. Elle peut prévoir des émoluments (art. 57 al. 3, LRDBHD) et prononcer, pour les infractions liées à l’exploitation des terrasses, les mesures et sanctions mentionnées à l’art. 15 al. 3 LRDBHD.

c. À teneur de l'art. 5 al. 1 de la loi sur les agents de la police municipale, les contrôleurs municipaux du stationnement et les gardes auxiliaires des communes du 20 février 2009 (LAPM - F 1 07), les agents de la police municipale sont chargés en priorité de la sécurité de proximité, soit de la prévention des incivilités et de la délinquance par une présence régulière et visible sur le terrain de jour comme de nuit, notamment aux abords des écoles, des établissements et bâtiments publics, des commerces, dans les parcs publics et lors de manifestations ou d'évènements organisés sur le territoire communal. Ils sont en outre chargés notamment : a) du contrôle de l’usage accru du domaine public ; b) de la lutte contre le bruit ; c) du maintien de la tranquillité publique.

Ils coopèrent avec la police cantonale ainsi qu'avec les autorités compétentes dans leurs domaines d'activité et échangent avec elles les informations utiles à l'accomplissement de leurs missions (art. 5 al. 3 LAPM). Ils constatent les infractions qui relèvent de leurs compétences, peuvent procéder à des auditions et transmettent aux autorités compétentes tous rapports ou constats établis dans le cadre de leurs missions (al. 4). Les modalités de collaboration avec la police et les autorités compétentes sont précisées dans le règlement d'application (al. 5).

Selon l'art. 8 du règlement sur les agents de la police municipale du 28 octobre 2009 (RAPM - F 1 07.01), les agents de la police municipale sont habilités à faire appliquer notamment la LRDBHD (let. h).

En application de l’art. 10A de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP - E 4 10), les agents de la police municipale exercent les tâches de police judiciaire incombant à la police, au sens de l’art. 15 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), dans les limites de leurs compétences matérielles telles que définies par la LAPM et le RAPM (art. 10A al. 1 LAPM).

Il ressort de l'art. 15 al. 1 CPP qu'en matière de poursuite pénale, les activités de la police, qu’elle soit fédérale, cantonale ou communale, sont régies par le CPP.

d. Les infractions prévues par la législation genevoise sont poursuivies et jugées conformément au CPP appliqué à titre de droit cantonal supplétif, ainsi qu'à ses dispositions cantonales d'application (art. 8 LaCP).

Le service des contraventions est compétent pour poursuivre et juger les contraventions (art. 17 al. 1 CPP ; art. 11 al. 1 LaCP). Lorsque la loi désigne une autre autorité administrative (art. 17 al. 1 CPP), cette dernière est seule habilitée à poursuivre et juger les contraventions spécialement placées dans sa compétence (art. 11 al. 2 LaCP).

Du principe d'accusation consacré à l'art. 9 CPP découle qu'une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le Ministère public a déposé un acte d'accusation basé sur des faits précisément décrits, afin que le prévenu connaisse exactement les faits qui lui sont imputés afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 143 IV 63 consid 2.2). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit (art. 350 al. 1 CPP).

6) En l'espèce, c'est bien l'exploitation de la terrasse qui est en cause, nonobstant l'argumentation de la recourante qui, malgré l'arrêt de la chambre administrative ATA/1025/2020 précité, cherche encore à remettre en cause cette qualification. Dans ledit arrêt, la chambre administrative a dénié à la zone événementielle « E______ » la qualification d'établissement au sens de la LRDBHD et que l'autorisation de l'exploiter était du ressort du PCTN. Seules les communes étaient compétentes pour autoriser des terrasses se trouvant sur leur territoire communal.

La situation au moment où l'amende litigieuse a été infligée était ainsi claire : la commune avait autorisé le 20 juillet 2021 l'exploitation des 413 m2 de terrasse et le PCTN, le 15 juillet 2021, d'une surface de « 0m2 attenante à un espace terrasse de 1'131 m», sous autorisation de la commune, ce conformément à l'art. 15 al. 1 LRDBH.

En conséquence, dans le cadre des attributions qui sont celles de la commune en application de l'art. 15 al. 3 LRBDHD, sa police municipale était compétente pour infliger l'amende administrative en cause (art. 5 et 10A LAPM, 8 RAMP).

Le grief d'une incompétence de la commune pour ingliger l'amende en cause est partant rejeté.

7) La recourante conteste ensuite le principe de l'amende.

Il ressort des pièces produites par la commune que le 29 juillet 2021 à 19h45 deux agents de la police municipale sont intervenus sur place à la demande du PCTN pour un « contrôle LRDBHD ». Les agents ont alors constaté qu'une partie de la terrasse au rez-de-chaussée comportait un couvert modulable, dont les lattes supérieures s'ouvraient en fonction des conditions météorologiques. Une installation comportant des platines avec un DJ, présent et identifié, produisait une musique d'ambiance à 76.8 (db) selon l'affichage du limiteur sur place. Les agents ont aussi constaté la présence de plusieurs enceintes audio sur la partie non couverte de la terrasse externe et au premier étage, qui n'étaient toutefois pas en fonction lors du contrôle. Rien ne permet de remettre en cause le constat de ces deux agents en particulier s'agissant de la diffusion de musique d'ambiance à un volume supérieur à la limite de 75 dB(A) nécessitant la délivrance d'une autorisation d'animation selon l'art. 36 LRDBHD dont la recourante ne prétend pas avoir alors disposé. Il est à cet égard rappelé que l'autorisation de la commune du 15 juillet 2021 prévoyait expressément que la diffusion de musique était strictement interdite sur la terrasse. Celle du PCTN du 15 juillet 2021 spécifiait que les animations devaient faire l'objet de requêtes distinctes.

Le second constat d'infraction figure dans un rapport de renseignements de la police judiciaire du 10 août 2021. Le 31 juillet précédent, à 23h30, deux policiers avaient constaté, plusieurs mètres avant les escaliers menant à la terrasse de l'établissement, un fort volume de musique. Le volume sonore avait immédiatement été baissé lorsqu'ils s'étaient annoncés. Une infraction, notamment aux art. 36 LRDBHD et 35 RRDBHD était relevée.

Rien ne permet de remettre en cause les constats de ces deux corps de police constitués d'agents assermentés.

S'agissant de l'argumentation de la recourante selon laquelle les espaces étaient délimités et que, même si les volets pouvaient se trouver ouverts, l'incidence sonore qui pourrait se produire à l'extérieur ne signifiait en aucun cas que la musique était diffusée en extérieur, de sorte que l'amende ne serait pas justifiée est mise à mal par le fait que l'intégralité de l'espace qu'elle exploitait en été 2021 était considéré juridiquement comme une terrasse, sur laquelle, comme déjà relevé, selon la seule autorisation de la commune pertinente, toute diffusion de musique était interdite.

Ainsi, l’amende est fondée dans son principe s’agissant des faits constatés le 29 juillet 2021, lesquels sont expressément visés par la décision querellée. Il sera en revanche noté que ladite décision ne fait nullement mention de l’infraction constatée le 31 juillet 2021, laquelle n’est donc pas concernée par l’amende prononcée.

Quant au contrôle intervenu le 13 août 2021, qui lui est bien visé par la décision querellée, il ressort de la main courante que la police cantonale est intervenue pour vérifier l’application des restrictions sanitaires en lien avec le Covid-19. Cette main courante ne fait aucunement mention de nuisances sonores violant la LRDBHD. Ainsi, quand bien même on peut se douter que les trois cents personnes présentes sur place ont dû profiter à tout le moins d’un fond musical sonore, force est de retenir que la décision attaquée, qui au demeurant ne fait référence qu’aux contrôles effectués par la police municipale, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, n’est pas conforme au principe d’accusation rappelée ci-dessus. La commune n’a d’ailleurs pas même pu produire la main courante sur laquelle elle entendait fonder son amende.

Ainsi, l'amende est fondée dans son principe uniquement pour l’infraction dûment constatée le 29 juillet 2021 et valablement poursuivie.

8) La recourante conteste subsidiairement la proportionnalité de l'amende, considérant que pour une première infraction, une amende de CHF 300.- suffisait.

Le montant de CHF 10'000.- se situe à 1/6ème de l'amende maximum prévue par l'art. 65 LRDBHD. Il tient compte du constat de deux infractions, à deux semaines d’intervalle, dont la seconde, du 13 août 2021, ne peut en définitive pas être retenue contre la recourante. Contrairement à ce que la recourante soutient, l'exploitation de l'installation « E______ » a déjà donné lieu au prononcé d'une amende en raison des nuisances sonores causées, puisque la chambre administrative a déjà eu à se pencher, par arrêt ATA/1370/2019 précité, sur des infractions similaires et a confirmé le prononcé d'une amende, toutefois réduite compte tenu de la prescription d'une partie des faits reprochés. À cet égard, il pouvait être attendu du seul gérant de la société alors sanctionnée, qui est l'un des associés gérants de la société actuellement propriétaire de l'installation en cause, qu'il comprenne cette première sanction comme un avertissement et valant antécédent.

Ledit gérant, malgré les demandes de la commune, n'a remis aucun document lié à sa situation personnelle ni à celle de la société intimée. Il s'est borné à soutenir qu'il était « aux APG ». Certes, à l'époque des faits, certaines mesures liées à la crise sanitaire étaient encore en vigueur, soit le plan de protection de l'établissement relatif à l'ordonnance sur le Covid-19 situation particulière, dont la responsable des « Voiles » présente sur place au moment du contrôle du 31 juillet 2021 a indiqué à la police judiciaire que l'établissement n'en avait aucun. C’est donc dire que cet élément est de peu de poids pour fixer le montant de l’amende, et plaide au contraire en défaveur de la recourante, puisqu’il a été encore confirmé que dans la soirée du 12 au13 août 2021, la recourante recevait trois cents personnes et qu’aucune d’elles ne respectait les règles sanitaires.

La société recourante a fait état, dans des observations déposées le 9 juin 2022 dans le cadre d'une cause pendante devant le TAPI, d'une perte de chiffre d'affaires estimée quotidiennement à CHF 120'000.- les 3, 4 et 5 juin 2022, à CHF 50'000.- le 7 juin 2022, à CHF 70'000.- le 8 juin 2022 et à CHF 90'000.- le 9 juin 2022.

Ainsi, même en prenant en considération un chiffre d'affaires moindre en été 2021 en raison de la situation sanitaire encore préoccupante, c'est sans abuser de son pouvoir d'appréciation que la commune avait, en tenant compte de deux constats d’infractions, fixé l'amende à CHF 10'000.-. En revanche, comme relevé ci-dessus, dans la mesure où en définitive seule l’infraction du 29 juillet 2021 peut être sanctionnée, l’amende sera ramenée à CHF 5'000.-.

Le recours sera en conséquence partiellement admis.

9) Vu l'issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe pour grande partie (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure, réduite, de CHF 500.-, lui sera accordée, à la charge de la commune. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la commune, bien qu'elle y ait conclu, dans la mesure où elle compte plus de 10'000 habitants (ATA/1223/2021 du 16 novembre 2021 ; ATA/598/2021 du 8 juin 2021 ; art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 mars 2022 par A______ contre la décision de la police municipale de C______ du 2 février 2022 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de la police municipale de C______ du 2 février 2022 dans la mesure où elle fixe le montant de l’amende à CHF 10'000.- ;

ramène le montant de cette amende à CHF 5'000.- ;

confirme la décision du 2 février 2022 pour le surplus ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______, à la charge de la police municipale de la commune de C______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bruno Megevand, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me François Bellanger, avocat de la police municipale de C______.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Meyer

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :