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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3962/2021

ATA/943/2022 du 20.09.2022 sur JTAPI/522/2022 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.10.2022, rendu le 04.01.2023, IRRECEVABLE, 2C_873/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3962/2021-PE ATA/943/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 septembre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Ghita Dinsfriend-Djedidi, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 mai 2022 (JTAPI/522/2022)


EN FAIT

1) Ressortissante kosovare née le ______ 1990, Madame A______ est arrivée en Suisse, selon ses propres déclarations, le 23 mars 2015.

2) Le 27 février 2018, elle a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour dans le cadre de l’« opération Papyrus ».

3) Mme A______ a transmis à l’OCPM, le 6 février 2019, une copie de son passeport et un témoignage de Madame B______ affirmant qu’elle travaillait pour elle comme femme de ménage depuis 2008, qu’elle était une employée exemplaire et qu’elle avait su lui devenir indispensable dans sa vie de vieille dame. Elle a indiqué ne plus être retournée au Kosovo depuis son entrée en Suisse en raison des activités de la vie quotidienne et du rythme de travail, et ne plus avoir de fiancé.

4) Le 14 octobre 2019, Mme A______ a été arrêtée par la police avec son petit ami depuis un an, Monsieur C______. Il ressort de son audition du 29 janvier 2020 que ses parents étaient séparés, que son père vivait à Genève, sa mère et son frère résidant au Kosovo. Depuis 2015, elle travaillait en tant que femme de ménage non déclarée pour différents employeurs à Genève. Elle avait fait la connaissance de Monsieur D______, avocat, en 2018, à qui elle avait demandé conseil pour le dépôt de sa demande. Ce dernier avait constitué son dossier en fournissant des fiches de salaire ainsi qu’une fausse carte AVS. Elle ignorait l’illégalité des agissements de son conseil, lui ayant fait confiance et ne s’étant pas vraiment « renseignée ailleurs ».

5) Par ordonnance pénale du 8 octobre 2020, Mme A______ a été reconnue coupable de faux dans les certificats et d’infractions aux art. 115 al. 1 let. b et c et art. 118 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et condamnée à une peine pécuniaire de cent cinquante jours-amende.

Mme A______ ne pouvait ignorer que les documents produits à l’OCPM – à savoir les certificats de travail et de salaire – contenaient des fausses affirmations. Elle avait séjourné et travaillé en Suisse entre 2015 et le 29 janvier 2020 sans être au bénéfice des autorisations nécessaires. Les documents falsifiés produits auprès de l’OCPM avaient pour but d’obtenir frauduleusement une autorisation de séjour.

6) Le 2 septembre 2021, l’OCPM a fait part à Mme A______ de son intention de rejeter sa requête du 27 février 2018 et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai lui était imparti pour faire valoir son droit d’être entendu.

7) Dans son courrier du 6 octobre 2021, Mme A______ a expliqué qu’à son arrivée en Suisse en 2015, elle était jeune et vulnérable. Lorsque l’« opération Papyrus » avait été lancée à Genève, elle avait été mise en contact avec un avocat, M. D______. Il avait entrepris des démarches pour elle en vue de l’obtention d’une autorisation de séjour. Dans le cadre de ces démarches, il lui avait fait signer certains papiers sans lui en expliquer les tenants et aboutissants. Elle ne connaissait alors pas la fausseté de ces documents, car elle faisait confiance à son conseil, qui était mandaté par plusieurs personnes de la communauté kosovare. Elle pensait qu’une durée de séjour de cinq ans était suffisante pour effectuer sa demande. Par ailleurs, sa maîtrise de la langue française était alors « bancale ». Il ressortait de l’enquête pénale que M. D______ admettait entièrement les faits, ayant multiplié les faux avec plusieurs clients d’origine kosovare dans un but d’enrichissement : il aurait finalement été condamné. En recevant l’ordonnance pénale du 8 octobre 2020, elle était en état de choc, car elle ne connaissait pas la fausseté de ces documents. Elle contestait sa culpabilité et avait fait opposition à ladite ordonnance. Depuis, son état de santé s’était dégradé et elle bénéficiait d’un suivi psychiatrique et psychologique, comme l’attestait son certificat médical du 9 septembre 2021.

Elle était parfaitement intégrée en Suisse et avait de nombreux amis, les témoignages qui étaient joints attestaient qu’elle était « une personne très serviable, disponible et sociable ». Elle avait une relation amoureuse stable et durable avec son fiancé actuel qui travaillait et vivait en Suisse. Toute sa famille se trouvait en Suisse ; elle n’avait plus aucun proche au Kosovo. Depuis son arrivée en Suisse, elle n’avait jamais eu recours à l’aide sociale, elle n’avait jamais fait l’objet de poursuites et son « erreur de jeunesse » ne devrait pas lui porter « un tel préjudice ». Elle avait le projet de commencer à travailler pour un salon de coiffure à Genève, grâce à ses diplômes dans le soin et l’esthétique qu’elle produirait prochainement.

Elle contestait que sa situation ne réponde pas aux critères de l’« opération Papyrus », au regard de son intégration socioculturelle remarquable, sa maîtrise de la langue française et sa carrière professionnelle future dans le soin et l’esthétique.

Un retour au Kosovo aurait pour elle de graves conséquences, car elle devrait quitter sa famille, ses amis et son compagnon de Suisse. Elle n’avait plus aucune attache au Kosovo, toutes les personnes auxquelles elle rendait visite étant en Suisse ou ailleurs en Europe.

Selon l’extrait de poursuites du 30 septembre 2021 produit par ses soins, elle faisait l’objet d’une seule poursuite pour CHF 135.15.

8) Par décision du 18 octobre 2021, l’OCPM a refusé de soumettre le dossier de Mme A______ avec un préavis positif au secrétariat d’ État aux migrations (ci-après : SEM) et a prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 3 janvier 2022 pour quitter le territoire.

L’intéressée avait produit des documents falsifiés dans le but d’induire l’OCPM en erreur pour obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Elle était arrivée en Suisse en 2015, de sorte qu’elle ne présentait pas une durée de séjour de dix ans minimum à Genève. Elle était âgée de 25 ans à son arrivée en Suisse et avait dès lors vécu sa jeunesse et son adolescence au Kosovo, années essentielles pour la formation de la personnalité et pour l’intégration sociale et culturelle. Sa situation ne répondait pas aux critères de l’« opération Papyrus ».

Par ailleurs, elle ne remplissait pas les critères relatifs au cas individuel d’extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Son intégration socioculturelle n’était pas remarquable, mais correspondait au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger. Elle n’avait pas démontré une très longue durée en Suisse ni qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle ; elle avait manifestement entretenu des liens étroits avec le Kosovo puisqu’elle avait obtenu plusieurs visas de retour depuis le dépôt de sa demande en février 2018. Ainsi, sa réinstallation au Kosovo s’avérait raisonnablement exigible.

9) Par acte du 18 novembre 2021, Mme A______ a recouru devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant préalablement à son audition et principalement à l’annulation de la décision et à ce que l’OCPM transmette son dossier au SEM avec un préavis favorable en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour.

Elle avait toujours travaillé, n’avait jamais dépendu de l’aide sociale et ne faisait l’objet d’aucune poursuite. Elle s’était parfaitement intégrée en Suisse, y avait toutes ses attaches et ses amis, comme cela ressortait des différents témoignages écrits. Elle avait obtenu son diplôme d’esthéticienne en Suisse et parlait parfaitement le français.

Au moment du dépôt de sa demande en 2018 par M. D______, elle pensait de bonne foi que ce dernier allait procéder à une opération parfaitement légale et que les documents signés étaient légitimes et ne contrevenaient pas à la loi. En 2017, elle ne maîtrisait pas correctement la langue française, élément dont l’office n’avait pas tenu compte dans la décision de renvoi. Cet élément n’avait pas non plus été pris en compte dans l’ordonnance pénale du 8 octobre 2020. Il ressortait de l’enquête pénale que M. D______ avait admis les faits ; pour sa part, elle contestait entièrement sa culpabilité et avait fait opposition à ladite ordonnance. Cette situation avait eu des conséquences désastreuses sur sa santé.

Elle avait pour projet de commencer à travailler dans un salon de coiffure d’une amie et devait être engagée prochainement. Elle entretenait une relation amoureuse stable et durable, toute sa famille se trouvait actuellement en Suisse et elle n’avait plus aucun proche au Kosovo. Ainsi, son retour s’avérait pas exigible. Elle demandait à ce qu’une seconde chance lui soit donnée pour obtenir une autorisation de séjour.

10) L’OCPM a conclu au rejet du recours.

Il ne lui appartenait pas de remettre en cause l’ordonnance pénale. Les arguments relatifs à la culpabilité de l’intéressée ne sauraient ainsi être pris en compte. Elle ne pouvait se prévaloir d’un séjour ininterrompu de dix ans en Suisse. Elle avait conservé des attaches au Kosovo au regard du nombre de visas de retour qu’elle avait sollicités pour des raisons familiales. Enfin, la relation amoureuse stable et durable qu’elle alléguait vivre avec son compagnon, qui était titulaire d’un permis de séjour, n’avait pas été attestée par ce dernier. Il n’était pas fait mention d’un projet de mariage, ni d’une éventuelle demande pour couple concubins.

11) Dans sa réplique, Mme A______ a indiqué qu’elle vivait en concubinage depuis quatre ans au moins avec son compagnon à Genève. Elle avait eu une volonté manifeste de s’intégrer en Suisse. Cela ressortait notamment des cours de langue qu’elle avait pris et de l’obtention de son diplôme d’esthéticienne. Elle ne pouvait retourner au Kosovo, car en raison du conflit russo-ukrainien, il y avait des risques que la Serbie envahisse le Kosovo. Elle n’avait jamais violé l’ordre public.

12) Par jugement du 23 mai 2022, le TAPI a rejeté le recours.

L’intégration socio-professionnelle de Mme A______ ne pouvait être qualifiée de remarquable et aucun élément ne permettait de retenir que sa réintégration au Kosovo était gravement compromise. La relation sentimentale alléguée n’était aucunement attestée et ne pouvait donc être retenue en sa faveur.

13) Par acte expédié le 23 juin 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, Mme A______ a recouru contre ce jugement, dont elle a demandé l’annulation. Elle a conclu, principalement, à ce que l’OCPM préavise favorablement son dossier auprès du SEM, subsidiairement au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision. Elle a sollicité son audition.

Elle a repris les arguments déjà exposés, insistant sur son intégration sociale et professionnelle ainsi que sur le fait que M. D______ avait abusé de sa bonne foi. Depuis la notification de l’ordonnance pénale, son état de santé psychique s’était détérioré. Son psychiatre avait indiqué à son conseil qu’il était inquiet pour elle. Elle allait prochainement être engagée comme coiffeuse et produirait une pièce à cet égard.

Selon le certificat médical du Docteur E______, psychiatre, du 21 juin 2022, annexé au recours, elle était suivie depuis le 13 février 2020 pour des « troubles dépressifs et anxieux récurrents, liés à l’absence d’un permis de séjour ». Un traitement antidépresseur et un suivi psychologique et psychiatrique étaient en cours ; une réévaluation devait avoir lieu en décembre 2022.

14) L’OCPM a conclu au rejet du recours, relevant l’absence de séjour continu de dix ans, la condamnation pour faux dans les titres dans le cadre de la demande de séjour, l’absence de liens particuliers tissés en Suisse ainsi que le défaut d’ascension professionnelle remarquable.

15) Dans sa réplique, la recourante a répété qu’elle vivait en concubinage depuis quatre ans avec son ami, qu’elle avait manifesté sa volonté de s’intégrer à Genève et qu’aucune violation de l’ordre public ne pouvait lui être reprochée. Les chars serbes se trouvaient à la frontière avec le Kosovo ; la renvoyer serait « inique, voire criminel ». Elle a produit une attestation du Dr E______ faisant état du fait que malgré le suivi médical, l’état de santé de la recourante ne s’était pas amélioré. Sa situation n’était pas stabilisée et devait être réévaluée dans trois mois.

16) La recourante a, notamment, obtenu un visa de retour pour raisons familiales d’un mois en juillet 2019 et de deux mois en juillet 2021.

17) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante sollicite son audition et cite, à titre de preuve, l’audition de témoins, sans préciser de noms.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale ni à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. En l’espèce, la recourante semble solliciter son audition pour démontrer son intégration en Suisse, sa maîtrise du française et, notamment, sa bonne foi, n’ayant pas imaginé que son précédent conseil avait produit des faux dans le cadre de sa demande de séjour. Or, elle a eu l’occasion de fournir des explications à ces sujets et de produire toute pièce qu’elle jugeait utile. Son niveau de français – niveau A2 à l’oral en juillet 2017 – est attesté par la pièce qu’elle a produite. La recourante n’explique pas en quoi son audition serait de nature à apporter d’autres éléments que ceux allégués par ses soins. Il n’y a donc pas lieu de procéder à celle-ci. Dès lors qu’elle n’indique pas quel témoin devrait être entendu ni ne précise sur quel fait quel témoignage pourrait porter, il ne sera pas non plus donné suite à cette demande. Enfin, le dossier soumis à la chambre de céans paraît complet et lui permet de trancher le litige en connaissance de cause.

Il ne sera donc pas procédé à d’autres actes d’instruction.

3) Est litigieux le refus de l’OCPM de préaviser favorablement la demande d’autorisation de séjour de la recourante et le renvoi de celle-ci.

a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

d. L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

e. Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

f. En l'espèce, la recourante est arrivée en Suisse en 2015. Lors du dépôt de sa demande de régularisation, elle totalisait un séjour de trois ans. Au moment où l'OCPM a statué sur sa demande de séjour, elle résidait depuis six ans en Suisse. Elle ne remplissait ainsi pas la durée de séjour continu de dix ans requise pour bénéficier de l’« opération Papyrus ».

Cela étant, elle ne remplit pas les conditions d’un cas de rigueur. Son intégration socio-professionnelle ne saurait être qualifiée de particulièrement marquée. Certes, elle semble avoir acquis une bonne connaissance de la langue française, ne fait l’objet que d’une seule poursuite de CHF 135.15 et n’a pas recouru à l’aide sociale. Elle n’explique cependant pas quelles sont ses actuelles sources de revenus et n’établit pas ni ne soutient qu’elle aurait entretemps été engagée comme coiffeuse, alors qu’elle a affirmé tant devant le TAPI que devant la chambre de céans qu’un tel engagement était imminent. Son intégration professionnelle fait donc défaut. En outre, les connaissances dans le domaine des soins esthétiques et de la coiffure qu’allègue avoir acquises ne sont pas spécifiques à la Suisse ; elle pourra les mettre à profit dans son pays d'origine.

Par ailleurs, il n’apparaît pas qu’elle ait tissé en Suisse des liens amicaux ou affectifs particulièrement forts qu’elle ne pourrait continuer à entretenir par le biais des moyens de télécommunication modernes. Alors que le TAPI avait déjà relevé l’absence de tout document attestant de la relation sentimentale alléguée, la recourante n’a produit devant la chambre de céans aucune pièce à cet égard. Elle n’a pas non plus indiqué le nom de son ami. L’existence d’une relation amoureuse stable entretenue par la recourante ni d’ailleurs la durée de celle-ci ne peut donc être retenue. Par ailleurs, la recourante ne démontre pas ni n’allègue qu’elle se serait investie dans la vie associative, culturelle ou sportive à Genève. Ainsi et indépendamment de la question de savoir si les agissements de son représentant lors du dépôt de sa demande d’autorisation de séjour doivent lui être imputés – question qu’il n’y a pas lieu de trancher – il sera retenu que la recourante ne peut pas se targuer d’une intégration sociale particulièrement marquée.

Arrivée en Suisse à l'âge de 25 ans, la recourante a vécu son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, soit les années déterminantes pour le développement de sa personnalité. Elle connaît les us et coutumes de son pays, dont elle maîtrise la langue. Elle est retournée à plusieurs reprises au Kosovo ces dernières années, comme le démontrent les visas de retour qu’elle a obtenus. Sa réintégration sociale ne devrait ainsi pas poser de problèmes particuliers. En outre, elle allègue disposer d’une formation de coiffeuse acquise en Suisse qu’elle pourra faire valoir, en sus de ses connaissances de la langue française développées à Genève.

Dans ces conditions, la réintégration socio-professionnelle de la recourante ne paraît pas fortement compromise. Si elle traversera une nécessaire phase de réadaptation à son retour, aucun élément ne permet de retenir qu’elle se retrouvera face à d’importantes difficultés de réintégration. Enfin, si le département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE) fait état de tensions au nord du Kosovo, il considère les autres zones de peuplement kosovar-serbe comme « relativement stables », même si « des incidents à caractère ethnique peuvent se produire » (https://www.eda.admin.ch/eda/fr/dfae/representations-et-conseils-pour-les-voyages/kosovo/conseils-pour-les-voyages-kosovo.html). Le DFAE ne fait pas mention d’un risque d’invasion imminent du Kosovo. Pour le surplus, aucun élément du dossier ne permet de retenir que la recourante serait concrètement menacée dans son intégrité en cas de retour au Kosovo, ce qu’elle ne soutient d’ailleurs pas.

Au vu de l'ensemble de ces circonstances, l’OCPM n’a ni violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que la recourante ne remplissait pas les conditions d’un cas de rigueur.

Il est encore observé que l’« opération Papyrus » se contentait de concrétiser les critères légaux fixés par la loi pour les cas de rigueur et que, comme cela vient d’être retenu, la recourante ne remplit pas les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA. Elle ne saurait donc, pour ce motif non plus, se prévaloir de cette opération.

4) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour à la recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée. Comme cela vient d’être évoqué, le risque de guerre allégué n’est pas rendu vraisemblable. Si la situation devait se détériorer, il appartiendra toutefois à l’OCPM d’en tenir compte au moment de l’exécution du renvoi.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 juin 2022 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 mai 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Ghita Dinsfriend-Djedidi, avocate de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.