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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2542/2022

ATA/917/2022 du 13.09.2022 ( FORMA ) , REJETE

Descripteurs : ÉCOLE OBLIGATOIRE;ACCÈS À UN TRIBUNAL;DÉCISION;CLASSE D'ENSEIGNEMENT
Normes : Cst.29a; LPA.4; LPA.46
Résumé : Confirmation de la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle l'attribution d'un élève à une autre classe dans la même école constitue un simple acte d'organisation interne non sujet à recours. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2542/2022-FORMA ATA/917/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 septembre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______, agissant en son nom et en celui de son fils mineur B______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



EN FAIT

1) B______, né le ______ 2013, est scolarisé à l'école primaire d'C______.

2) Lors de l'année scolaire 2021-2022, il était en 5P. À l'issue de cette année scolaire, il était promu en 6P.

Selon son bulletin scolaire de fin d'année valant bilan annuel, il avait obtenu une moyenne de 5,1 en français I, 5,6 en français II et 5,5 en mathématiques. Dans les autres branches non notées, le niveau était « atteint avec aisance » en sciences de la nature, histoire-géographie-citoyenneté, activités créatrices et manuelles et éducation physique, et « atteint » en allemand et en musique.

3) Le 28 juin 2022, le directeur de l'établissement primaire ______ / ______ / ______ / ______ / ______ (ci-après : l'établissement) a fait parvenir aux parents d'élèves de l'école d'C______ un courrier intitulé « informations concernant l'affectation de leur enfant pour l'année 2022-2023 ». Il y aurait sept classes, toutes de degré multiple sauf une (soit une classe de 1P-2P-3P, une de 3P-4P, une de 5P-6P, une de 6P-7P et une de 8P).

Il était indiqué aux parents d'B______ que leur enfant serait dans la classe tenue par la maîtresse qu'il avait déjà eue à titre principal en 2021-2022, ce qui correspondait à la classe de 5P-6P.

4) Le 30 juin 2022, le père d'B______, Monsieur A______, a écrit au directeur d'établissement.

Dans la mesure où leur fils avait une moyenne de 5,5 et était en avance sur le programme, lui et son épouse avaient été étonnés qu'il ne se trouve pas dans la classe de 6P-7P, mais de nouveau dans la classe de 5P-6P. Sa maîtresse leur avait indiqué qu'il avait eu des problèmes avec un enfant qui serait en 7P en 2022-2023. Il leur avait été dit que c'était elle qui avait pris cette décision.

Son épouse était donc allée la voir le 29 juin 2022. La maîtresse l'avait accueillie énervée, en lui disant qu'elle savait pourquoi elle venait et qu'elle ne modifierait pas sa décision. Elle n'avait d'abord pas voulu en donner les raisons, disant qu'ils devaient en référer au directeur, puis avait indiqué que c'était en raison des problèmes qu'elle voulait éviter avec les enfants de 7P, voulant éviter à B______ d'être perturbé par ceux-ci.

Pour différentes raisons, ils n'étaient pas satisfaits de cette maîtresse, qui avait par ailleurs dit ne jamais avoir enseigné à une classe de 6P. De plus, les écarts importants de niveau dans la classe 5P-6P influenceraient négativement le développement d'B______, car la maîtresse ne pourrait pas assurer une différentiation pédagogique tout au long de l'année. B______ se découragerait car répéterait des notions déjà acquises et ne se sentirait pas progresser, un risque de dépression ou de décrochage scolaire n'étant pas exclu.

M. A______ demandait qu'B______ soit transféré dans la classe de 6P-7P, ou à défaut que le directeur rende une décision sujette à recours.

5) Le 4 juillet 2022, le directeur d'établissement a répondu à M. A______. L'organisation des classes n'était pas effectuée selon les résultats notés des élèves. Le faible nombre d'élèves à C______ restreignait de plus la marge de manœuvre dans l'affectation de chacun d'eux. Les vœux des élèves ou des parents, tant concernant les camarades que les enseignants, ne pouvaient pas être pris en compte. L'organisation des classes n'était enfin pas sujette à recours.

6) Le 11 juillet 2022, M. A______ a écrit à la conseillère d'État en charge du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) pour se plaindre de la situation.

7) Le 15 juillet 2022, il a été indiqué à M. A______ que son courrier avait été transféré à la direction générale de l'enseignement obligatoire (ci-après : DGEO) pour raison de compétence.

8) Par décision du 8 août 2022, la DGEO a déclaré irrecevable le courrier du 11 juillet 2022 en tant qu'il s'agirait d'un recours. L'organisation des degrés, la composition des classes et le choix du titulaire de classe étaient des actes de gestion et d'organisation et de gestion internes à l'administration, et non des décisions susceptibles de recours.

Cela étant, les élèves scolarisés dans un double degré bénéficiaient de l'intégralité du programme de leur année de scolarité. Les enseignants étaient formés et à même de fournir un enseignement différencié. Depuis son entrée en scolarité, B______ avait été à quatre reprises scolarisé dans un double degré, dont deux fois avec des camarades d'un degré moins élevé, sans que cela lui porte préjudice.

9) Par acte déposé le 11 août 2022, M. A______, en tant que représentant légal de son fils, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur recours précitée, concluant à titre superprovisionnel, provisionnel et principal à l'inscription de son fils en classe de 6P-7P de l'école d'C______ pour l'année scolaire 2022-2023, ainsi qu'à une indemnité de procédure.

Outre les faits déjà décrits dans son courrier du 30 juin 2022, il précisait que les trois autres élèves ayant le même niveau scolaire que son fils avaient été placés en classe de 6P-7P, ce qui montrait bien que les notes étaient un critère. La maîtresse avait confirmé à son fils qu'il allait l'aider à enseigner aux élèves de 5P.

Il avait demandé une décision sujette à recours. Le contrôle des actes matériels prévu par l'art. 4A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) avait pour corollaire le droit à une décision. En refusant d'en rendre une et en déclarant son recours irrecevable, l'autorité avait commis un déni de justice. Il était toutefois contraire à l'économie de procédure de renvoyer la cause à la DGEO pour qu'elle statue.

L'enseignante avait mis tous les meilleurs élèves en 6P-7P, sauf B______, si bien que l'égalité de traitement n'avait pas été respectée. Alors qu'il pensait, tout comme son fils, que le différend avec l'élève de 7P était terminé, l'enseignante avait décidé de mettre B______ en 5P-6P sur la base de cet incident isolé. Sa décision était arbitraire, notamment parce que c'était celui qui n'avait rien fait qui était mis à l'écart.

10) Le 16 août 2022, la DGEO a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Conformément à la jurisprudence de la chambre administrative, l'affectation d'un élève à un établissement était une mesure d'organisation interne qui ne pouvait faire l'objet d'un recours, l'élève ne disposant pas d'un droit à être affecté dans un établissement précis. Il en allait de même, par identité de motifs, pour l'inscription de l'élève dans telle ou telle classe, avec tel ou tel enseignant, ou dans un degré simple ou double. Il s'agissait de mesures d'organisation interne, destinées à permettre au DIP, de répartir les quelque 38'000 élèves inscrits dans l'enseignement primaire public genevois.

B______ était un élève de 6P et allait recevoir l'enseignement relatif à ce degré. Le fait qu'une partie des élèves soient inscrits en 5P n'y changeait rien, et celui qu'il était bon élève ne justifiait pas qu'il soit inscrit dans une classe comportant des élèves plus âgés. Il n'en subirait aucun préjudice.

11) Le 24 août 2022, M. A______ a répliqué, persistant dans les conclusions de son recours.

12) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 31 août 2022.

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 LPA. Il doit être relevé à cet égard que l'acte attaqué est ici la décision sur recours de la DGEO, soit un acte attaquable auprès de la chambre de céans.

2) Se pose la question de savoir si le choix de placer B______ dans la classe de 5P/6P de l'école d'C______ plutôt que dans la classe 6P/7P constitue une décision au sens de l'art. 4 LPA à l'encontre de laquelle le recours à la chambre de céans est ouvert, étant précisé qu'il est incontesté que l'enfant suivra lors de l'année scolaire 2022-2023 le programme de 6P.

3) Selon l'art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. La Confédération et les cantons peuvent, de par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels. La norme constitutionnelle étend le contrôle judiciaire en principe à toutes les contestations juridiques. Il s'agit en particulier de contestations portant sur les droits et les obligations de personnes physiques ou morales (ATF 144 I 181 consid. 5.3.2.1 ; 143 I 344 consid. 8.2 et les arrêts cités). Ces droits et obligations ne découlent pas de la garantie de l'accès au juge elle-même, mais de ceux et celles que confère ou impose à l'intéressé un état de fait visé, notamment, par la Cst., la loi ou encore une ordonnance (ATF 136 I 323 consid. 4.3). L'art. 29a Cst. garantit l'accès à un juge disposant d'un pouvoir d'examen complet des faits et du droit (ATF 144 I 181 consid. 5.3.2.1 ; 137 I 235 consid. 2.5). Il ne s'oppose cependant pas aux conditions de recevabilité habituelles du recours ou de l'action (ATF 143 I 344 consid. 8.2 précité), et ne s'applique notamment pas aux actes internes de l'administration qui n'ont pas le caractère d'une décision (ATF 143 I 336 consid. 4.2 ; 136 I 323 précité consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_9/2020 du 6 juillet 2021 consid. 5.2).

4) a. Aux termes de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). Les décisions incidentes sont également considérées comme des décisions (art. 4 al. 2 LPA).

b. Une décision tend à modifier une situation juridique préexistante. Il ne suffit pas que l’acte querellé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu’acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l’administré par la volonté de l’autorité, mais sur la base de et conformément à la loi (ATA/1657/2019 du 12 novembre 2019 consid. 2c et les références citées).

Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/1672/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3b).

Les décisions doivent en principe être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Elles sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 1ère phr. LPA).

c. La décision comme acte juridique a pour objet de régler la situation d’administrés en tant que sujets de droit et donc, à ce titre, distincts de la personne étatique ou, en d’autres termes, extérieurs à l’administration. On oppose dans ce contexte la décision à l’acte interne ou d’organisation, qui vise des situations à l’intérieur de l’administration ; l’acte interne peut avoir des effets juridiques, mais ce n’en est pas l’objet, et c’est pourquoi il n’est en règle générale pas susceptible de recours. Deux critères permettent généralement de déterminer si on a affaire à une décision ou à un acte interne. D’une part, l’acte interne n’a pas pour objet de régler la situation juridique d’un sujet de droit en tant que tel et, d’autre part, le destinataire en est l’administration elle-même, dans l’exercice de ses tâches (arrêt du Tribunal fédéral 8D_2/2018 du 21 février 2019 consid. 6.2).

5) a. Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a indiqué que l'attribution d'un élève à une autre classe dans la même école constituait un simple acte d'organisation interne, par opposition à l'attribution de l'élève à une classe d'une école située plus loin de son domicile et l'obligeant à effectuer deux kilomètres quotidiens de trajets supplémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 2P.324/2001 du 28 mars 2002 consid. 3.4).

b. La chambre de céans a été encore plus loin en considérant en 2019 que l'affectation d'un élève à un établissement post-obligatoire était une mesure d'organisation interne qui ne pouvait pas faire l'objet d'un recours. L'élève ne disposait pas d'un droit à être affecté à un établissement précis (ATA/1264/2019 du 21 août 2019 consid. 3).

6) En l'espèce, le fils du recourant a été attribué à l'école d'C______, ce qui n'est pas contesté, au degré 6P, ce qui ne l'est pas non plus, et enfin à la classe de double degré 5P/6P plutôt que de l'autre classe, elle aussi de double degré, 6P/7P. Il s'agit néanmoins là, conformément à la jurisprudence précitée du Tribunal fédéral, d'un acte d'organisation interne non sujet à recours, ce que les développements du recourant ne sont pas propres à remettre en cause.

La décision sur recours de la DGEO était ainsi conforme au droit, si bien que le recours sera rejeté.

Le prononcé du présent arrêt rend en outre sans objet la demande de mesures superprovisionnelles et provisionnelles.

7) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 550.- sera mis à la charge de M. A______, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 août 2022 par Monsieur A______ contre la décision sur recours de la direction générale de l'enseignement obligatoire du 8 août 2022 :

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 550.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascottto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :