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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1134/2022

ATA/893/2022 du 06.09.2022 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1134/2022-FPUBL ATA/893/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 septembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Dimitri Tzortzis, avocat

contre

COMMISSION DE RECOURS DE GENèVE AéROPORT

et

AéROPORT INTERNATIONAL DE GENèVE
représenté par Me Miguel Oural, avocat



EN FAIT

1) Monsieur A______ a été engagé par l’Aéroport international de Genève (ci-après : AIG) dès le 1er avril 2001 en qualité de « contrôleur passagers ». Dès 2003, il a été promu chef d’équipe puis chef de groupe en 2005, chef d’instruction sûreté dès 2006, chef des opérations sûreté dès 2008, chef du service contrôle qualité dès 2012 puis adjoint chef du département sûreté dès 2015. En 2019, son salaire annuel brut était fixé à CHF 147'432.60. Il a également occupé diverses fonctions en remplacement, notamment celle de chef de sûreté passagers au cours de l’année 2009 et géré le service de formation au cours de l’année 2013. En 2015, on lui avait confié la conduite du service contrôle qualité dans l’attente de la nomination d’un nouveau responsable. En 2018, il avait occupé le poste de chef du département sûreté jusqu’au retour du titulaire en absence maladie.

2) Le 15 mai 2019, le Ministère public a procédé à une perquisition et à la saisie de documents à l’aéroport, dans le cadre de l’ouverture d’une procédure pénale contre Monsieur B______, chef du département sûreté de l’AIG, supérieur direct de M. A______. Une procédure a également été ouverte contre Monsieur C______, associé-gérant de l’entreprise D______ Sàrl (ci-après : D______), prestataire de l’AIG, notamment en matière de formation sûreté.

3) Le 17 mai 2019, le conseil de direction de l’AIG a suspendu provisoirement M. A______ de ses fonctions, avec effet immédiat mais avec maintien du salaire, faisant suite aux événements du 15 mai 2019 initiés par un rapport de la Cour des comptes sur les processus d’appels d’offres et leur application au sein de l’AIG.

4) Le 18 juin 2019, l’AIG a informé M. A______ avoir eu connaissance de faits nouveaux dont la gravité était susceptible d’entraîner la résiliation immédiate des rapports de travail pour rupture irrémédiable des liens de confiance.

Lors de son audition dans le cadre de la procédure pénale précitée, M. A______ avait admis avoir reçu de la part de M. C______, trois sommes d’argent, la première en décembre 2013 de CHF 6'100.-, la deuxième de CHF 8'160.- au début 2015 et la troisième de l’ordre de CHF 5'000.- en espèces en 2016 ou 2017, pour des motifs qu’il n’avait pas été en mesure de justifier. Dans ce contexte, il avait également admis avoir établi une fausse facture et utilisé le compte bancaire d’un ami, expliquant avoir agi de la sorte essentiellement pour des raisons fiscales et pour rembourser l’ami concerné. Ces agissements étaient indignes d’un membre du personnel, de surcroît occupant une fonction hiérarchique dans le domaine de la sûreté, fonction dont l’exemplarité devait être sans faille. Les faits révélés à ce stade de l’enquête pénale paraissaient particulièrement graves et propres à détruire la confiance qu’impliquaient les rapports de travail.

En 2018, lors de l’adjudication des services de sûreté, il avait été désigné chef de projet. En cette qualité, il aurait dû procéder à l’ouverture des offres le 7 décembre 2017, mais en raison d’une absence, il avait accepté de se faire remplacer par M. B______, lequel avait pourtant été écarté de la procédure par la direction générale pour éviter toute perception de conflit d’intérêts. Le 11 janvier 2018, il avait toutefois signé le procès-verbal attestant avoir participé à l’ouverture des offres. Ces faits constituaient une faute grave. Un délai était fixé pour qu’il fasse part de ses observations.

5) Le 28 juin 2019, M. A______ a déposé ses observations.

Au cours de l’année 2013, alors qu’il était chef du service contrôle de qualité, il avait entamé des discussions avec M. C______ pour créer un centre de formation dans le domaine de la sûreté. Ces discussions n’avaient pas abouti et l’idée avait été abandonnée, ce que M. C______ avait confirmé dans ses déclarations dans la procédure pénale. Il avait au préalable proposé à M. B______ de développer ce domaine au sein de l’AIG mais celui-ci lui avait exposé que cette idée serait refusée par la direction.

Suite à des changements de réglementation au sein de l’Union européenne, après avoir obtenu l’accord de M. B______, il avait créé, sur demande de M. C______, un module de formation et donné des conseils en la matière pour le compte de D______. Aucun montant n’avait été convenu pour rémunérer ce travail et, à sa connaissance la création de ce module ne devait pas concerner l’AIG. Contrairement à ce qu’avait déclaré M. B______, ce dernier ne lui avait jamais indiqué qu’il était nécessaire de faire une demande officielle à transmettre aux ressources humaines.

M. C______ avait précisé qu’à aucun moment il n’avait été rémunéré pour les mandats que D______ recevait de l’AIG. MM. C______ et B______ avaient indiqué qu’il n’était pas au courant de leurs agissements et qu’il avait toujours travaillé dans l’intérêt de son employeur.

Il exposait encore en détail pourquoi il n’avait jamais tenté de favoriser D______, ainsi que et le déroulement de l’appel d’offres qui avait initié l’intervention de la Cour des comptes. Les procès-verbaux d’audition devant cette dernière confirmaient, si besoin, que c’était sur demande du service juridique qu’il avait signé les procès-verbaux d’ouverture des offres, en sa qualité de responsable de l’appel d’offres, ce qui était démontré par l’échange de courriels avec Madame E______, juriste.

Il sollicitait la production de pièces, une enquête interne et l’attente de la fin de la procédure pénale, ainsi que sa réintégration.

6) En juin 2019, M. A______ a été mis en prévention par le Ministère public des chefs de corruption passive et subsidiairement d’acceptation d’un avantage.

7) Le 9 juillet 2019, par décision exécutoire nonobstant recours, l’AIG a résilié le contrat de travail de M. A______ avec effet immédiat.

En plus des griefs déjà développés précédemment s’ajoutait l’absence d’explication pour le montant de CHF 8'160.- dont l’existence était attestée par un échange de courriels sur l’adresse privée avec M. C______, le 31 janvier 2015. Pendant une année M. A______ avait bénéficié d’une place de parking au J______, mise à disposition gratuitement par D______. Des échanges de courriels depuis son adresse privée avec M. C______ qui faisaient référence à des « calculs » ou à des « commissions » n’étaient pas expliqués.

Une activité accessoire avait été développée et, lorsque le mandat pour D______ avait été exécuté, M. B______ n’était pas membre de la direction générale mais chef de division, de sorte que son autorisation n’était pas suffisante. Le montant perçu était en outre estimé supérieur à celui qui était dû et ce versement de la part d’un prestataire de l’AIG était contraire aux règles élémentaires en matière de prévention des conflits d’intérêts.

8) Le 18 juillet 2019, M. A______ a interjeté recours auprès de la commission de recours de Genève Aéroport (ci-après : commission de recours) contre la décision de résiliation, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif, à l’audition des parties ainsi qu’à celle de Mmes E______ et F______, MM. G______, H______, I______ et B______, à la production de diverses pièces et principalement à son annulation ainsi qu’à ce que sa réintégration soit proposée à l’AIG.

Il avait créé des modules de formation pour D______, sans lien avec l’AIG, concernant les modifications de la réglementation européenne et reçu un montant total de CHF 11'100.- pour cela. Il avait effectué ce travail en dehors de ses heures de travail pour l’AIG. Les communications avaient lieu sur son adresse professionnelle, prouvant ainsi qu’il n’avait rien à cacher à son employeur puisqu’il avait demandé l’autorisation à son supérieur hiérarchique. Il n’était pas au courant des liens existants entre MM. B______ et C______, ni du fait que le premier recevait copie de ses échanges avec le second. Le montant avait été versé en deux fois et il n’y avait pas eu de troisième versement de CHF 8'160.-. Il ignorait pourquoi le terme de commission était utilisé, il n’en avait jamais touché.

Il avait toujours œuvré dans l’intérêt de l’AIG en proposant d’internaliser certaines prestations en matière de formation sûreté, ce qui aurait eu pour conséquence que D______ aurait vu ses mandats diminuer. Il avait rendu un rapport dans ce sens, adressé à M. I______, directeur des opérations à l’AIG, au cours de l’année 2019, avec copies à deux autres personnes.

S’agissant de la procédure des appels d’offres sûreté, c’était sa première expérience de conduite d’appel d’offres et ce n’était pas la direction générale qui lui avait confié ce travail mais M. B______. Il n’avait jamais reçu aucune directive de la part de la direction générale quant aux mesures qu’il devait prendre à l’égard de M. B______, sauf que celui-ci ne devait pas prendre part à l’évaluation des offres sans plus de précision. Aucun manquement ne pouvait lui être reproché dans le cadre de cette procédure. Il avait signé le procès-verbal d’ouverture du 11 janvier 2018 sur instruction expresse du service juridique, garant du processus, et avait relevé, lors d’une séance le 26 mars 2019, que la collaboration avec ce service dans le cadre des appels d’offres soulevait des problèmes.

9) Le 26 juillet 2019, M. A______ a versé en mains du service financier du Pouvoir judiciaire le montant de CHF 11'100.- qui correspondait au montant versé par M. C______, sans reconnaissance d’une quelconque responsabilité ou du caractère pénal de cet argent.

10) Par décision du 17 décembre 2019, la commission de recours a rejeté la requête en restitution de l’effet suspensif.

11) L’AIG a répondu au recours le 6 février 2020 et les parties ont été entendues en audience le 10 juin 2020. Il a été convenu que les éléments de la procédure pénale acquis au 30 juin 2020 soient versés à la procédure ainsi que plusieurs pièces : le rapport sur l’internalisation des prestations de M. A______ de février 2019 et l’étude de la « stratégie achats » effectuée au cours de l’année 2018 par M. A______, notamment. M. A______ serait autorisé à accéder à son ancienne boîte aux lettres électronique afin de retrouver et sélectionner les courriels qu’il estimait être pertinents. La représentante de l’AIG a indiqué qu’aucune enquête interne n’avait finalement été menée compte tenu des procédures pénales en cours.

12) Le 21 mai 2021, M. A______ a été mis en prévention de faux dans les titres par le Ministère public pour avoir établi une fausse facture au nom d’un tiers et destinée à justifier un paiement de CHF 6'170.-, facture que D______ avait versée dans sa comptabilité.

13) Après avoir ordonné un second échange d’écritures lors duquel M. A______ a notamment renoncé aux auditions de témoins requises dans son recours, la commission de recours a rejeté ce dernier par décision du 10 mars 2022.

En omettant de solliciter l’autorisation d’exercer une activité rémunérée accessoire, qui plus était pour un prestataire de l’AIG, avec lequel il présentait des liens étroits, M. A______ avait violé ses devoirs professionnels.

Les montants perçus constituaient à tout le moins pour partie un « don » substantiel provenant d’un fournisseur de l’AIG, et la facture mensongère avait pour but de servir de pièce justifiant dans la comptabilité de D______ le versement de ce « don », ce qui excluait de le considérer comme relevant purement d’un acte privé. Il avait accepté une place de parking gratuite.

M. A______ n’avait pas violé les devoirs de sa charge en lien avec la conduite de l’appel d’offres, les informalités constatées tout au long du processus étaient bien davantage imputables à l’AIG et au suivi défaillant mis en place.

La fausse facture émise pour se voir verser des honoraires, en tout état disproportionnés, pour une activité dont la réalité et l’étendue n’avaient pas pu être établies, au profit d’un fournisseur très important de l’employeur avec lequel une proximité particulière existait suffisait à détruire immédiatement et irrémédiablement le lien de confiance préexistant. Cela d’autant plus que M. A______ occupait une fonction de cadre supérieur, adjoint au chef de la sûreté et opérait ainsi dans le domaine le plus sensible qui soit pour l’exploitation d’un aéroport.

14) Le 8 avril 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de la commission de recours, concluant à son annulation ainsi qu’à sa réintégration en sa qualité d’adjoint chef du département sûreté de l’AIG. Préalablement, il a conclu à la comparution des parties ainsi qu’à l’audition de Mme E______, Monsieur G______, MM. I______ et B______.

La procédure pénale à son encontre était encore pendante et l’instruction n’était pas terminée. Son licenciement était injustifié il n’était qu’une victime collatérale des agissements de MM. B______ et C______.

Il avait requis et obtenu une autorisation de M. B______ pour effectuer une activité accessoire en faveur de D______ qui n’était d’ailleurs à l’époque qu’un petit prestataire de l’AIG.

Il avait expliqué à la commission de recours que sa place de parking à l’AIG se trouvait relativement loin du lieu où il travaillait régulièrement pour le service formation, à savoir les bâtiments du J______. M. C______ lui avait proposé d’utiliser une place appartenant à D______ qui était inoccupée. Cette place n’avait jamais été mise à disposition en échange de quoi que ce soit. En outre, le fait de bénéficier gratuitement durant une période limitée, d’une place de parking n’était pas un juste motif pour fonder un licenciement immédiat, il ne s’agissait pas de faits graves.

Il était arbitraire de retenir qu’il avait exercé une activité accessoire et plusieurs éléments erronés avaient été retenus par la commission de recours. Il n’était à cette époque pas cadre supérieur. Il était chef du service contrôle qualité et ne dirigeait pas de département. Il ne s’était pas spécialement renseigné sur les règles en vigueur s’agissant de la possibilité d’avoir une activité annexe et avait connaissance d’autres personnes ayant des activités annexes acceptées par M. B______. Ce dernier avait confirmé ses propos. Il avait donc bien effectué la démarche requise pour pouvoir effectuer l’activité concernée.

À ce stade, il n’avait pas été condamné pénalement pour l’infraction de faux dans les titres. La commission de recours avait fondé la violation des devoirs de fonction sur une infraction pénale qui n’était pas prouvée. Même si une qualification pénale devait être retenue, aucune violation des devoirs de fonction ne pourrait être reprochée car les faits n’avaient pas été commis dans le cadre de l’activité professionnelle déployée au service de l’AIG et la facture émise n’avait pas porté atteinte aux intérêts d’un prestataire externe de l’AIG. Les répercussions étaient dès lors inexistantes.

Le licenciement étant injustifié en l’absence de juste motif, une indemnité correspondant à dix-huit mois de salaire devait lui être versée.

15) Le 20 avril 2022, la commission de recours a transmis son dossier, renonçant à formuler des observations.

16) Le 12 mai 2022, l’AIG a déposé des observations, concluant au rejet du recours.

Contrairement à ce qu’affirmait le recourant, D______ était un prestataire externe en matière de sûreté d’une certaine importance. Le volume des prestations fournies annuellement s’était élevé à CHF 306'250.- en 2014.

Il existait des preuves de discussions sur la création du centre de formation dans le domaine de la sûreté entre le recourant et M. C______. L’activité rémunérée de conseil et de création de concepts de formation pour le compte de D______ l’avait été pour une durée indéterminée. Cette activité accessoire n’avait pas été autorisée par l’AIG conformément au statut, lequel avait été distribué au recourant lors de la signature de son contrat.

Le fait de signer le procès-verbal d’ouverture des offres alors qu’il n’y avait pas participé constituait une faute grave.

La fausse facture établie par le recourant s’ajoutait aux faits déjà retenus, comme la place de parking mise à disposition par le prestataire de service de l’AIG.

Même si le recourant n’était pas un cadre supérieur au sens strict du statut, il avait une haute position hiérarchique au sein de l’AIG, impliquant à l’évidence une exemplarité sans faille. Il devait à ce titre également savoir qu’il existait une règle s’agissant des activités accessoires.

17) Le 13 juin 2022, le recourant a persisté dans les conclusions prises dans son recours, renonçant à répliquer.

18) Le 16 juin 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 75 du statut du personnel de l'Aéroport international de Genève, entré en vigueur le 1er mars 2006 - ci-après : le statut).

2) Le recourant conclut préalablement à l’audition de cinq témoins et sa comparution personnelle.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; ATA/965/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2a et les références citées). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_90/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.1.2 ; ATA/907/2021 du 6 septembre 2021 consid. 4a).

b. En l’espèce, le recourant a été entendu par la commission de recours en audience et a renoncé à l’issue de l’instruction à l’audition de quatre des témoins dont il demande à nouveau l’audition. Cependant, il ne motive pas sa demande en indiquant sur quels points l’audition de ces témoins serait nécessaire et il ne ressort pas de ses écritures que ces témoignages seraient susceptibles de modifier les faits tels qu’établis par la commission de recours sur des points essentiels à la solution du litige. Quant au témoignage de M. C______, il n’est pas non plus susceptible de compléter l’état de fait sur un point pertinent pour l’issue du litige, et de nombreux procès-verbaux d’auditions issus des procédures pénales en cours, ouvertes notamment contre MM. C______, B______ et A______, ont été versés au dossier.

L’audition de témoins et la comparution personnelle du recourant n’apparaissent donc pas nécessaires et il ne sera pas donné suite à la demande d’actes d’instruction.

3) a. L’AIG est un établissement de droit public autonome jouissant de la personnalité juridique ayant pour but d’exploiter l’aéroport et ses installations (art. 1 de la loi sur l'aéroport international de Genève du 10 juin 1993 - LAIG - H 3 25). Le statut, complété par les règlements, les directives et les instructions, régit les rapports de travail entre l’AIG et son personnel (art. 1 al. 1 statut). Tous les membres du personnel sont liés à l’AIG par des rapports de droit public (art. 4 statut).

b. Par leur attitude générale, les membres du personnel contribuent à la bonne image de l’AIG dans le public (art. 12 let. c statut). Ils remplissent tous les devoirs liés à leur poste consciencieusement et avec diligence (art. 13 al. 1 statut).

c. Il est interdit aux membres du personnel de solliciter ou d'accepter pour eux-mêmes ou pour autrui des dons ou d'autres avantages en raison de leur emploi. Sont exceptés les avantages tarifaires collectifs accordés par des tiers aux membres du personnel, avec l’accord de la direction générale, et les menus cadeaux d’usage partagés dans un service (art. 18 statut).

d. Les membres du personnel engagés à plein temps ne peuvent exercer aucune autre activité rémunérée sans l'autorisation de la direction générale ou des ressources humaines (art. 20 al. 1 statut). L’autorisation est refusée lorsque l’activité envisagée est incompatible avec le poste de l’intéressé ou qu’elle peut porter préjudice à l’accomplissement des devoirs de service (art. 20 al. 2 statut).

e. Chacune des parties peut, en tout temps, résilier les rapports de service avec effet immédiat, pour de justes motifs. Sont notamment considérés comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger la continuation des rapports de service jusqu’au terme du délai de congé (art. 60 al. 1 et 2 statut). En cas de suspension provisoire, une décision de licenciement avec effet immédiat rétroagit au premier jour de cette suspension (art. 62 al. 7 statut).

4) a. La chambre de céans a déjà jugé que les principes développés en droit privé dans le cadre de l’application de la résiliation pour justes motifs valent aussi lorsqu'un statut du personnel communal renvoie à l'art. 337 CO (ATA/57/2022 du 25 janvier 2022 consid. 5c ; ATA/466/2020 du 12 mai 2020 consid. 8c).

Ici, la situation est similaire, dans la mesure où la formulation de l’art. 60 al. 2 statut, définissant les justes motifs est identique aux termes de l’art. 337 al. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). Le statut incorpore ainsi matériellement la notion de droit privé (Héloïse ROSELLO, Les influences du droit privé du travail sur le droit de la fonction publique, 2016, p. 127, Peter HÄNNI, Fin des rapports de service de droit public, RDAF 1995 p. 407 ss).

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue en matière de contrat de travail de droit privé, la résiliation immédiate pour justes motifs de l'art. 337 CO est une mesure exceptionnelle qui ne doit être admise que de manière restrictive. Les faits invoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_559/2016 du 18 janvier 2017 consid. 5.1). Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat ; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement. Par manquement du travailleur, on entend en règle générale la violation d'une obligation découlant du contrat de travail, mais d'autres incidents peuvent aussi justifier une résiliation immédiate (ATF 130 III 28 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_667/2019 du 28 janvier 2021 consid. 6.2). Une infraction pénale commise au détriment de l'employeur constitue, en principe, un motif justifiant le licenciement immédiat du travailleur (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1 ; 130 III 28 consid. 4.1 ; ATA/148/2018 précité consid. 8c).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 in initio CO) et il applique les règles du droit et de l'équité en prenant en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des incidents invoqués (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_559/2016 précité consid. 5.1).

Selon la jurisprudence, les justes motifs de renvoi peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_638/2016 du 18 août 2017 consid. 4.2 et les références citées).

c. Ont ainsi été considérés comme de justes motifs, pour un policier d’une commune, le fait de parquer de manière délibérée et répétée son véhicule privé devant le poste de police, en violation de la réglementation communale et cela, bien qu’il comptât vingt-cinq ans d’activité et qu’il approchât de son soixantième anniversaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_146/2014 du 26 juin 2014) ; le fait, pour un gardien de prison, chef de cuisine, de consommer de l’alcool avec un détenu, compte tenu des devoirs particuliers qui incombaient à un agent de prison, dont la fiabilité et l’intégrité jouaient un rôle primordial (arrêt du Tribunal fédéral 8C_780/2012 du 11 février 2012) ; le fait d'abuser de la confiance de l'employeur en lui soumettant de faux documents (JdT 1976 I 605) ; la présentation d'un faux certificat médical (JAR 1980 p. 272) ou encore la falsification de documents et le mensonge sur sa participation à une entreprise tierce (SJ 1995 p. 809).

5) En l’espèce, le recourant considère que la résiliation avec effet immédiat est infondée. Bien qu’il ne conteste pas les comportements retenus par la commission de recours et l’AIG, il conteste leur qualification et/ou minimise leurs conséquences.

S’agissant de l’activité accessoire qui lui est reprochée, elle aurait été autorisée par son supérieur hiérarchique d’une part et, d’autre part, D______ n’était qu’un petit prestataire de l’AIG à l’époque. Or, il ressort du rapport établi notamment par le recourant portant sur l’internalisation des prestations de février 2019, qu’en 2014, D______ avait fourni des prestations pour CHF 306'250.-, montant qui par la suite ascendera à plus de deux millions en 2018. Toutefois, ces montants sont sans incidence sur la qualification du comportement du recourant.

Quant à l’autorisation que le recourant aurait sollicitée et reçue, elle ne correspond pas à celle exigée par le statut pour pouvoir exercer une activité accessoire, M. B______ n’étant pas membre de la direction générale à l’époque et le statut exigeant en outre l’accord de la direction générale ou des ressources humaines (art. 20 al. 1 statut). Aucune demande écrite ni à l’une, ni aux autres n’a été faite par le recourant, et celui-ci ne le prétend d’ailleurs pas, disant s’être satisfait de l’accord verbal de M. B______.

À cet égard, l’ignorance des règles applicables en la matière dont se prévaut en outre le recourant, n’est pas susceptible de justifier son comportement. Au contraire, s’agissant d’un employé exerçant une fonction dirigeante, soit celle de chef du service contrôle qualité depuis deux ans, au moment des faits, il s’agit plutôt d’une circonstance aggravante.

Finalement, il faut également retenir que les contours de ce que le recourant a déclaré avoir été une activité accessoire ne sont pas déterminés de façon nette. Seuls les versements substantiels, faits par un prestataire de service de l’AIG au recourant, sont incontestablement établis. Le recourant reconnaît ainsi avoir touché CHF 11'100.- de la part de ce prestataire de service qui œuvrait dans le secteur de la sûreté de l’aéroport, comme le recourant. Le fait qu’il ait « remboursé » ce montant le 26 juillet 2019 n’est en outre pas pertinent ici.

Il faut ajouter à cela la mise à disposition à titre gratuit, pour une période limitée, d’une place de parking sur le lieu de travail du recourant par le même prestataire de services. L’acceptation de cet avantage est également interdite par le statut (art. 18 statut).

En conséquence, qu’il se soit effectivement agi d’une activité accessoire non autorisée par l’AIG, effectuée en contrepartie de ces versements ou de l’acceptation de dons - également interdite par le statut en dehors de menus cadeaux d’usage - il s’avère que le recourant a enfreint les devoirs élémentaires de sa fonction, et cela à plusieurs reprises.

S’agissant encore de son comportement lors de la commission de ces infractions au statut, le recourant a admis avoir établi une fausse facture et demandé un versement sur le compte d’un tiers au prestataire de service, dans le but de cacher ces versements à l’administration fiscale.

Compte tenu du fait que le recourant exerçait sa fonction dirigeante pour un établissement de droit public autonome, dans un domaine qui doit être considéré comme particulièrement sensible, s’agissant de la sûreté d’un aéroport accueillant quinze millions d’usagers en 2014, ainsi que des montants concernés, il faut retenir qu’il s’est trouvé volontairement en situation de conflit d’intérêts et qu’il a exposé l’établissement à voir sa bonne réputation entachée, voire à des conséquences plus graves. Que ces conséquences plus graves ne se soient pas réalisées, comme l’affirme le recourant, importe peu, la violation des règles prévues par le statut étant quoiqu’il en soit réalisé. Quant à l’issue des procédures pénales, elle est sans incidence sur cette analyse.

Au vu de ce qui précède, il appert que la commission de recours était fondée à considérer que les comportements reprochés à l’intéressé constituaient des justes motifs permettant de confirmer un licenciement avec effet immédiat et le recours doit être rejeté.

6) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). L’AIG pouvant disposer d’un service juridique suffisant pour assumer sa défense, aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/605/2021 du 8 juin 2021 et les références citées).

 

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 avril 2022 par Monsieur A______ contre la décision de la commission de recours de Genève Aéroport du 10 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dimitri Tzortzis, avocat du recourant, à Me Miguel Oural, avocat de l'Aéroport international de Genève et à la commission de recours de Genève Aéroport.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, M. Mascotto, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :