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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3987/2021

ATA/788/2022 du 09.08.2022 sur JTAPI/381/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3987/2021-PE ATA/788/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 avril 2022 (JTAPI/381/2022)


EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1985, est ressortissante du Honduras.

2) En date du 8 octobre 2017, elle a été appréhendée par le corps des gardes-frontière et prévenue d'infraction à l'art. 115 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) au motif qu'elle séjournait illégalement en Suisse.

3) Le 16 janvier 2018, une interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 15 janvier 2021 a été prononcée à son encontre.

4) Par décision du 25 avril 2018, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) a prononcé son renvoi de Suisse et de l'ensemble du territoire des États Schengen, lui impartissant un délai au 25 mai 2018 pour quitter la Suisse.

5) Par courrier du 23 mai 2018, Mme A______ a déposé une demande de reconsidération de la décision de renvoi du 25 avril 2018.

Elle n’avait pas eu le temps de déposer un recours contre cette décision et sollicitait l'octroi de l'effet suspensif afin que l'OCPM puisse examiner son cas. Elle était célibataire, sans enfant, infirmière diplômée et issue d'une famille d’agriculteurs. Elle n'était pas impliquée en politique, mais son oncle l'était. Ce dernier avait été assassiné en septembre 2012 pour cette raison, faits dont elle avait été témoin et qu'elle avait dénoncé aux autorités, lesquelles n'avaient rien fait. Sans protection et craignant pour sa vie, elle avait quitté le Honduras et était arrivée en Suisse le 6 novembre 2012, sans déposer de demande d'autorisation de séjour ni d'asile.

Elle apprenait le français et travaillait dans le secteur de l'économie domestique. Elle était en bonne santé et intégrée à Genève, souhaitant s'y investir professionnellement en tant qu'infirmière.

6) Par courrier du 23 septembre 2020, dans le cadre de sa demande de régularisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité du 23 mai 2018, réceptionnée le 24 mai 2018, l'OCPM lui a demandé des pièces et explications complémentaires.

7) Par courrier du 22 octobre 2020, Mme A______ a précisé que ses parents, six de ses frères et sa grand-mère vivaient encore au Honduras et ne semblaient pas être menacés. Elle était toujours en contact téléphonique avec eux. Elle joignait, notamment, une copie de son passeport, une attestation d'achat d'abonnements TPG couvrant la période de novembre 2012 à octobre 2020, un extrait de son casier judiciaire vierge, une attestation de non-prise en charge par l'Hospice général et une attestation de l'office des poursuites. Elle présentait également une attestation de B______ attestant du suivi de cours, notamment de langues, entre 2014 et 2021, et une attestation de participation bénévole au C______. Elle joignait également plusieurs formulaires d'informations relatives à l'emploi dans un ménage privé indiquant des emplois dans l'économie domestique de mai à septembre 2020.

8) Par courrier du 10 décembre 2020, elle a transmis à l'OCPM une attestation de connaissance de la langue française niveau B1 ainsi que diverses informations en lien avec la situation actuelle au Honduras.

9) Par courrier du 10 février 2021, l'OCPM l'a informée de son intention de refuser sa demande, au motif qu'elle ne remplissait ni les conditions de l'« opération Papyrus », vu son séjour de huit ans sur le territoire, ni les conditions de reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité. Un délai lui était imparti pour faire valoir son droit d'être entendu.

10) Par courrier du 1er avril 2021, Mme A______ a formulé ses observations. Elle joignait à son courrier six lettres de recommandation et de soutien vantant ses qualités professionnelles et humaines.

11) Par décision du 19 octobre 2021, l'OCPM a refusé la demande de régularisation et a prononcé le renvoi de l’intéressée avec un délai au 3 janvier 2022.

Arrivée en novembre 2012, Mme A______ ne totalisait que huit années de séjour. Sa situation ne répondait donc pas aux conditions de l'« opération Papyrus ».

Elle ne remplissait pas non plus les critères d'un cas individuel d'extrême gravité. Elle n'avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, même si elle était financièrement indépendante et avait une casier judiciaire vierge. L'obtention du niveau B1 en français et sa participation à titre bénévole au C______ en 2019 ne constituaient pas des éléments déterminants à eux seuls. Elle n'avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément ne permettant de déroger à cette exigence, ni qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle. Bien que le Honduras vécût une situation politique et sociale très tendue avec un taux de criminalité élevé, cela ne pouvait justifier de déroger aux condition d'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Elle n'avait pas été en mesure de prouver une menace imminente et directe à son encontre.

12) Par acte daté du 21 novembre 2021, Mme A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI) contre cette décision en concluant, à titre principal, à son annulation. À titre préalable, elle sollicitait son audition personnelle ainsi que celle de Monsieur D______, employé de l'OCPM en charge de l'« opération Papyrus » en 2018.

Elle avait déposé sa demande de régularisation le 23 mai 2018, soit pendant l'« opération Papyrus ». Si elle ne totalisait pas le nombre d'années de séjour requis à ce moment-là, tel était le cas lorsque l'OCPM avait commencé à instruire sa requête en 2020 et plus tard lorsqu'il lui avait signifié son refus. Hormis la question des difficultés majeures qu'elle avait rencontrées au Honduras à la suite de l'assassinat de son oncle, il était manifeste que son intégration remarquable devait conduire l'OCPM à admettre un raccourcissement de l'exigence de durée du séjour. Elle était indépendante sur le plan financier, avait un comportement irréprochable et occupait plusieurs emplois, tous déclarés aux assurances sociales, dans le secteur de l'économie domestique. Elle avait acquis une maîtrise exceptionnelle de la langue française, ayant atteint le niveau B1 et en passe de préparer un examen pour atteindre le niveau B2. L'OCPM n'avait pas suffisamment tenu compte de sa situation générale et n'avait pas fait usage de son pouvoir d'appréciation.

13) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

En mai 2018, lorsqu'elle avait demandé sa régularisation, l’intéressée séjournait et travaillait illégalement à Genève depuis six ans. En l'absence d'un séjour continu de dix ans, tel que requis par l'« opération Papyrus », elle ne pouvait se baser sur celle-ci. Sa situation n'apparaissait pas non plus constitutive d'un cas individuel d'extrême gravité. En l'absence d'une ascension professionnelle remarquable et de l'acquisition de connaissances-métier ne pouvant être mises à profit ailleurs, son intégration sous cet angle ne correspondait pas aux conditions de la jurisprudence. Elle n'avait pas d'attaches particulières en Suisse ni de liens suffisants pour permettre de retenir une immersion poussée dans la société genevoise. Une mise en danger concrète de Mme A______ en cas de retour au Honduras n'avait pas été établie avec vraisemblance. Elle alléguait avoir été témoin de l'assassinat de son oncle en 2012, raison pour laquelle elle avait fui son pays et avait extrêmement peur pour sa vie en cas de retour. Cependant, contrairement à son oncle, elle avait admis qu'elle ne s'occupait pas de politique et rien n'indiquait concrètement qu'elle avait subi des pressions, qu'elle avait été menacée et qu'elle avait été cité à comparaitre en qualité de témoin ou de plaignante.

14) Avec sa réplique, l’intéressée a transmis des documents complémentaires, soit notamment trois lettres de recommandation supplémentaires vantant ses qualités professionnelles et humaines, un article de presse en espagnol relatant l'assassinat de son oncle et une attestation du Comité E______ en espagnol la mentionnant comme dénonciatrice de l'assassinat de son oncle.

15) Par jugement du 14 avril 2022, notifié le 20 avril 2002, le TAPI a rejeté le recours.

L’intéressée ne remplissait pas la condition de la durée de séjour de dix ans en Suisse ni celles d’un cas d’extrême gravité. Il n’était pas non plus rendu vraisemblable qu’en cas de retour au Honduras, elle serait menacée dans sa sécurité. Sa réintégration n’était pas susceptible de poser plus de difficultés de réadaptation que pour n’importe quel citoyen qui se trouverait dans une situation similaire.

16) Par acte expédié le 24 mai 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, Mme A______ a recouru contre ce jugement, dont elle a demandé l’annulation. Elle a conclu, préalablement, à son audition ainsi qu’à celle de Monsieur F______, directeur général de l’OCPM, et, principalement, au constat qu’elle remplissait les exigences d’un cas de rigueur.

Selon l’« opération Papyrus », une personne seule particulièrement bien intégrée ne devait justifier que de huit ans de séjour en Suisse. Elle avait atteint cette durée lorsque l’OCPM avait commencé à instruire sa demande. Elle a rappelé son indépendance financière, son bon comportement et son niveau de français. Compte tenu de son statut administratif, elle ne pouvait accéder à une intégration encore plus poussée. Dans sa pratique, l’OCPM avait d’ailleurs fait preuve de bienveillance dans la régularisation d’employées de l’économie domestique. Son renvoi de Suisse constituerait une rigueur excessive.

17) L’OCPM a conclu au rejet du recours.

18) La recourante ne s’est pas manifestée dans le délai imparti pour répliquer.

19) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante a conclu à son audition et à celle du directeur général de l’OCPM.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale ni à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. En l'espèce, il convient de relever que la recourante a formellement requis son audition ainsi que celle du directeur général de l’OCMP, mais n’expose pas en quoi son audition et celle de ce dernier par la chambre de céans se justifierait. Par ailleurs, elle a eu l'occasion d'exposer ses arguments et de produire des pièces, tant devant l'OCPM que le TAPI et la chambre de céans. Devant cette dernière, elle a renoncé à exercer son droit à la réplique. L’audition de M. F______ ne se justifie pas davantage, dès lors que quand bien même il conviendrait d’admettre, comme le soutient la recourante, qu’un séjour continu de huit ans aurait suffi pour remplir les conditions de l’« opération Papyrus », elle ne remplissait pas les conditions permettant d’admettre l’existence d’un cas de rigueur, comme cela sera développé ci-après. Pour le surplus, la chambre de céans dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige sans procéder à d’autres actes d’instruction.

Il ne sera donc pas donné suite aux demandes d’audition.

3) Est litigieux le refus de l’OCPM de préaviser favorablement la demande d’autorisation de séjour de la recourante et le renvoi de celle-ci.

a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

d. L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

e. Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

f. Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

4) En l'espèce, la recourante est arrivée en Suisse en novembre 2012. Lors du dépôt de sa demande de régularisation, elle totalisait un séjour de six ans, ce qui n’est pas contesté. Au moment où l'OCPM a statué sur sa demande de séjour, elle résidait depuis huit ans en Suisse, ce que cet office a d’ailleurs retenu. Elle ne remplissait ainsi pas la durée de séjour continu de dix ans requise pour bénéficier de l’« opération Papyrus ».

Cela étant, quand bien même elle aurait totalisé une durée de dix ans de séjour continu en Suisse, elle ne remplirait pas les conditions d’un cas de rigueur. En premier lieu, il convient de relever qu’elle ne peut se targuer d’une intégration réussie. Elle ne peut, en effet, se prévaloir d’avoir adopté un comportement irréprochable durant son séjour en Suisse. En effet, malgré l’interdiction d'entrée en Suisse prononcée le 16 janvier 2018 et valable jusqu'au 15 janvier 2021, elle est demeurée en Suisse, ne se respectant ainsi pas l’ordre public suisse.

Par ailleurs, son intégration socio-professionnelle ne peut être qualifiée de particulièrement marquée. Certes, elle démontre avoir acquis une bonne connaissance de la langue française (niveau B1), être financièrement indépendante et avoir eu un engagement bénévole. Plusieurs lettres de soutien font, en outre, état de ses qualités professionnelles et humaines. Son activité professionnelle dans le domaine de l'économie domestique ne peut cependant être qualifié d'ascension professionnelle remarquable au sens de la jurisprudence. Elle n’a pas non plus acquis dans ce domaine des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'elle ne pourrait mettre à profit dans son pays d'origine. En outre, il n’apparaît pas qu’elle ait tissé en Suisse des liens amicaux ou affectifs particulièrement forts qu’elle ne pourrait continuer à entretenir par le biais des moyens de télécommunication modernes.

Arrivée en Suisse à l'âge de 27 ans, elle a vécu son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, soit les années déterminantes pour le développement de sa personnalité. Elle connaît les us et coutumes de son pays, dont elle maîtrise la langue. Selon ses indications, elle dispose encore de membres de sa famille dans son pays d'origine, notamment ses parents, sa grand-mère et six frères. Sa réintégration sociale ne devrait ainsi pas poser de problèmes particuliers. En outre, elle dispose d’une formation d'infirmière acquise dans son pays et pourra, en sus, faire valoir les connaissances de la langue française développées à Genève.

Dans ces conditions, la réintégration socio-professionnelle de la recourante ne paraît pas fortement compromise. Si elle traversera une nécessaire phase de réadaptation à son retour au Honduras, aucun élément ne permet de retenir qu’elle se retrouvera face à d’importantes difficultés de réintégration. Devant la chambre de céans, la recourante ne fait plus valoir qu’en cas de retour dans son pays, elle aurait à craindre pour sa sécurité en lien avec l'assassinat de son oncle. Il ne ressort, au demeurant, aucun élément du dossier qui permettrait de retenir que la recourante serait concrètement menacée dans son intégrité en cas de retour au Honduras.

Au vu de l'ensemble de ces circonstances, l’OCPM n’a ni violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que la recourante ne remplissait pas les conditions d’un cas de rigueur.

Il est encore observé que l’« opération Papyrus » se contentait de concrétiser les critères légaux fixés par la loi pour les cas de rigueur et que, comme cela vient d’être retenu, la recourante ne remplit pas les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA. Elle ne saurait donc, pour ce motif non plus, se prévaloir de cette opération.

5) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour à la recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que le renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 mai 2022 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 avril 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs, représentant de la recourante, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au secrétariat d'Etat aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.