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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3084/2021

ATA/785/2022 du 09.08.2022 sur JTAPI/347/2022 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.09.2022, rendu le 29.09.2022, IRRECEVABLE, 2C_748/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3084/2021-PE ATA/785/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Butrint Ajredini, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 avril 2022 (JTAPI/347/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1977, est ressortissant du Sénégal.

Il est arrivé en Suisse le 1er septembre 2005 muni d'un visa valable jusqu'au 20 septembre 2005, délivré par l'Ambassade de Suisse à Dakar, pour étudier auprès de l'École polytechnique fédérale de Lausanne. Il ne s'est jamais annoncé à l'autorité de police des étrangers de son lieu de résidence.

2) Le 11 juillet 2012, M. A______ a formé auprès du service de la population du canton de Vaud une demande d'autorisation de séjour pour étudier auprès de l'École spéciale d'architecture de Lausanne (ci-après : l'ESAR) afin d'y suivre une formation d'architecte de projet.

3) Le service de la population du canton de Vaud l'a informé qu'il devait entreprendre ses démarches auprès de l'autorité de son canton de domicile, à Genève.

4) Le 20 août 2012, M. A______ a demandé à l’office cantonal de la population, devenu l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM), l'octroi d'une autorisation de séjour pour étudier auprès de l'ESAR à Lausanne du 1er septembre 2012 au 31 août 2013 afin d'y suivre une formation d'architecte de projet.

5) Par décision du 2 avril 2013, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a refusé l'autorisation de séjour pour études, les conditions légales d'octroi n'étant pas remplies, et lui a imparti un délai au 22 mai 2013 pour quitter la Suisse.

6) Par acte du 23 avril 2013, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), qui l'a rejeté par jugement du 5 juillet 2013. Par arrêt du 14 février 2014, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: chambre administrative) a rejeté le recours contre ce jugement. Le 6 mars 2014, le Tribunal fédéral a déclaré le recours contre l’arrêt cantonal irrecevable (2D_16/2014).

7) Par courrier du 10 novembre 2014, l'OCPM a informé M. A______ qu’à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral, sa décision était exécutoire et lui a imparti un délai au 10 décembre 2014 pour quitter la Suisse.

8) Alors sans nouvelle de M. A______, l'OCPM a reçu en date du 4 avril 2015, un courriel de sa part indiquant qu'il allait quitter le territoire le 10 mai 2015, ce qu'il a confirmé par courriel du 10 mai 2015.

9) Le 23 avril 2018, M. A______ a demandé la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité dans le cadre de l'« opération Papyrus ». Il y indiquait être arrivé en Suisse en 2005.

10) Les 4 novembre 2018 et 24 janvier 2020, il a sollicité la délivrance d'un visa d'une durée d'un mois à destination du Sénégal pour rendre visite à sa famille.

11) Le 10 décembre 2019, M. A______ s'est vu accorder une autorisation de séjour avec activité lucrative temporaire en tant que « plongeur extra » dans une brasserie, autorisation révocable en tout temps, délivrée jusqu'à droit connu sur sa demande d'autorisation de séjour.

12) Par courrier du 11 janvier 2021, l'OCPM l'a informé de son intention de refuser sa demande. Un délai lui était imparti pour faire valoir ses observations par écrit, ce qu'il a fait par courrier du 12 février 2021.

13) Par décision du 13 juillet 2021, l'OCPM a refusé l'autorisation de séjour.

M. A______ avait usé de toutes les voies de droit disponibles contre la décision du 2 avril 2013 portant sur le refus d'autorisation de séjour et son renvoi. Il faisait preuve de mépris à l'égard des décisions administratives dès lors qu'au terme de ces procédures, il n'avait pas respecté le délai qui lui avait été imparti au 10 décembre 2014 pour quitter la Suisse. Ce n'était qu'en date du 10 mai 2015 qu'il avait confirmé avoir quitté la Suisse trois mois auparavant, à destination de Lyon (France). Cependant, dès lors qu'il n'était pas autorisé à séjourner en France, il devait être considéré qu'il ne s'était pas conformé à la décision de renvoi, ce d'autant plus qu'il était revenu en Suisse peu après.

Les années passées en Suisse durant les multiples procédures de recours débutées le 5 juillet 2013 devaient être relativisées lors de l'appréciation d'une demande de régularisation des conditions de séjour. Sa situation ne répondait pas aux critères de l'« opération Papyrus », notamment la durée de séjour continu de dix ans pour une personne célibataire et sans enfant. Dans l'hypothèse où il se serait conformé à la décision de renvoi en quittant la Suisse en 2015, son dernier séjour continu n'aurait commencé qu'en 2015 lors de son retour en Suisse, de sorte qu'il ne pouvait se prévaloir que d'un séjour de cinq ans.

Son renvoi était également prononcé, avec un délai au 13 septembre 2021 pour quitter la Suisse.

14) Par acte daté du 13 septembre 2021, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du TAPI. À titre préalable, il sollicitait son audition personnelle, celle de l'OCPM ainsi que celle de Monsieur B______. À titre principal, il concluait à l'annulation de la décision litigieuse et au renvoi du dossier à l'OCPM.

L'OCPM ne remettait pas en cause la validité des preuves de séjour qu'il avait apportées mais estimait que compte tenu de son départ en France en 2015 et de son retour en Suisse la même année, sa situation ne répondait pas aux critères de l'« opération Papyrus », notamment celui de la durée de séjour continu de dix ans.

Or, la notion de séjour continu n'avait pas été interprétée de manière stricte par les autorités durant l'« opération Papyrus ». Ainsi, même si la personne s'était absentée de Suisse durant une certaine période entre six et douze mois, cela n'avait pas pour conséquence que la condition du séjour continu de dix ans n'était pas remplie. Cela avait été confirmé lors de séances techniques tenues à l'OCPM pendant cette opération, lesquelles avaient été présidées par M. B______ dont l'audition était requise.

Il certifiait n'avoir quitté la Suisse qu'une semaine en 2015. Les pièces produites attestaient de sa présence dès le mois d'août 2015, de telle sorte que son absence avait été inférieure à six mois. Les autres conditions de l'« opération Papyrus » étant par ailleurs remplies, il pouvait bénéficier d'une autorisation de séjour sur la base de ladite opération.

Il a transmis divers documents visant à établir son séjour en Suisse, soit une copie de son visa d'entrée valable du 1er septembre 2005 au 20 septembre 2005, des courriers de l'établissement C______ des 20 décembre 2008, 29 novembre 2009, 18 décembre 2010 et 28 décembre 2011 attestant du déroulement d'une formation professionnelle à distance et mentionnant une adresse de correspondance en Suisse, un abonnement Unireso Genève-Lausanne valable du 12 décembre 2012 au 11 janvier 2013, un courrier du D______ du 14 août 2013 attestant de son inscription à une formation professionnelle de chef de projet, une enveloppe d'un courrier reçu à son domicile en Suisse timbrée le 21 août 2014, un courrier du service du contentieux de l'État du canton de Genève daté du 25 novembre 2015 portant la mention « remis en mains propres », un courrier du E______ (France) du 4 juillet 2016 indiquant l'inscription au suivi d'une formation professionnelle et une adresse de correspondance en Suisse, trois relevés de versement RIA datés respectivement des 28 août 2015, 29 septembre 2016 et 5 janvier 2017, une attestation de début d'une formation en mars 2018 auprès du F______ datée du 22 novembre 2017 ainsi qu'une facture pour des nuitées du 18 au 21 mai 2015 dans une auberge de jeunesse à Lyon (France).

15) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

Ni les critères de l'« opération Papyrus » ni les conditions ordinaires de reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité n'étaient remplis. L’intéressé ne démontrait pas une durée de séjour continu de dix ans entre 2008 et 2018. Il ne pouvait se prévaloir des années de séjour passées en Suisse entre le dépôt de sa demande d'autorisation de séjour pour études et l'entrée en force de la décision de refus et de renvoi prononcée à son encontre, après épuisement des voies de recours, soit de 2012 à 2014. La continuité de son séjour de 2008 à 2011 était aussi sujette à caution car il avait bénéficié durant cette période d'un titre de séjour en Italie et suivi une formation à distance. Enfin, il n'avait pas démontré qu'un retour au Sénégal, où il avait vécu la plus grande partie de sa vie, allait le placer dans une situation de cas individuel d'extrême gravité.

16) Dans sa réplique, M. A______ a relevé que dans la décision litigieuse, il n'était pas fait mention de l'obstacle que constituait la continuité de son séjour entre 2008 et 2011, période durant laquelle il bénéficiait d'un titre de séjour italien et effectuait une formation à distance. En outre, il était difficile de comprendre pourquoi l'OCPM avait instruit le dossier durant plus de trois ans en réclamant des documents alors qu'il aurait simplement dû ne pas entrer en matière dès le départ puisqu'il considérait que les années de séjour passées à Genève durant la procédure visant l'obtention d'un permis de séjour pour études ne pouvaient pas être comptabilisées. Les personnes ayant bénéficié d'un séjour légal en Suisse les dix années précédant le dépôt d'une « demande papyrus » ne pouvaient être traitées plus durement que celles qui avaient toujours séjourné dans l'illégalité. L'argument de l'OCPM tombait donc à faux.

Au sujet de la période entre 2008 et 2011, il avait été titulaire d'un titre de séjour italien, grâce à son frère qui résidait en Italie et qui avait indiqué qu'ils vivaient ensemble. Si l'on pouvait considérer qu'il avait trompé les autorités italiennes, les faits incriminants remontaient à plus de dix ans.

L'OCPM déduisait du fait qu'il avait suivi une formation à distance qu'il résidait en Italie à cette période. Or, l'adresse de correspondance qu'il avait en Suisse démontrait qu'il habitait à Genève à cette période.

17) Par jugement du 6 avril 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Le fait de séjourner pendant plusieurs années, même à titre légal, en Suisse ne permettait pas d’admettre un cas individuel d’extrême gravité sans que d’autres circonstances soient remplies. Tel n’était pas le cas en l’espèce. En outre, l’intéressé n’avait pas séjourné en Suisse entre 2008 et 2011 où il disposait d’un titre de séjour en Italie. Il ne comptabilisait pas dix ans de séjour continu en Suisse. Son intégration socio-professionnelle n’était pas marquée. Il avait des attaches au Sénégal et pouvait, en cas de retour, mettre à profit les compétences acquises en Suisse. Sa réintégration ne paraissait ainsi pas gravement compromise.

18) Par acte expédié le 20 mai 2022 à la chambre administrative, M. A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a repris ses conclusions de première instance. Il était contradictoire d’affirmer que selon l’« opération Papyrus », il devait totaliser dix ans de séjour continu pour ensuite soutenir que d’autres conditions devaient être remplies. Il convenait de tenir compte de pièces nouvelles qu’il produisait et d’auditionner les personnes déjà citées, afin de prouver son séjour continu de plus de dix ans. Il n’avait pas vécu en Italie entre 2008 et 2011. Certes, il disposait d’un titre de séjour dans ce pays, mais était resté à Genève. Enfin, selon M. B______ et son ancien mandataire, une brève absence en 2015 n’était pas de nature à interrompre la continuité de son séjour en Suisse.

19) L’OCPM a conclu au rejet du recours.

20) Dans sa réplique, le recourant a souligné qu’il n’avait jamais quitté la Suisse. Il a contesté l’affirmation figurant dans son acte de recours rédigé par un juriste de Caritas selon laquelle il avait été titulaire d’un permis de séjour en Italie. Il avait signé le recours sans avoir eu le temps de le relire. Il vivait depuis 17 ans en Suisse, n’avait aucune dette ni condamnation pénale. Il remplissait les conditions de l’« opération Papyrus », à défaut celles d’un cas de rigueur. Le renvoi dans son pays d’origine serait disproportionné et heurterait l’art. 8 CEDH.

21) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant a conclu à son audition, à celle de M. B______ ainsi qu’à celle des personnes « auteures de lettres de témoignage ».

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale ni à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. En l'espèce, le recourant a eu l'occasion d'exposer ses arguments et de produire des pièces, tant devant l'OCPM que le TAPI et la chambre de céans. Il n’expose pas en quoi son audition serait susceptible d’apporter des éléments complémentaires. La question de savoir si une tolérance quant aux mois d’absence de Suisse était admise lors de l’« opération Papyrus » n’a pas à être tranchée en l’espèce, comme cela sera exposé ci-après. L’audition de M. B______, requise en lien avec cette question, n’est donc pas de nature à influer sur l’issue du litige. Enfin, le recourant a produit, avec son recours à la chambre administrative, trois attestations de personnes déclarant le connaître depuis respectivement 2009, 2011 et comme ancien collègue de travail au Sénégal. Ces écrits font également état de ses qualités humaines et de ce qu’une de ces personnes l’avait soutenu financièrement entre 2008 et 2011. Il pourra être tenu compte de ces écrits sans procéder à l’audition de leurs auteurs. Pour le surplus, le dossier apparaît complet et permet à la chambre de céans de trancher la litige en connaissance de cause.

Dans ces circonstances, il ne sera pas procédé à d’autres actes d’instruction.

3) Est litigieux le refus d’accorder au recourant une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

d. L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

e. Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

f. Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

g. Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, il doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1). Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2). Un étranger majeur ne peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH que s'il se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à des membres de sa famille résidant en Suisse en raison, par exemple, d'un handicap (physique ou mental) ou d'une maladie grave (ATF 129 II 11 consid. 2).

h. Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son intégration.

i. En l’espèce, hormis le visa d'entrée en Suisse du 1er septembre 2005 valable jusqu'au 20 septembre 2005, aucun élément du dossier ne permet d'attester de la présence effective en Suisse du recourant entre l'échéance de son visa et, au plus tôt, l'année 2008. Le recourant n’apporte aucun élément ni ne fournit d’explication sur sa présence en Suisse pendant cette période. Les pièces produites par le recourant au sujet de sa présence dans ce pays entre 2008 et 2011 sont relativement éparses et ses indications quant à un séjour en Italie sont contradictoires. Il a, en effet, tantôt affirmé n’y avoir jamais vécu mais avoir induit les autorités italiennes en erreur en obtenant par des affirmations erronées un titre de séjour dans ce pays, tantôt, notamment dans son recours auprès de la chambre administrative, y avoir séjourné de 2008 à 2011. À cet égard, il est relevé que ses indications lui sont opposables. En particulier, le recourant doit se laisser opposer les indications figurant dans son acte de recours, qu’il a signé ; les éventuelles erreurs commises par la personne l’ayant assisté dans la rédaction du recours relèvent de la relation contractuelle le liant à celle-ci, mais lui sont imputables.

Cela étant, même en admettant que le recourant séjournait en Suisse pendant cette période, il ne saurait se prévaloir de la durée de son séjour entre le dépôt de sa demande d’autorisation de séjour pour études en juillet 2012 et la décision de refus et de renvoi, qui s’est terminée par l’arrêt du Tribunal fédéral du 14 février 2014. En effet, ces décisions administratives lui ont imposé de quitter la Suisse, le délai fixé pour ce faire après l’arrêt du Tribunal fédéral étant le 10 décembre 2014 pour quitter la Suisse. Ainsi, s’il avait quitté la Suisse à cette date, comme il en avait l’obligation, il n’aurait comptabilisé, lors du dépôt de sa demande d'autorisation de séjour sous l'angle de l'« opération Papyrus » le 23 mai 2018 qu’un peu plus de trois ans de présence en Suisse.

Le recourant ne peut, de toute manière, pas se prévaloir de l’existence d’un cas de rigueur. Certes, il parle le français, n’a pas dépendu de l’aide sociale et a trouvé un emploi en Suisse, en tout cas en décembre 2019. Il n'apparaît toutefois pas que l’expérience professionnelle alléguée dans les domaines de l’économie domestique et la restauration ainsi que les connaissances acquises en Suisse seraient à tel point spécifiques qu’il ne pourrait les mettre à profit au Sénégal.

Par ailleurs, il n’a pas établi avoir noué des liens d’amitié ou affectifs particulièrement profonds en Suisse. Les trois attestations produites devant la chambre de céans ne témoignent pas de tels liens. Monsieur G______ indique que le recourant passait assez souvent dans son établissement pour y chercher les restes de repas et des invendus de sandwich. Monsieur H______ relève le fait que le recourant est sympathique et plein de sagesse, qu’il a toujours gardé sa dignité malgré des situations difficiles et qu’il ne l’a jamais connu « faire des choses louches », raisons pour lesquelles il avait conservé des relations amicales avec lui. Enfin, Monsieur I______ a indiqué avoir soutenu financièrement le recourant entre 2008 et 2011. Seule la déclaration de M. H______ évoque un lien d’amitié, dont cependant les termes ne permettent pas de retenir un lien particulièrement fort. Le recourant n’a pas non plus allégué ni a fortiori établi qu’il s’était investi dans la vie associative, culturelle ou sportive de Genève.

Il ne peut non plus se targuer d’un comportement irréprochable. D’une part, il n’a pas respecté la décision lui refusant une autorisation de séjour en 2012 et lui ordonnant de quitter la Suisse, n’ayant pas quitté ce pays pour son pays d’origine le 10 décembre 2014. D’autre part, il reconnaît avoir induit en erreur les autorités compétentes italiennes en vue d’obtenir un titre de séjour dans ce pays.

Le recourant est arrivé en Suisse pour la première fois en 2005, à l’âge de 28 ans, puis à suivre ses indications à nouveau en 2008, soit à l’âge de 31 ans. Il a ainsi passé son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte, périodes décisives pour la formation de la personnalité, dans son pays d'origine. Il en parle la langue et en connaît les us et coutumes. Il y a conservé des attaches affectives, ayant sollicité en 2018 et en 2020 un visa de retour en vue de « rendre visite à sa famille ». Il est encore relativement jeune et en bonne santé. Dans ces conditions, il devrait être à même de s'y réintégrer après une période nécessaire de réadaptation, étant relevé qu’il pourra mettre à profit l’expérience professionnelle et les formations suivies en Suisse. Le recourant ne démontre en tout cas pas qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il serait affecté de manière plus intense que ses concitoyens contraints de regagner leur patrie au terme d’un séjour à l’étranger.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé l’art. 8 CEDH ni la loi ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation en retenant que le recourant ne remplissait pas les conditions d’un cas de rigueur.

Il est encore observé que l’« opération Papyrus » se contentait de concrétiser les critères légaux fixés par la loi pour les cas de rigueur et que, comme cela vient d’être retenu, le recourant ne remplit pas les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA. Il ne saurait donc, pour ce motif non plus, se prévaloir de cette opération.

4) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que son renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 mai 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 avril 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Butrint Ajredini, avocat du recourant, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au secrétariat d'Etat aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.