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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1370/2022

ATA/796/2022 du 09.08.2022 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.09.2022, rendu le 09.12.2022, IRRECEVABLE, 2C_711/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1370/2022-EXPLOI ATA/796/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2022

en section

 

dans la cause

 

A______

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE L'EMPLOI
représenté par Me Gabriel Aubert, avocat



EN FAIT

1) A______ est une société anonyme inscrite depuis le 19 avril 1995 au registre du commerce de Genève, ayant pour but le commerce, importation et exportation de fourrures et pelleteries et de tous articles de mode et de fantaisie à l'usage de la clientèle féminine, ainsi que création de tous modèles et confection de tous articles de ces branches.

Monsieur B______ en est l'administrateur,

2) Elle a sollicité une aide financière pour cas de rigueur le 31 octobre 2021, en raison des pertes engendrées par la pandémie de Covid-19.

La clientèle cible était quasiment toute issue du tourisme. Les ventes se faisaient « normalement » avec le fonctionnement « normal » des aéroports. Depuis les fermetures, la clientèle était absente, Même avec les quelques ouvertures survenues en 2020, les ventes avaient chuté, faute de touristes.

3) Par décision du 26 février 2021, le département du développement économique, devenu depuis lors le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département), a accordé une indemnité de CHF 9'311.83 à A______, sur la base de la « loi 12'812 ».

Par ailleurs, à la suite de la modification de l'ordonnance fédérale Covid-19 cas de rigueur par le Conseil fédéral le 14 janvier 2021, le Conseil d'État avait adopté un plan global d'aide à l'économie. La loi y relative avait été adoptée par le Grand Conseil qui prévoyait des aides financières à fonds perdus pour les entreprises qui auraient subi une baisse de leur chiffre d'affaires de plus de 25 % ou une fermeture imposée par les autorités fédérales ou cantonales de plus de quarante jours à partir du 1er novembre 2022. Il était renvoyé aux informations nécessaires et au nouveau formulaire de dépôt de demande disponibles en ligne.

4) Selon décision du département du 19 novembre 2021, faisant suite à la demande d'aide financière extraordinaire 1______ du 31 octobre 2021 précitée, une aide complémentaire de CHF 36'729.90 a été octroyée à A______ sur la base de la loi relative aux aides financières extraordinaires de l'État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus, pour l'année 2021 (loi 12'938). Le département retenait des coûts fixes de CHF 319'174.20 pour l'année 2020 et un chiffre d'affaires nul pendant la période de fermeture en 2021.

A______ était informée qu'en cas de divergence constatée entre les chiffres mentionnés dans son formulaire de demande et les éléments présents dans les documents comptables transmis à l'appui, le département fondait son examen sur ces derniers, seuls habilités à faire foi selon l'art. 15 al. 4 de la loi 12'938.

5) A______ a formé opposition partielle contre cette décision le 8 décembre 2021 par l'intermédiaire d'une société fiduciaire.

Il lui avait été expliqué oralement par le département que l'extension de l'aide financière était impossible car son chiffre d'affaires avait augmenté en 2020. Cette augmentation était expliquée par le département par la différence de chiffre d'affaires de CHF 342'844.23 et l'ajout à ce dernier de CHF 350'000.- du poste « Produit exceptionnel sur opérations de gestion ». Si A______ comprenait ledit ajout, elle priait le département de le supprimer. Elle était en effet en litige avec une compagnie d'assurances depuis des années à la suite d'un vol dans son établissement. Elle avait obtenu un jugement en sa faveur le 3 septembre 2021 et devait avoir droit à une compensation importante et avait donc constitué le poste « produit exceptionnel », sous forme de produit à recevoir, d'un montant fixé approximativement. La compagnie d'assurances avait toutefois appelé de ce jugement le 19 octobre 2021, de sorte que l'argent prévu n'avait pas été versé. Il était possible que la procédure dure encore des années et qu'au final elle ne touche rien.

Il ressort du jugement du Tribunal civil de première instance du 3 septembre 2021 que la compagnie d'assurances en question a été condamnée à verser CHF 117'214.- et CHF 250'000.- à A______, avec intérêts à 5 % l'an à compter du 22 octobre 2013, respectivement du 1er janvier 2015. Les frais judiciaires ont été mis à la charge de A______ à hauteur de 40 %, et de 60 % à celle de la compagnie d'assurances.

6) Par décision du 14 mars 2022, le département a rejeté l'opposition.

Il avait traité la situation conformément à la loi 12'863, du 29 janvier 2021, modifiée par les lois 12'991 du 2 juillet 2021 et 13'029 du 7 octobre 2021 « (ci-après : la loi) » et son règlement d'application en vigueur lors du dépôt de la demande, modifié le 7 juillet 2021. Conformément à l'art. 15 al. 4 de la loi, l'examen s'effectuait sur les documents comptables transmis à l'appui du dossier, faisant seuls foi. Or, le produit exceptionnel de CHF 350'000.- avait été comptabilisé et reporté dans le rapport de l'organe de révision émis le 17 février 2021, en application du principe comptable de prudence, et avait fait l'objet d'une note au titre de l'annexe.

Reporter ce produit exceptionnel sur les comptes 2020 ne semblait pas respecter le principe comptable de prudence sans mentionner que le jugement avait été rendu en première instance et était par définition susceptible d'être remis en cause dans le cadre d'une procédure d'appel, ce d'autant plus que la procédure datait du début de l'année 2014. Ce risque avait en l'espèce été matérialisé par un tel appel. Dans ces conditions, ce montant n'aurait dû être enregistré que lorsqu'il aurait été acquis et ne pas être comptabilisé en 2020.

En outre, A______ et l'organe de révision avaient validé la comptabilisation de ce montant de CHF 350'000.- dans le rapport de révision, enregistrement qui n'avait pas été modifié et partant accepté par le réviseur. Le département ne pouvait pas s'écarter de la comptabilité fournie dans le cadre de la demande et devait par conséquent considérer cette somme au même titre que les produits.

7) A______ a formé recours contre cette décision par acte expédié le 29 avril 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l'annulation de cette décision et à l'octroi d'une aide financière pour cas de rigueur de CHF 106'552.80, subsidiairement au renvoi du dossier au département pour nouvel examen de la situation.

L'aide de CHF 36'726.90 accordée le 19 novembre 2021 correspondait à la couverture des coûts fixes pendant la période de fermeture du 18 janvier au 28 février 2021. La décision de comptabiliser le montant de CHF 350'000.- reposait sur des informations concrètes, qui s'étaient d'ailleurs réalisées récemment, puisqu'un accord était intervenu entre les parties le 30 mars 2022, précisément pour ce montant. Elle avait donc insisté auprès du département par courrier du 4 avril 2022 pour que sa demande de l'extension de l'aide lui soit accordée. En l'absence de toute réponse, elle s'était vue contrainte de déposer un recours.

C'était par un raisonnement erroné que le département avait refusé cette aide, comme cela avait été développé par sa fiduciaire. Elle aurait ainsi dû recevoir un montant équivalent à 20 % de son chiffres d'affaires moyen antérieur, des années 2018-2019.

8) Le département a conclu, le 3 juin 2022, au rejet du recours.

Dans son courrier du 4 avril 2022, la fiduciaire de A______ avait indiqué que « Contrairement à vos dires, il était juste de comptabiliser ce produit sur les comptes 2020 », référence étant faite aux CHF 350'000.- litigieux. « Cela étant, la société n'ava[it] jamais été en danger de dépôt de bilan, l'actionnaire [ ] confiant dans les transactions en cours avec C______ a[vait] été jusqu'à utiliser son troisième pilier pour soutenir la société ».

Aucune disposition légale ne lui imposait de corriger la comptabilité des entreprises pour déterminer la version la plus favorable sous l'angle particulier de l'indemnisation Covid. A______ avait inclus le montant de CHF 350'000.- au titre de produit extraordinaire en 2020 représentant l'indemnité de la compagnie d'assurance en contrepartie de la marchandise volée. Ce chiffre représentait économiquement l'équivalent de tout ou partie du produit des ventes manquées, soit un chiffre d'affaires. A______ n'avait jamais prétendu que la mention de ce produit extraordinaire dans ses comptes 2020 serait une erreur de plume, ayant au contraire confirmé par sa fiduciaire, le 4 avril 2022, que lesdits comptes respectaient le principe de prudence et quelle avait en tant que réviseur décidé d'entériner ce produit. Il n'appartenait pas au département de rechercher les raison d'une intégration de ce produit dans les comptes 2020 bien que la somme en question n'ait pas encore été touchée et encore moins si son inclusion était opportune sous un angle et inopportune sous un autre angle. D'ailleurs, la prise en compte de la comptabilité officielle de cette société n'était pas contraire à la réalité économique, puisque l'actionnaire s'était dit « confiant dans les transactions en cours », ce qui, vu l'issue du litige, n'était pas une erreur d'appréciation de sa part, bien au contraire.

9) Dans sa réplique du 5 juillet 2022, A______ a considéré que les écritures du département laissaient entendre qu'elle cherchait à obtenir un avantage indu. Le département avait pour rôle de soutenir les entreprises. Elle considérait qu'il avait traité son dossier d'une façon « assez scandaleuse ».

10) Les parties ont été informées le 6 juillet 2022 que la cause état gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision sur réclamation du département du 14 mars 2022 refusant de verser davantage que CHF 36'726.90 au titre d'aide financière extraordinaire dans le contexte de la crise du Covid-19, sur la base de la loi 12'938.

3) Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l’espèce.

Il n’en résulte toutefois pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble (ATA/505/2022 du 16 mai 2022 consid. 5). Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux de droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_37/2020 du 7 septembre 2020 consid. 5.1).

4) a. Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de Covid-19 (loi Covid-19 - RS 818.102) qui prévoit, à son art. 12, des mesures destinées aux entreprises.

b. Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 (ordonnance Covid-19 cas de rigueur 2020 ; ci-après : l'ordonnance Covid-19 - RS 951.262), modifiée à plusieurs reprises.

Selon l'art. 1 al. 1 de l'ordonnance Covid-19, dans sa version applicable, en l'occurrence jusqu'au 31 mars 2021, la Confédération participe aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises occasionnent à un canton.

L'art. 2 de l'ordonnance Covid-19 précise que l’entreprise a la forme juridique d’une entreprise individuelle, d’une société de personnes ou d’une personne morale ayant son siège en Suisse (al. 1) et elle a un numéro d’identification des entreprises (ci-après : IDE ; al. 2).

Au nombre des exigences pour bénéficier du soutien financier, l’entreprise doit établir notamment qu’elle s’est inscrite au RC avant le 1er mars 2020, ou, à défaut d’inscription au RC, a été créée avant le 1er mars 2020 (art. 3 al. 1 let. a), et a réalisé en 2018 et en 2019 un chiffre d'affaires moyen d’au moins CHF 50'000.- (art. 3 al. 1 let. b). Si elle a commencé son activité commerciale le 1er janvier 2020 ou plus tard, ou si elle a été créée en 2018 ou en 2019 et présente ainsi un exercice d’une durée supérieure à une année civile, le chiffre d'affaires moyen est celui qui a été réalisé entre le 1er janvier 2018 et le 29 février 2020, calculé sur douze mois (art. 3 al. 2).

L’entreprise doit également établir que son chiffre d'affaires 2020 est inférieur à 60 % du chiffre d'affaires moyen des exercices 2018 et 2019 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l’épidémie (art. 5 al. 1).

En cas de recul du chiffre d'affaires enregistré entre janvier 2021 et juin 2021 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, l’entreprise peut calculer le recul de son chiffre d'affaires sur la base du chiffre d'affaires des douze derniers mois au lieu du chiffre d'affaires de l’exercice 2020 (art. 5 al. 1bis).

L’entreprise doit confirmer au canton uniquement que le recul du chiffre d'affaires entraîne d’importants coûts fixes non couverts (art. 5a).

Les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou les cantons pour endiguer l’épidémie de Covid-19, doivent cesser leur activité pour au moins quarante jours entre le 1er novembre 2020 et le 30 juin 2021 ne sont pas tenues de remplir les conditions d’octroi d’un soutien financier visées aux art. 4 al. 1 let. b, 5 al. 1 et 1bis et 5a (art. 5b).

Dès le 1er avril 2021, l’art. 3 a été refondu. Selon l’al. 1 let. a l’entreprise doit s’être inscrite au RC avant le 1er octobre 2020, ou, à défaut d’inscription au RC, avoir été créée avant le 1er octobre 2020. Selon l’al. 2, par chiffre d'affaires annuel moyen des exercices 2018 et 2019, on entend (a) pour une entreprise qui a été créée entre le 31 décembre 2017 et le 29 février 2020 (1) le chiffre d'affaires moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 29 février 2020, calculé sur douze mois, ou (2) le chiffre d'affaires moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 31 décembre 2020, calculé sur douze mois, et (b) pour une entreprise qui a été créée entre le 1er mars 2020 et le 30 septembre 2020, le chiffre d'affaires moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 31 décembre 2020, calculé sur douze mois.

5) a. Le Grand Conseil a adopté, le 29 janvier 2021, la loi 12'863 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : aLAFE 2021), complétée par son règlement d’application du 3 février 2021 (aRAFE-2021), dont le but était notamment de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l’épidémie pour les entreprises sises dans le canton, conformément à la loi et à l’ordonnance Covid-19 (art. 1 al. 1 aLAFE 2021).

Elle visait à mettre fin aux différentes lois sectorielles adoptées en 2020, à des fins de cohérence (Exposé des motifs du Conseil d’État du 20 janvier 2021 sur le PL 12'863 p. 15 et 27).

b. Ladite loi a été abrogée par la loi 12'938 adoptée le 30 avril 2021 par le Grand Conseil relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : LAFE-2021), qui a abrogé l’aLAFE-2021 (art. 23), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel.

Selon l’art. 9 al. 1 LAFE-2021, l’État de Genève peut octroyer sans participation financière de la Confédération des aides en faveur des entreprises : (a) dont la baisse de chiffre d’affaires enregistrée se situe entre 25 % et 40 % du chiffre d’affaires moyen des exercices 2018 et 2019, ou (b) créées depuis mars 2020 ou créées avant mars 2020 mais dont les activités commerciales n’ont débuté qu’après le 1er mars 2020 ; dans ce cas, l’indemnisation est calculée sur la base du chiffre d’affaires moyen de l’entreprise pendant les mois durant lesquels elle a pu mener son activité commerciale.

L’indemnisation cantonale comble la différence entre l’éventuelle indemnisation calculée selon les critères de l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur 2020 et l’indemnité calculée selon les critères de l’al. 1 (art. 9 al. 2). Les critères permettant de déterminer le début de l’activité commerciale sont déterminés par voie réglementaire (art. 9 al. 3).

L’indemnité maximale par entreprise et pour la période du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021 est déterminée par voie réglementaire, mais elle ne dépasse pas la somme totale de CHF 1'000'000.- et 20 % du chiffre d’affaires comme prévu à l’art. 8a de l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur (art. 10 al. 1).

Selon l'art. 15 LAFE-2021, l’aide financière est accordée sur demande du bénéficiaire potentiel ou de son mandataire (al. 1). La demande est adressée au département sur la base d’un formulaire spécifique, accompagné notamment de toutes les pièces utiles nécessaires au traitement de la demande (al. 2). La liste des pièces requises ainsi que les modalités de dépôt des demandes figurent dans le règlement d’application de la présente loi (al. 3). Sur la base des pièces justificatives fournies, le département constate si le bénéficiaire remplit les conditions d’octroi de l’aide financière, calcule le montant de celle-ci et procède au versement (al. 4).

c. Le 5 mai 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d'application de la loi 12'938 relative aux aides financières extraordinaires de l'État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus, pour l'année 2021 (ci-après : RAFE-2021).

Selon l’art. 3 al. 3, sont également bénéficiaires de l’aide considérée, pour autant qu'elles répondent aux autres exigences définies dans les sections 1 et 2 de l'ordonnance Covid-19 cas de rigueur, les entreprises : (a) qui ne répondent pas aux exigences des art. 3 al. 1 let. b et 5 de l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur en vertu des modalités de détermination du chiffre d’affaires annuel moyen visées par l’art. 3 de ladite ordonnance, mais y répondent en vertu des modalités de l’art. 9 al. 1 let. b, de la loi, et (b) qui ont été créées depuis mars 2020, ou avant mars 2020, mais dont les activités commerciales n’ont débuté qu’après le 1er mars 2020.

Peuvent prétendre à une aide financière, les entreprises qui démontrent que leur chiffre d’affaires, généré sur une période de douze mois comprise entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021, est inférieur à 60 % du chiffre d’affaires moyen déterminé selon les modalités prévues par l’art. 3 de l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur (art. 11).

Selon l'art. 12, le montant de l'indemnité pour l’année 2020 correspond à la différence entre les coûts totaux, hors impôts et taxes, et le chiffre d’affaires de l'entreprise en 2020 (al. 1). Le montant de l’indemnité pour la période du 1er janvier au 30 juin 2021 est déterminé sur la base d’un examen des états financiers de l’entreprise au 30 juin 2021, et correspond à la différence entre les coûts totaux, hors impôts et taxes, et le chiffre d’affaires de l'entreprise sur cette même période (al. 2). Pour toute demande déposée jusqu’au 30 juin 2021 pour la période du 1er janvier au 30 juin 2021, le montant de l'indemnité équivaut à 50% du montant obtenu en application de l’al. 1, calculé sur douze mois (taux forfaitaire) (al. 3). L’indemnité octroyée en application de l’al. 3 est versée à titre d’acompte, selon les modalités prévues par convention conclue en vertu de l’art. 22. Le montant définitif est déterminé a posteriori sur la base d’un examen des états financiers de l’entreprise bénéficiaire au 30 juin 2021, selon les modalités prévues à l’al. 2 (al. 4). L'entreprise bénéficiaire d’une indemnité octroyée à titre d’acompte au sens de l’al. 3 est tenu de remettre au département les états financiers visés à l’al. 4 au plus tard le 31 octobre 2021 (al. 5). Le montant de l’indemnité pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2021 est déterminé sur la base d’un examen des états financiers de l’entreprise au 31 décembre 2021, et correspond à la différence entre les coûts totaux, hors impôts et taxes, et le chiffre d’affaires de l'entreprise sur cette même période (al. 6).

Il ressort de l'art. 19 RAFE-2021 que les justificatifs devant accompagner la demande sont, notamment, le bilan et les comptes de résultats 2018 et 2019 (let. b).

6) Selon l'art. 957 al. 1 ch. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), les personnes morales ont l'obligation de tenir une comptabilité et présenter des comptes conformément au chapitre I du Titre trente-deuxième du CO.

La comptabilité constitue la base de l’établissement des comptes. Elle enregistre les transactions et les autres faits nécessaires à la présentation du patrimoine, de la situation financière et des résultats de l’entreprise (situation économique). Elle est tenue conformément au principe de régularité, qui comprend notamment l’enregistrement intégral, fidèle et systématique des transactions et des autres faits nécessaires au sens de l’al. 1, la justification de chaque enregistrement par une pièce comptable, la clarté (art. 957a al. 1 et 2 CO).

Les comptes doivent présenter la situation économique de l’entreprise de façon qu’un tiers puisse s’en faire une opinion fondée (art. 958 al. 1 CO).

Il ressort de l'art. 958b CO que les charges et les produits sont présentés conformément aux principes de la délimitation périodique et du rattachement des charges aux produits (al. 1). Si les produits nets des ventes des biens et des prestations de services ou les produits financiers ne dépassent pas CHF 100'000.-, il est possible de déroger au principe de la délimitation périodique et d’établir une comptabilité de dépenses et de recettes (al. 2).

Selon l'art. 958c al. 1 CO, l’établissement régulier des comptes est régi en particulier par les principes de : 1. la clarté et l’intelligibilité ; 2. l’intégralité ; 3. la fiabilité ; 4. l’importance relative ; 5. la prudence ; 6. la permanence de la présentation et des méthodes d’évaluation ; 7. l’interdiction de la compensation entre les actifs et les passifs et entre les charges et les produits.

7) En l'espèce, la recourante ne remet pas en cause le fait qu'elle devait transmettre comme justificatif à sa demande d'octroi d'une aide financière extraordinaire ses états financiers, pour les années 2018 à 2020, les seuls faisant foi.

Selon les comptes annuels 2020, datés du 17 février 2021, le chiffre d'affaires de la recourante, tel que reporté dans sa demande d'aide du 31 octobre 2021, s'élevait à CHF 342'844.23 et les coûts totaux à CHF 464'141.- (hors impôts et taxes). Ce chiffre d'affaires tient compte de « produits exceptionnels » de CHF 350'000.- enregistrés.

Selon la « note sur les principes comptables » du réviseur, les états financiers pour l'année 2020 reproduisaient les faits économiques de l'exercice écoulé et avaient été élaborés de manière fiable, avec une notion et un principe de prudence, avec les hypothèses de base de l'indépendance des exercices, de la continuité de l'exploitation et de la permanence des méthodes comptables d'un exercice à l'autre.

Il est spécifié dans une annexe aux comptes que l'avocat de la recourante lui avait annoncé, par courriel du 18 mai 2020, un recours tardif. Le montant du dommage était estimé à environ « 1 million ». Par mesure de précaution, elle avait inscrit dans les comptes un règlement à hauteur de CHF 350'000.-, lequel ne présageait en rien la valeur des sinistres réclamée à C______.

C'est conformément à la teneur claire de la LAFE-2021 et du RAFE-2021 que l'autorité intimée s'est basée sur les documents comptables en question pour rendre sa décision, qui seuls faisaient foi. Il ne saurait lui être reproché le manque de prudence de la recourante qui a inscrit un produit exceptionnel de CHF 350'000.- sur la base d'un jugement condamnatoire de septembre 2021, soit postérieur de plusieurs mois à l'établissement de ses comptes 2020, et en faisant toute abstraction d'un possible appel de sa partie adverse, qui a effectivement été formé.

Il n'appartenait pas au département de chercher les raisons de l'inscription de ce montant dans les comptes de 2020, alors que le montant en question a certes été reçu par la recourante, mais en 2022, dans la mesure où, comme déjà dit, seuls font foi les états comptables soumis à l'appui de la demande, en l'espèce dûment révisés et dont il n'a à aucun moment été soutenu qu'ils auraient été modifiés pour corriger une erreur sur ce point. Au contraire, la fiduciaire de la recourante a réaffirmé, le 4 avril 2022, qu'il était « juste » de comptabiliser ce produit dans les comptes de 2020.

Au vu des comptes audités, force est de constater que la recourante n'est pas éligible à une aide financière supérieure à celle dont elle a bénéficié selon décision du 19 novembre 2021, confirmée à juste titre sur opposition partielle le 14 mars 2022.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 avril 2022 par A______ contre la décision du département de l'économie et de l'emploi du 14 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

 

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à Me Gabriel Aubert, avocat du département de l'économie et de l'emploi.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Meyer

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :