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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/352/2022

ATA/594/2022 du 07.06.2022 ( CPOPUL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/352/2022-CPOPUL ATA/594/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 juin 2022

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Jérôme Macherel, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) Le 1er octobre 2016, Mme B______, née le ______ 1978, ressortissante russe, a donné naissance à C______au D______ de E______ (ci-après : l’hôpital).

2) Mme B______ était alors mariée à M. F______, ressortissant français, dont elle devait divorcer le 18 mai 2017 à E______.

3) Le 3 octobre 2016, l’hôpital a établi un « certificate of registration of birth » de la République de E______ dans lequel M. A______, né à Genève le ______ 1976, a été inscrit comme père de l’enfant.

4) L’enfant C______est de nationalité italienne et russe.

5) Le 14 février 2020, le service de l’état civil de la Ville de Genève a saisi le service état civil, naturalisations et légalisations (ci-après : SECNAL) de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) auprès du département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : DSPS) d’une demande de transcription de naissance survenue à l’étranger présentée par M. A______ et concernant l’enfant C______.

6) Le 19 mars 2021, M. A______ a écrit au SECNAL.

Il souhaitait que son fils C______ puisse avoir la nationalité suisse. Quand il était allé à l’ambassade suisse à E______, on lui avait demandé tellement de documents pour l’enregistrer qu’ils avaient, sa mère et lui, accompli les formalités pour qu’il acquière les nationalités italienne et russe.

Ils étaient de retour en Suisse depuis plus d’un an. Il souhaitait finaliser cette longue procédure et demandait quels documents il devait produire.

7) Le 12 août 2021, le SECNAL a indiqué à M. A______ que lorsqu’il était passé au guichet en mars 2020, il avait été informé que dans le mesure où la mère, Mme B______, mariée et de nationalité russe, était domiciliée à E______ au moment de la naissance, seul le droit E______ s’appliquait à la filiation d’C______.

Or, celui-ci connaissait la présomption de paternité du mari.

Si M. A______ avait pu prouver à l’autorité de l’état civil qui avait enregistré la naissance qu’il était bien le père biologique et ainsi signer une reconnaissance de paternité, il était invité à en demander une confirmation à
celle-ci.

8) Le 13 août 2021, M. A______ a demandé au SECNAL s’il fallait un autre document E______ que le certificat de naissance pour établir qu’il était le père.

9) Le 17 août 2021, le SECNAL a indiqué à M. A______ que le droit E______ disposait qu’il était présumé que le mari était le père, à moins que le contraire ne soit prouvé (« unless the contrary is proved »).

Il était invité à indiquer s’il avait fait et présenté un test ADN comme preuve de sa paternité à E______. Dans le cas contraire, il devait fournir une attestation du registre de l’état-civil E______ indiquant de quelle manière il avait prouvé sa paternité et reconnu son enfant.

Si Mme B______ avait omis de déclarer à l’état civil E______ qu’elle était mariée au moment de la naissance, l’acte de naissance devait être modifié.

10) Le même jour, M. A______ a répondu qu’on ne leur avait rien demandé à E______ lors de la naissance de leur fils, à part qui était le père.

Il demandait s’il était suffisant d’effectuer un test ADN en Suisse.

11) Le 19 août 2021, le SECNAL a demandé à M. A______ s’il fallait comprendre que Mme B______ n’avait pas déclaré qu’elle était mariée à la naissance de l’enfant.

12). Le 20 août 2021, M. A______ s’est plaint du « jeu de ping-pong [ ] très agaçant ». Il avait posé une question à laquelle le SECNAL ne répondait pas et annexait une copie de son précédent courriel.

13) Le même jour, le SECNAL a proposé une discussion de vive voix tout en réitérant la demande d’indiquer par écrit si Mme B______ avait annoncé être mariée aux autorités de E______. Sans cette information, la direction ne pouvait examiner le dossier.

14) Le 24 août 2021, M. A______ a indiqué que Mme B______ avait dû indiquer qu’elle était mariée lors des formalités pour l’obtention de son permis de travail à E______, de sorte que les autorités savaient qu’elle était mariée. À l’hôpital, on ne leur avait pas demandé s’ils étaient mariés, ou si elle était mariée ou divorcée. On leur avait seulement demandé qui était le père. Ils avaient répondu à cette question et n’avaient rien omis ou caché.

Il était prêt à faire un test de paternité pour que son fils obtienne la nationalité qui lui revenait de droit, mais demandait qu’on arrête une fois pour toutes ces tergiversations administratives.

15) Le 2 septembre 2021, le SECNAL a réitéré sa position.

Demander la rectification du registre E______ des naissances pour que l’ancien mari de Mme B______ soit inscrit comme père et puisse intenter l’action en désaveu de paternité pour permettre à M. A______ de le reconnaître ne paraissait pas raisonnablement exigible au vu des délais et du caractère plurinational du dossier.

M. A______ était invité à demander une décision formelle contre laquelle il pourrait recourir.

16) Le 20 septembre 2021, M. A______ a sollicité le prononcé d’une décision.

17) Par décision du 17 décembre 2021, le DSPS, en sa qualité d’autorité de surveillance de l’état civil, a rejeté la requête de transcription.

La présomption de paternité disposée par le droit E______ en faveur de M. F______ n’avait pas été renversée. L’enregistrement de la naissance avait été fait à l’hôpital – et non auprès du G______ (G______) – et sans production de test ADN. M. F______ aurait dû être inscrit comme père à l’état civil. Le SECNAL ne pouvait en l’état procéder à la transcription.

18) Par acte remis à la poste le 31 janvier 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté que la naissance d’C______devait être reconnue et transcrite dans le registre d’État civil et que le dossier soit renvoyé au SECNAL à cette fin. Préalablement, un délai devait lui être imparti pour compléter son recours.

À l’hôpital, on avait demandé à Mme B______ qui était le père et elle avait désigné M. A______. Elle ignorait tout de la présomption de paternité.

Les registres E______ bénéficiaient de la foi publique.

Interrogée par les autorités genevoises sur le droit national applicable, la mission de E______ avait implicitement reconnu qu’une erreur avait été commise par les autorités locales à E______.

Aucun test ADN ne lui avait jamais été demandé à E______, avant ou après son inscription comme père au registre. Il était choquant qu’il doive subir les conséquences d’une erreur qui ne lui était pas imputable.

Des démarches à E______ l’exposeraient à de nombreuses inconnues. Elles étaient dénuées de bon sens et il comptait sur le pragmatisme de la chambre administrative pour « débloquer la situation ».

Le DSPS avait abusé de son pouvoir d’appréciation. Il prouverait prochainement par un test ADN qu’il était le père d’C______. L’ex-mari de Mme B______ avait certifié qu’il n’était pas le père. On ne voyait pas quelle autre preuve il devrait apporter. Si la preuve scientifique de la paternité était apportée, toute autre exigence administrative ou judiciaire devenait vaine, inutile et sans pertinence, au risque de violer le principe de proportionnalité.

Le plus raisonnable et le plus proportionné était que le SECNAL reprenne contact avec la mission de E______ pour savoir si la production d’un test ADN et d’une attestation de l’ex-mari seraient de nature à corriger l’erreur commise.

Le DSPS s’était rendu coupable de formalisme excessif en le contraignant à conduire des procédures coûteuses et incertaines à E______.

19) Le 2 mars 2022, le DSPS s’en est rapporté à justice, sauf en ce qui concernait l’émolument et l’indemnité, la décision attaquée étant justifiée.

L’autorité de surveillance devait clarifier si un lien de filiation avait été établi avec le père de l’enfant, notamment si la mère était mariée avec un autre homme au moment de la naissance. Le SECNAL avait donc l’obligation d’examiner le
bien-fondé de l’acte de naissance E______.

L’autorité cantonale de surveillance ne pouvait s’appuyer sur un test ADN pour enregistrer le lien de filiation. Elle n’en avait pas la compétence et n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation ni commis de formalisme excessif. Seule une autorité judiciaire pouvait ordonner l’inscription de l’enfant sur la base d’un test ADN, selon l’art. 40 al. 1 let. a de l’ordonnance sur l’état civil du 28 avril 2004 (OEC - RS 211.112.2).

Le recourant n’avait pas démontré avoir déposé une demande de rectification de l’état civil E______ ou demandé l’annulation du certificat de naissance. M. A______ et Mme B______ auraient dû entreprendre les démarches alors qu’ils vivaient encore à E______, soit jusqu’au 5 novembre 2019, et le recourant était malvenu de soutenir qu’il était victime d’une erreur, ce d’autant que les droits russe et italien prévoyaient également une présomption de paternité en faveur du mari de la mère.

20) M. A______ n’a pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti au 4 avril 2022.

21) Le 6 avril 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ATA/237/2019 du 12 mars 2019 consid. 1 ; ATA/1045/2016 du 13 décembre 2016 consid. 1).

2) Le recourant a offert à plusieurs reprises de prouver des allégations par son audition ou celle de Mme B______.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l’espèce, le recourant a eu l’occasion tant devant le SECNAL que la chambre de céans de faire valoir son argumentation et de produire toute pièce utile. Il n’expose pas quelles informations complémentaires, qu’il n’aurait pu produire par écrit, son audition ou celle de Mme B______ pourraient apporter à la procédure. La chambre de céans dispose d’un dossier complet et en état d’être jugé. Les faits pertinents sont établis et la controverse est essentiellement juridique. Les mesures d’instruction seront refusées.

3) a. Le litige a pour objet le refus de l'autorité intimée de reconnaître et de transcrire dans le registre de l'état civil suisse le certificat de naissance E______ du 3 octobre 2016 désignant le recourant comme père de l’enfant C______.

b. Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l’espèce.

c. Il n’en résulte toutefois pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble (ATA/1300/2021 du 30 novembre 2021 consid. 6).

Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux de droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_37/2020 du 7 septembre 2020 consid. 5.1).

d. Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).

4) a. L’art. 45 al. 2 ch. 4 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) confie à l’autorité de surveillance de l’état civil la compétence de décider de la reconnaissance et de la transcription des faits d’état civil survenus à l’étranger et des décisions relatives à l’état civil prises par des autorités étrangères.

b. Selon l’art. 32 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP - RS 291), une décision ou un acte étranger concernant l'état civil est transcrit dans les registres de l'état civil en vertu d'une décision de l'autorité cantonale de surveillance en matière d'état civil (al. 1) lorsqu'il satisfait aux conditions générales prévues aux articles 25 à 27 (al. 2). Les personnes concernées sont entendues préalablement s’il n’est pas établi que, dans l’État étranger où la décision a été rendue, les droits des parties ont été suffisamment respectés au cours de la procédure (al. 3).

c. Toute personne est saisie dans le registre de l’état civil à l’annonce de sa naissance (art. 15a al. 1 OEC). Un ressortissant étranger dont les données ne sont pas disponibles dans le système est saisi au plus tard lorsque (a) il est concerné par un fait d’état civil qui doit être enregistré en Suisse, (b) il dépose une demande d’acquisition de la nationalité suisse ou (c) il demande d’inscrire le fait qu’il a constitué un mandat pour cause d’inaptitude (art. 15a al. 2 OEC ; art.  8  let. l ch. 1 à 6 OEC ; Michel MONTINI in : Pascal PICHONNAZ/Bénédict FOËX [éd.] Commentaire Romand, Code civil I, 2010 ad art. 39 CC, p. 358 n. 3).

Selon l’art. 16 al. 1 OEC, l’autorité de l’état civil (a) examine si elle est compétente, (b) s’assure de l’identité et de la capacité civile des personnes concernées et (c) vérifie que les données disponibles et les indications à enregistrer sont exactes, complètes et conformes à l’état actuel.

Les personnes concernées doivent produire les pièces requises. Celles-ci ne doivent pas dater de plus de six mois. Si l’obtention de tels documents s’avère impossible ou ne peut manifestement être exigée, des documents plus anciens sont admis dans des cas fondés (art. 16 al. 2 OEC).

L’autorité de l’état civil informe et conseille les personnes concernées, met en œuvre, au besoin, des recherches supplémentaires et peut exiger la collaboration des personnes concernées (art. 16 al. 5 OEC).

L’officier de l’état civil peut demander aux personnes concernées une confirmation écrite de l’exactitude de leurs données au sens de l’art. 16, al. 1, let. c, dans les cas suivants : (a) lorsqu’il saisit un ressortissant étranger dans le registre de l’état civil ; (b) lorsqu’il vérifie l’état des données disponibles (art. 16a al. 1 OEC).

L’autorité de surveillance peut admettre que, dans un cas d’espèce, la preuve de données relatives à l’état civil repose sur une déclaration faite à l’officier de l’état civil, pour autant que (a) la personne tenue d’apporter sa collaboration démontre qu’au terme de toutes les démarches entreprises, l’obtention des documents pertinents s’avère impossible ou qu’elle ne peut raisonnablement être exigée et (b) il ressort des documents et des informations à disposition que les données en question ne sont pas litigieuses.

d. Selon l'art. 73 al. 1 LDIP, la reconnaissance d'un enfant, intervenue à l'étranger, est reconnue en Suisse lorsqu'elle est valable dans l'État de la résidence habituelle de l'enfant, dans son État national, dans l'État de domicile ou encore dans l'État national de la mère ou du père.

Selon l’art. 73 al. 2 LDIP, les décisions étrangères sur la contestation de la reconnaissance sont reconnues en Suisse lorsqu’elles ont été rendues dans l’un des États mentionnés à l’al. 1.

Selon l’art. 70 LDIP, les décisions étrangères relatives à la constatation ou à la contestation de la filiation sont reconnues en Suisse lorsqu’elles ont été rendues dans l’État de la résidence habituelle de l’enfant ou dans son État national ou dans l’État du domicile ou dans l’État national de la mère ou du père.

e. Il appartient à l'autorité cantonale de trancher la question de l'existence d'une décision ou d'un acte. Pour que ce soit le cas, il faut que les documents en question soient authentiques. La raison principale du devoir des autorités de l'état civil de vérifier l'authenticité des actes de l'état civil réside dans la fonction propre des registres de l'état civil, qui sont destinés à conférer une publicité qualifiée aux faits d'état civil. La sécurité du droit exige ainsi que l'authenticité d'un document soit vérifiée avant qu'il soit inscrit aux registres. Cela s'impose d'autant que l'art. 9  CC confère aux registres publics une force probante accrue (Olivier WAESPI, Aspects juridiques de la vérification des actes de l'état civil dans les relations internationales, Mélanges édités à l'occasion de la 50ème Assemblée générale de la CIEC, Neuchâtel 1997, p. 57).

f. Selon la circulaire de l’office fédéral de l'état civil (ci-après : OFEC) n° 33.1 relative à la reconnaissance d’un enfant en Suisse et à l’étranger du 1er décembre 2016, état au 1er février 2017 (https://www.bj.admin.ch/dam/bj/fr/data/ gesellschaft/zivilstand/weisungen/prozesse/33-1.pdf), si la reconnaissance d’un enfant par le père est effectuée à l’étranger, l’examen et l’ordre éventuel d’enregistrement dans le registre de l’état civil sont de la compétence de l'autorité de surveillance de l'état civil de son lieu d’origine si l’auteur de la reconnaissance a la nationalité suisse.

Au vu des documents étrangers soumis en application des dispositions pertinentes de la LDIP, l’autorité statue sur la reconnaissance et la saisie dans le registre de l’état civil suisse (enregistrement ultérieur en Suisse) sous la forme d’une décision de transcription.

La preuve de l'établissement de la filiation doit être apportée par l'acte de reconnaissance ou l'acte de naissance de l'enfant. Si seul un acte de naissance est disponible, il faut clarifier si la filiation de l'enfant envers l'homme désigné en tant que père dans l'acte de naissance a été établie, quand et de quelle manière (selon la circulaire OFEC n° 1______). S’il ressort de l’examen des documents étrangers que les données relatives au père n’ont été enregistrées que sur la base de l’annonce effectuée par la mère auprès des autorités étrangères, la désignation du père dans les documents soumis à l’examen revêt seulement un caractère d'indice (base pour une procédure de constatation juridique) et la filiation ne résulte pas de la reconnaissance (§ 2.2).

g. Selon la circulaire de l’OFEC n° 2______ relative à la preuve de l’établissement du lien de filiation selon le droit étranger du 15 janvier 2008, état au 1er janvier 2011 (https://www.bj.admin.ch/dam/bj/fr/data/gesellschaft/ zivilstand/weisungen/ws-ks-am/2______.pdf), dans de nombreux États, la reconnaissance n’est prouvée que par l’acte de naissance. La filiation entre le père et l’enfant né hors mariage résulte du seul fait de l’indication du nom du père, avec son consentement, en tant que données sur la filiation paternelle dans le registre des naissances. Une reconnaissance de la paternité, prouvée directement ou indirectement sur la base de l’acte de naissance étranger, est à inscrire dans le registre d’état civil en tant que reconnaissance fondée sur la parenté : s’il ressort de l’acte de naissance que le père a annoncé personnellement la naissance et qu’il figure pour cette raison en tant que tel dans l’extrait du registre des naissances ; si les parents présentent des copies des documents concernant l’annonce de la naissance où il est visible que le père reconnaît la paternité et a demandé l’inscription de la filiation paternelle dans le registre des naissance étranger ; si en vertu du droit étranger l’indication du père dans l’acte de naissance prouve indirectement la filiation paternelle, même si la présentation d’un document relatif à l’établissement du lien de filiation avec le père s’avère impossible ou ne peut raisonnablement être exigée ; s’il est constaté, en raison des données incorrectes faites par la mère sur son état civil, que l’enregistrement n’élude pas le droit suisse ni ne viole le droit étranger (§ 1).

Lors de la réception d'un acte de naissance étranger (extrait du registre des naissances) d'un enfant dont les parents n'étaient pas mariés ensemble au moment de sa naissance, il y a lieu de clarifier si un lien de filiation a été établi à l’égard du père. Des clarifications complémentaires doivent être effectuées si aucun acte de reconnaissance n'est présenté et s'il ne ressort pas de l'acte de naissance étranger de quelle manière la filiation avec le père a été établie (annonce de la naissance, remise d'une déclaration, jugement du tribunal). Les documents étrangers sur l'établissement du lien de filiation ne sont pas disponibles dans chaque cas, ne sont pas toujours significatifs pour l'enregistrement ultérieur ou ne peuvent être obtenus qu'avec un investissement déraisonnable. Il ressort parfois directement de l'acte de naissance ou d'un document séparé quand et par qui la naissance a été annoncée. Les données d'état civil des parents, ou des documents d'état civil complémentaires si leurs données ne figurent pas encore dans le système, sont nécessaires afin de pouvoir enregistrer ultérieurement la naissance et la reconnaissance dans les formes prescrites. L'autorité cantonale de surveillance clarifie en vue de la décision d'inscription si les données relatives à la filiation paternelle figurant dans l'acte de naissance étranger de l'enfant sont fictives, n'ont qu'un simple caractère d'indices ou si l'indication du nom du père, avec son consentement, dans l'acte de naissance est équivalente à une reconnaissance fondée sur la parenté selon le droit suisse. Cette vérification tombe si les parents de l'enfant se marient ultérieurement ensemble (§ 2.1).

5) a. En l’espèce, selon le recourant, s’il apparaît comme le père de l’enfant C______ sur le certificat de naissance E______, c’est parce que la mère l’a désigné comme tel à l’hôpital.

Il ressort des directives que l’intimé pouvait dans ces circonstances ne pas tenir la mention du recourant comme père comme établie suite à une reconnaissance de l’enfant par ce dernier.

b. Il n’est pas contesté que la mère était mariée lors de la naissance de l’enfant et que les droits E______, comme d’ailleurs italien, russe et suisse, prévoient la présomption de paternité du mari au moment de la naissance.

Il suit de là qu’une éventuelle reconnaissance de l’enfant par le recourant au moment de sa naissance n’aurait en toute hypothèse pas pu déployer d’effet juridique, et que l’inscription du recourant dans le certificat de naissance ne pouvait notamment établir un lien de filiation.

Dans ces circonstances, l’intimé devait procéder à des clarifications et était tenu de refuser de transcrire le certificat de naissance E______ dans le registre d’état civil suisse. Les griefs de formalisme excessif et d’abus du pouvoir d’appréciation seront écartés.

c. Le recourant objecte qu’il est le père biologique et offre de le prouver par la production d’un test ADN, sans toutefois avoir produit une telle analyse dans la présente procédure.

La production d’une analyse ADN de paternité ne serait d’aucun secours au recourant dans la présente procédure. Il sera en effet vu plus loin (let. f) que la présente procédure ne peut avoir pour effet de contourner les procédures à conduire pour rectifier l’état civil puis désavouer la paternité de M. F______ et enfin faire reconnaître celle de M. A______. La preuve scientifique de la paternité n’aurait ainsi de portée juridique que si elle était ordonnée ou offerte dans l’action en désaveu de la paternité, voire par la suite à l’appui de la reconnaissance.

L’intimé était dès lors fondé à décliner l’offre du recourant.

d. Le recourant fait valoir que l’ex-mari de Mme B______ a attesté ne pas être le père.

Cet argument appelle les mêmes considérations que l’offre de preuve ADN. Si elle avait été faite dans une action en désaveu de paternité, il n’est pas certain que la déclaration de l’ex-mari exonérerait son auteur d’un éventuel fardeau de la preuve de sa non-paternité.

La déclaration de M. F______ est quoi qu’il en soit dépourvue de portée dans la présente procédure, qui porte sur le bien-fondé du contrôle de la validité de la déclaration de naissance présentée pour transcription, et non sur le désaveu de sa paternité, dont la chambre de céans ne peut connaître.

e. Le recourant se plaint d’avoir été victime d’une erreur des autorités E_____.

Il perd de vue qu’en telle hypothèse, il ne saurait se prévaloir d’un certificat de naissance vicié.

L’erreur résulte en outre vraisemblablement du silence que Mme B______ et lui-même ont observé devant les autorités E_____ lors de l’établissement du certificat de naissance.

À cet égard, le recourant ne peut être suivi lorsqu’il soutient que la mère de l’enfant et lui-même ignoraient l’existence ou l’effet de la présomption de paternité, dès lors que cette institution, largement répandue, est adoptée par leurs droits nationaux respectifs (russe, suisse et italien) ainsi que par le droit E______. Le recourant, qui allègue que les formalités administratives suisses à E______ l’ont découragé, ne rend en outre pas vraisemblable qu’il n’aurait pas compris, alors qu’il était encore à E______, que le certificat de naissance ne pourrait être transcrit.

f. Le recourant invoque la complexité et le coût de procédures en rectification de l’état civil et en désaveu à E______ et en appelle au pragmatisme.

La compétence des autorités E_____ pour établir le certificat de naissance (art. 26 LDIP) n’est pas contestée. Les mêmes autorités sont également compétentes pour le rectifier ou l’annuler.

Le recourant n’établit pas qu’il lui serait impossible de faire rectifier ou annuler le certificat à E______, ni qu’il aurait déjà tenté de le faire sans succès, et il y a lieu d’observer que M. F______ semble disposé à prêter son concours. Il en va de même d’une procédure ultérieure de désaveu de paternité.

g. L’intimé, qui s’en rapporte à justice, fait valoir que l’art. 42 CC permettrait à la chambre de céans d’ordonner la transcription.

L’art. 42 CC permet à toute personne qui justifie d’un intérêt personnel légitime de demander au juge d’ordonner l’inscription, la rectification ou la radiation de données litigieuses relatives à l’état civil. Les autorités cantonales de surveillance concernées sont entendues et le juge leur notifie sa décision (al. 1). Les autorités cantonales de surveillance ont également qualité pour agir (al. 2). Cette procédure a pour but de corriger une inscription qui était déjà inexacte lorsqu'elle a été effectuée, parce que l'officier de l'état civil a commis une erreur, fondée notamment sur une mauvaise interprétation de la loi, ou a été tenu dans l'ignorance de faits importants (arrêt du Tribunal fédéral 5A_805/2020 consid. 6.1).

La chambre de céans considère que l’action de l’art. 42 CC ne lui permet ni de modifier le certificat de naissance E______, ni d’enregistrer, en violation de la LDIP, une reconnaissance que celui-ci n’atteste pas, et qui ne pouvait par ailleurs être accomplie sans l’aboutissement préalable d’une action en désaveu de paternité.

Si les données d’état civil dont le recourant demande la transcription sont « litigieuses », c’est parce qu’elles sont contraires au droit E______ et à la LDIP. La chambre de céans ne saurait guérir cette illégalité en ordonnant la transcription du certificat. Procéder ainsi reviendrait en outre à contourner des procédures n’entrant ni dans sa compétence territoriale ni dans sa compétence matérielle.

Il sera encore observé qu’en droit suisse, lorsqu’une des conditions de la reconnaissance de paternité fait défaut, celle-ci est nulle et doit être radiée de la banque de données de l’état civil en application des art. 42 et 43 CC (Olivier GUILLOD, in Commentaire romand – Code civil I, Pascal PICHONNAZ/Bénédict FOËX [éd.], 1ère éd., 2010, 26 ad. art. 260 CC). L’art. 43 CC enjoint même aux autorités de l’état civil de rectifier d’office les inexactitudes résultant d’une inadvertance ou d’une erreur manifestes. Ainsi, la transcription du certificat irrégulier pourrait en outre avoir pour conséquence de devoir être annulée.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2022 par M. A______ contre le la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 17 décembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de M. A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jérôme Macherel, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot
Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :