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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/723/2021

ATA/524/2022 du 17.05.2022 sur JTAPI/1240/2021 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/723/2021-ICCIFD ATA/524/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 mai 2022

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame et Monsieur A______
représentés par Cabinet fiduciaire F. Zurcher, mandataire

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 décembre 2021 (JTAPI/1240/2021)


EN FAIT

1) Pour l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD), cantonal et communal (ci-après : ICC) 2015 à 2017, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé d’office Madame et Monsieur A______, arrêtant leurs revenus imposables à CHF 32'258.- pour ICC et CHF 60'200.- pour l’IFD en 2015, CHF 35'434.- pour l’ICC et CHF 66'200.- en 2016 et CHF 45'000.- pour ICC et CHF 80'300.- pour l’IFD en 2017.

2) Par courrier du 24 mai 2019, l’AFC-GE a rappelé aux contribuables qu'ils n'avaient pas déposé leur déclaration fiscale pour l'année 2018 dans le délai utile, les invitant à le faire dans un délai dix jours.

Ces derniers n'ayant pas donné suite à cette invite, l'AFC-GE leur a demandé, par un second rappel, expédié sous pli recommandé, d'y procéder dans le délai fixé, sous peine d'être taxés d'office, attirant en outre leur attention sur le fait qu'ils s'exposeraient à une amende en cas de non-respect de cette obligation.

3) Les époux n'ayant pas déposé cette déclaration, l'AFC-GE les a taxés d'office, par bordereaux du 29 juin 2020, pour l’ICC et l’IFD 2018, arrêtant leurs revenus imposables à, respectivement, CHF 687'464.- et CHF 684'800.-. Elle leur a par ailleurs infligé une amende de CHF 1'250.- (en ICC).

4) Par courrier du 4 juillet 2020, M. et Mme A______ ont formé réclamation contre ces bordereaux.

Ils contestaient le fait que l'AFC-GE ait pris en compte dans leur revenu le montant de CHF 620'500.- résultant de la vente de leur parcelle n° 1______, « alors que sa taxation fiscale [était] à la valeur de rendement conformément à la décision de l’État de Genève lors de la vente ».

Ils ont joint un courrier que le registre foncier avait adressé à M. A______ le 2 août 2018 au sujet de la « taxation fiscale à la valeur de rendement » de leur parcelle n° 1______ ; un courrier que l’office cantonal du logement et de la planification foncière leur avait adressé le 23 février 2018, au sujet du déclassement de leur parcelle de zone agricole en zone de verdure, à teneur duquel l’État de Genève leur offrait CHF 620'500.- pour l’acquisition de ce bien, à quoi s’ajoutait une indemnité de CHF 24'820.- pour « la perte de culture » ; un courrier de leur mandataire du 27 août 2018, aux termes duquel ils acceptaient la susdite offre de l’État et un courrier de l'AFC-GE à une étude de notaires le 31 octobre 2018, l’informant qu’aucun impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (ci-après : IBGI) n’était à consigner pour la vente à l’État de ladite parcelle.

Ils n’ont pas joint leur déclaration fiscale 2018.

5) L'AFC-GE a demandé aux contribuables de lui remettre leur déclaration fiscale 2018, dûment remplie, leur impartissant un délai à cet effet, faute de quoi les taxations d’office seraient maintenues.

6) Les contribuables, qui ont reçu ce courrier recommandé, n’y ont pas donné suite.

7) Par décisions sur réclamation du 25 janvier 2021, l'AFC-GE a « maintenu » les taxations d’office, au motif que la réclamation ne répondait pas « aux exigences des moyens de preuve » prévus par la loi. Par ailleurs, les contribuables n’avaient pas déposé leur déclaration fiscale dans le délai qui leur avait été imparti dans la procédure de réclamation.

8) Par acte du 23 février 2021 et complément du 16 mars suivant, M. et Mme A______ ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant implicitement à leur annulation.

Dans leur réclamation, ils avaient fait valoir que le gain immobilier ne devait pas être soumis à l’ICC et l’IFD, puisqu’il l’avait été à l’IBGI. L'AFC-GE devait « reconsidérer » leur situation, en opérant une nouvelle taxation basée sur leur déclaration fiscale qu’ils joignaient à leur recours. Elle avait retenu un revenu imposable de CHF 687'464.- pour l’ICC et de CHF 684'800.- pour l’IFD sans préciser les éléments retenus pour fixer cette assiette. Étant donné que ces montants étaient proches de celui du gain immobilier, ils avaient conclu que ce gain en était l’élément principal. En l’absence de plus amples informations à ce sujet, ils formulaient « toute réserve sur la qualification de gain immobilier résultant d’une activité commerciale ou professionnelle ».

Ils ont joint leur déclaration fiscale 2018 dûment remplie ainsi que divers justificatifs, dont les comptes de leur exploitation agricole et le bordereau IBGI du 11 février 2019 concernant la vente de leur parcelle et indiquant que le gain y relatif (CHF 603'272.-) n’était pas soumis à cet impôt en raison de la durée de détention de ce bien (30 ans ; art. 84 al. 1 let. g de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 - LCP - D 3 05).

9) L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Au stade de la réclamation, les contribuables n’avaient pas apporté des éléments permettant d'établir le caractère manifestement inexact des taxations d'office, ni leur revenu réel.

10) Dans leur réplique, les époux ont relevé que bien qu’ils l’eussent formulée de façon « maladroite », leur réclamation du 4 juillet 2020 portait sur le fait que le gain immobilier réalisé lors de la vente de leur parcelle ne devait pas être imposé dans le cadre de leur « revenu ordinaire », puisqu’il avait déjà fait l’objet d’une taxation séparée (IBGI) en date du 11 février 2019 (selon ce bordereau, le montant de l’IBGI dû est de CHF 0.-). Contrairement à ce qu’avançait l'AFC-GE, par leur réclamation, ils avaient contesté l’imposition ordinaire de leur gain immobilier, démontrant clairement que les taxations d’office étaient arbitraires, puisqu’ils avaient reçu deux bordereaux de taxation pour le même revenu immobilier, l’un pour l’IBGI à CHF 0.- et l’autre faisant état d’un impôt de CHF 195'365.15 (ICC), respectivement CHF 75'167.15 (IFD). L’argumentation de l'AFC-GE ne pouvait pas être suivie dans la mesure où, même en l’absence de leur déclaration fiscale 2018, elle aurait pu se prononcer sur les raisons pour lesquelles elle avait soumis le gain immobilier à l’impôt sur le revenu.

Ils demandaient que l'AFC-GE déclare recevable leur réclamation contre les taxations d’office ICC et IFD 2018 et exempte le gain immobilier résultant d’une aliénation du patrimoine privé.

11) Dans sa duplique, l'AFC-GE a observé que les intéressés n’avançaient aucun argument nouveau pouvant influer sur le sort du litige et qu’ils ne produisaient aucune nouvelle pièce déterminante.

12) Par courrier du 13 octobre 2021, le TAPI a invité l'AFC-GE à lui fournir le dossier fiscal des contribuables pour les années 2015 à 2017.

13) Par jugement du 8 décembre 2021, le TAPI a admis le recours, annulé les décisions sur réclamation et renvoyé la cause à l’AFC-GE pour nouvelles décisions.

Pour la période fiscale 2017, l'AFC-GE avait fixé d’office les revenus imposables à CHF 32'258.- pour l’ICC et à CHF 60'200.- pour l’IFD. Pour l’année 2018, elle avait augmenté d’office ces revenus à CHF 687'464.- pour l’ICC et à CHF 684'800.- pour l’IFD, les bordereaux y relatifs ne comportant toutefois aucune indication expliquant cette augmentation très importante des revenus imposables.

Les époux n’avaient pas joint leur déclaration fiscale 2018 à leur réclamation, ni ne l’avaient communiquée à la demande expresse de l'AFC-GE. Ils avaient néanmoins fourni des renseignements utiles à leur taxation dans la procédure de réclamation, soit notamment des documents démontrant sans équivoque que le gain dont ils avaient bénéficié en 2018 provenait de la vente de leur parcelle agricole, précisant par ailleurs que celle-ci faisait partie de leur fortune privée. Disposant de ces renseignements et ne pouvant ignorer les montants des revenus qu’elle avait retenus d’office pour les trois périodes précédentes, ni la teneur des art. 19 al. 5 et 27 let. j de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) et 16 al. 3 et 18 al. 4 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) – selon lesquels les gains réalisés lors de l’aliénation d’immeubles agricoles, respectivement d’éléments de la fortune privée, sont exonérés d’impôt direct –, l'AFC-GE aurait pu et dû considérer, sur la base de ces seuls éléments, que la taxation d’office opérée pour l’année 2018 pourrait s’avérer manifestement inexacte et, par conséquent, entrer en matière sur la réclamation. L’irrecevabilité de celle-ci devait ainsi être annulée.

14) Par acte déposé le 13 janvier 2022 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice, l’AFC-GE a recouru contre ce jugement, dont elle a requis l’annulation.

M. A______ était agriculteur. La parcelle n° 1______ était taxée, pour les années 2012 à 2014, au titre de fortune commerciale. Ladite parcelle avait été vendue en 2018 pour la somme de CHF 645'320.-, composée du montant de CHF 620'500.- pour le terrain et de CHF 24'820.- en tant qu’indemnité pour manque à gagner d’un éventuel bail à ferme d’une durée de six ans. La vente s’était inscrite dans le cadre de la loi n° 11980 du 11 mai 2017 portant sur la construction d’une ferme urbaine pédagogique, d’une place publique, d’un espace vert public et d’un point de vente de produits agricoles. La parcelle n° 1______ – au demeurant seule concernée par le litige, la parcelle n° 2______ mentionnée par erreur par les parties concernant une division parcellaire ayant eu lieu en 2017 et ne faisant pas l’objet de la contestation – était destinée à accueillir un parc agro-urbain.

Les éléments fournis par les contribuables dans la procédure de réclamation étaient insuffisants pour démontrer que la parcelle vendue faisait partie de la fortune privée. Les annexes produites lors de la procédure de réclamation prêtaient à confusion, celles-ci mentionnant tant la parcelle n° 1______ que la parcelle n° 2______. La réclamation annonçait d’ailleurs la vente de la parcelle n° 2______. Ces éléments prêtaient à confusion et ne permettaient pas de procéder à une appréciation plus consciencieuse que celle effectuée par l’AFC-GE.

Par ailleurs, le TAPI avait dépassé ses compétences en se prononçant sur la qualification de l’opération de vente de la parcelle n° 1______, point qui ne faisait pas l’objet du litige, qui se limitait à la question de la recevabilité de la réclamation. Même à considérer que le TAPI aurait eu la compétence de qualifier l’opération de vente, celle-ci était erronée. Il ressortait du courrier du 23 février 2018 que la parcelle était encore exploitée au moment de sa vente, raison pour laquelle une indemnité de « perte de culture » avait été allouée à l’agriculteur. Le moment du passage de la fortune commerciale dans la fortune privée était celui où le contribuable manifestait de manière claire et précise sa volonté de transférer l’élément en question dans sa fortune privée. Faute d’éléments disponibles au moment de la taxation permettant de retenir un tel transfert, l’AFC-GE avait à juste titre retenu qu’aucun élément ne permettait de considérer sa taxation d’office comme manifestement inexacte.

15) Dans leur réponse, les époux ont confirmé que la parcelle concernée par la procédure portait le n° 1______. La confusion avec un autre numéro de parcelle, le n° 2______, résultait de l’erreur contenue dans le courrier du registre foncier du 2 août 2020. Cette erreur ne pouvait cependant pas porter à conséquence, étant facilement décelable par l’AFC-GE, qui pouvait de surcroît aisément vérifier ce point auprès de son service de l’enregistrement.

Par ailleurs, il ressortait de l’acte de vente produit dans le cadre de la procédure de réclamation que la parcelle faisait partie de la fortune privée de M. A______ et celle-ci ne figurait pas dans ses comptes commerciaux déposés avec sa déclaration fiscale. Ces éléments auraient dû conduire l’AFC-GE à constater que sa taxation d’office était manifestement erronée.

16) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 LIFD).

2) Est litigieux le refus d’entrer en matière sur la réclamation des contribuables.

a. En vertu de l'art. 130 LIFD, l'autorité de taxation contrôle la déclaration d'impôt et procède aux investigations nécessaires (al. 1). Elle effectue la taxation d'office sur la base d'une appréciation consciencieuse si, malgré sommation, le contribuable n'a pas satisfait à ses obligations de procédure ou que les éléments imposables ne peuvent être déterminés avec toute la précision voulue en l'absence de données suffisantes. Elle peut prendre en considération les coefficients expérimentaux, l'évolution de fortune et le train de vie du contribuable (al. 2).

La procédure de taxation d'office est soumise à des exigences de procédures strictes. En particulier, l'autorité doit procéder à la sommation du contribuable avant d'établir une pareille taxation (art. 130 al. 2 LIFD), tandis que ce dernier doit motiver sa réclamation sous peine d'irrecevabilité (art. 132 al. 3 LIFD ; ATF 123 II 552).

Le contribuable doit faire ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte (art. 126 al. 1 LIFD). Il doit ainsi remplir la formule de déclaration d'impôt de manière conforme à la vérité et complète (art. 124 al. 2 LIFD ; art. 26 al. 2 LPFisc) et fournir, sur demande de l'autorité de taxation, des renseignements oraux ou écrits, présenter ses livres comptables, les pièces justificatives et autres attestations ainsi que les pièces concernant ses relations d'affaires (art. 126 al. 1 et 2 LIFD ; art. 31 al. 1 et 2 LPFisc).

b. L'autorité de taxation procède à une taxation d'office sur la base d'une appréciation consciencieuse si, malgré sommation, le contribuable n'a pas satisfait à ses obligations de procédure ou si les éléments imposables ne peuvent être déterminés avec toute la précision voulue faute de données suffisantes. Elle se fonde sur tous les indices concluants dont elle a connaissance et peut prendre notamment en considération les coefficients expérimentaux, l'évolution de la fortune et le train de vie du contribuable, l'évolution du bénéfice net, la réalité économique, à l'exclusion des formes juridiques qui servent à éluder l'impôt (art. 130 al. 2 LIFD ; art. 37 al. 1 LPFisc).

Le contribuable qui a été taxé d'office peut déposer une réclamation contre cette taxation uniquement pour le motif qu'elle est manifestement inexacte, sa réclamation devant être motivée et indiquer les éventuels moyens de preuve (art. 132 al. 3 LIFD ; art. 48 al. 2 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14 ; art. 39 al. 2 LPFisc). L'obligation de motiver la réclamation contre une taxation d'office est une exigence formelle dont la violation entraîne l'irrecevabilité (ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_509/2015 du 2 février 2016 consid. 6.1). Le contribuable ne peut se limiter à une contestation globale ou à une contestation partielle de positions uniques, qui ne permet pas d'examiner d'emblée si la taxation d'office est manifestement inexacte. Il doit en tout cas être possible de reconnaître ce que le réclamant conteste dans la décision attaquée, par exemple le principe de la taxation d'office ou le montant de l'estimation opérée, ainsi que les arguments pertinents en fait et en droit sur lesquels il s'appuie. Ainsi, le contribuable ne doit pas se contenter de mettre en doute la taxation d'office, mais doit prouver que celle-ci ne correspond pas à la situation réelle. Si la production de la déclaration d'impôt non déposée n'est pas une condition de recevabilité de la réclamation, il appartient toutefois au réclamant de présenter les faits de manière suffisamment détaillée et de mentionner les moyens de preuve y relatifs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_372/2016 du 7 juin 2016 consid. 2.2.2 ; 2C_509/2015 précité consid. 6.1 ; 2C_292/2011 précité consid. 3.1).

La solution de l'irrecevabilité permet d'éviter qu'un contribuable qui a omis d'accomplir ses devoirs de collaboration et qui a été taxé d'office puisse entraver notablement le travail de l'administration en présentant une réclamation dénuée de toute motivation pour se défendre par la suite en produisant les documents requis au stade du recours, avec pour effet que l'autorité fiscale doive annuler la taxation d'office et recommencer une taxation ordinaire contre laquelle le contribuable pourrait élever une nouvelle contestation (ATF 123 II 552 consid. 4e ; ATA/1531/2019 du 15 octobre 2019 consid. 3b ; ATA/796/2019 du 16 octobre 2019 consid. 2b ; ATA/686/2017 du 20 juin 2017).

c. Lorsque l'autorité qui doit statuer sur réclamation n'est pas entrée en matière pour des raisons formelles, faute de motivation suffisante, l'autorité de recours doit uniquement examiner si c'est à bon droit que celle-ci a prononcé une décision d'irrecevabilité. Si tel est le cas, l'autorité de recours doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4e ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_334/2018 du 29 novembre 2018 consid. 7.1 ; 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 5.3 ; 2C_435/2018 du 24 mai 2018 consid. 6.2 ; ATA/1531/2019 du 15 octobre 2019 consid. 3b).

3) a. En l'espèce, les époux n'ont pas remis leur déclaration fiscale 2018 dans les délais, quand bien même l'AFC-GE les a dûment sommés de le faire. Le principe d'une taxation d'office doit ainsi être confirmé.

Lorsqu'ils ont élevé réclamation contre leurs bordereaux de taxation d'office, ils ont joint un courrier du registre foncier du 2 août 2018 au sujet de la « taxation fiscale à la valeur de rendement » de la parcelle n° 1______ et un courrier de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 23 février 2018 concernant le déclassement de leur parcelle de zone agricole en zone de verdure, à teneur duquel l’État de Genève leur offrait CHF 620'500.- pour l’acquisition de ce bien, à quoi s’ajoutait une indemnité de CHF 24'820.- pour « la perte de culture ». Ils ont également produit un courrier du 27 août 2018 dans lequel ils acceptaient l’offre de l’État et un courrier de l'AFC-GE du 31 octobre 2018 informant qu’aucun IBGI n’était à consigner pour la vente à l’État de ladite parcelle. L’erreur de numéro de parcelle mentionnée par les intimés était, au vu des documents produits, aisément décelable, seule cette parcelle ayant fait l’objet d’un déclassement et, par la suite, d’une aliénation en faveur de l’État de Genève.

Certes, les contribuables ont été négligents en ne fournissant pas leur déclaration fiscale, y compris au stade de la procédure de réclamation. Conformément à la jurisprudence susmentionnée, cet élément ne permet cependant pas à lui seul de retenir qu’ils auraient manqué à leur devoir de motivation accrue exigée dans la procédure de réclamation faisant suite à une taxation d’office. En effet, les pièces produites par les époux avec leur réclamation suffisaient pour non seulement conduire l’administration fiscale à s’interroger sur le bienfondé de sa taxation d’office, mais également à considérer que sa taxation d’office était manifestement erronée. Lesdites pièces font état du déclassement de la parcelle ayant servi à des fins agricoles et la vente de celle-ci au cours de l’année fiscale en question. Il était ainsi manifeste que la taxation d’office qui avait retenu au titre de revenus imposables des montants de respectivement CHF 687'464.- et CHF 684'800.- devait être revue. Cette conclusion se justifie d’autant plus que les bordereaux ne comportaient aucun détail ni aucune indication expliquant l’augmentation très importante des revenus imposables en 2018 retenue par l’autorité fiscale par rapport aux années précédentes.

Dans ces circonstances, le TAPI a considéré à bon droit que la réclamation des intimés aurait dû être déclarée recevable.

b. Par ailleurs et contrairement à ce que fait valoir la recourante, le TAPI n’a pas excédé ses compétences. Celui-ci ne s’est, en particulier, pas prononcé sur la qualification de l’opération de vente de la parcelle n° 1______. Il a uniquement retenu que l'AFC-GE aurait dû, sur la base des éléments qui lui avaient été soumis avec la réclamation, constater que la taxation d’office opérée pour l’année 2018 « pourrait » s’avérer manifestement inexacte et aurait, par conséquent, dû entrer en matière sur la réclamation, ce qu’elle n’avait pas fait.

Appelé à examiner si l’autorité fiscale était fondée à retenir que les contribuables n’avaient pas apporté d’éléments faisant apparaître la taxation d’office comme étant manifestement inexacte, le TAPI était tenu de conduire un raisonnement relatif à la pertinence des éléments fournis par les réclamants. Les juges précédents ont cependant fait preuve de la retenue nécessaire en considérant uniquement que l’autorité fiscale aurait dû constater que sa taxation pouvait être manifestement inexacte et aurait, ainsi, dû entrer en matière sur la réclamation. D’ailleurs, le renvoi du TAPI – auquel cette juridiction a au demeurant consacré un considérant entier (consid. 11) – est circonscrit au fait qu’il appartient à l’AFC-GE d’entrer en matière sur la réclamation et de la traiter au fond. Le TAPI n’a pas donné d’instruction à l’autorité fiscale quant à la qualification de l’opération de vente de la parcelle n° 1______.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

4) Malgré l’issue du litige, il n’y a pas lieu à perception d’un émolument, l’AFC-GE défendant ses propres intérêts. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux intimés, qui y ont conclu (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 janvier 2022 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 décembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Madame et Monsieur A______, solidairement entre eux, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de l’État de Genève (AFC-GE) ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, au Cabinet fiduciaire F. Zurcher, mandataire des époux A______, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :