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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3071/2021

ATA/517/2022 du 17.05.2022 sur JTAPI/160/2022 ( LCR ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3071/2021-LCR ATA/517/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 mai 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Yann Arnold, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 février 2022 (JTAPI/160/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, domicilié à Genève, est titulaire d’un permis de conduire valable pour les catégories A, A1, B, B1, F, G et M.

2) Le 5 mai 2015, son permis de conduire lui a été retiré pour une durée indéterminée, mais d’au minimum deux ans, la levée étant subordonnée à un préavis favorable du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML). Ce retrait est intervenu en raison d’un contrôle effectué alors qu’il était au volant d’une voiture, porteur d’un sachet de cocaïne de 0,7 g. brut, de 0.4 g. de résine de cannabis et transportait dans son coffre 273,90 g. de cannabis et avait refusé de se soumettre à tout test de dépistage.

3) Selon le rapport d’expertise du CURML du 18 février 2019, « malgré une appétence antérieure à la consommation de substances », les éléments à disposition du CURML ne permettaient pas de conclure à une « problématique actuelle » à cet égard rencontrée par M. A______.

4) Le 11 septembre 2020 à 00h50, ce dernier a été interpelé, en tant que piéton, par la police à Lausanne.

Selon le rapport de la police établi le même jour, M. A______ était en possession de 2.6 g. de champignons, 0.2 g. de marijuana et seize morceaux de buvard LSD. Il n’avait pas pu répondre quant à la fréquence de sa consommation au vu de son état second et avait été pris en charge par des ambulanciers.

5) Le 6 octobre 2020, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a informé M. A______ que la police avait porté à sa connaissance l’infraction commise le 11 septembre 2020. Une mesure administrative pouvait être prise. Dès lors qu’il existait un soupçon d’inaptitude à la conduite, une obligation de se soumettre à une expertise pouvait également être ordonnée.

6) Dans ses courriers des 26 octobre et 20 novembre 2020, M. A______ a exposé que le 10 septembre 2020, il s’était rendu à Lausanne pour y passer la soirée et y rejoindre une amie. Il était parti de Genève à moto vers 20h, n’avait consommé aucun stupéfiant ni alcool et avait stationné son véhicule à proximité de la gare de Lausanne. Il n’avait pas eu l’intention de reprendre le guidon de sa moto à l’issue de la soirée, mais d’aller dormir chez son amie. Il s’était rendu dans un bar en début de soirée où il avait consommé de l’alcool. Il ne se souvenait pas du nom de l’établissement. Il avait fait la connaissance de personnes qui lui avaient offert à boire. L’une d’elles avait beaucoup insisté pour lui payer des verres. À un moment donné, il avait eu le sentiment que tout devenait flou autour de lui. Avant cela, il gardait le souvenir de s’être trouvé dans un état tel qu’il lui semblait dire « oui » à tout, sans être en mesure de refuser. Avec le recul, il était convaincu d’avoir été drogué à son insu, certainement par l’une des personnes qui se trouvait dans le bar et avec laquelle il avait fait connaissance. Il avait d’ailleurs appris qu’il y avait eu plusieurs affaires similaires à Lausanne où des personnes avaient été droguées à leur insu, certainement au moyen de la drogue GHB. Sa conviction était renforcée par le fait qu’il était suivi sur le plan médical dans le cadre d’une rémission d’un cancer et qu’il ne pouvait pas se permettre des consommations excessives, au risque de prétériter sa lutte contre la maladie. Elle l’était également par la mention figurant dans le rapport de police selon laquelle il se trouvait dans un état second et que la communication était difficile. S’il était vrai qu’il consommait très occasionnellement du cannabis (marijuana à raison d’une à deux fois par mois), il ne conduisait jamais après et jamais sous l’influence de produits qui pouvaient altérer son aptitude à la conduite. Il ne consommait aucune autre drogue et était extrêmement choqué d’avoir été interpellé en possession de champignons et de LSD. Il ne pouvait l’expliquer, mais était certain qu’il n’avait pas ces substances en arrivant à Lausanne. Peut-être que quelqu’un dans le bar lui en avait proposé.

Il avait longuement réfléchi à la possibilité de déposer une plainte pénale pour avoir été drogué à son insu. Toutefois, vu le temps écoulé et l’impossibilité pour lui d’identifier l’auteur, il pensait que cette démarche n’aboutirait pas et qu’elle lui prendrait du temps qu’il préférait consacrer à la rémission de son cancer. Convaincu que quelqu’un avait profité de lui cette nuit-là, il avait cessé toute consommation d’alcool et ne fumait plus du tout de cannabis.

Il n’avait aucune dépendance, en ce sens qu’il n’avait eu aucune consommation d’alcool ou de drogue régulière ou en quantité exagérée. Il était tout à fait capable de contrôler ses consommations, étant précisé qu’il ne consommait désormais plus rien. Il ne représentait pas un risque, plus élevé que tout autre conducteur, de se mettre au volant en n’étant pas apte et en voulait pour preuve qu’il n’avait pas été contrôlé au guidon de sa moto, ni n’avait indiqué qu’il allait ou souhaitait conduire au moment du contrôle. L’état dans lequel il s’était trouvé cette nuit-là était un événement isolé dont il n’était ni fautif ni responsable.

Il demandait le classement de la procédure.

7) Par courrier du 26 novembre 2020, l’OCV a informé M. A______ qu’après examen de ses observations selon lesquelles il n’arrivait pas à expliquer le fait qu’il s’était trouvé en possession de stupéfiants, il avait décidé de suspendre son dossier jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale. Il lui appartenait dès lors de faire valoir ses moyens sur le plan pénal et de contester la sanction qui lui serait notifiée pour les faits survenus le 11 septembre 2020. Il était invité à tenir l’autorité informée des développements de cette affaire sur le plan pénal.

8) Par courriers des 11 mars et 23 juin 2021, l’OCV a relancé M. A______ au sujet de l’avancée de la procédure pénale.

9) Le 11 août 2021, M. A______ a répondu qu’il avait renoncé à déposer une plainte pénale, malgré sa conviction que quelqu’un avait profité de lui. Il persistait dans sa demande de classement, ajoutant qu’il n’avait pas reçu de bonnes nouvelles au sujet de son cancer et qu’il devait subir un lourd traitement.

10) Par décision du 3 septembre 2021, prise en application notamment de l’art. 15d de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), l’OCV a ordonné à M. A______ de se soumettre à une expertise par un médecin de niveau 4 visant à évaluer son aptitude à la conduite.

Cette décision était motivée par le fait que l’intéressé avait été interpelé par la police le 11 septembre 2020, en sa qualité de piéton, en possession de 2.6 g. de champignons, 0.2 g. de marijuana et seize morceaux de buvard LSD. Il n’avait pas pu être auditionné par la police quant à la fréquence de sa consommation au vu de son état second. Il ne pouvait justifier d’une bonne réputation, le système d’information relatif à l’admission à la circulation (ci-après : SIAC) faisant apparaitre cinq retraits du permis de conduire prononcés par décisions des 15 octobre 2004, 21 avril 2006, 4 janvier 2007, 14 avril 2009 et 5 mai 2015, la dernière mesure ayant été levée le 1er mars 2019 sur la base de l’expertise favorable du CURML. L’examen de son dossier incitait l’autorité à concevoir à nouveau des doutes quant à son aptitude à la conduite des véhicules à moteur.

Une expertise par un médecin de niveau 4 était ordonnée, et une décision serait prise lorsque les questions relatives à son aptitude auraient été élucidées ou, en cas de non soumission à l’examen, dans un délai de trois mois.

11) Par acte du 14 septembre 2021, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant au maintien de l’effet suspensif, à ce qu’un délai supplémentaire lui soit accordé pour produire des pièces, à l’annulation de la décision entreprise, au classement de la procédure et à ce qu’il soit ordonné à l’OCV de détruire le rapport de police que lui avait transmis la police lausannoise.

L’OCV avait procédé à une appréciation des faits arbitraire, disproportionnée et contraire à la loi. La dernière décision de retrait du permis de conduire avait été levée le 1er mars 2019 sur la base d’une expertise favorable du CURML. Ce dernier retrait avait eu sur lui l’effet dissuasif et éducatif escompté : il n’avait plus conduit sans disposer de l’aptitude nécessaire (pas de médicaments, d’alcool ou de stupéfiants). Depuis le 1er mars 2019, son dossier n’établissait pas le moindre écart de ce type, alors qu’il était conducteur. Le 11 septembre 2020, il n’avait pas conduit sous l’effet de substances, ayant été contrôlé en tant que piéton. À aucun moment, il n’avait été question pour lui de reprendre son véhicule ; d’ailleurs, le rapport de police ne mentionnait pas qu’il se dirigeait vers son véhicule ni qu’il aurait indiqué vouloir le conduire. Une année s’était écoulée depuis lors et son comportement n’avait donné lieu à aucun signalement. Les drogues qui avaient été retrouvées sur lui n’étaient pas des drogues dures, et il n’avait pas été contrôlé dans le cadre d’une conduite sous l’influence d’un stupéfiant ou en en transportant. L’OCV n’avait pas tenu compte de ses observations et ne les avait pas discutées.

Il s’est, en outre, référé à un reportage diffusé sur la chaîne C______, intitulé « GHB : Pas assez pris au sérieux ? – D______ » et a produit une capture d’écran du message de prévention publié le 11 août 2020 par la police municipale lausannoise sur les réseaux sociaux à la suite de plusieurs cas de suspicion d’intoxications au GHB, et un extrait Internet de la RTS relayant cette information.

12) Par courriel du 3 novembre 2021, la Préfecture de Lausanne a transmis à l’OCV, à sa demande, une copie de l’ordonnance pénale rendue à l’encontre de M. A______ en date du 18 novembre 2020 (LAU/01/20/0008225). L’intéressé avait été reconnu coupable d’infraction à l’art. 19 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) pour avoir été interpellé le 11 septembre 2020 à 0h50 à Lausanne en possession de 0.2 g. net de marijuana, 2.6 g. net de champignons et seize morceaux de buvard LSD. Il avait été condamné à une amende de CHF 200.- et à CHF 60.- de frais.

13) L’OCV a conclu au rejet du recours.

Les faits survenus le 11 septembre 2020 et les antécédents de l’intéressé incitaient l’autorité à concevoir des doutes sur son aptitude à la conduite et l’expertise d’aptitude ordonnée serait à même de résoudre cette question.

14) Dans sa réplique, M. A______ a sollicité un délai supplémentaire pour communiquer des pièces concernant son état de santé.

Il ne remplissait aucune des situations visées par la loi. Il n’avait en particulier pas conduit sous l’emprise de stupéfiants, ni transporté de drogues dures. Les substances qui avaient été trouvées en sa possession le 11 septembre 2020 étaient, pour deux d’entre elles, des hallucinogènes. Au moment des faits et ultérieurement, il avait déclaré ne pas consommer de drogues, hormis du cannabis, et donc pas d’hallucinogènes. La fréquence de sa consommation de cannabis (une à deux fois par mois) était nettement en deçà d’une consommation dite habituelle (supérieure à 2x/semaine). Il avait été drogué à son insu et s’était ainsi retrouvé en possession de ces substances. Le fait d’être drogué à son insu reflétait une triste et effrayante réalité des plus préoccupantes, comme en témoignaient deux articles du média « 20 minutes » parus les 5 et 19 novembre 2021 et consacrés à cette problématique.

Il convenait de retenir, sous l’angle de la vraisemblance, sa version des faits, ce d’autant plus que son dossier ne faisait aucunement état d’une consommation d’hallucinogènes et que son état de santé n’était pas de nature à inciter une telle consommation. Il s’agissait donc bien d’un événement isolé et, dans tous les cas, d’une consommation, non habituelle, dite de « drogue douce », sans lien avec la circulation routière. Dans ces circonstances, d’éventuels doutes quant à son aptitude à la conduite n’étaient pas suffisants pour justifier la mesure querellée.

15) Le 17 décembre 2021, dans le délai imparti à cet effet, M. A______ a produit un certificat médical établi par le Dr B______, oncologue, le 17 décembre 2021, indiquant que l’intéressé souffrait d’un mélanome nodulaire du vertex de stade IIB, BRAF V600E muté, diagnostiqué en janvier 2019, en rechute métastatique pulmonaire et ganglionnaire en juillet 2021. Il avait débuté une immunothérapie par Ipilimumab 3mg/kg et Nivolumab 1mg/kg depuis le 7 juillet 2021. Le cancer et le traitement n’avaient pas d’impact sur l’aptitude à la conduite, qui était alors normale.

16) Par jugement du 22 février 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Compte tenu des antécédents de l’intéressé et de sa consommation – même occasionnelle – de cannabis, les soupçons émis par l’OCV quant à l’inaptitude à la conduite de ce dernier apparaissaient fondés. L’obligation de se soumettre à une expertise d’aptitude avant qu’une décision finale ne soit prise était ainsi justifiée.

17) Par acte expédié le 28 mars 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu à ce qu’il soit constaté que les conditions pour ordonner une expertise d’aptitude n’étaient pas remplies.

Il a repris les arguments déjà avancés, exposant qu’il avait été interpellé alors qu’il était piéton et n’avait pas eu l’intention de reprendre le volant. Il n’était pas clair de savoir si la décision querellée tenait compte des motifs pour lesquels il avait renoncé à déposer plainte pénale ; en tout cas, ses arguments à cet égard n’avaient pas été discutés. Le jour de son interpellation, il n’avait adopté aucun comportement permettant de conclure qu’il aurait eu l’intention de se remettre au guidon de sa moto alors qu’il était sous l’influence de la drogue qui lui avait été administrée. Le TAPI n’avait pas pris en compte son bon comportement depuis le 1er mars 2019 ni que sa consommation de cannabis était occasionnelle.

18) L’OCV a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler.

19) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieuse la décision ordonnant au recourant de se soumettre à un examen d’aptitude à la conduite.

a. Selon l'art. 14 al. 1 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l'aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite. Il doit notamment disposer des aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (art. 14 al. 2 let. b LCR) et ne souffrir d'aucune dépendance l'en empêchant (at. 14 al. 2 let. c LCR).

Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (Message du Conseil fédéral du 20 octobre 2010 concernant Via sicura [ci-après : le Message], FF 2010 7755). Un examen d'aptitude est en particulier ordonné en cas de conduite sous l'emprise de stupéfiants ou de transport de stupéfiants qui altèrent fortement la capacité de conduire ou présentent un potentiel de dépendance élevé (art. 15d al. 1 let. b LCR).

S’agissant des situations ne concernant pas les cas listés d’expertise obligatoire (art. 15d al. 1 1ère phr. LCR), une clarification de l’aptitude ne doit être ordonnée, selon la jurisprudence, qu’« en présence d’indices suffisants pour que se pose la question de l’aptitude à conduire » (art. 11b al. 1 de l'ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 - OAC - RS 741.51), en d’autres termes, pour l’alcool et les drogues, s’il existe des raisons valables d’envisager un comportement addictif réellement pertinent pour la conduite automobile (arrêt du Tribunal fédéral 1C_569/2018 du 19 mars 2019 consid. 3.2 ; « Le nouveau Guide Aptitude à la conduite du 27 novembre 2020 : texte et contexte », Cédric MIZEL, in Circulation routière 3/2021, 2021, p. 30).

b. La décision de retrait de sécurité du permis pour cause d'inaptitude à la conduite constitue une atteinte grave à la sphère privée de l'intéressé ; elle doit donc reposer sur une instruction précise des circonstances déterminantes, le pronostic devant être posé sur la base des antécédents du conducteur et de sa situation personnelle (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 133 II 284 consid. 3.1 ; 125 II 492 consid. 2a). L'autorité compétente doit ainsi, avant d'ordonner un tel retrait, éclaircir d'office la situation de la personne concernée. En particulier, elle doit examiner l'incidence de la toxicomanie sur son comportement comme conducteur ainsi que le degré de la dépendance. En cas de doute, il y a lieu d'ordonner un examen médical (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1), l'intérêt public lié à la sécurité routière commandant en effet que l'on procède à un examen approfondi à chaque fois qu'il existe suffisamment d'éléments pour faire naître un doute au sujet de l'aptitude à la conduite (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.3 ; 1C_282/2007 du 13 février 2008 consid. 2.4).

Un tel doute peut reposer sur de simples indices, en particulier lorsqu'il en va d'une dépendance en matière de produits stupéfiants (arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 précité consid. 3.1). L'opportunité d'une expertise médicale varie en fonction des circonstances et relève du pouvoir d'appréciation de l'autorité cantonale appelée à se prononcer sur le retrait (ATF 129 II 82 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 précité consid. 3.1). En cas de soupçon de dépendance à une drogue, l'autorité de retrait doit soumettre l'intéressé à une expertise médicale ; elle ne peut y renoncer qu'exceptionnellement, par exemple en cas de toxicomanie grave et manifeste (ATF 129 II 82 consid. 2.2 ; 127 II 122 consid. 3b).

c. Alors que l’ouverture d’une expertise peut être ordonnée en présence d’indices suffisants pour que se pose la question de l’aptitude à conduire (art. 11b al. 1 let. a OAC), une décision de retrait préventif du permis de conduire suppose, quant à elle, l’existence de doute sérieux sur l’aptitude de conduire de l’intéressé (art. 30 OAC), en particulier en présence d’indices concrets d’une dépendance à l’alcool. À l’inverse, une clarification de l’aptitude intervient généralement sans retrait préventif lorsqu’il n’existe pas de danger immédiat pour la circulation routière (arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.4.2 et les références citées).

d. En l’espèce, le recourant a fait l'objet d'un contrôle de police, alors qu'il était piéton. Il n'était pas au volant d'un véhicule. Sa consommation n'étant alors pas en lien direct avec la circulation routière, une mesure n'était pas automatique.

Cependant, il se trouvait dans un état second et était en possession de 2.6 g. de champignons, 0.2 g. de marijuana et seize morceaux de buvard LSD. En raison de son état, il n’a pas pu indiquer la fréquence de sa consommation de cannabis et dû être pris en charge par des ambulanciers. Il soutient avoir été drogué par un inconnu dans un bar, qui lui aurait, en outre, remis les stupéfiants précités. Cette allégation n’est toutefois pas rendue vraisemblable. La description que le recourant fait des évènements est très vague et floue ; il ne cite ni le nom ni la localisation du bar en question ni ne décrit la ou les personnes qui l’auraient approché. Par ailleurs, il ne soutient pas avoir contesté l’ordonnance pénale du Ministère public vaudois du 18 novembre 2020 qui l’a condamné en raison de la possession, le 11 septembre 2020, des stupéfiants précités. Son allégation selon laquelle il serait entré en possession de ces substances après avoir été drogué à son insu ne peut donc pas être retenue comme vraisemblable, étant relevé que les motifs pour lesquels il a renoncé à porter plainte pénale contre inconnu ne sont, contrairement à ce qu’il fait valoir, pas pertinents à cet égard.

Par ailleurs, il reconnaît être un consommateur occasionnel de cannabis. Il a, en outre, déjà été dénoncé à cinq reprises dans le canton de Vaud entre février 2004 et février 2015 pour infraction à la LCR et, en 2015, également à la LStup. À la suite du rapport de police de février 2015 retenant qu’il transportait des stupéfiants dans son véhicule et en était porteur, son permis de conduire avait été retiré et ne lui a été restitué qu’après que le CURML a constaté, en 2019, son aptitude à la conduite.

Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, l’OCV était fondé à retenir la présence d'indices suffisants permettant de douter de l’aptitude à la conduite du recourant justifiant que celle-ci soit examinée au moyen d’une expertise.

Le recourant n’a, certes, plus commis d’infractions à la LCR depuis qu’il a récupéré son permis de conduire le 1er mars 2019. Cet élément ainsi que le fait qu’il ne consomme, selon ses dires, du cannabis qu’à raison de deux fois par mois, ne permettent cependant pas de lever les doutes quant à son aptitude à la conduite. Tant ses antécédents que les stupéfiants trouvés sur lui le 11 septembre 2020 et le fait qu’il soit consommateur de cannabis conduisent à éprouver des doutes suffisants sur son aptitude à la conduite.

L'intérêt public prépondérant à la protection des usagers de la route prévaut sur l'intérêt privé du recourant à continuer sa consommation de cannabis, voire d’autres substances psychotropes, sans vérifier les effets de celle-ci sur son aptitude à la conduite. Cette mesure n'apparaît pas disproportionnée, dès lors que le permis de conduire ne lui a pas été retiré et que l’examen médical est apte à lever tout doute sur l'aptitude de l'intéressé à conduire ; aucun autre moyen moins incisif ne permet de l’évaluer.

L’OCV n’a ainsi pas violé la loi ni excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation en ordonnant la mise en œuvre d’une expertise d’aptitude à la conduite.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3) Malgré l'issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument, le recourant plaidant au bénéfice de l’assistance juridique. Il n’y a pas lieu à l’allocation d’une indemnité de procédure, le recourant succombant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 mars 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 février 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yann Arnold, avocat du recourant, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'office cantonal des véhicules.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :