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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2397/2020

ATA/1289/2021 du 23.11.2021 sur JTAPI/292/2021 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 06.01.2022, rendu le 16.03.2022, ADMIS, 2C_12/2022
Descripteurs : FORTUNE MOBILIÈRE;FORTUNE PRIVÉE;REVENU DE LA FORTUNE MOBILIÈRE(DROIT FISCAL)
Normes : LIFD.20.al1.letc; aLIPP-IV.6.letc
Résumé : Rejet du recours contre la confirmation d’un cas de transposition pour le transfert des actions d’une société sise à Genève et faisant partie de la fortune privée du contribuable, vers une société de capital sise à l’étranger, détenue à 50 % par le contribuable et son épouse à travers une troisième société domiciliée dans les Iles Vierges Britanniques. Rendement de la fortune mobilière du recourant imposable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2397/2020-ICCIFD ATA/1289/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 novembre 2021

4ème section

 

dans la cause

 

Mme et M. A______
représentés par Me Frédéric Vuilleumier et Laïla Rochat, avocats

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mars 2021 (JTAPI/292/2021)


EN FAIT

1) Mme et M. A______ étaient domiciliés à Genève en 2006 et ce, jusqu’au 31 décembre 2012 pour l’époux et au 30 juin 2013 pour l’épouse, quittant alors la Suisse pour l’étranger.

2) M. A______ détenait, dans sa fortune privée, toutes les actions de la société B______ SA (ci-après : B______), ayant son siège à Genève. La valeur nominale totale desdites actions était de CHF 100'000.- (soit cent actions d’une valeur nominale de CHF 1'000.- chacune). Il était l’administrateur président de cette société, avec signature individuelle depuis sa création en juillet 2002 jusqu’en juin 2010, puis avec signature collective à deux de juin 2010 à septembre 2011.

3) Les époux A______ étaient, chacun à hauteur de 50 %, actionnaires de la société C______ Limited (ci-après : C______), domiciliée aux Îles Vierges Britanniques.

4) M. A______ était, de novembre 2005 à septembre 2011, l’administrateur président, avec signature collective à deux, de la société D______ Ltd
(ci-après : D______), inscrite en février 2005 au registre du commerce du canton de Genève et y ayant son siège.

5) Le 31 août 2006, M. A______ a conclu, à Genève, un protocole d’accord (« Heads of Agreement ») avec la société E______, appartenant au groupe F______, au sujet de la vente de 50 % des actions de B______.

Selon la structure de l’achat convenue, la société G______ BV (ci-après : G______), entièrement détenue par la société néerlandaise H______ BV (ci-après : H______), achetait toutes les actions de B______ pour un montant équivalent à USD 80 millions. Immédiatement après cet achat, M. A______, ou une entreprise détenue par lui, achetait 50 % des actions de G______ pour un montant représentant la moitié de la somme précitée. M. A______ et H______ devenaient actionnaires de G______ et de B______ suivant des modalités précisées dans ledit protocole.

6) Le 3 octobre 2006 ont été signées deux conventions d’achat d’actions, l’une entre la société néerlandaise I______ BV (ci-après : I______) et M. A______, et l’autre entre H______ et C______, représentée par M. A______.

a. M. A______ a vendu l’intégralité des actions de B______ à I______ pour un montant de USD 80 millions (soit CHF 99'828'784.-).

b. H______ a vendu la moitié des actions de I______, qui possédait toutes les actions de B______, à C______ pour un montant de USD 40 millions sous déduction du 50 % des liquidités de B______, afin que le capital-actions de I______ soit détenu à 50 % par H______ et à 50 % par C______.

7) Le même jour, H______ et C______, représentée par M. A______, ont signé deux autres accords.

a. Dans un document intitulé « Supplement to the share purchase agreement », elles ont précisé le montant de la déduction susmentionnée
(soit USD 13'277'218.95) et celui de l’achat des actions de B______ par C______ fixé à USD 26'722'781.05 (soit CHF 32'620'499.-).

b. Dans un acte dénommé « Shareholders’ agreement of [I______] and [B______] » (ci-après : la convention d’actionnaires), elles ont défini le rôle de M. A______, désigné président du conseil d’administration et directeur général (« managing director ») de B______, renvoyant pour le détail de cette deuxième fonction à un contrat régissant la relation entre M. A______ et B______ (« employment contract »). Selon ce contrat, datant aussi du 3 octobre 2006, annexé à la convention d’actionnaires, M. A______ devenait le directeur général de B______ pendant cinq ans avec, comme lieu de travail, Genève. I______ et B______ devaient chacune avoir quatre membres dans leur conseil d’administration (« Board of Directors »), soit deux désignés par C______ et deux désignés par H______.

La convention d’actionnaires faisait également référence à un autre accord entre H______ et B______ concernant la fourniture de services de conseils par B______ à H______ à travers M. A______. À cet égard,
le 3 octobre 2006, B______, représentée par M. A______, et D______, toutes deux domiciliées à la même adresse genevoise, ont signé un accord intitulé « Consulting agreement ». À teneur de cet accord, M. A______, directeur général de B______ pendant cinq ans, fournirait à D______ les services de conseils attribués à B______, les dépenses y relatives devant être adressées à D______. Cet accord durerait aussi longtemps que M. A______ était le directeur général de B______.

La convention mentionnait l’adresse de D______ à Genève pour toute communication devant être faite à H______, tandis qu’elle désignait l’adresse d’un mandataire genevois pour celles à transmettre à C______.

8) En juillet 2008, H______ et M. A______ ont modifié la structure de B______ de manière à ce que les actions de B______ soient détenues, de manière indirecte, par H______ à hauteur de 49 % et par C______ à concurrence de 51 %. Ce fait ressort de la pièce 59 de l’autorité intimée ainsi que de la sentence arbitrale de février 2016 concernant un litige opposant H______ d’une part, à C______ et M. A______ d’autre part, produite par les contribuables en première instance sous pièce 7 (p. 14, ch. 23).

9) Le 27 janvier 2010, C______, représentée par M. A______, a vendu à H______ toutes ses actions de I______, représentant 51 % du capital-actions de celle-ci, au prix de USD 190,9 millions (soit CHF 177'936'554.-).

L’acte de vente précisait que I______ détenait toutes les actions de B______. Le but de l’accord était que H______ devienne, à travers I______, la seule propriétaire indirecte de B______. Le montant de USD 190,9 millions se composait de trois éléments, à savoir le prix d’achat (USD 151,8 millions), le profit anticipé (USD 32,6 millions) et le bonus pour perte (USD 6,5 millions). Les deux premières sommes devaient être payées à C______, tandis que la troisième devait l’être à M. A______, selon les termes dudit accord.

L’acte indiquait que les communications concernant I______ et H______ devaient être faites auprès de E______, à Oslo (Norvège), tandis que celles pour C______ devaient l’être auprès du même mandataire genevois que celui de la convention d’actionnaires de 2006.

10) Le 19 février 2014, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a informé les époux A______ de l’ouverture d’une procédure en rappel d’impôt et soustraction pour les années 2004 à 2010 et d’une procédure en tentative de soustraction pour les années 2011 et 2012. Il semblait que des éléments de revenus et de fortune n’avaient pas été déclarés entre 2004 et 2012. Elle leur a demandé plusieurs pièces concernant notamment C______ dont les titres n’avaient jamais été déclarés dans leur déclaration fiscale.

11) Le 18 décembre 2018, l’AFC a informé les contribuables que les procédures susmentionnées étaient terminées. Elle leur a notifié les bordereaux d’impôts correspondants pour l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) des années 2005 à 2012.

Pour le rappel d’impôt ICC et IFD 2006, un montant de CHF 66'332'500.- était repris à titre de revenu mobilier en raison de la requalification du gain en capital après la vente de 50 % de B______, vu la détention de C______.

12) Le 28 mai 2020, l’AFC a informé les contribuables que le rappel d’impôt ICC et IFD 2006 serait modifié en leur défaveur. La requalification précitée devait être augmentée car l’ensemble du produit de vente devait être repris. Ainsi, serait retenu, à titre de revenu mobilier pour 2006, un montant de CHF 99'728'800.- en lieu et place de celui de CHF 66'332'500.-.

13) Le 9 juin 2020, les intéressés ont persisté à contester l’existence d’un cas de transposition en 2006. Toutes les actions de B______ avaient été, dans un premier temps, vendues par M. A______ à I______, entièrement détenue par H______ qui était alors un « pur tiers ». Il s’agissait ainsi d’une vente à un tiers et non d’une transposition. Par la suite, H______ avait vendu la moitié de I______ à M. A______ à travers C______, ce qui avait abouti à une détention, doublement indirecte, de la moitié de B______. Une éventuelle transposition ne pouvait concerner que 50 % du capital de B______, et non son intégralité.

14) Le 13 juillet 2020, l’AFC a rendu une décision sur réclamation des contribuables contre les bordereaux d’impôts. En particulier, elle a décidé de modifier en leur défaveur les bordereaux en rappel d’impôts ICC et IFD 2006, après les avoir entendus à ce sujet.

La vente de tout le capital-actions de B______ à I______ le 3 octobre 2006 et l’acquisition simultanée, à cette même date, des actions de I______ par C______, entièrement détenue par les époux A______, constituait une transposition au sens de la jurisprudence alors applicable. À la suite de la vente des actions de B______, détenues dans la fortune privée de M. A______ et vendues à une valeur supérieure à leur valeur nominale, le contribuable, avec son épouse, détenait indirectement au moins 50 % de la société ayant acquis les actions, à savoir I______.

Ainsi, le gain réalisé lors de la vente des actions de B______ représentait un rendement de participations imposable s’élevant à CHF 99'728'800.-. Cette valeur résultait de la soustraction de la valeur nominale totale des actions de B______ (CHF 100'000.-) au prix de vente des actions de cette société, arrondi à CHF 99'828'800.-.

Après la vente, la société B______ restait indirectement dominée par le contribuable. Cette volonté existait préalablement à la vente de ses actions. Les différentes transactions réalisées le même jour ne formaient qu’une seule opération, ce qui ressortait notamment du protocole d’accord. La vente des actions de B______ et l’achat des actions de I______ par M. A______ ne pouvaient être considérés comme étant des transactions séparées devant être examinées de manière isolée. L’argument d’une vente à un tiers suivie d’une double restructuration était aussi rejeté. M. A______, qui détenait les actions de B______ dans sa fortune privée, avait vendu tout le capital de cette société à une société qu’il contrôlait indirectement pour un montant supérieur à leur valeur nominale. Le revenu de CHF 99'728'800.- devait être repris à titre de rendement de la fortune mobilière.

15) Par jugement du 22 mars 2021, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a partiellement admis le recours des contribuables contre la décision sur réclamation et annulé certaines reprises d’impôt non déterminantes pour l’issue du présent litige.

Il a rejeté le recours concernant le cas de transposition dont toutes les conditions étaient réalisées dans le cas d’espèce. Ayant acquis avec son épouse par le biais de C______ le 50 % de I______, société acquéreuse des actions de B______, soumise au régime de la valeur comptable, le contribuable était en mesure de contrôler I______. Il avait reçu, pour la cession de ses actions B______, une contre-prestation financière supérieure à leur valeur nominale. La transaction n’avait pas eu lieu avec un « pur tiers » puisque le contribuable avait été administrateur président de D______, une société du groupe F______, de novembre 2005 à septembre 2011.

16) Par acte mis à la poste le 21 avril 2021, les contribuables ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, uniquement au sujet du cas de transposition reconnu pour les transactions intervenues en 2006 en concluant à son annulation sur ce point. Subsidiairement et pour le cas où la transposition devait être admise, ils ont conclu à une reprise au titre du revenu ICC et IFD pour 2006 d’une valeur maximale de USD 31'966'332, soit CHF 39'850'000.-.

Ils contestaient l’existence d’un cas de transposition pour les opérations du 3 octobre 2006. Le TAPI avait, à tort, inversé l’ordre de ces dernières, en considérant que C______ avait acquis la moitié de I______ avant la vente des actions de B______ par M. A______ à cette dernière. En outre, M. A______ n’avait pas le contrôle de I______, même après l’acquisition de la moitié de celle-ci par C______ qui possédait 50 % de I______, car il ne pouvait détenir à ce moment-là qu’indirectement 25 % de I______, soit une participation inférieure au 50 % exigé par la législation fédérale. La part de 50 % détenue par Mme A______ dans C______ ne pouvait être prise en compte pour attribuer à son époux le contrôle sur I______, car l’épouse ne possédait aucune action de B______.

Ils soutenaient, dans le cadre d’une analyse séparée de chacune des opérations susmentionnées, qu’au début de la transaction de vente, le groupe F______, H______ et I______ étaient des tiers par rapport à B______ et à M. A______. Dès lors, la vente des actions de B______ par ce dernier à H______ était une transaction avec un tiers, et non avec soi-même. L’étape suivante de vente du 50 % de I______ à M. A______, à travers C______, ne pouvait pas être qualifiée de transposition, dans la mesure où « le vendeur » n’était pas une personne physique domiciliée en Suisse. Il n’y avait pas de passage de la fortune privée à la fortune commerciale. Il s’agissait aussi d’une transaction entre tiers. Même dans l’hypothèse d’une opération (économique) unique, la vente de 50 % des actions de B______ à I______ par M. A______ devait être qualifiée de vente à un tiers, et non à soi-même. Pour l’autre moitié de B______, il s’agissait d’une « restructuration » afin que M. A______ ne la détienne que de manière « doublement indirecte », à savoir par le biais de C______ et de I______.

En échange du 50 % de B______ vendu à I______, M. A______ avait obtenu le montant de USD 53'277'218.95, à savoir le prix de vente total de USD 80 millions duquel était déduite la somme de USD 26'722'781.05 payée par M. A______ à travers C______. Ce montant était « cohérent » avec celui de USD 40 millions mentionné dans le protocole d’accord du 31 août 2006, auquel il fallait ajouter les liquidités de B______ au moment de la transaction.

Concernant la participation restante de 50 % de B______, indirectement détenue par M. A______, elle ne constituait pas un cas de transposition dans la mesure où l’une des quatre conditions cumulatives faisait défaut, à savoir celle d’une contre-prestation supérieure à la valeur nominale de la participation transférée. M. A______ n’avait, dans le cadre de cette « restructuration », reçu aucune liquidité, ni aucune créance (que ce soit créance d’actionnaire et/ou capital) dans les sociétés intermédiaires de I______ et de C______. Cette « restructuration (double détention indirecte) » n’était pas un cas de transposition au motif que les réserves ouvertes et latentes existantes dans B______ au moment de l’opération n’avaient pas été transformées en substance non imposable, que ce soit au niveau de I______ ou de C______. Ces réserves étaient ainsi toujours sujettes à imposition et ne pouvaient être « remontées » auprès de ces deux sociétés et de M. A______ en franchise d’impôt. En conséquence, il n’y avait in casu pas de réalisation d’un dividende imposable.

Si une transposition devait être retenue, elle ne pouvait porter que sur le montant maximum de USD 31'966'332.- (à convertir en CHF), et non sur celui retenu par l’AFC et le TAPI de CHF 99'728'800.-. Le montant de USD 31'966'332.- correspondait au rendement réalisé par le contribuable, soit la somme susmentionnée finalement obtenue pour l’opération (à savoir USD 53'277'218.95) qui serait soumise à une imposition partielle à hauteur de 60 % en vertu des art. 20 al. 1bis de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 22 al. 2 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) dans leurs teneurs applicables en 2006 (60 % de USD 53'277'218.95 = USD 31'966'331.30).

17) L’AFC a conclu au rejet du recours.

18) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) S'agissant du droit applicable, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêt du Tribunal fédéral 2A.568/1998 du 31 janvier 2000 ; ATA/724/2012 du 30 octobre 2012 consid. 4a ; ATA/877/2004 du 9 novembre 2004). En l'espèce, l'IFD est soumis à la LIFD dans sa version en vigueur en 2006, tandis que l'ICC de 2006 est régi par l'ancienne loi genevoise sur l'imposition des personnes physiques du 22 septembre 2000 (aLIPP), divisée en quatre parties (LIPP-I, LIPP-II, LIPP-III et LIPP-IV). Trouve en particulier application la loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV).

Il convient d’emblée de préciser que l’imposition à hauteur de 60 % invoquée par les recourants ne peut pas entrer en ligne de compte dans le présent cas, car elle n’était pas prévue en 2006 par les législations topiques précitées. Cette imposition partielle a été introduite le 1er janvier 2009 aux art. 20
al. 1bis LIFD et 6 al. 2 aLIPP-IV. Par conséquent, cette conclusion sera rejetée.

3) Le présent litige porte sur la question de savoir si les opérations susmentionnées liées à la vente des actions de B______ en octobre 2006 constituent un cas de transposition, imposable, au sens des art. 20 al. 1 let. c LIFD et 6 let. c aLIPP-IV.

a. Tant l'art. 20 al. 1 let. c LIFD que l'art. 6 let. c aLIPP-IV disposent que les dividendes, les parts de bénéfice, l'excédent de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre (comme par exemple les actions gratuites, les augmentations gratuites de la valeur nominale) sont imposables en tant que rendement de la fortune mobilière.

Ces deux dispositions ont été précisées par le nouvel art. 20a LIFD dès le 1er janvier 2007 et par l'art. 23 de la nouvelle loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - RS D 3 08) dès le 1er janvier 2010. Selon l'art. 20a al. 1 let. b LIFD et l'art. 23 al. 1 let. b LIPP, est considéré comme rendement de la fortune mobilière, le produit du transfert d’une participation d’au moins 5 % au capital-actions ou au capital social d’une société de capitaux ou d’une société coopérative représentant un transfert de la fortune privée à la fortune commerciale d’une entreprise de personnes ou d’une personne morale dans laquelle le vendeur ou la personne qui effectue l’apport détient une participation d’au moins 50 % au capital après le transfert, dans la mesure où le total de la contre-prestation reçue est supérieur à la valeur nominale de la participation transférée ; il en va de même lorsque plusieurs participants effectuent le transfert en commun. Ces nouvelles normes ne sont pas applicables au présent cas pour des raisons temporelles. Elles illustrent cependant l'aboutissement législatif de la réglementation de la problématique de la transposition et codifient en grande partie la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATA/724/2012 du 30 octobre 2012 consid. 4b et les références citées).

b. L'art. 20 al. 1 let. c LIFD est une norme fiscale avec des points de rattachement économiques, qui doit être interprétée selon une appréciation économique. L'appréciation économique des faits ne dépend pas dans cette hypothèse de la réalisation des conditions d'une évasion fiscale (ATF 115 Ib 238 ; 115 Ib 249 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_879/2008 du 20 avril 2009 ; 2A.53/2000 du 15 août 2000 publié in RDAF 2001 II 240).

Selon la jurisprudence, l’apport, par un actionnaire, d’actions appartenant à sa fortune privée à une société qu’il domine, en échange d’actions ou d’une créance dont la valeur nominale excède celle des titres apportés, constitue un rendement de participation imposable, et non un gain en capital franc d'impôt. En effet, un tel transfert d'actions ne doit pas être considéré comme une aliénation par laquelle l'actionnaire obtiendrait un gain en capital privé. Par cette opération, l'actionnaire n'abandonne pas son pouvoir de disposition du point de vue économique ; il le garde sous la forme de sa participation dans la société qui a acquis les actions. Comme le remboursement du capital social (à sa valeur nominale) ou celui d'un prêt ne constitue pas un revenu imposable de l'actionnaire, la charge fiscale latente sur les répartitions de bénéfices est éliminée. Il y a alors une « transposition ». La société cessionnaire accorde par conséquent à l'actionnaire une prestation appréciable en argent imposable selon l'art. 20 al. 1 let. c LIFD (ATF 115 Ib 238 ; 101 Ib 44 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_879/2008 du 20 avril 2009 ; 2P.140/2004 du 9 décembre 2004 ; 2A.331/2003 du 11 juin 2004 ; 2A.53/2000 du 15 août 2000). Ce même raisonnement s'applique à l'art. 6 let. c aLIPP-IV, dont le contenu est identique à l'art. 20 al. 1 let. c LIFD (ATA/724/2012 du 30 octobre 2012 consid. 4c).

La transposition est soumise à quatre conditions cumulatives : 1) le vendeur détient des titres de participation dans sa fortune privée (principe de la valeur nominale) qu’il cède à la société acquéreuse soumise au régime de la valeur comptable ; 2) le vendeur doit contrôler la société acquéreuse de manière à pouvoir influer sur la politique de distribution de dividendes ; 3) les actions doivent être cédées à une valeur supérieure à leur valeur nominale ; 4) le vendeur reçoit, en contrepartie de son apport, du capital social nominal ou un prêt à l'encontre de la société acquéreuse. Ainsi, les biens sur lesquels existe une imposition latente (réserves ouvertes ou latentes de la société dont les titres ont été apportés) sont transposés en valeurs exonérées (remboursement du capital ou de la dette de la nouvelle société en franchise d'impôt ; ATA/561/2018 du 5 juin 2018 consid. 5e ; ATA/724/2012 du 30 octobre 2012 consid. 4c et les références citées).

c. En matière fiscale, les règles générales relatives à la répartition du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 CC, destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, impliquent que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; 144 II 427 consid. 8.3.1 ; 140 II 248 consid. 3.5 ; 133 II 153 consid. 4.3).

  En matière de prestation appréciable en argent effectuée par une société à son détenteur de parts ou à un proche, le Tribunal fédéral a retenu que, si le détenteur de parts est en même temps organe de la société et/ou actionnaire ou associé majoritaire, c'est à lui qu'il incombe de contester dans les détails la nature et le montant de la prestation appréciable en argent alléguée par l'autorité fiscale. S'il ne le fait pas, ou s'il se limite à exposer des généralités, une reprise dans son chef est également justifiée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1006/2020 du 20 octobre 2021 consid. 5.2 et les références citées ; 2C_16/2015 du 6 août 2015 consid. 2.5.5 à 2.5.8). 

d. En l’espèce, il est admis que, par la vente des actions de B______ en octobre 2006, celles-ci sont passées de la fortune privée de M. A______ à la fortune commerciale de I______, une société de capital (à l’instar de H______ et C______), et ce pour une valeur supérieure à leur valeur nominale qui était de CHF 100'000.-. En effet, le recourant reconnaît avoir, à tout le moins, obtenu, en échange de la moitié des actions de B______, le montant de USD 53'277'218.95 qui correspondrait, selon lui, à la différence entre le prix de vente fixé à USD 80 millions et la somme de USD 26'722'781.05 qu’il aurait payée, à travers C______, à H______ pour l’acquisition de la moitié du capital-actions de I______. Il détient ainsi, en tout cas depuis le même jour que le transfert des actions de B______, soit le 3 octobre 2006, une participation d’au moins 50 % dans I______. Le fait que le montant précité puisse correspondre à la moitié du prix total convenu pour la vente des actions de B______ n’est pas déterminant vu les liens étroits entre les sociétés du groupe F______ et M. A______. Celui-ci conserve un rôle décisif dans la conduite de B______, même après son transfert à I______, comme le démontrent les différents accords susmentionnés datant du 3 octobre 2006. Ainsi, trois des quatre conditions cumulatives précitées sont en l’espèce réunies.

Il reste à examiner si M. A______ conserve le contrôle dans la société acquéreuse de manière à pouvoir influer sur la politique de distribution de dividendes, étant rappelé que les art. 20a al. 1 let. b LIFD et 23 al. 1 let. b LIPP – non applicables in casu mais codifiant la jurisprudence fédérale – exigent la détention d’une participation d’au moins 50 % au capital après le transfert. Quoi qu’en disent les recourants, l’opération, bien que décomposée juridiquement en deux temps, représente, d’un point de vue économique, une seule transaction. Ses deux étapes sont non seulement intervenues le même jour, mais sont en outre indissociables l’une de l’autre, comme cela découle clairement des termes « Immediately following this purchase [immédiatement après cet achat] » du point 2.b du protocole d’accord ainsi que de la raison d’être de ce dernier. En effet, par cet engagement, M. A______ s’assure de ne pas perdre le contrôle sur B______, lors de sa transaction avec les sociétés du groupe F______. Cette volonté de conserver une influence déterminante dans la conduite de B______ après le transfert de ses actions à I______ est, d’une part, confirmée par le rôle prépondérant que M. A______ se voit attribuer par les différents accords convenus en octobre 2006, à travers les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général de B______ ainsi que de conseiller pour H______ concernant l’activité de cette société. Il est parvenu à occuper ces fonctions alors qu’il détenait la moitié des actions de I______ jusqu’en juillet 2008 où il a acquis 51 % du capital-actions de cette société. M. A______ a gardé ainsi la mainmise sur l’activité commerciale de B______ malgré le transfert des actions d’octobre 2006. D’autre part, en obtenant la moitié du capital-actions de I______ à travers C______ que le contribuable reconnaît détenir, à parts égales, avec son épouse, ce dernier a, à la fois, le pouvoir de disposer de I______ et conserver une influence décisive sur la politique et les décisions de B______, notamment sur la question de la distribution des dividendes. Le fait que son épouse ne détenait pas, à l’origine, les actions de B______ n’y change rien vu leur étroite relation personnelle, ce d’autant plus dans les circonstances particulières du transfert des actions de B______. Ainsi, la dernière condition précitée de la transposition est en l’espèce aussi réalisée.

Il est par ailleurs sans pertinence qu’au début des négociations les sociétés du groupe F______ aient pu être des tiers par rapport à M. A______ et B______, vu leur engagement réciproque sur l’enchaînement des opérations prévues dans le protocole d’accord d’août 2006 et concrétisées par les différents accords passés le 3 octobre 2006, conduisant au résultat voulu par M. A______ – garder le contrôle sur B______ après le transfert de ses actions à I______ – dès le début de la transaction, clairement exprimé dans le protocole d’accord d’août 2006. La création de la société suisse D______ en février 2005 – dont on ignore si M. A______ en détenait des parts sociales mais dont il était l’administrateur président – peut être interprétée, comme le relève le TAPI, comme un indice des liens étroits entre M. A______ et le groupe F______, en ce sens qu’elle était liée à la volonté de M. A______ de s’associer, dans son activité commerciale, au groupe F______ en y conservant un rôle-clé.

Enfin, les recourants ne sauraient être suivis lorsqu’ils soutiennent que les réserves (ouvertes et latentes) existantes dans B______ n’avaient pas été transformées en substance non imposable et qu’elles étaient toujours sujettes à imposition vu qu’elles ne pouvaient pas être « remontées » en franchise d’impôt, que ce soit auprès de I______, de C______ ou de M. A______. Les contribuables perdent de vue que l’opération qu’ils qualifient de « restructuration » consistait en réalité à transférer les actions de B______, société sise à Genève et imposée en Suisse, à des sociétés hors de la souveraineté fiscale suisse, et ce tant pour C______, société domiciliée aux Îles Vierges britanniques, que pour les sociétés néerlandaises I______ et H______. Ils n’ont en outre jamais déclaré à l’autorité fiscale suisse leur participation dans C______, dont ils ne contestent pas détenir, à hauteur de 50 % chacun, le capital social. Cela étant, cette question ne sera pas davantage développée, l’existence d’une évasion fiscale n’ayant pas à être examinée, conformément à la jurisprudence susmentionnée.

Dès lors, les quatre conditions réalisant, à l’aune de la jurisprudence applicable en 2006, le cas d’une transposition sont en l’espèce réunies. Par conséquent, le transfert des actions de B______, détenues par M. A______ dans sa fortune privée, à I______, en échange d’un prix de USD 80 millions et l’acquisition le même jour d’une participation de 50 % dans I______, de manière indirecte et avec son épouse, à travers C______, constitue un élément de la fortune mobilière de M. A______ dont le rendement est imposable en vertu des art. 20 al. 1 let. c LIFD et 6 let. c aLIPP-IV. Le recours est donc rejeté sur ce point et le jugement querellé confirmé.

e. Quant au montant du rendement de fortune mobilière imposable, l’argument des recourants, selon lequel seul devrait être retenu le montant de USD 53'277'218.95 (soit la somme du prix de vente de USD 40 millions, convenu entre H______ et C______ pour l’acquisition de 50 % de I______, et des liquidités de B______ estimées à CHF 13'277'218.95), doit être rejeté.

En effet, hormis les accords précités d’octobre 2006 renfermant le montage juridique destiné à transférer la valeur de la société B______ dans des sociétés de capitaux sises à l’étranger, on observe une cohérence de la valeur des actions de cette société entre le prix de USD 80 millions, convenu en octobre 2006 lorsque M. A______ a voulu garder le contrôle sur B______ par l’acquisition de la moitié du capital-actions de I______, et le prix fixé à USD 151,8 millions avec un profit anticipé de USD 32,6 millions (soit plus du double par rapport à 2006), en janvier 2010 lorsque C______ a vendu toutes les actions de B______ au groupe F______. L’autorité fiscale rend ainsi in casu plausible que le rendement de la fortune mobilière tiré de la transposition de la valeur des actions de B______ dans I______, dont M. A______ possède la moitié, s’élève à USD 80 millions, soit CHF 99'828'784.-, valeur non contestée, dont il convient de soustraire la valeur nominale de B______ de CHF 100'000.-.

Soumis à des exigences accrues de fardeau de la preuve conformément à la jurisprudence fédérale susmentionnée, les contribuables n’emportent pas la conviction en se limitant à se référer à un des accords d’octobre 2006 pour tenter de démontrer une valeur inférieure de transposition lors du transfert d’actions de B______ en 2006. C’est donc à raison que l’AFC a retenu la somme arrondie de CHF 99'728'800.- comme revenu de M. A______ à titre de rendement de sa fortune mobilière pour 2006.

Le jugement querellé ainsi que la décision sur réclamation du 13 juillet 2020 concernant les IFD et ICC de 2006 sont donc confirmés sur ce point également.

Par conséquent, le recours sera rejeté.

4) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge conjointe des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 avril 2021 par Mme et M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mars 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge conjointe de Mme et M. A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Frédéric Vuilleumier et Laïla Rochat, avocats des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :