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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3920/2019

ATA/963/2020 du 29.09.2020 sur JTAPI/218/2020 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3920/2019-PE ATA/963/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 septembre 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pascal Junod, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mars 2020 (JTAPI/218/2020)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1985, est ressortissant du Kosovo.

2) Le 17 novembre 2018, il a sollicité de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) l'octroi d'un permis de travail pour « cas de rigueur et intérêt économique du pays ».

Depuis plusieurs années, il exerçait une activité lucrative à Genève dans le domaine du bâtiment (construction, peinture), domaine dans lequel il y avait une pénurie de main-d'oeuvre suisse et européenne. Il s'est également prévalu d'un cas de rigueur, alléguant vivre en Suisse de manière ininterrompue depuis plusieurs années, s'y être bien intégré socialement et professionnellement, dans le respect de l'ordre juridique et des valeurs fondamentales de la Suisse. Depuis son arrivée, il avait toujours travaillé et n'avait jamais sollicité l'aide sociale.

3) Le 1er décembre 2018, par formule officielle contresignée par son employeur (B______), il a déposé une demande d'autorisation de séjour et/ou de travail à Genève pour ressortissant étranger.

4) Le 18 juin 2019, il a déposé une nouvelle demande d'autorisation de séjour et/ou de travail, contresignée par son employeur, C______Sàrl (ci-après : D______). Il a joint son contrat de travail de durée indéterminée pour un emploi en qualité de carrossier. La demande mentionnait le 9 juin 2014 comme date d'arrivée à Genève.

5) Le 7 août 2019, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser sa demande. Sa situation ne représentait pas un cas de détresse personnelle au sens de la loi, étant donné la courte durée de sa présence en Suisse, par ailleurs non prouvée, et son manque d'intégration. En outre, il n'apparaissait pas que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, serait illicite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée.

6) Faisant usage de son droit d'être entendu, M. A______ a relevé que sa seule infraction était de résider illégalement en Suisse, mais son séjour illégal était toléré par les autorités.

7) Par décision du 10 octobre 2019, l'OCPM a refusé l'octroi d'une autorisation de séjour et de travail et prononcé le renvoi de l'intéressé de Suisse.

Le 20 juin 2016, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne avait condamné ce dernier à une peine pécuniaire de quinze jours-amende avec sursis à l'exécution de la peine et un délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 300.-, pour conduite d'un véhicule automobile sans le permis de conduire requis. Le 31 août 2016, le Ministère public du canton de Bâle-Ville l'avait condamné à une peine pécuniaire de dix jours-amende avec sursis, à l'exécution de la peine et un délai d'épreuve de deux ans, ainsi qu'à une amende de CHF 100.- pour entrée illégale.

Il ne faisait l'objet d'aucune poursuite et n'était pas aidé par l'Hospice général. Selon un extrait du 25 octobre 2018, il ne figurait pas au casier judiciaire suisse. Le 10 décembre 2018, il s'était vu délivrer un visa de retour d'une durée d'un mois, afin de pouvoir rendre visite à sa mère malade au Kosovo. En date du 17 mai 2019, les autorités de Bâle-Ville avaient émis un mandat d'arrêt à son encontre, afin qu'il effectuât une peine privative de liberté de substitution.

Il travaillait, à raison de vingt heures par semaine, en tant que carrossier pour D______. Selon ses indications, il était arrivé en Suisse le 9 juin 2014.

La durée de son séjour devait être relativisée par rapport aux nombreuses années qu'il avait passées dans son pays d'origine, puisqu'il était arrivé en Suisse à l'âge de 29 ans et n'y avait pas créé des attaches profondes et durables au point de ne plus pouvoir raisonnablement envisager un retour au Kosovo. Son intégration socio-professionnelle n'était pas exceptionnelle. Dès lors, sa situation ne représentait pas un cas de détresse personnelle.

8) Par courrier daté du 23 août 2019, mais reçu par l'OCPM le 14 octobre 2019, M. A______ a produit une attestation de l'IFAGE du 8 octobre 2019, faisant état de son niveau de français oral, soit A2 selon le cadre européen de référence pour les langues (CECRL).

9) Par courrier non daté adressé à l'OCPM, il a allégué s'être trompé sur la date de son entrée en Suisse, celle-ci remontait au 9 juin 2011 au lieu de 2014.

10) Par pli daté du 29 septembre 2019, il a remis des justificatifs tendant à démontrer sa présence en Suisse avant 2014, à savoir un certificat de travail, daté du 26 août 2019 et signé par Monsieur E______, de l'entreprise générale F______, attestant l'avoir engagé durant trois mois d'octobre à décembre 2011, ainsi que des attestations de l'entreprise G______, signée par Monsieur H______, confirmant l'avoir employé à plusieurs reprises depuis février 2012.

11) Par acte posté le 21 octobre 2019, M. A______ a recouru contre la décision du 10 octobre 2019 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour.

Il a invoqué des raisons personnelles majeures, sans toutefois les exposer, en se contentant de rappeler les conditions devant être satisfaites pour l'obtention d'un permis de séjour pour cas de rigueur.

12) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

13) Par jugement du 2 mars 2020, le TAPI a rejeté le recours.

L'intéressé avait été condamné par deux fois. Qu'il soit arrivé en Suisse en 2011 ou en 2014 n'était pas déterminant pour examiner s'il pouvait se prévaloir d'un cas d'extrême gravité. Son intégration socio-professionnelle n'était pas exceptionnelle. Enfin, en cas de retour au Kosovo, il retrouverait le pays dans lequel il avait vécu une partie de sa vie et comptait encore de la famille.

14) Par acte expédié le 30 avril 2020, M. A______ a recouru à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, dont il a demandé l'annulation. Il a conclu à pouvoir compléter son recours, à son audition et celle de témoins, ainsi qu'au renvoi du dossier à l'OCPM afin que celui-ci lui délivre une autorisation de séjour.

Il était arrivé en Suisse en 2011. Il ne comprenait pas comment le TAPI pouvait déduire de la visite qu'il avait faite à sa mère en 2018 au Kosovo qu'il y avait conservé des attaches. Le TAPI avait exploité son inexpérience juridique. Il avait reçu le jugement en pleine crise sanitaire et son avocat, qui venait de se constituer, demandait à pouvoir compléter le recours.

15) Par courrier du 7 mai 2020, la chambre de céans a accordé un délai au 25 mai 2020 à M. A______ pour compléter son recours.

16) La chambre de céans a informé l'OCPM le 4 juin 2020 du fait qu'elle n'avait pas reçu de complément de recours dans le délai imparti et l'invitait à déposer sa réponse au recours.

17) Réagissant à cette communication dont copie lui avait été réservée, le recourant a indiqué à la chambre de céans qu'il n'avait pas reçu le courrier lui permettant de compléter son recours.

18) Ce dernier courrier a été à nouveau adressé au recourant par la chambre de céans, en lui impartissant un délai pour compléter son recours.

19) Dans son complément de recours, l'intéressé a relevé qu'il n'avait plus d'autres attaches au Kosovo que ses parents, sa fratrie étant « essentiellement » domiciliée à l'étranger. Il était actif en tant qu'assistant bénévole, au sein du FC M______. La date de son arrivée en Suisse était importante, dès lors qu'elle influait sur sa possibilité de se réintégrer dans son pays. Il vivait en Suisse depuis neuf ans, avait tissé des liens avec ses cousins vivant en Suisse. Il disposait d'un emploi stable et subvenait à ses besoins. Son employeur était disposé à augmenter son taux d'activité à 100% s'il obtenait une autorisation de travail. Sa condamnation pour infraction aux règles de la circulation ne permettait pas de retenir qu'il constituait un risque pour la sécurité ou l'ordre juridique suisses.

20) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

Le recourant ne pouvait se prévaloir de l'« opération Papyrus », dés lors qu'au moment du dépôt de sa demande, il ne séjournait pas en Suisse depuis dix ans. Même s'il était arrivé en Suisse en 2011, aucun élément ne permettait de retenir qu'il y aurait ensuite séjourné sans interruption. En outre, même si le retour dans son pays ne serait pas exempt de difficultés, sa réintégration n'apparaissait pas inenvisageable.

21) Dans sa réplique, le recourant a souligné que seuls ses parents, âgés et malades, se trouvaient encore au Kosovo. Le reste de sa famille, ses amis et autres proches avaient tous émigré. Il était un employé sérieux et apprécié. Le TAPI avait violé son droit d'être entendu en ne l'interpellant pas sur les lacunes que comportait son recours.

22) Lors de l'audience, qui s'est tenue le 21 septembre 2020 devant la chambre de céans, M. A______ a exposé qu'il travaillait toujours à 50 % pour D______, n'avait pas de poursuite et ne recourait pas à l'aide sociale. Il donnait des entraînements de football trois fois par semaine et percevait environ CHF 200.- par mois pour cette activité. Il n'avait pas d'autres activités culturelles ou sportives. En arrivant, en janvier 2011, en Suisse, il avait habité chez son cousin I______ à Onex. Sans travail, il avait logé une année chez ce dernier, à titre gratuit. Son premier emploi avait été exercé auprès de M. E______ à Meyrin. Par la suite, il avait exercé d'autres activités dans le domaine de la peinture pour plusieurs employeurs, sans être déclaré.

Ses deux soeurs, qui étaient mariées et avaient chacune deux enfants, habitaient au Kosovo. Un de ses frères vivait en Allemagne, l'autre allait bientôt quitter ce pays pour retourner au Kosovo. Il avait rendu deux fois visite à sa famille au Kosovo.

À l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant a sollicité l'audition de Monsieur J______ en vue de confirmer qu'il n'était jamais retourné au Kosovo entre 2011 et 2018, celle de Madame K______ pour démontrer qu'il avait noué des amitiés en Suisse et avait de la famille résidant à Genève et celle de Monsieur L______.

a. Le droit de faire administrer des preuves découlant du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_674/2015 du 26 octobre 2017 consid. 5.1). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 et les références citées).

b. En l'espèce, le recourant a confirmé en audience qu'il s'était rendu, depuis son arrivée en Suisse, deux fois au Kosovo. Il n'y a pas lieu de douter de cette affirmation, de sorte qu'il n'est plus besoin d'entendre M. J______ pour établir ce fait. Par ailleurs, il peut être admis que le recourant qui séjourne, selon ses allégations, depuis plus de neuf ans en Suisse qu'il y a tissé des liens d'amitié. Il a par ailleurs fait état des contacts qu'il entretient avec son cousin chez qui il a habité la première année de son séjour à Genève. L'audition de Mme K______ ne s'avère ainsi plus nécessaire. Enfin, il n'a pas précisé sur quels faits le témoignage de M. L______, dont le domicile indiqué est à Lausanne, devait porter. À défaut d'éléments permettant d'apprécier la pertinence éventuelle de ce témoignage, il ne peut être donné suite à la demande d'audition de ce témoin.

Ainsi, en tant que les auditions sollicitées portent sur des faits déjà établis, dont la réalité peut être retenue ou dont la pertinence n'est pas établie, il sera renoncé d'y donner suite. Pour le surplus, la chambre de céans dispose d'un dossier complet lui permettant de statuer en connaissance de cause.

3) Dans un premier grief de nature formelle, le recourant se plaint de ce que le TAPI, reconnaissant son inexpérience juridique, ne lui avait pas donné l'occasion de préciser sa motivation avant de se prononcer.

La question de savoir si le TAPI avait un devoir d'interpeller le recourant afin de lui donner l'occasion d'étayer son argumentation en le rendant attentif à l'insuffisance de celle-ci peut demeurer indécise. En effet, dans la procédure de recours devant la chambre de céans, le recourant a pu être assisté d'un avocat, qui a rédigé des écritures circonstanciées et a, en outre, eu l'occasion de s'exprimer lors de l'audience de comparution personnelle. Ainsi, à supposer que le premier juge aurait manqué à un éventuel devoir d'interpellation, ce vice serait réparé dans la présente procédure, étant relevé que la chambre de céans dispose du même pouvoir d'examen que le TAPI.

4) Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

5) Le recourant fait valoir sa parfaite intégration en Suisse et les difficultés de se réintégrer au Kosovo pour réclamer l'application des dispositions relatives aux cas d'extrême gravité.

a. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

b. L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (Directives du SEM, domaine des étrangers, 2013, état au 12 avril 2017, ch. 5.6.12 [ci-après : directives SEM]).

c. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; Directives SEM, op. cit., ch. 5.6).

d. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3).

e. L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération (ATF 123 II 125 consid. 5b.dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/828/2016 du 4 octobre 2016 consid. 6d).

La question est donc de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/353/2019 du 2 avril 2019 consid. 5d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

6) En l'espèce, il convient en premier lieu de relever que la présence du recourant en Suisse est documentée en février et juillet 2012, en mars, septembre et octobre 2013, mois pour lesquels il a produit des attestations de son employeur, puis régulièrement à compter de 2016. Il a indiqué sur le formulaire de demande d'autorisation du 18 juin 2019 qu'il était arrivé en Suisse le 9 juin 2014. Ensuite, il a fait valoir auprès de l'OCPM qu'il était arrivé le 9 juin 2011 et a également allégué dans son acte de recours qu'il était arrivé en juin 2011. Lors de son audition par la chambre de céans, il a déclaré être arrivé à Genève en janvier 2011.

Au vu de ses déclarations contradictoires, cette dernière date ne saurait en aucun cas être retenue. En outre, quand bien même il conviendrait de retenir qu'il était arrivé en juin 2011 en Suisse, la durée de son séjour devrait être relativisée dès lors qu'il y séjourne sans autorisation de séjour. Il ne peut donc se prévaloir d'avoir séjourné légalement en Suisse pendant une longue période.

En outre, son intégration socio-professionnelle en Suisse ne peut pas être qualifiée d'exceptionnelle. Même si le recourant n'a pas de dettes et parvient à subvenir à ses besoins, ces éléments ne sont pas constitutifs d'une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Par ailleurs, le recourant - qui n'indique pas qu'il disposerait d'une formation professionnelle - ne peut pas se prévaloir d'avoir acquis en Suisse des connaissances si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser au Kosovo. En outre, bien qu'il expose avoir noué des amitiés à Genève et établit qu'il s'est engagé comme assistant d'entraineur auprès du FC M______, il n'allègue pas avoir noué des relations affectives ou d'amitié particulièrement étroites qu'il ne pourrait être exigé de lui qu'il retourne vivre au Kosovo.

Par ailleurs, bien que sa condamnation en 2016 pour conduite d'un véhicule automobile sans le permis de conduire requis ne puisse être qualifiée de grave, le recourant ne peut se prévaloir d'avoir eu un comportement irréprochable en Suisse.

Certes, vu le nombre d'années passées en Suisse, qu'il s'agisse de six ou neuf ans, sa réintégration dans son pays lui demandera un certain effort. Toutefois, si l'on retient la date de son arrivée en Suisse, en 2011, le recourant a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 26 ans. Il a ainsi passé toute son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte au Kosovo, dont il connaît les us et coutumes et parle la langue. Il a manifestement conservé des liens au Kosovo comme en témoigne le fait qu'il s'y est rendu, selon ses indications, en 2018 et en 2019. Ses parents et ses deux soeurs y vivent. En outre, l'un de ses deux frères va bientôt quitter l'Allemagne pour retourner au Kosovo. Par ailleurs, le recourant est en bonne santé, célibataire et n'a pas d'enfant à charge. Au vu de ces éléments, il ne devrait pas rencontrer de difficultés insurmontables de réintégration dans son pays d'origine. Il est vraisemblable qu'il bénéficiera du soutien de sa famille et pourra se prévaloir de l'expérience professionnelle et des connaissances linguistiques acquises en Suisse.

Au vu de l'ensemble des éléments du dossier, il ne peut être retenu que le recourant remplit les conditions d'octroi d'un permis de séjour pour cas de rigueur au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI.

7) Il convient encore d'examiner si le recourant remplit, comme il l'a fait valoir lors du dépôt de sa demande, les conditions de l'« opération Papyrus ».

a. L'opération Papyrus développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères. Les critères pour pouvoir bénéficier de cette opération sont les suivants selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter, consulté le 5 mai 2020 : avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie (minimum niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

b. En l'espèce, comme évoqué plus haut, le recourant ne séjourne pas en Suisse depuis dix ans, même si l'on devait admettre comme date d'arrivée en Suisse le mois de janvier 2011. Il ne remplit ainsi pas un des critères posés par l'« opération Papyrus ». Partant, il ne peut se prévaloir du bénéfice de ladite opération.

8) a. Selon l'art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes renvoient de Suisse tout étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), ainsi que tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou n'a pas été prolongée (let. c) en assortissant ce renvoi d'un délai de départ raisonnable (al. 2). Le renvoi d'un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, rien ne permet de retenir que l'exécution du renvoi du recourant ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible au sens de la disposition précitée.

Dans ces circonstances, la décision querellée est conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 avril 2020 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mars 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émoulent de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Junod, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.