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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2180/2014

ATA/372/2015 du 21.04.2015 ( FORMA ) , ADMIS

Descripteurs : ÉCOLAGE ; INSTITUTION UNIVERSITAIRE ; AUTORITÉ UNIVERSITAIRE ; ÉTUDES UNIVERSITAIRES ; OPPOSITION(PROCÉDURE) ; ÉTUDIANT ; RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL) ; DÉCISION ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; BONNE FOI SUBJECTIVE
Normes : LU.20 ; LU.16.al2 ; Statut de l'université.78.leth
Résumé : Révocation non valable d'une décision d'octroi d'exonération des taxes universitaires d'encadrement. Le recourant réalise les conditions matérielles d'une exonération. La décision de refus d'exonération n'a pas expressément indiqué révoquer la décision d'octroi initiale, ni indiqué que celle-ci était erronée. Le recourant était de bonne foi. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2180/2014-FORMA ATA/372/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 avril 2015

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1979, est immatriculé à l'Université de Genève (ci-après : l'université) depuis le semestre d'automne 2009-2010.

2) Depuis le semestre d'automne 2012-2013, il est inscrit en faculté des sciences, où il poursuit un cursus de baccalauréat universitaire en sciences de la terre.

3) Le 30 septembre 2013, l'intéressé a adressé au bureau universitaire d'information sociale (ci-après : BUIS) une requête d'exonération des taxes d'encadrement pour l'année académique 2013-2014.

À l'appui de sa demande, il a joint un avenant à son contrat de bail, une attestation bancaire faisant état d'un ordre permanent de virement de EUR 1'219.59 de la part de son garant pour couvrir ses frais de séjour et de scolarité durant l'année académique 2009-2010, et une lettre-type de l'université du 5 février 2013, adressée « aux bénéficiaires d'un contrat individuel de travail de droit privé », payés par la « section salaires et assurances sociales ».

4) Le 15 octobre 2013, le BUIS a indiqué par courriel à l'intéressé que ladite demande était incomplète.

Trois pièces manquaient au dossier : l'attestation fiscale de ses revenus bruts de l'année 2012, l'avis de taxation ou l'attestation de salaire 2012 de son garant légal, Monsieur B______, et le formulaire intitulé « Détails des travaux sans certificats de salaires » dûment rempli. Un délai de dix jours lui a été imparti pour transmettre une copie de ces documents.

5) Bien que M. A______ n'ait pas donné suite à cette demande, le 10 décembre 2013, le BUIS a rendu une décision octroyant à l'intéressé une exonération des taxes d'encadrement pour l'année académique 2013-2014.

6) Le 27 janvier 2014, le BUIS a rendu une nouvelle décision, statuant que l'intéressé ne pouvait pas bénéficier d'une exonération des taxes d'encadrement pour l'année 2013-2014. La demande d'exonération de l'intéressé du 30 septembre 2013 a été déclarée « irrecevable car dossier incomplet ».

7) Par courrier du 7 février 2014, l'intéressé a formé opposition contre la décision précitée.

La décision d'octroi du 10 décembre 2013 indiquait que son dossier avait été attentivement examiné. La décision de refus du 27 janvier 2014 contredisait cette première décision. Cette deuxième décision devait être le fruit d'une erreur.

8) Par décision du 19 juin 2014, le BUIS a rejeté cette opposition et confirmé sa décision.

L'intéressé, en tant que bénéficiaire d'une exonération des taxes d'encadrement depuis l'année académique 2010-2011, savait que les mêmes documents étaient requis chaque année académique. Il avait eu trois employeurs à Genève en 2012 et, malgré un rappel adressé par courriel, n'avait transmis aucune attestation de salaire annuelle ou fiscale, telle que le requérait la réglementation régissant l'octroi de l'exonération.

9) Par acte déposé le 18 juillet 2014, l'intéressé a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée, concluant à son annulation et au maintien de la décision initiale du 10 décembre 2013.

La décision du 10 décembre 2013 indiquait s'appuyer sur un examen approfondi de sa situation. Cette décision l'avait mis au bénéfice d'un droit subjectif, et son retrait ultérieur l'exposait à un préjudice. Pour cette raison, un tel retrait devait être soumis à des conditions très strictes. Le BUIS l'avait invité par courriel à lui transmettre les documents manquants, alors que ces documents auraient dû lui être demandés par courrier recommandé. La situation financière de l'intéressé était précaire, son statut d'étranger ne l'autorisant à travailler que dix heures par semaine.

10) Par acte du 29 août 2014, le BUIS a conclu au rejet du recours, à la confirmation de sa décision sur opposition du 19 juin 2014, et à la condamnation du recourant « en tous les dépens d'instance ».

La décision du 10 décembre 2013, favorable au recourant, lui avait été envoyée par erreur et exonérait celui-ci à tort. Le recourant n'ayant pas payé ses taxes universitaires pour l'année 2013-2014, c'était à bien plaire qu'il n'avait pas été exmatriculé dans l'intervalle, afin d'éviter une interruption immédiate de son cursus académique. D'autres étudiants avaient été victimes de la même erreur en recevant à tort une décision d'exonération. Ceux-ci avaient accepté la décision d'irrecevabilité subséquente.

La demande de documents du 15 octobre 2013, adressée au recourant par courriel, était conforme à la procédure prévue par la directive du BUIS. Le recourant ne pouvait de bonne foi s'attendre à recevoir une décision d'exonération des taxes universitaires pour l'année 2013-2014 en n'ayant transmis qu'un seul document pertinent à l'appui de sa demande. L'intérêt public de l'université à procéder à des exonérations uniquement lorsque leurs conditions étaient remplies quant au fond, primait le respect du principe de la sécurité du droit, notamment afin de garantir une égalité de traitement avec les autres étudiants.

Les conditions de fond quant à l'octroi d'une exonération des taxes universitaires n'avaient jamais pu être examinées puisque la demande du recourant était incomplète.

À l'appui de sa réponse, le BUIS a notamment produit le règlement interne de l'université relatif aux taxes universitaires et aux émoluments (ci-après : le RE taxes), la directive du BUIS fixant les critères d'exonération des taxes d'encadrement (ci-après : la directive), un document à l'attention des étudiants intitulé « Dépôt d'une demande d'exonération des taxes universitaires 2013-2014, Procédure à suivre » (ci-après : le document étudiants), un extrait du site internet du BUIS concernant les informations pertinentes en matière d'exonération des taxes universitaires et un extrait du site internet de la division de la formation des étudiants (ci-après : DIFE) mentionnant la liste des documents impératifs à envoyer pour une exonération des taxes universitaires.

11) Dans sa réplique du 3 octobre 2014, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a en outre produit une attestation fiscale pour l'année 2012.

Conformément à cette attestation, il avait obtenu durant l'année 2012 un revenu de CHF 21'654.-, provenant d'une activité lucrative. Il avait ainsi subvenu seul à ses besoins pendant une période d'une année précédant le dépôt initial de sa demande d'exonération des taxes d'encadrement. Il occupait un logement indépendant. Son emploi du temps ne lui permettait pas d'exercer des travaux sans certificat de salaire.

Le recourant n'avait pris connaissance de la demande de documents du BUIS du 15 octobre 2013, qu'après avoir reçu la décision sur opposition du 19 juin 2014. Si ladite demande lui avait été adressée par courrier postal, il aurait transmis au BUIS les documents requis dans le délai imparti.

12) Sur quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) a. La loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) s’applique à l’université (art. 43 al. 1 de loi sur l’université du 13 juin 2008 (LU - C 1 30). L’université met en place une procédure d’opposition interne à l’égard de toute décision au sens de l’art. 4 LPA avant le recours à la chambre administrative (art. 43 al. 2 LU).

b. En l'espèce, interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) L’université reçoit à titre de moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission les taxes universitaires et émoluments (art. 20 LU).

Les dispositions complétant la LU sont fixées dans le statut de l’université, (ci-après : le statut), les règlements dont celle-ci se dote sous réserve de l’approbation du Conseil d’État et d’autres règlements adoptés par l’université (art. 1 al. 3 LU).

Une loi spéciale fixe le montant maximum des taxes universitaires en s’assurant qu’il se situe dans le cadre des montants des taxes des hautes écoles suisses (art. 16 al. 2 LU).

Les taxes universitaires se divisent en taxes fixes d’un montant de CHF 65.- par semestre et par étudiant ou étudiante, et en taxes d’encadrement d’un montant de CHF 435.- par semestre et par étudiant ou étudiante destiné à l’encadrement des étudiants et des étudiantes, notamment au début de leur parcours universitaire (art. 76 al. 3 du statut).

3) Ne paient que les taxes fixes, notamment, les étudiants ou les étudiantes non allocataires ou non allocatrices au sens de la loi sur l’encouragement aux études en situation financière difficile (art. 78 let. h du statut).

Les conditions d'exonération des taxes d'encadrement sont fixées dans plusieurs actes édictés par l'université. Il s'agit du RE taxes, de la directive et du document étudiants.

4) L'étudiant qui présente une demande d'exonération du paiement des taxes d'encadrement, peut être exonéré pour autant qu'il apporte la preuve que lui ou son répondant est en situation difficile (art. 1 al. 1a directive). Les conditions à remplir par l'étudiant pour être considéré comme économiquement indépendant sont les suivantes (art. 2B al. 1 directive) : avoir, grâce à une activité rémunérée et d'autres revenus (bourse, subsides, pension alimentaire, etc.), subvenu seul à son entretien au minimum un an avant le dépôt de la demande et apporter la preuve d'un revenu minimum annuel brut défini au chapitre II (« Barèmes ») ; occuper durant l'année en cours et ce depuis au moins douze mois au moment de la date limite de dépôt de la demande un logement indépendant (le bail à loyer ou l'attestation de sous-location est demandé) de celui de son répondant ou lui verser une contribution régulière pour le paiement du loyer. Cette contribution doit figurer dans l'avis de taxation fiscale du répondant. Le revenu minimum annuel brut est fixé à CHF 15'000.- pour une personne seule sans enfant, la limite supérieure donnant droit à une exonération étant fixée à CHF 33'317.-. Si un étudiant célibataire a des revenus propres (salaires, bourse, allocations diverses, etc.) dépassant CHF 15'000.- bruts en 2012 (année civile) et s'il justifie d'un domicile séparé depuis au moins un an, il est considéré comme indépendant de ses parents même si son budget fait apparaître une contribution parentale (art. 2B al. 4 directive). Les pensions alimentaires et les aides parentales ne font pas partie des revenus propres. Lorsque l'étudiant est considéré comme indépendant selon les critères ci-dessus mentionnés, il n'est jamais fait référence aux revenus parentaux (art. 2B al. 5 directive).

5) S'agissant de la procédure, la demande d'exonération des étudiants en situation financière difficile doit être adressée au BUIS dans les délais indiqués par ledit service (art. 5 al. 1 RE taxes). En outre, tous les éléments justificatifs doivent être joints à la demande (art. 5 al. 2 RE taxes).

Les demandes d'exonération se font via internet dans un portail sécurisé (art. 2 directive). L'application nécessaire au dépôt des demandes est accessible, pour l’année 2013, du 14 septembre au 30 septembre. Après avoir soumis sa demande, l'étudiant reçoit un courriel de confirmation ainsi qu'une liste des documents à envoyer.

Tout dossier incomplet n'est pas traité (point 3 du document étudiants). Par ailleurs, toutes les communications par courriel ne se font que sur l'adresse étudiant de l'université (point 4).

6) En l'espèce, il convient d'examiner dans un premier temps si la décision de refus d'exonération du 27 janvier 2014 a valablement révoqué la décision d'octroi d'exonération du 10 décembre 2013.

La jurisprudence admet qu'en règle générale des décisions entrées en force, mais matériellement irrégulières, peuvent, dans certaines conditions, être révoquées. Dans ce contexte, l'intérêt à une bonne application du droit objectif doit être mis en balance avec celui de la sécurité du droit (ATF 137 I 69 consid. 2.2 ; 135 V 215 consid. 5.2 ; 127 II 306 consid. 7a). Par conséquent, il y a lieu d'identifier, d'une part, les motifs qui peuvent entrer en considération pour justifier une révocation, et, d'autre part, les cas où l'intérêt à la sécurité du droit doit se voir attribuer un poids spécialement important. Parmi les premiers, un vice originaire de la décision constitue un motif de révocation. Une décision favorisant un administré fondée sur un état de fait inexact pourra en principe être révoquée, en tout cas lorsque l'administré est responsable de l'erreur ou la connaissait, mais non si l'administration connaissait d'emblée l'inexactitude des faits ou a violé son devoir d'instruction d'office (ATF 110 Ib 364, 367). Dans un tel cas de révocation, une base légale n'est pas nécessaire pour procéder à la révocation, puisque celle-ci a précisément pour but de rétablir une situation conforme au droit.

S'agissant des motifs pouvant s'opposer à la révocation d'une décision, il est admis que les décisions favorisantes entièrement exécutées ne peuvent faire l'objet d'une révocation. Sont visés les cas où l'administré a déjà entièrement fait usage d'une faculté conférée par une décision, ou consenti d'importants investissements en fonction des cette décision. Dans tous les cas, une décision ne peut être maintenue qu'à condition que l'administré soit de bonne foi (ATF 120 Ib 317 consid. 3a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 957).

7) En l'espèce, la décision d'octroi d'exonération du 10 décembre 2013 est une décision favorisante, qui a été rendue sur la base d'un dossier incomplet. Elle est donc entachée d'un vice originaire de procédure. Cependant, il ressort des éléments du dossier que le recourant remplit les conditions matérielles d'exonération des taxes d'encadrement pour l'année académique 2013-2014. Il était en effet locataire d'un logement indépendant durant les douze mois précédant le dépôt de sa requête, selon contrat du 18 juin 2012. Il a obtenu un revenu total brut de CHF 21'654.- en 2012, selon une attestation de l'administration fiscale du canton de Genève du 6 juin 2012.

Il s'ensuit que le recourant pouvait de bonne foi s'attendre à recevoir une décision d'octroi d'exonération. De plus, étant donné que le BUIS n'a pas explicitement révoqué, dans la deuxième décision du 27 janvier 2014, sa première décision favorisante du 10 décembre 2013, ni indiqué que cette dernière résultait d'un problème d'organisation, il faut admettre que cette bonne foi a subsisté.

8) Par conséquent, la décision de refus d'exonération du 27 janvier 2014 n'a pas valablement révoqué la décision d'octroi du 10 décembre 2013. Cette dernière doit être rétablie.

9) Le recours sera ainsi admis.

10) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera toutefois allouée, en l'absence de conclusion en ce sens (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 juillet 2014 par Monsieur A______ contre la décision de l'Université de Genève du 19 juin 2014 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision sur opposition ;

rétablit la décision d'octroi d'exonération des taxes d'encadrement du 10 décembre 2013 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :