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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4748/2007

ACOM/49/2008 du 17.04.2008 ( CRUNI ) , IRRECEVABLE

Résumé : Elimination ; motifs nouveaux
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

A/4748/2007-CRUNI ACOM/49/2008

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 17 avril 2008

 

dans la cause

 

Monsieur D______
représenté par Me Anne Iseli Dubois, avocate

contre

FACULTÉ DES SCIENCES éCONOMIQUES ET SOCIALES

et

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 

 

(élimination ; motifs nouveaux)


EN FAIT

1. Monsieur D______, né en 1985, est inscrit à la faculté des sciences économiques et sociales (ci-après : la faculté) de l’Université de Genève (ci-après : l’université) pour y obtenir la licence en sciences économiques et HEC depuis le semestre d’automne 2004.

A l’issue de la session d’examens d’automne 2005, M. D______ a réussi le premier cycle d’études, obtenant l’ensemble des crédits nécessaires à cette fin.

2. M. D______ a entamé le second cycle de ses études lors du semestre d’automne 2005, son programme universitaire ayant entretemps basculé de la licence au baccalauréat universitaire, avec un délai de fin d’études fixé à septembre 2008.

M. D______ a passé, pendant les deux années qui ont suivi, plusieurs examens lui permettant, en date du 21 septembre 2007, de comptabiliser 75 crédits de deuxième partie, auxquels viennent s’ajouter 9 crédits obtenus en équivalence et 12 crédits provenant de notes entre 3 et 4 que M. D______ a souhaité conserver, soit un total de 96 crédits.

3. Cependant, M. D______ a échoué quatre fois à l’examen de comptabilité financière : lors de l’année 2005-2006 à la session ordinaire et à la session extraordinaire, ainsi que lors de l’année 2006-2007, à la session ordinaire et à la session extraordinaire, sa dernière note, obtenue lors de la session d’automne 2007, étant 2,75.

M. D______ a dès lors été exclu de la faculté par le relevé de notation de la session d’été 2007, daté du 21 septembre 2007. Dit relevé indiquait le délai et la voie d’opposition.

4. M. D______ a adressé un courrier au doyen de la faculté en date du 1er octobre 2007, dans lequel il demandait un « délai d’étude spécial » lui permettant de ne pas être exclu de la faculté. Il faisait valoir son caractère sérieux et sa motivation, ainsi que son absence d’échecs préalables dans ses études auprès de la faculté.

Ce courrier ne contenait aucune référence à d’éventuelles circonstances expliquant les échecs à l’examen de comptabilité financière.

Le doyen a traité ce courrier comme une opposition.

5. En date du 31 octobre 2007, le doyen a communiqué à M. D______ la décision sur opposition rendue par le conseil décanal de la faculté.

La décision sur opposition jugeait l’opposition recevable à la forme. En revanche, elle constatait le quadruple échec à l’examen de comptabilité financière et relevait que l’étudiant ne totalisait que 96 crédits sur les 120 nécessaires à la réussite du deuxième cycle du baccalauréat universitaire en gestion d’entreprise.

Elle relevait que l’élimination était conforme au règlement d’études du baccalauréat universitaire (ci-après : REBU), sous réserve d’une situation exceptionnelle. Il était relevé que M. D______ n’avait rien allégué à cet effet dans son opposition.

La décision sur opposition confirmait donc l’exclusion de M. D______.

6. M. D______ a recouru contre cette décision auprès de la commission de recours de l’université (ci-après : CRUNI) en date du 30 novembre 2007, par lettre signature.

Dans cet acte, M. D______ résume son parcours universitaire et réfute l’argument implicite du conseil décanal selon lequel il existerait un motif alternatif d’élimination dû à une insuffisance de crédits.

Il invoque avec force détails l’existence de circonstances exceptionnelles, en les répartissant en quatre catégories : un « état de stress post traumatique », constaté par la doctoresse Izabela Favre dans un certificat médical daté du 8 novembre 2007, une « situation familiale cauchemardesque » liée aux soucis professionnels de ses parents et à leurs conflits conjugaux, un accident de voiture ayant eu lieu au mois d’avril 2007 et enfin l’exercice d’un travail pendant l’été.

Il demande à la CRUNI de reconnaître l’existence d’une situation exceptionnelle, d’annuler la décision querellée et d’ordonner à la faculté de l’autoriser à représenter l’examen litigieux.

7. L’université a répondu en date du 30 janvier 2008.

Elle juge le recours irrecevable, motif pris de l’invocation de motifs antérieurs à la procédure précédente dont le recourant avait connaissance au stade de l’opposition et dont il a omis de se prévaloir.

A titre subsidiaire, elle confirme le caractère justifié prima facie de l’élimination du recourant, celui-ci ayant échoué à quatre reprises à l’examen de comptabilité financière, et réfute pour le surplus que les circonstances invoquées par le recourant constituent une situation exceptionnelle au sens de la jurisprudence de la CRUNI.

Elle conclut à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

8. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 31 octobre 2007 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est à première vue recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 – LU – C 1 30 ; art. 90 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 – RU – C 1 30.06; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

2. a. Il convient néanmoins de s’interroger, au titre de la recevabilité, sur l’admissibilité d’éléments invoqués pour la première fois au stade de la procédure de recours. Ceux-ci constituent en effet le seul grief du recourant, qui soutient que son cas présente les caractéristiques d’une situation exceptionnelle, dont le doyen aurait dû tenir compte au moment de l’exclusion (recte : élimination).

b. La CRUNI examine d’office sa compétence (art. 25 RIOR).

A teneur de l’article 21 RIOR, seule la décision sur opposition est sujette à recours. L’article 68 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), applicable par renvoi de l’article 34 RIOR, prévoit que « sauf exception prévue par la loi, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures ».

c. Il convient préalablement de qualifier juridiquement les éléments invoqués par le recourant au titre de circonstances exceptionnelles. S’il s’agit certes de faits nouveaux, en ce sens que les éléments invoqués constituent pour l’essentiel des faits (situation familiale difficile, accident de voiture, problèmes de santé), le recourant invoque en réalité non seulement un fait nouveau, mais un véritable nouveau motif de droit, celui d’une violation de l’article 22 alinéa 3 RU. Cet article prévoit en effet que le doyen doit tenir compte des circonstances exceptionnelles lorsqu’il prend la décision d’élimination. Or, ce motif est totalement absent de son acte d’opposition, ce que la décision querellée constate formellement.

Les faits qui viennent étayer ce nouveau motif sont logiquement invoqués pour la première fois devant la CRUNI. Cependant, il serait erroné de les appréhender sous l’angle de faits nouveaux, puisque c’est l’ensemble du motif (et non seulement son appui factuel) qui est nouveau.

En revanche, le nouvel argumentaire ne saurait être qualifié de nouvelle conclusion, puisque cette dernière est demeurée identique depuis le début de la procédure : le recourant souhaite avoir la possibilité de poursuivre ses études malgré son échec répété à l’examen de comptabilité financière.

En conséquence, la question à résoudre est celle de savoir si, au moment de la procédure de recours, le recourant peut invoquer un nouveau motif à l’appui de ses conclusions.

En Suisse, les termes « motif », « grief » et « moyen » sont synonymes (Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème édition, Helbing et Lichtenhahn 1991, p. 394). Ils renvoient au même élément du recours, celui où le recourant expose en quoi la décision attaquée est selon lui défaillante.

d. Certes, l’article 68 LPA prévoit que le recourant peut, sauf exception, invoquer de nouveaux motifs qui ne l’ont pas été dans les procédures précédentes.

Cependant, la jurisprudence du Tribunal administratif montre une pratique beaucoup plus restrictive. Ainsi, selon le Tribunal administratif, l'objet d'une procédure administrative ne peut pas s'étendre ou se modifier qualitativement au fil des instances. Il peut uniquement se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés devant l'autorité de recours (ATA/560/2006 du 17 octobre 2006).

Par ailleurs, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre dans son mémoire de recours des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été l'objet de la procédure antérieure. Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction. (ATA/406/2007 du 28 août 2007 ; cf. par ailleurs Benoît BOVAY, Procédure administrative, Staempli 2000, p. 390-391).

La conséquence déduite par le Tribunal administratif ne souffre aucune discussion : dans la mesure où une question n’a pas fait l’objet de la décision de l’autorité inférieure, elle ne saurait être examinée par le Tribunal administratif (ATA/406/2007).

e. Ces considérations sont identiques à celles qui jalonnent la jurisprudence de la commission de céans (cf. par exemple ACOM/46/2007 du 25 mai 2007 et ACOM/16/2008 du 11 février 2008). On trouve dans l’ACOM/73/2007 du 14 août 2007 une formule limpide s’agissant de l’invocation de nouveaux motifs au stade du recours : « Quant à l'obligation qui s'est imposée à M. G. de travailler en parallèle à ses études , elle ne saurait être retenue, la CRUNI ayant toujours considéré que cette obligation n'était pas constitutive d'une circonstance exceptionnelle. Soulevé d'ailleurs devant l'autorité de recours seulement, le moyen est en outre irrecevable, seule la décision sur opposition étant sujette à recours (art. 21 RIOR) » (ACOM/73/2007 c. 3d, références omises).

f. L’irrecevabilité du grief relatif à des circonstances exceptionnelles, en tant qu’il représente l’unique motif du recourant, entraîne l’irrecevabilité du recours dans son entier (art. 65 al. 1 et 2 LPA).

3. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 33 RIOR).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

déclare irrecevable le recours interjeté le 30 novembre 2007 par Monsieur D______ contre la décision du 31 octobre 2008 de la faculté des sciences économiques et sociales ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux articles 113 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Anne Iseli Dubois, avocate du recourant, à la faculté des sciences économiques et sociales, au service juridique de l'université, ainsi qu'au département de l’instruction publique.

Siégeants : Madame Bovy, présidente ;
Messieurs Schulthess et Bernard, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

C. Ravier

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :