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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2713/2006

ATA/406/2007 du 28.08.2007 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : IMPÔT; IMPOSITION DANS LE TEMPS; REVENU D'UNE ACTIVITÉ LUCRATIVE; CARACTÈRE EXTRAORDINAIRE; DROIT FISCAL
Normes : LITPP-II.6
Résumé : Le versement d'une prime de CHF 2'000'000.- au contribuable en compensation des salaires et participations dont il avait été privé durant de nombreuses années ainsi que d'un dividende d'un montant de CHF 500'000.- est exceptionnel et revêt un caractère unique. Ces deux montants alloués durant l'année 2000 doivent être qualifiés de revenus extraordinaires.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2713/2006-FIN ATA/406/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 28 août 2007

dans la cause

 

Monsieur et Madame D______

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE D'IMPÔTS

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE


 


1. Madame D______ et Monsieur D______ sont domiciliés chemin des C______, à Genève.

2. a. La société A______ S.A. (ci-après  : la société ou A______ S.A.), inscrite au registre du commerce de Genève, a été créée en 1984. Elle a pour but la gestion et l’administration de biens, toutes recherches en matière économique et financière ainsi que tous conseils dans ce domaine et relatifs à la gérance et à la surveillance de fortunes. Son capital-actions se compose de 200 actions de CHF 10'000.-.

b. M. D______ a été administrateur avec signature individuelle de la société A______ S.A. de 1988 à 1996, puis, administrateur secrétaire avec signature individuelle de 1996 à 2001. En mars 2001, il est devenu administrateur président, poste précédemment occupé par Monsieur C______.

3. Le 15 décembre 1999, le conseil d’administration de A______ S.A. a décidé d’attribuer une prime de CHF 2'000'000.- à M. D______. Etaient présents à ce conseil, M. D______, Me W______ et Madame P______. M. C______ était excusé.

Il ressort du procès-verbal tenu à cette occasion que les actionnaires avaient été consultés sur la rémunération de M. D______ et avaient, à l'unanimité, décidé de lui attribuer une prime exceptionnelle de CHF 2'000'000.- en compensation des salaires et participations dont il avait été privé durant de nombreuses années. Il était rappelé que lors des années très difficiles traversées par la société, entre 1986 et 1994, M. D______ s’était vu supprimer son salaire et ses avantages durant plusieurs mois, voire années. Me W______ avait également relevé que sans la pugnacité, l'engagement, le savoir-faire et le sacrifice de celui-ci, la société aurait dû déposer son bilan.

4. M. D______ et son épouse ont retourné à l'administration fiscale cantonale (ci-après  : l'administration ou AFC) leur déclaration fiscale 2001-A, le 20 octobre 2001. Ils ont déclaré un revenu net, pour l'impôt cantonal et communal (ICC), de CHF 2'563'160,41 et, pour l'impôt fédéral (IFD), de CHF 2'790'293,04 ainsi qu'une fortune de CHF 156'044,92.

Au titre de revenu de M. D______ versé par A______ S.A., il était mentionné un salaire de CHF 2'420'000.-. et, dans l’état des titres, figuraient 200 actions de A______ S.A. avec un rendement de CHF 500'000.- soumis à l'impôt anticipé.

Les contribuables ont également remis le questionnaire « revenus et charges extraordinaires personnes physiques » où M. D______ a indiqué, sous rubrique « bonus, prime, participation au bénéfice de la part de l’employeur reçu en 1999 et/ou 2000 », "le salaire reçu est fonction de la marche des affaires de la société qui m’emploie. L’évolution des salaires dans le passé en est l’illustration. Dans ce sens, le salaire 2000 n’est pas à considérer comme extraordinaire".

5. L’AFC a adressé aux époux D______ un bordereau « revenus extraordinaires 2000 », le 7 mars 2002, comprenant le remboursement de l’impôt anticipé d’un montant de CHF 175'867,35.

6. Le 30 avril 2004, l’AFC a informé Mme et M. D______ de l’ouverture des procédures prévues aux article 151, 175 et suivants de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et des procédures prévues aux article 59, 69 et suivants de la loi cantonale de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) pour la période fiscale 2001-A.

Lors du contrôle de la société A______S.A., elle avait constaté que M. D______ avait touché un rattrapage de salaires de CHF 755'369.- et un dividende de CHF 500'000.- pour l’année 2000. Ces prestations étant considérées comme des revenus extraordinaires, les taxations devaient être modifiées en conséquence.

7. Le 8 juin 2004, l’administration a remis aux époux D______ un bordereau « rappel d’impôts » pour la période fiscale 2001-A qui retenait un supplément d’impôts de CHF 402'037,10 et des intérêts de retard de CHF 48'825,15 ainsi qu’un bordereau « amende » de CHF 201'018.-.

8. Le 7 juillet 2004, M. D______ a élevé une réclamation contre ces deux bordereaux. Il contestait l'intégralité de la reprise opérée par l'AFC qui reposait sur des bases inexactes.

En 1984, il avait quitté son emploi de chef de département d’une banque de gestion de fortunes pour participer à la création de la société A______S.A. Le salaire de départ avait été déterminé sur la base de son dernier salaire. Suite à la crise boursière d'octobre 1987, la situation financière de la société s'était péjorée et il avait dû faire d'énormes sacrifices sur le plan salarial, allant même jusqu'à travailler sans salaire. En 1990, afin de ne pas devoir fermer l’établissement, il avait été convenu qu’il rachèterait les parts de la société ultérieurement. En contrepartie, il avait accepté des conditions de salaire et des couvertures d’assurance très nettement inférieures à la norme. Son salaire avait ainsi subi de fortes variations durant ces années. Il ne s'agissait donc pas d'un rattrapage de salaires, sa rémunération étant fixée en fonction de l’évolution des affaires, soit une participation de 20% sur les revenus réalisés par la société. Pour ce qui était du dividende versé en 2000, il figurait également sur sa déclaration. Toutes les prestations d’A______S.A. fournies à son égard avaient ainsi été déclarées.

9. Par décision du 16 juillet 2004, l’AFC a rejeté la réclamation.

Elle avait tenu compte d’un revenu fixe de base s’élevant à CHF 600'000.- et d’une participation au résultat de la société à hauteur de 20%. En 2000, le contribuable avait touché un dividende unique de CHF 500'000.- qui tombait dans la catégorie des revenus extraordinaires. Il avait également reçu un rattrapage de salaires, correspondant aux parts de salaires non touchées entre 1984 et 1996, dont le montant s'élevait, selon les chiffres obtenus auprès de la société, à CHF 2'936'959.- que l'AFC avait réparti de la manière suivante : CHF 7'327.- en 1998, CHF 1'383'996.- en 1999, CHF 755'369.- en 2000, CHF 790'267.- en 2001.

En ce qui concernait l'amende, elle avait retenu l'intention et la bonne collaboration pour fixer sa quotité à 0,5 fois le montant de l’impôt soustrait.

10. M. D______ a recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière d’impôts cantonaux et communaux (ci-après : la commission ou la CCRMI), le 13 août 2004. Il a contesté le caractère extraordinaire retenu par l'administration de la part de son salaire inhabituellement élevée par rapport aux années antérieures et du dividende.

Sa rémunération était déterminée en fonction de l’évolution des affaires. En 2000, celle-ci n’avait rien d’extraordinaire dans la mesure où elle était basée sur les résultats très positifs enregistrés en 1999 et en 2000. De même, le dividende versé n’avait rien d’extraordinaire, car il était devenu actionnaire à part entière à partir de l'année 2000 seulement, auparavant il était privé de droits. L’évolution des affaires n’avait cependant pas permis de verser des dividendes les années suivantes.

11. L’AFC a répondu le 24 mars 2005.

Le contribuable avait consenti les premières années à ne pas recevoir la totalité de son salaire. Dès 1997, les arriérés lui avaient été versés peu à peu. Ainsi, lors du contrôle de A______S.A., il était apparu que M. D______, actionnaire majoritaire et administrateur président, avait touché d'importants montants entre les années 1997 et 2001 et que ces montants avaient fortement réduit le bénéfice imposable de la société. De plus, il avait également perçu une prime exceptionnelle de CHF 2'000'000.-.

L’administration avait, dans un premier temps, calculé le revenu extraordinaire en répartissant proportionnellement le montant total de CHF 2'936'959.- sur quatre années civiles. Il en résultait un revenu extraordinaire imposable de CHF 755'369.- pour l’année 2000. Pour ce faire, elle avait tenu compte d’un revenu fixe de base s’élevant à CHF 600'000.- et d’une participation au résultat de la société à hauteur de 20%. Toutefois, en réalité, le contribuable s’était vu accorder par A______S.A. une prime exceptionnelle de CHF 2'000'000.- en compensation des salaires et participations dont il avait été privé durant de nombreuses années. Cette prime revêtait un caractère exceptionnel et unique et elle n’était pas liée à la conjoncture. De plus, si l’on se référait aux comptes de la société clos au 30 avril 1999, sur lesquels le conseil d’administration devait se fonder pour décider du versement, le bénéfice de l’exercice s’était élevé à CHF 328'807,05. Il s'agissait dès lors bien d'un revenu non périodique et unique de CHF 2'000'000.-, en lieu et place du revenu de CHF 755'369.- retenu, qui devait être qualifié de revenu extraordinaire. La reformatio in pejus par la commission étant admise, le montant du rappel d’impôt devait être rectifié pour tenir compte du versement de ladite prime.

Durant l'année 2000, le contribuable avait également perçu un dividende de CHF 500'000.- sur lequel il avait obtenu le remboursement de l’impôt anticipé ainsi que CHF 90'000.- d’honoraires. Or, il n’y avait jamais eu de versements similaires durant les années précédentes. Au vu de la position influente au sein de la société de M. D______, actionnaire majoritaire de A______S.A. et administrateur président, il convenait de considérer le dividende litigieux comme constitutif d’un revenu extraordinaire, se montant à CHF 500'000.-.

Enfin, le contribuable n’avait pas déclaré les gains extraordinaires qu’il avait perçus en 2000. L’administration avait dès lors ouvert une procédure de contrôle à son nom lorsqu’elle avait appris, en effectuant le contrôle de la société A______S.A., qu’il avait touché un rattrapage de salaires et un dividende. A cette occasion, elle avait constaté qu’il avait indiqué sur le formulaire de gain extraordinaire que son salaire était uniquement lié aux résultats de la société A______S.A. alors que tel n’était manifestement pas le cas. Les éléments constitutifs objectifs de la violation d’une obligation fiscale et d’une taxation inexistante étaient ainsi remplis. Par ailleurs, le montant soustrait n’était pas négligeable et une source importante des revenus réalisés en 2000 consistait justement dans ces revenus extraordinaires non déclarés. L’amende, fixée à la moitié du montant de l’impôt soustrait, ne pouvait dès lors être considérée comme arbitraire. Elle devait ainsi être confirmée, sa quotité devant toutefois être revue compte tenu de la reformatio in pejus de la taxation sollicitée.

12. Sur requête de la CCRMI, M. D______ a déclaré, le 14 mai 2005, maintenir son recours.

Sa participation au droit de vote dans la société A______S.A., lors de la prise de décision de lui octroyer une prime de CHF 2'000'000.- n’était pas majoritaire, car, bien que possédant alors les 23% des parts de la société depuis le 21 septembre 1990, celles-ci n’étaient pas porteuses de droit. Il n’avait par conséquent aucune position dominante. De plus, ce montant ne correspondait pas à un remboursement d'une dette de la société à son égard.

La décision de l'octroi de sa compensation était revue périodiquement en fonction de l’évolution des honoraires à percevoir, observables en temps réel. Or, entre le 30 avril et le 15 décembre 1999, les affaires de la société avaient été remarquables. La décision du 15 décembre 1999 était donc pleinement justifiée compte tenu de l’évolution des affaires en cours à ce moment précis. Si l’évolution des marchés boursiers avait été moins erratique, les revenus et dividendes distribués auraient été plus constants. Seules les années 1999 et 2000 avaient joui de circonstances exceptionnelles grâce à un phénomène conjoncturel particulier. Le fait que la brèche de calcul tombait sur une de ces deux années était une circonstance fortuite. Enfin, il ne souhaitait pas entrer dans le détail de la méthodologie utilisée par l’administration, car il contestait le principe même du revenu extraordinaire et du dividende extraordinaire mais il notait tout de même l'arbitraire de la répartition effectuée par l'AFC du revenu extraordinaire sur quatre années seulement.

13. Le 10 juin 2005, l’AFC a dupliqué. Elle a confirmé ses précédentes conclusions et a relevé que le contribuable n'avait pas fourni la preuve que les parts qu'il détenait n'étaient porteuses d'aucun droit.

14. Par courrier du 10 avril 2006, la commission a rendu les contribuables attentifs au fait que l'AFC avait demandé de procéder à une reformatio in pejus. La taxation pouvait être modifiée à leur désavantage et la quotité de l’impôt et/ou de l’amende contestée être augmentée. Un délai leur était dès lors octroyé pour se déterminer sur cette possibilité et, le cas échéant, pour retirer leur recours.

15. Les époux D______ ont maintenu leur recours par courrier du 15 avril 2006. Ils se sont référés à leurs précédentes écritures ainsi qu'à un courrier d'A______S.A. envoyé à la commission le 14 décembre 2005.

16. Par décision du 19 juin 2006, la CCRMI a rejeté le recours.

Le recours concernait l’ICC pour l’année 2000. Il n’était pas contesté que le revenu de M. D______ était composé d’un montant annuel brut de CHF 600'000.- et d’une participation de 20% au résultat de A______S.A.. Sur cette base, et compte tenu du bénéfice réalisé par la société à la clôture de ses comptes pour l’année 2000, le revenu ordinaire du contribuable aurait été en principe de CHF 1'138'963.-. Selon la déclaration fiscale 2001-A, le contribuable avait fait état d’un salaire brut de CHF 2'420'000.-. Or, il résultait de contrôles fiscaux visant A______S.A. que le contribuable avait également perçu en 2000 une prime exceptionnelle de CHF 2'000'000.-. Au vu de son libellé et de son importance, cette prime ne représentait pas une partie régulière et fixe du revenu. De plus, son montant n’était pas conforme au bénéfice de la société qui était de CHF 2'700'000.- et qui était inférieur à celui de l’année précédente. Cette rémunération excédait par ailleurs de 47 % le revenu contractuellement convenu avec son employeur et était largement supérieure à celles des années 1998, 1999 et 2001. Enfin, compte tenu de ses fonctions dirigeantes d’administrateur secrétaire avec signature individuelle et du fait qu’il détenait, en 2000, la totalité du capital actions de A______S.A., le contribuable avait pu déterminer lui-même librement le moment du versement de la prime, soit précisément au cours de l’année de la brèche de calcul. La prime considérée était donc constitutive d’un revenu extraordinaire et devait donc être taxée à ce titre.

Il avait également été établi que le contribuable avait perçu, en 2000, un dividende de CHF 500'000.-. Or, il n'avait pas été démontré qu'un tel versement était effectué chaque année et représentait une partie fixe ou ordinaire du revenu du contribuable. En outre, vu la position de M. D______ au sein de la société, il avait pu influencer le moment du versement. Le dividende litigieux relevait dès lors également d’un revenu extraordinaire qui devait servir de base d’imposition.

Par ailleurs, un rappel d’impôt, au sens de l'ancienne loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05), sur le revenu extraordinaire perçu en 2000 devait être admis dans son principe. Les contribuables avaient eu la possibilité de s’exprimer sur l’éventualité de la reformatio in pejus de leur taxation dans le cadre de la procédure. Lors de la déclaration fiscale 2001-A, M. D______ n’avait pas indiqué le versement d'une prime de CHF 2'000'000.- et d’un dividende de CHF 500'000.-. De plus, il avait nié abusivement qu’il disposait d’une position dominante au sein de A______S.A. qui lui permettait d’exécuter le versement du revenu extraordinaire litigieux au cours de la brèche de calcul. Compte tenu des ces circonstances, ainsi que de l’importance des montants considérés, il y avait lieu de donner suite à la reformatio in pejus. Le dossier était dès lors renvoyé à l’administration pour qu’elle procède au rappel d’impôts portant sur le revenu extraordinaire de CHF 2'500'000.-.

Quant à l’amende, rien ne permettait de retenir que l’autorité avait outrepassé son large pouvoir d’appréciation en fixant celle-ci à la moitié de l’impôt soustrait. En revanche, la commission n’était pas habilitée à rectifier à la hausse le montant de l’amende litigieuse nonobstant l’aggravation des reprises effectives au titre de revenus extraordinaires imposables, la reformatio in pejus n'étant pas autorisée sous l'ancienne législation.

17. Les contribuables ont interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif, le 24 juillet 2006. Ils reprochent à la commission d’avoir considéré que M. D______ occupait une fonction dirigeante au sein d’A______S.A., d’avoir retenu le caractère extraordinaire des revenus et du dividende perçus durant l’année 2000 et, enfin, de l’avoir considéré comme le bénéficiaire d’honoraires, en 2000, pour un montant de l’ordre de CHF 90'000.-. Ils se référent au courrier et aux annexes adressés à la commission par A______S.A. en date du 15 décembre 2005.

18. L’AFC s’est opposée au recours le 25 août 2006. Elle renvoie à ses précédents arguments.

Pour le surplus, la commission avait, à juste titre, considéré que M. D______ avait des fonctions dirigeantes d’administrateur secrétaire avec signature individuelle, qu’il détenait en 2000 la totalité du capital-actions de A______S.A. et qu’il avait ainsi pu déterminer lui-même librement le moment du versement de la prime. M. D______ n’avait fourni aucune pièce qui infirmaient ces éléments.

M. D______ n’avait également pas apporté la preuve que le dividende et la prime n’avaient pas un caractère extraordinaire et que, dans son principe, de tels versements étaient effectués régulièrement chaque année et représentaient une partie fixe ou ordinaire de son revenu. Il s'agissait ainsi bel et bien de revenus extraordinaires imposables en tant que tels. Enfin, les honoraires de CHF 90'000.- perçus en 2000 par le contribuable n’étaient eux aussi pas des versements réguliers, aucun versement similaire n’ayant eu lieu durant les années précédentes.

19. Le 6 septembre 2006, la CCRMI a persisté dans sa décision.

20. Le 12 septembre 2006, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable à cet égard (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Selon l’article 68 LPA, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l'ont pas été dans les précédentes procédures, sauf exception prévue par la loi. A contrario, cette disposition interdit au recourant de prendre des conclusions qui n’auraient pas été formées devant l’autorité de première instance.

b. L'objet d'une procédure administrative ne peut pas s'étendre ou se modifier qualitativement au fil des instances. Il peut uniquement se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés devant l'autorité de recours (JAAC 1999, no 78, p. 734 ; ATA/560/2006 du 17 octobre 2006).

c. Si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre dans son mémoire de recours des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été l'objet de la procédure antérieure. Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction. Par conséquent, le recourant qui demande la réforme de la décision attaquée devant l'autorité de recours ne peut en principe pas présenter de conclusions nouvelles ou plus amples devant l'instance de recours, c'est-à-dire des conclusions qu'il n'a pas formulées dans les phases antérieures de la procédure (B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 390/391).

En l'espèce, la question de la perception d'honoraires pour un montant de CHF 90'000.- n'ayant pas fait l'objet de la décision de la commission, elle ne saurait être examinée par le tribunal de céans.

Le litige porte donc uniquement sur l'indemnité de CHF 2'000'000.- et le dividende de CHF 500'000.- versés par A______ S.A. durant l'année 2000. Les recourants ne contestent pas les montants retenus par l'AFC mais nient le caractère extraordinaire de ces revenus.

3. La législation fiscale genevoise relative aux personnes physiques a été adaptée afin de répondre à la législation fédérale, en particulier à la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14).

Depuis le 1er janvier 2001, le canton de Genève est passé du système praenumerando au système postnumerando annuel, tant pour la taxation fédérale que cantonale. L’impôt dû pour une année correspond désormais aux revenus réalisés durant cette même année.

4. Le passage au système postnumerando a engendré une brèche de calcul, c’est-à-dire que, s’agissant de l’impôt fédéral, les revenus réalisés durant les années 1999-2000 n’ont pas servi de base d’imposition. De même, s’agissant de l’impôt cantonal, le revenu réalisé durant l’année 2000 n’a pas été imposé. Pour remédier à cette situation et éviter une divergence trop importante entre les éléments effectivement réalisés dans cette brèche de calcul et ceux imposables, le législateur, tant fédéral que cantonal, a prévu une imposition spéciale des revenus extraordinaires.

Ainsi, les revenus extraordinaires réalisés durant la période fiscale précédant la modification ou lors d’un exercice clos au cours de cette période sont soumis à un impôt annuel entier, au taux applicable à ces seuls revenus pour l’année fiscale où ils ont été acquis (art. 218 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 – LIFD - RS 642.11 ; art. 69 al. 2 LHID ; art. 6 al. 2 de la loi sur l’imposition dans le temps des personnes physiques du 31 août 2000 - LITPP-II – D 3 12).

5. a. Aux termes de l’article 218 alinéa 3 LIFD, doivent en particulier être considérés comme revenus extraordinaires les prestations en capital, les revenus de fortune non périodiques, les gains de loterie et, par analogie avec l’article 206 alinéa 3 LIFD, les revenus extraordinaires provenant d’une activité lucrative indépendante, soit à teneur de ce dernier article, les bénéfices en capital réalisés, les réévaluations comptables d’éléments de fortune, les provisions dissoutes, ainsi que les amortissements et provisions justifiés par l’usage commercial qui ont été omis.

b. La LHID prévoit également que sont, en particulier, considérés comme des revenus extraordinaires les prestations en capital, les revenus non périodiques de fortune, les gains de loterie et les revenus extraordinaires provenant d’une activité lucrative indépendante (art. 69 al. 3 LHID).

c. L’article 6 LITPP-II est la norme cantonale d'harmonisation qui reprend le principe d'imposition des revenus extraordinaires consacré par la législation fédérale. Il précise, en son alinéa 3, que sont considérés comme des revenus extraordinaires, notamment, les prestations en capital, les revenus inhabituellement élevés par comparaison aux années antérieures, les gains de loterie, les revenus non périodiques de fortune et les revenus extraordinaires provenant d’une activité lucrative indépendante.

6. a. Dans la circulaire n° 6 du 20 août 1999 sur le « passage pour les personnes physiques de la taxation bisannuelle praenumerando, à la taxation annuelle postnumerando » (CIR W99-006F), l’administration fédérale des contributions relève que l’énumération de l’article 218 alinéa 3 LIFD est exemplaire et non exhaustive et que, dans le contexte d’une modification du système de l’imposition dans le temps, le caractère extraordinaire d’un revenu peut résulter :

- soit du caractère unique d’une prestation. En principe, tout revenu unique est un revenu extraordinaire au sens de l’article 218 LIFD. Il peut remplacer, ou non, des prestations périodiques (gain de loterie, indemnité obtenue lors de la renonciation ou de la cessation d’une activité, revenu de fortune non périodique, bénéfice de liquidation) ;

- soit du caractère extraordinaire d’un revenu par nature périodique. L’attribution de ce revenu est exceptionnelle, sort de l’ordinaire (dividende nettement supérieur aux dividendes des exercices précédents, indemnité pour prestations spéciales, gratification d’un montant exceptionnel) ;

- soit d’un changement dans l’aménagement de la source du revenu (provision dissoute ensuite du changement de méthode de comptabilisation, omission d’amortissements et de provisions justifiés par l’usage commercial, modification des conditions de rémunération d’une activité).

Ces divers critères peuvent être combinés. Dans le cadre de la qualification d'un revenu en tant que revenu extraordinaire, il peut être tenu compte du fait que le contribuable est à même d'influer sur les modalités d'attribution d'un revenu et de mettre ainsi à profit la brèche de calcul.

b. Il ressort de la jurisprudence que, d'ordinaire, les dividendes ne sont pas qualifiés de rendements de fortune non périodiques, mais plutôt de revenu périodique par nature (RDAF 2003 II 193ss, consid. 2.2). La commission fédérale de recours du canton de Zurich distingue le rendement de participation, qui peut être défini comme un revenu périodique, des dividendes dits de « substance », consistant dans la distribution de bénéfices antérieurs. L’avantage appréciable en argent consenti au contribuable est alors totalement dissocié du bénéfice de l’exercice (RDAF 2002 II 168ss, consid. 5c) bb). Pour d’autres autorités, le critère décisif quant à la nature extraordinaire de dividendes est en principe la continuité de la politique de distribution. Il n’y a pas seulement continuité lorsque le montant absolu du dividende reste constant sur plusieurs années, mais également lorsque le rapport entre le bénéfice net et le dividende distribué reste à peu près le même, selon une décision de la commission de recours du canton de Thurgovie (Revue fiscale 56/2001 507 ; ATA/914/2004 du 23 novembre 2004).

7. Au niveau cantonal, lors de l’élaboration de la LITPP-II, différentes explications ont été fournies par l’administration fiscale, au cours des débats menés par la commission fiscale, sur la notion de revenus et charges extraordinaires liés au passage à une imposition annuelle postnumerando. A plusieurs reprises, l’administration a ainsi eu l’occasion d’indiquer que le canton ne disposait que d’une faible marge de manœuvre.

En matière de revenus extraordinaires, il a été formellement indiqué que toute augmentation de revenu constatée durant l’année civile 2000 ne sera pas considérée systématiquement comme élément extraordinaire. La nature d’une disposition prévoyant l’imposition des revenus extraordinaires, outre qu’elle est dictée par le droit fédéral (LHID), n’a en effet pas pour but d’augmenter la fiscalité par un moyen détourné. Il s’agit simplement de faire en sorte que la conséquence de la brèche de calcul ne soit pas un levier permettant de réaliser des économies d’impôt injustifiées. En outre, il est certain que la qualification de revenus extraordinaires ne sera pas différente selon qu’il s’agisse de l’impôt fédéral direct ou des impôts cantonal et communal (Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève, 2000 VI, p. 5762ss, p. 5766).

Interrogée sur l’application de l’article 6 alinéa 3 LITPP-II, la cheffe du département des finances a rappelé que le but de l’administration fiscale serait d’éviter que l’on puisse éluder l’impôt en planifiant ses revenus pour bénéficier de l’année de passage et que, par conséquent, les cas sont tout de même examinés pour eux-mêmes à la lumière du but qui est posé et a été posé par l’administration fiscale et par le département des finances (MGC, op. cit., p. 5778).

8. Il appartient à l’autorité de taxation d’établir les faits qui fondent la créance d’impôt (ATF 105 Ib 382) ou qui l’augmentent, alors que le contribuable doit alléguer et prouver les faits qui suppriment ou réduisent cette créance (ATF 92 I 253 consid. 2 p. 256/257). Dans le cadre d’une procédure de rappel d’impôts et d’amende, cette autorité doit prouver que l’imposition est incomplète (RDAF 1993 32 consid. 2b p. 35, 2A.299/1989). Le fisc et le contribuable sont tenus de collaborer dans l’administration des preuves,  soit en précisant les allégations qu’il appartient à la partie chargée du fardeau de la preuve de détruire, soit en apportant des preuves ou indices positifs contraires. L’omission ou l’échec de ces preuves contraires peut être considéré comme un indice suffisant de la véracité des allégations de la partie adverse si celles-ci sont vraisemblables (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.347/2002 du 2 juin 2003, consid. 2.1 et références citées ; ATA/93/2005 du 1er mars 2005).

9. A______ S.A. a versé, durant l'année 2000, une prime de CHF 2'000'000.- au recourant. Selon le procès-verbal du conseil d'administration du 15 décembre 1999, cette prime lui a été attribuée en compensation des salaires et participations dont il avait été privés durant de nombreuses années. Le versement de ce revenu est ainsi exceptionnel et revêt un caractère unique.

Par ailleurs, même si, comme le prétend le recourant, sa participation au droit de vote, lors de la prise de décision de lui octroyer la prime litigieuse, n'était pas majoritaire, il convient de relever que, de 1996 à 2001, le recourant était administrateur secrétaire, avec signature individuelle. Il occupait ainsi un poste important au sein de la société qui lui permettait d'influer sur le moment du versement de la prime.

L'AFC et la CCRMI ont donc à juste titre qualifié la prime de CHF 2'000'000.- perçue par le contribuable durant l'année 2000 de revenu extraordinaire.

10. S'agissant du dividende de CHF 500'000.-, le recourant allègue être devenu actionnaire à part entière en 2000 seulement et que l'évolution des affaires n'avait pas permis de verser de dividendes les années suivantes.

Toutefois, il n'indique pas si, avant l'année 2000, un dividende a été versé aux actionnaires et, dans l'affirmative, de quel montant. De plus, le fait qu'un tel versement n'ait pas pu se renouveler les années suivantes démontre que l'attribution de ce revenu sort de l'ordinaire. Il convient dès lors de considérer, en l'absence de régularité dans la distribution du bénéfice, le dividende de CHF 500'000.- versé au contribuable durant l'année 2000 comme un revenu extraordinaire.

11. Reste encore à examiner si l'administration pouvait procéder à un rappel d'impôt et la CCRMI à une reformatio in pejus.

12. a. Les nouvelles normes fiscales, entrées en vigueur le 1er janvier 2001, en application de la LHID, ont abrogé, à partir de cette date, la plupart des dispositions de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05).

b. En vertu du principe de la non-rétroactivité des lois, le nouveau droit ne s'applique pas aux faits antérieurs à sa mise en vigueur (ATA/93/2005 précité).

c. En particulier, les prétentions découlant du rappel d'impôt sont régies par le droit en vigueur au cours des périodes fiscales litigieuses (Arrêts du Tribunal fédéral 2A.568/1998 du 31 janvier 2000, consid. 10d aa ; ATA/106/2006 du 7 mars 2006).

En l'espèce, l'AFC a envoyé un rappel d'impôt le 8 juin 2004 pour les revenus extraordinaires perçus en 2000, il convient donc d'appliquer les dispositions légales en vigueur de la LCP, dans sa teneur au 31 décembre 2000 (aLCP).

13. a. L'article 333 alinéa 1 aLCP prévoit que les déclarations peuvent faire l'objet d'une révision par les contrôleurs de l'impôt ; ceux-ci, après enquête ou citation du contribuable, fixent les éléments imposables.

b. Selon l'article 338 alinéa 2 aLCP, le contrôle peut porter sur les impôts de cinq ans en arrière non compris l'année courante.

c. Enfin, l’AFC est en mesure de procéder à un tel rappel si et seulement si la déclaration est inexacte ou incomplète et que de ce fait la taxation a été inférieure à celle qui aurait été fixée si la déclaration avait été exacte. Ledit rappel d'impôt n'est soumis à aucune faute, intentionnelle ou par négligence (ATA/106/2006 précité et les réf. citées).

Le rappel d’impôt est réservé aux cas où l’insuffisance de l’impôt est due à la manière dont la déclaration a été établie par le contribuable et non lorsque cette insuffisance provient d’une autre cause, telle une erreur de l’administration fiscale (ATA/886/2004 du 16 novembre 2004).

14. a. La loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17), entrée en vigueur le 1er janvier 2002, prévoit à son article 86, que les règles de procédure s'appliquent dès son entrée en vigueur aux causes encore pendantes. Il s'ensuit qu'en matière de procédure, la LPFisc s'applique à tous les cas.

b. Selon l'article 50 alinéa 2 LPFisc, dans la procédure de recours, la CCRMI a les mêmes compétences que le département dans la procédure de taxation. Elle peut à nouveau déterminer tous les éléments imposables et, après avoir entendu le contribuable, elle peut également modifier la taxation au désavantage de ce dernier (art. 51 al. 1 LPFisc).

15. En l'occurrence, suite à un contrôle de la société, l'administration a découvert le versement au contribuable d'un rattrapage de salaires et d'un dividende de CHF 500'000.- durant l'année 2000. Les contribuables n'ayant pas déclaré ces éléments, leur déclaration fiscale 2001-A était inexacte. Les conditions d'un rappel d'impôt au sens de l'article 340 aLCP étaient dès lors remplies.

En cours de procédure, l'administration a fait état de l'attribution au contribuable d'une prime de CHF 2'000'000.- et a requis la rectification du montant du rappel d'impôt pour tenir compte de cet élément. Informés le 10 avril 2006 par la commission de la demande de reformation in pejus de l'administration, les recourants ont maintenu leur recours le 15 avril 2006. La CCRMI était dès lors fondée à revoir la décision de l'AFC au détriment des recourants.

En conséquence, la prime de CHF 2'000'000.- et le dividende de CHF 500'000.- reçus par le contribuable durant l'année 2000 devant être considérés comme des revenus extraordinaires, la décision de la CCRMI est conforme au droit.

16. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable et la décision de la commission confirmée. Un émolument de CHF 4'500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

rejette le recours interjeté le 24 juillet 2006 par Monsieur et Madame D______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 19 juin 2006 dans la mesure où il est recevable ;

met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 4'500.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur et Madame D______ ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière d'impôts et à l'administration fiscale cantonale.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy, Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i.:

 

 

P. Pensa

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :