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Décisions | Assistance juridique

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AC/3152/2022

DAAJ/123/2025 du 30.09.2025 sur AJC/2638/2025 ( AJC ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/3152/2022 DAAJ/123/2025

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MARDI 30 SEPTEMBRE 2025

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié c/o Madame B______, ______, représenté par
Me C______, avocat,

 

contre la décision du 26 mai 2025 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après: le recourant) a travaillé pour la société D______ Sàrl (active dans [le secteur] ______ et les travaux de bâtiments) de mars à décembre de 2008 à 2010, puis d'avril à décembre en 2011 et 2012.

E______ était l'un des deux associés gérants de la société précitée.

b. Par arrêt rendu le 19 février 2016 à la suite d'un renvoi du Tribunal fédéral, la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice, réformant un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 15 mai 2014, a condamné D______ Sàrl à verser au recourant un montant total de 68'322 fr. 42, à titre de treizième salaire, de rémunération des vacances non prises et des jours fériés.

Dans la décision rendue précédemment, la Cour a notamment confirmé l'absence de qualité pour défendre de E______, la distinction entre la personne morale et son représentant n'ayant pas été invoquée de manière abusive.

c. La fiduciaire de D______ Sàrl, soit F______, a alors provisionné un montant de 81'726 fr. 64 au bilan de la société de l'année 2016.

d. La tentative de recouvrement de la créance du recourant a abouti au prononcé de la faillite de D______ Sàrl, par jugement du 2 novembre 2017.

Selon l'extrait de l'état de collocation dans la faillite du ______ juillet 2018, le dividende de la société était de 0% et son seul créancier était le recourant, sa créance totale s'élevant à 91'160 fr. 80.

e. Par jugement du 22 mars 2018, le Tribunal de première instance a ordonné la suspension de la liquidation de la société faillie, faute d'actifs.

Le recourant s'est fait céder les droits de la masse en faillite, l'Office des poursuites lui ayant fait parvenir un acte de défaut de biens après faillite d'un montant de 91'160 fr. 80.

f. Entre-temps, le ______ octobre 2017, E______ a fait inscrire l'entreprise individuelle G______/E______, dont le but était "divers travaux, ______, ______, maçonnerie, nettoyages". Ladite entreprise a été radiée le ______ 2020.

g.a A la suite d'une plainte pénale déposée par le recourant, E______ a été reconnu coupable, par ordonnance pénale du 12 janvier 2022, de diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers, de gestion fautive et de violation de l'obligation de tenir une comptabilité. Le recourant a été renvoyé à faire valoir ses droits devant les juridictions civiles.

Le Ministère public a notamment reproché à E______, en sa qualité d'associé-gérant de la société D______ Sàrl, d'avoir, de l'année 2014 au 2 novembre 2017 (jour du prononcé de la faillite de l'entreprise), intentionnellement détourné l'actif de celle-ci, en le transférant à la raison individuelle G______/E______ sans aucune contre-prestation, en diminuant progressivement son chiffre d'affaires et en réglant des dépenses privées, notamment en se versant des salaires en espèces, privant ainsi la société de ses revenus, tout en lui laissant ses charges et ses dettes, de sorte qu'au jour du prononcé de sa faillite, elle présentait un dividende de 0%, alors que la créance de son seul créancier poursuivant s'élevait à 91'160 fr. 80. Il lui était en outre reproché d'avoir géré de manière imputable à faute les affaires de la société, en particulier en ne constituant volontairement pas de provision, puis de dette en relation avec les prétentions salariales élevées en justice par le recourant depuis le mois de mars 2013 et auxquelles la société avait été condamnée définitivement en 2016, continuant ainsi l'activité sans avoir à injecter de fonds destinés à couvrir sa dette et en ne prenant aucune mesure d'assainissement alors que la société était toujours active, aggravant de la sorte la situation d'assainissement. Enfin, il était reproché E______ d'avoir intentionnellement, alors qu'il y était tenu, omis de tenir la comptabilité exhaustive de la société d'une façon conforme aux prescriptions légales en la matière, en particulier en éludant une partie des recettes de la société ainsi que le versement de salaires.

Il résulte de cette décision que les documents comptables produits permettaient de constater que l'activité de la société D______ Sàrl avait fortement diminué dès la naissance du litige qui l'avait opposée au recourant. En outre, le prévenu avait continué son activité professionnelle à travers une entreprise individuelle, constituée un mois avant le prononcé de la faillite de D______ Sàrl, laquelle était bénéficiaire encore en 2019, alors même qu'elle poursuivait la même activité que celle qui était tombée en faillite. L'activité avait perduré grâce notamment à des clientes de D______ Sàrl. Il résultait également des pièces comptables que le prévenu avait omis de faire figurer la provision en relation avec les prétentions salariales émises par le recourant. Or, E______ avait admis que s'il avait inscrit ladite provision, il aurait dû déposer le bilan. Ce faisant, aucune mesure d'assainissement n'avait été prise alors même que la société était toujours active, employait du personnel, facturait ses clients et que l'associé gérant se rétribuait, ce qui avait aggravé la situation de surendettement de la société.

g.b Par jugement du 16 mai 2023, le Tribunal de police a confirmé l'ordonnance pénale susvisée, sous réserve du fait qu'elle a acquitté E______ du chef de diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers, puisqu'il n'apparaissait pas que le précité ait adopté un comportement délictueux consistant à diminuer effectivement l'actif de la société.

h. Par acte déposé devant le Tribunal de première instance le 11 octobre 2022, le recourant, plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, a formé une action en responsabilité à l'encontre de E______, concluant notamment à la condamnation du précité à lui payer la somme de 91'160 fr. 80 à titre de réparation de son dommage (créance privilégiée selon l'état de collocation dans la faillite de D______ Sàrl), avec intérêts.

Préalablement, il a conclu à l'apport de la procédure pénale susvisée et à ce qu'il soit ordonné à E______ d'apporter à la procédure, pour la période 2014 à 2019, les relevés de l'intégralité des comptes bancaires et postaux dont il était titulaire ou sur lesquels il détenait un pouvoir de disposition durant la période précitée.

Il a notamment fait valoir que E______ avait spolié la société D______ Sàrl, la privant de tous ses actifs, de sorte qu'elle s'était trouvée dans l'incapacité de s'acquitter de ses dettes sociales, dont notamment ses arriérés de salaire. Le recourant a notamment fait valoir qu'il résultait des documents consultés auprès de l'Office des faillites que E______ avait commencé à vider la société de sa substance dès l'introduction de la demande en paiement devant les juridictions prud'homales en 2013. Il a par ailleurs allégué que lorsqu'il avait réclamé, en 2012, le paiement d'arriérés de salaire manifestement fondés, E______ n'avait constitué aucune provision dans les comptes de l'exercice 2012. Il en avait été de même lorsque la demande en justice avait été déposée en 2013. Même lorsque le Tribunal des prud'hommes avait, par jugement du 15 mai 2014, condamné la société à lui verser un montant de 84'843 fr. 65, E______ n'avait comptabilisé aucune dette dans les comptes de la société. Ce n'était qu'en 2016 qu'il avait fait inscrire une simple provision d'un montant de 81'726 fr. dans les comptes de la société, à la suite de l'arrêt rendu par la Chambre des prud'hommes. Selon le recourant, E______ s'était dès lors soustrait aux mesures d'assainissement imposées par l'art. 725 CO en omettant d'inscrire, comme il en avait l'obligation, une provision dans les comptes de la société en 2012 et 2013, puis une dette à partir de 2014, continuant à conduire ses affaires de 2012 à 2017 sous le couvert d'une société surendettée, sans la recapitaliser au moyens de ses propres deniers, ni même postposer ses propres créances envers la société.

E______ ayant été condamné pour la violation systématique de son obligation de tenir une comptabilité, il y avait lieu de présumer que sa comptabilité ne rendait compte que d'une partie des revenus de la société. Le recourant a allégué qu'alors que le chiffre d'affaires de la société dépassait régulièrement le montant de 260'000 fr. entre 2010 et 2012, le chiffre d'affaires a chuté abruptement de 50% selon les comptes de 2013, soit au moment de l'action en paiement formée devant les prud'hommes, puis a chuté à nouveau en 2016 (à 77'000 fr.) après la reddition de l'arrêt de la Cour. Une fois que le recourant avait voulu recouvrer sa créance, les liquidités et les clients débiteurs avaient disparu du bilan de la société, ces postes affichant un improbable zéro au moment du prononcé de la faillite de la société. Pourtant, l'activité déficitaire de la société en 2017 était redevenue bénéficiaire dès qu'elle avait été conduite sous la raison individuelle G______/E______.

Le dommage consistait, pour la société, en son appauvrissement jusqu'à la faillite, alors que le caractère bénéficiaire de la même activité poursuivie en raison individuelle prouvait que celle-ci était viable et, pour lui-même, en l'impossibilité de recouvrer sa créance sociale contre l'entreprise, ne recevant en lieu et place qu'un acte de défaut de biens. La faute du défendeur était établie par sa condamnation pénale.

i. Par jugement du 27 mars 2025, le Tribunal de première instance a débouté le recourant de toutes ses conclusions, considérant que, si la condition de la responsabilité des organes d'une société était certes réalisée, celle du dommage ne l'était toutefois pas. En effet, le recourant n'avait pas rendu vraisemblable le dommage que la société aurait subi, dommage qui n'était ni allégué, ni chiffré, alors qu'il lui appartenait de déterminer la date à laquelle la faillite aurait dû être prononcée, en tenant compte de la date à laquelle la provision aurait dû être inscrite. S'il n'était pas en mesure de le faire, il aurait dû solliciter la mise en œuvre d'une expertise, ce qu'il n'avait pas fait. Dans ces circonstances, le recourant n'était pas en droit de demander le paiement du dommage de la société. Par ailleurs, il ne pouvait pas non plus réclamer la réparation de son propre dommage, soit sa créance salariale basée sur l'arrêt de la Cour de justice du 19 février 2016, puisque E______ n'avait violé que des règles destinées à la protection de la société, à l'exclusion des tiers, tels que les créanciers sociaux. En outre, le dommage du recourant n'avait pas non plus été causé par une norme de comportement destinée à le protéger dans les droits atteints par l'acte incriminé ou sous la forme d'une culpa in contrahendo.

j. Par acte du 8 mai 2025, le recourant a formé appel contre ce jugement, concluant à son annulation. Au fond, il a repris ses conclusions de première instance.

Selon lui, c'était notamment à tort que le Tribunal avait retenu qu'il ne pouvait pas réclamer la réparation de son dommage direct, alors que E______ avait été condamné, par ordonnance pénale du 12 janvier 2022, pour diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers, soit en l'occurrence son patrimoine. En outre, E______ répondait également de son dommage sur la base d'une culpa in contrahendo, dès lors qu'il avait commencé à vider D______ Sàrl de sa substance dès l'introduction de la demande prud'homale début 2013 et que son intention d'éluder ses obligations de paiement en se cachant derrière un voile juridique dépourvu de ressources était établie. Enfin, il n'était pas nécessaire de solliciter une expertise comptable pour établir le montant du dommage infligé à la société par la faute de E______. En effet, en omettant de passer une provision de 91'160 fr. en début d'exercice 2013, alors qu'un chiffre d'affaires de 260'000 fr. avait été régulièrement déclaré en 2010, 2011 et 2012, puis une dette de même montant à partir de l'exercice 2014, ceci aux fins d'éluder son obligation d'assainir les comptes en postposant ses propres créances à due concurrence, respectivement en recapitalisant la société dans la même ampleur par apport de ses propres deniers, E______ avait privé la société, volontairement sous-capitalisée, des mesures d'assainissement correspondantes, soit pour elle un appauvrissement de 91'160 fr. survenu au début de l'exercice 2013 et dissimulé jusqu'au prononcé de la faillite. Le Tribunal avait violé son droit à la preuve, dans la mesure où il avait refusé d'ordonner l'apport des comptes bancaires de E______, alors même que cette preuve avait été dûment sollicitée et expressément réservée dans l'ordonnance de preuves du 10 avril 2024. En effet, il souhaitait prouver que E______ avait "siphonné" à son profit le paiement de travaux effectués par sa société entre 2014 et 2019, ce que les enquêtes du Ministère public avaient confirmé, seule l'ampleur de cette spoliation devant encore être déterminée.

B.            Egalement le 8 mai 2025, le recourant a sollicité l'extension de l'assistance juridique à la procédure d'appel susmentionnée.

C.           Par décision du 26 mai 2025, notifiée le 30 du même mois, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que la cause du recourant était dénuée de chances de succès.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 5 juin 2025 à la présidence de la Cour de justice. Le recourant conclut à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi de l'extension d'assistance juridique sollicitée pour la procédure d'appel contre le jugement du Tribunal de première instance du 27 mars 2025.

Le recourant se prévaut de faits qui ne résultent pas du dossier de première instance (notamment le montant des actifs inscrits au bilan de la société D______ Sàrl au 31 décembre 2013).

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             A teneur de l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions et les allégations de faits nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'une procédure de recours.

Par conséquent, les allégués de faits nouveaux ne seront pas pris en considération.

3.             3.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter ; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1 ; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

Pour déterminer les chances de succès d'un recours, le juge peut prendre en considération la décision de première instance, en comparant celle-ci avec les griefs soulevés. De la sorte, l'examen sommaire des chances de succès auquel il doit procéder est simplifié. Cet examen ne doit toutefois pas conduire à ce qu'une partie voit quasiment rendu impossible le contrôle d'une décision qu'elle conteste (arrêt du Tribunal fédéral 5A_572/2015 du 8 octobre 2015 consid. 4.1).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1 ; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

3.2.
3.2.1. A teneur de l'art. 725 al. 2 CO, applicable par le renvoi de l'art. 820 al. 1 CO, les devoirs des gérants de Sàrl comprennent notamment l'obligation de donner avis au juge en cas de surendettement de la société (arrêt du Tribunal fédéral 4A_77/2017 du 26 juillet 2017 consid. 1).

En vertu de l'art. 754 al. 1 CO (applicable par renvoi de l'art. 827 CO), les membres du conseil d'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'ils leurs causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs.

La responsabilité civile des associés gérants est subordonnée, à l'instar de celle des administrateurs, à la réunion de quatre conditions générales cumulatives: la violation d'un devoir, une faute (intentionnelle ou par négligence), un dommage et l'existence d'un lien de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation du devoir et le dommage (arrêts du Tribunal fédéral 4A_77/2014 du 21 mai 2014, consid. 4.1, 4A_133/2021 et 4A_135/2021 du 26 octobre 2021, consid. 7.1).

Pour établir le dommage causé par la poursuite de l'exploitation de l'entreprise, il faut se référer au surendettement existant lors du prononcé effectif de la faillite, puis soustraire le surendettement moindre prévalant au moment où la faillite aurait dû être prononcée si les organes s'étaient montrés vigilants. L'on se gardera de confondre le moment où la faillite aurait dû être prononcée avec celui, antérieur, où l'administrateur aurait eu des "raisons sérieuses d'admettre que la société [était] surendettée" (art. 725 al. 2 aCO) : à ce stade-ci, il est censé dresser un bilan intermédiaire à la valeur d'exploitation et à la valeur de liquidation, qui sera vérifié par un réviseur agréé puis, s'il apparaît que les dettes sociales ne sont plus couvertes par les actifs, le juge devra être avisé. Encore faut-il pronostiquer à quelle date la faillite aurait été prononcée. Le demandeur qui intente l'action sociale en réparation du dommage causé à la société doit alléguer et prouver l'aggravation de la situation financière, soit l'état du patrimoine social aux deux dates déterminantes (prononcé de faillite effective et prononcé de faillite antérieur), à la valeur de liquidation. Pour ce faire, il devra demander la mise en œuvre d'une expertise. Peu importe que le dossier contienne tous les documents et les pièces disponibles: il n'appartient pas au juge de reconstituer l'état du patrimoine de la société, seul un expert disposant des connaissances techniques nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_166/2022 du 29 juin 2023, consid. 3.2 et 3.3)

Il appartient à la partie demanderesse à l'action en responsabilité de prouver la réalisation de ces conditions (art. 8 CC), qui sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 4A_133/2021 et 4A_135/2021 du 26 octobre 2021 consid. 7.1 et les références citées).

3.2.2. Si la société est en faillite, il convient d'éviter que la masse en faillite, qui ne peut intenter une action qu'au moment de la seconde assemblée des créanciers, ne soit défavorisée par rapport aux créanciers individuels. Pour cette raison, la jurisprudence – afin d'éviter une compétition entre les actions – n'admet l'action individuelle (du créancier ou de l'actionnaire) que si celle-ci repose sur un fondement juridique distinct. Aussi, si la société faillie est lésée en même temps qu’un créancier social ou un actionnaire, ces derniers ne peuvent agir à titre individuel contre un organe pour le dommage qu’ils subissent personnellement que lorsque le comportement reproché à l’organe: (1) constitue un acte illicite fondant, à l’égard du créancier, une responsabilité sur la base de l'art. 41 CO; (2) se caractérise à l’endroit du créancier comme une culpa in contrahendo; ou (3) viole une norme du droit de la SA conçue exclusivement pour protéger les créanciers (ou les actionnaires; Corboz/Aubry/Girardin/Canapa, op.cit., n. 66d et 67 ad art. 754).

L’illicéité peut découler aussi bien d’une violation d’un droit absolu (illicéité de résultat) que de la violation d’une norme protectrice en cas de dommage purement économique (illicéité de comportement). Cela étant, les infractions pénales en matière de poursuite pour dettes et la faillite protègent les intérêts privés du créancier uniquement par leur effet général préventif. L’étendue de la protection du créancier se détermine cependant d’après la LP, dont les dispositions sont suffisantes pour assurer la protection du créancier. Les art. 163 ss CP (crimes ou délits commis dans la faillite et la poursuite pour dettes) n’ont ainsi pas pour but d’étendre la protection du créancier, ni de créer un nouveau fondement juridique d'une prétention en responsabilité. Par conséquent, ces dispositions pénales ne sont pas des normes protectrices qui permettent de fonder l’illicéité d’un comportement (ATF 141 III 527 consid. 3, traduit in Francey, L’illicéité de comportement en cas de violation des art. 163 ss CP, in lawinside.ch/147).

Selon une thèse défendue par un auteur de doctrine, un comportement préjudiciable contraire aux règles de la bonne foi peut être illicite s'il existe un rapport particulier de confiance entre le lésé et le responsable. Dans un arrêt publié aux ATF 108 II 305, le Tribunal fédéral a toutefois refusé, sauf cas tout à fait exceptionnels, de considérer l'art. 2 CC comme une norme de protection fondamentale dont la violation est propre à entraîner une responsabilité basée sur l'art. 41 CO; l'art. 2 CC ne fonde en effet pas une obligation indépendante, mais s'applique en rapport avec des droits et obligations déjà existants. Cela étant, il se dégage néanmoins de la jurisprudence des cas mettant en cause des relations de confiance dans lesquels le Tribunal fédéral reconnaît un chef de responsabilité, sans se prononcer nécessairement sur sa nature juridique (ATF 121 III 350 consid. 6c).

La jurisprudence a retenu qu'un employé était légitimé à agir à titre individuel, sur la base de l'art. 41 CO, contre les organes de la société qui l'employait, en réparation du dommage direct subi. Il s'agit d'une situation dans laquelle un employeur n'avait pas satisfait aux obligations à lui imposées par une convention dérogatoire écrite (par exemple en ne concluant pas le contrat d'assurance prévu ou en n'acquittant pas les primes dues à l'assureur, ou, en cas de maladie d'un travailleur, en ne faisant pas à temps l'annonce exigée par les conditions d'assurance), il devait réparation du dommage subi par ce travailleur, le dommage correspondant aux prestations d'assurance perdues. La prestation de l'employeur avait alors pour objet des dommages-intérêts pour cause de mauvaise exécution de la convention, et elle était due sur la base de l'art. 97 al. 1 CO. Le Tribunal fédéral a retenu que le fait pour le créancier social d'avoir, dans un premier temps, actionné la société sur la base de l'art. 97 CO devant les autorités prud'homales ne l'empêchait pas (en vertu des règles relatives à la solidarité imparfaite), de diriger ensuite son action, sous l'angle de l'art. 41 CO, contre les organes sociaux pour obtenir le solde de sa créance, soit l'équivalent du montant des indemnités journalières qui auraient dû lui être versées en l'absence d'acte illicite (ATF 141 III 112 consid. 4.5). Les agissements illicites des organes sociaux (non-paiement des primes) étaient à l'origine du refus de l'assureur d'indemniser l'employé, alors qu'il était indéniable que ces indemnités étaient dues à l'assuré. Le fait que les administrateurs aient déduit des cotisations sur le salaire de l'employé – en particulier celles de l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie – pour les utiliser à d'autres fins permettait d'affirmer que ces organes avaient adopté un comportement dont l'employé était la victime, ce qui confirmait que l'employé avait subi un dommage direct.

3.3 En l'espèce, le recourant remet en question le pronostic des chances de succès effectué par l'autorité de première instance.

Il n’est cependant pas nécessaire d’examiner si sa cause présente des chances de succès du point de vue de l'action sociale en réparation du dommage causé à la société, au vu des motifs qui suivent.

En ce qui concerne le dommage direct, il résulte des principes rappelés ci-dessus que les art. 163 ss CP ne sont pas des normes protectrices qui permettent de fonder l’illicéité d’un comportement. Dans cette mesure, l'art. 164 CP (diminution de l'actif au préjudice des créanciers) dont s'est prévalu le recourant dans le cadre de la procédure au fond ne peut être considéré comme un acte illicite au sens de l'art. 41 CO.

Cela étant, il résulte de la jurisprudence citée ci-dessus, qu'un salarié a pu agir individuellement contre les organes d'une société, sur la base de l'art. 41 CO, dans une situation où un manquement de ces derniers avait entraîné la non-perception d'indemnités auxquelles le travailleur avait droit sur la base des obligations contractuelles de l'employeur, et ce même si la créance dont se prévalait le salarié était initialement due par l'employeur.

Par conséquent, il ne semble a priori pas totalement exclu que l'instance d'appel retienne que le recourant a subi un dommage distinct de celui de la société et qu'il soit fondé à agir à titre individuel contre E______ pour obtenir la réparation de son dommage sur la base de l'art. 41 CO. En effet, le comportement de E______, en sa qualité de gérant de D______ Sàrl, pourrait, à première vue, être qualifié d'acte illicite, dans la mesure où il n'a pas veillé à ce que la société respecte ses obligations légales destinées à protéger son salarié. Ce manquement a causé un dommage direct au recourant, à savoir le non-versement de son treizième salaire et de la part de rémunération due pour les vacances et jours fériés.

Sous l'angle du dommage direct dont se prévaut le recourant dans la procédure au fond, sa cause ne semble, a priori, pas dépourvue de toute chance de succès.

La décision entreprise de la vice-présidence du Tribunal civil sera donc annulée.

Dès lors que le recourant avait été mis au bénéfice de l'assistance juridique pour la procédure de première instance, cela implique que la condition d'indigence était alors remplie et il est peu vraisemblable que sa situation financière se soit améliorée dans l'intervalle.

Les deux conditions posées par l'art. 117 CPC étant remplies, le recourant sera mis au bénéfice de l'assistance juridique pour la procédure d'appel contre le jugement JTPI/4340/2025 du 27 mars 2025.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 26 mai 2025 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/3152/2022.

Au fond :

Annule la décision entreprise et cela fait, statuant à nouveau :

Met A______ au bénéfice de l'assistance juridique pour la procédure d'appel contre le jugement JTPI/4340/2025 du 27 mars 2025, avec effet au 8 mai 2025.

Nomme à cet effet Me C______, avocat.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me C______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Victoria PALLUD, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.