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Décisions | Assistance juridique

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AC/1193/2025

DAAJ/119/2025 du 19.09.2025 sur AJC/2927/2025 ( AJC ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1193/2025 DAAJ/119/2025

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU VENDREDI 19 SEPTEMBRE 2025

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______ [GE],

 

contre la décision du 13 juin 2025 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. Le 23 avril 2025, A______ (ci-après : la recourante) et son frère B______ (ci-après : le frère) ont assigné l'ETAT DE GENEVE par-devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) en dommages-intérêts, en invoquant la mauvaise exécution du mandat de la curatrice désignée en faveur de leur mère, décédée en novembre 2023 (C/1______/2024).

Le 28 avril 2025, le Tribunal a requis des demandeurs le paiement d'une avance de frais de 36'000 fr., calculée sur la base d'une valeur litigieuse de 760'248 fr. 02. Un délai leur a été fixé au 30 mai 2025 à cette fin.

Selon le journal de la procédure relative à cette action judiciaire, la recourante a payé le montant de 36'000 fr. le 2 juin 2025, par virement bancaire.

b. Parallèlement, la recourante a requis le 6 mai 2025 l'octroi de l'assistance juridique limitée à la prise en charge des frais juridiques (cf. p. 3, ch. 8). Elle a précisé que les demandeurs avaient fait élection de domicile en l'Etude de Me C______ & Associés et comparaissaient par Me D______, avocate.

La recourante a exposé vivre avec son fils né en 1993, dans un appartement de sept pièces, dont le loyer se montait à 4'028 fr., charges comprises. Aucun d'entre eux n'exerçait d'activité lucrative et la taxation de la recourante paraissait se limiter à sa taxe personnelle, en 2023. Elle avait reçu des avis de saisie.

c. Par courrier du 8 mai 2025, le Greffe de l'Assistance juridique (ci-après : le GAJ) a indiqué à la recourante que son frère devait également déposer une demande d'assistance juridique afin que l'ensemble des frais judiciaires soient éventuellement pris en charge.

Le GAJ lui a également demandé de justifier le paiement de ses charges mensuelles, dont le loyer sus évoqué.

Par réponse du 12 mars [recte : mai] 2025, la recourante a exposé avoir été proche aidante de sa mère et son administratrice, ce qui l'avait empêchée de travailler et placée dans une situation d'extrême précarité financière. Elle a allégué régler son loyer grâce à des missions ponctuelles et au soutien de son entourage.

B. Par décision du 13 juin 2025, notifiée le 20 juin 2025, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête de la recourante, car le versement de l'avance de frais effectué par celle-ci le 2 juin 2025 avait rendu sa requête d'assistance juridique sans objet.

C. a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 26 juin 2025 à la présidence de la Cour de justice.

La recourante, qui conclut implicitement à l'annulation de la décision entreprise, sollicite le renvoi de la cause à l'Assistance juridique pour nouvelle décision. Subsidiairement, elle conclut à l'octroi de l'assistance juridique et à ce qu'il soit dit que la moitié des frais d'avocat, déjà déboursés, pour couvrir sa part, seront remboursés à son frère, et que la moitié des frais d'avocat et de procédure dans la suite de la procédure civile en cause seront également pris en charge par l'assistance juridique, de même que le montant de 18'000 fr. "avancés à [s]a place par [son frère] pour couvrir [s]a part de l'avance de frais au 20 mai 2025, lui sera remboursé".

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise, rendue en procédure en sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. Le recours a été déposé dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi, de sorte qu'il est formellement recevable.

Il sera examiné ci-dessous s'il existe une autre cause d'irrecevabilité.

1.3. Le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd. 2010, n. 2513-2515, p. 453).

2.             La recourante reproche à l'Autorité de première instance d'avoir omis d'examiner la précarité de sa situation financière, laquelle ne lui permet pas de faire face aux frais judiciaires liés à la procédure commune avec son frère.

De plus, l'Autorité de première instance avait rendu sa décision le 13 juin 2025, pour une échéance de paiement de l'avance de frais au 30 mai 2025, ce qui constituait une "carence procédurale grave" et forcé son frère à assumer seul cette somme. Elle réfute que sa demande d'assistance juridique ait été circonscrite à la prise en charge des frais juridiques, affirmant l'avoir demandée également pour les honoraires d'avocat.

Assumant la procédure civile solidairement avec son frère, la répartition des frais devait être équitable. La décision entreprise n'ayant pas considéré ce point, elle était affectée d'une "erreur d'appréciation manifeste".

2.1.
2.1.1.
Selon l'art. 101 CPC, le tribunal impartit un délai pour la fourniture des avances et des sûretés (al. 1). Si les avances ne sont pas fournies à l’échéance d’un délai supplémentaire, le tribunal n’entre pas en matière sur la demande ou la requête (al. 3).

Selon la jurisprudence rendue en application de l'art. 101 al. 3 CPC, la requête d'assistance judiciaire suspend le délai imparti pour payer l'avance de frais judiciaires et, en cas de rejet de cette requête, le tribunal doit accorder un délai supplémentaire pour effectuer cette avance. Tant qu'une décision sur l'assistance judiciaire n'a pas été prise, le tribunal ne peut exiger d'avance de frais et fixer de délai à cette fin (ATF 138 III 672 consid. 4.2.1; ATF 138 III 163 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 4D_49/2019 du 14 novembre 2019 consid. 3.2; 4A_541/2012 du 18 janvier 2013 consid. 7). Admettre le contraire reviendrait à contraindre le recourant, alors qu'il est dans l'incertitude quant à l'issue de sa requête d'assistance judiciaire, à verser l'avance réclamée afin de sauvegarder la recevabilité de son acte (arrêt du Tribunal fédéral 4D_49/2019 du 14 novembre 2019 consid. 3.2).

2.1.2. Selon la jurisprudence de la Cour, la conclusion tendant à l'octroi d'une assistance judiciaire partielle limitée à l'avance de frais devient sans objet lorsque celle-ci a été acquittée (DAAJ/33/2020 du 22 avril 2020 consid. 3.2).

2.1.3. L'octroi de l'assistance juridique est notamment subordonné à la condition que le requérant soit dans l'indigence (art. 29 al. 3 Cst. et 117 let. a CPC).

Selon l'art. 119 al. 2 CPC, la personne requérante justifie de sa situation de fortune et de ses revenus et expose l'affaire et les moyens de preuve qu'elle entend invoquer.

Une personne est indigente lorsqu'elle ne peut assurer les frais liés à la défense de ses intérêts sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 128 I 225 consid. 2.5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_480/2022 du 29 novembre 2022 consid. 3.1).

L'indigence s'apprécie en fonction de l'ensemble des ressources du recourant, dont ses revenus, sa fortune et ses charges, tous les éléments pertinents étant pris en considération (ATF 135 I 221 consid. 5.1; 120 Ia 179 consid. 3a). La situation économique existant au moment du dépôt de la requête est déterminante (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_19/2016 du 11 avril 2016 consid. 4.1).

2.1.4. Selon l'art. 59 CPC, le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action (al. 1), à savoir que le demandeur ou le requérant a un intérêt digne de protection (al. 2 let. a). Il examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC). Le recourant doit en règle générale justifier d'un intérêt actuel, c'est-à-dire qui existe déjà et subsiste au moment du dépôt du recours. La recevabilité d'un moyen de droit suppose que le jugement soit de nature à procurer au recourant l'avantage qu'il recherche. Le juge n'a pas à statuer sur un recours qui, s'il devait être admis, ne modifierait pas la situation juridique dans le sens des conceptions du plaideur (cf. ATF 140 III 92 consid. 1.1; 136 I 274 consid. 1.3;
116 II 721 consid. 6; 114 II 189 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_671/2021 du 20 décembre 2021 consid. 3.1.1; 4A_304/2018 du 23 octobre 2018 consid. 3.2.1, non publié in ATF 145 III 42). L'intérêt actuel fait en particulier défaut lorsque la décision attaquée a été exécutée ou est devenue sans objet (ATF 136 III 497 consid. 1.1;
131 II 670 consid. 1.2; 125 II 86 consid. 5b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_943/2023 du 1er février 2024 consid. 7.1). Lorsqu'une demande en justice ne répond pas à un intérêt digne de protection de son auteur, elle est irrecevable (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_729/2021 du 24 février 2022; 5A_717/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.1.1.3). Lorsque l'intérêt au recours fait défaut au moment du dépôt du mémoire, le recours est irrecevable; en revanche, si l'intérêt disparaît en cours de procédure, le litige est déclaré sans objet et la cause rayée du rôle (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; 139 I 206 consid. 1.1; 136 III 497 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_352/2023 du 4 juillet 2023 consid. 1.2.1; 5A_717/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.1.1.3; DAAJ/40/2025 du 25 mars 2025 consid. 1.1.2).

2.2. En l'espèce, la recourante et son frère ont assigné l'ETAT DE GENEVE en responsabilité civile et le Tribunal leur a demandé, le 28 avril 2025, le paiement d'une avance de frais de 36'000 fr., avec un délai de paiement fixé au 30 mai 2025.

La recourante a requis l'assistance juridique le 6 mai 2025, limitée à la prise en charge des frais juridiques, ainsi que cela ressort explicitement de sa requête (cf. p. 3, ch. 8). Contrairement à son affirmation, elle n'a pas demandé un octroi complet, comprenant également les honoraires d'un éventuel conseil.

Le dépôt de ladite requête d'assistance juridique a eu pour conséquence de suspendre le délai imparti au 30 mai 2025 pour le versement de l'avance de frais. Par conséquent, l'Autorité de première instance n'avait aucune obligation de statuer sur l'octroi ou le refus de l'assistance juridique avant cette échéance. Autrement dit, en statuant le 13 juin 2025, elle n'a commis aucune "carence procédurale grave". En effet, après un rejet de la requête d'assistance juridique, la recourante aurait obtenu du Tribunal la fixation d'un nouveau délai pour payer cette avance de frais, avant que son action en responsabilité puisse être déclarée irrecevable pour défaut de paiement de l'avance de frais. D'ailleurs, la recourante ne s'y est pas trompée, puisqu'elle a payé – et non pas son frère, comme elle l'affirme à tort – ladite avance le 2 juin 2025, soit après le terme du 30 mai 2025.

En payant cette avance de frais, la recourante a rendu sans objet sa requête d'assistance juridique limitée à la prise en charge des frais judiciaires dans la procédure en responsabilité civile, ce que l'Autorité de première instance a considéré avec raison, en application de la jurisprudence de la Cour (DAAJ/33/2020 du 22 avril 2020 consid. 3.2). Ladite Autorité n'avait, dès lors, pas besoin d'examiner la condition d'indigence de la recourante, celle-ci ne pouvant pas modifier l'issue du litige.

En formant recours le 26 juin 2025 sans disposer d'intérêt juridique à être dispensée du paiement de l'avance de frais, son acte doit être déclaré irrecevable, en application des art. 59 et 60 CPC.

Pour le surplus, les rapports internes entre la recourante et son frère ne sauraient modifier les conditions d'octroi de l'assistance juridique, la première n'ayant pas donné suite à la proposition du GAJ d'examiner une requête d'assistance juridique du second en vue de les dispenser, le cas échéant, d'effectuer l'avance de frais. En tout état de cause, la recourante ne paraît pas remplir la condition d'indigence, puisqu'elle a pu réunir la somme de 36'000 fr. pour verser l'avance de frais sans fournir d'explications sur sa provenance, et qu'elle vit avec son fils dans un vaste appartement au loyer de 4'028 fr., charges comprises, sans expliquer les moyens financiers dont elle dispose pour assumer une telle charge mensuelle, ni rendre vraisemblable l'adaptation de son train de vie pour prioriser ses dépenses indispensables, préalable nécessaire avant la sollicitation de l'assistance juridique.

3.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :


Déclare irrecevable le recours formé le 26 juin 2025 par A______ contre la décision rendue le 13 juin 2025 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1193/2025.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Victoria PALLUD, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.