Décisions | Assistance juridique
DAAJ/122/2024 du 15.10.2024 sur AJC/1909/2024 ( AJC ) , ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/2524/2013 DAAJ/122/2024 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU MARDI 15 OCTOBRE 2024 |
Statuant sur le recours déposé par :
Madame A______, domiciliée ______ [GE],
contre la décision du 4 avril 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.
A. a. A______ (ci-après : la recourante) a obtenu l'assistance judiciaire (AC/2524/2013) pour se défendre dans un litige successoral (C/1______/2012).
b. Par décision du 19 avril 2016, la recourante a été condamnée à rembourser à l'Etat de Genève (ci-après : l'Etat) la somme de 2'760 fr.
Le montant total des frais consentis par l'Etat s'élevait à 15'072 fr. (indemnisation de son conseil : 9'062 fr. et frais judiciaires : 6'000 fr.) et, compte tenu des mensualités versées à hauteur de 840 fr. par la recourante, "le solde en faveur de l'Etat s'élev[ait] à 2'760 fr." (sic).
Il était précisé que la recourante n'avait allégué aucun changement de sa situation financière depuis la date de l'octroi de l'assistance judiciaire.
c. Le 28 janvier 2021, les Services financiers du Pouvoir judiciaire ont adressé à la recourante le courrier signé suivant :
"(…) Référence est faite à notre entretien téléphonique de ce jour, je vous confirme la décision qui vous a été communiquée oralement, à savoir :
Compte tenu des éléments exposés relatifs à votre situation financière, la direction des finances accepte l'encaissement du montant de CHF 696.- pour solde de tout compte de votre créance [recte : dette] envers le Pouvoir judiciaire. Ce montant est à verser d'ici au 15 février 2021, tout retard de règlement entraînera la reconsidération du montant total à devoir, soit CHF 1'120.- (…)".
La recourante a payé la somme de 696 fr. le 5 février 2021.
B. a. Par courrier du 13 mars 2024, la recourante a été interpellée sur sa situation financière et a remis des pièces, accompagnées d'une feuille de budget.
b. Par décision du 4 avril 2024, notifiée le 20 avril 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a condamné la recourante à rembourser à l'Etat de Genève la somme de 11'472 fr.
Selon cette décision, la situation financière de la recourante s'était améliorée depuis la décision du 19 avril 2016, parce que ses revenus s'élevaient à 3'064 fr. (AVS : 777 fr., SPC : 1'852 fr., LPP : 235 fr. et contribution de la Ville de Genève : 200 fr.) pour des charges mensuelles en 2'143 fr. (base mensuelle d'entretien majorée : 1'500 fr., loyer : 635 fr., LAMal : entièrement subsidiée, impôts à bien plaire : 2 fr., frais de transports arrondis à 6 fr.), soit un disponible mensuel de 921 fr. lui permettant de rembourser sa dette en moins de treize mois.
C. a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 25 avril 2024 à la Présidence de la Cour de justice.
La recourante conclut à l'annulation de la décision du 4 avril 2024.
Elle reproche à la vice-présidence du Tribunal civil d'avoir omis d'évoquer l'accord pour solde de tout compte conclu le 28 janvier 2021 avec les Services financiers du Pouvoir judiciaire. A son sens, la décision entreprise violait cet accord et la protection de la bonne foi.
Elle produit un bordereau de pièces, lesquelles font partie du dossier de première instance.
b. Dans ses observations du 7 mai 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a conclu au rejet du recours.
Selon la décision du 19 avril 2016, le calcul du solde de 2'760 fr. était le suivant : du montant de 3'600 fr., représentant 60 mensualités de 60 fr. exigibles de la part de la recourante, il convenait de déduire la somme de 840 fr. qu'elle avait versée au titre de sa participation.
Ensuite, au 28 janvier 2021, lors de l'accord avec les Services financiers du Pouvoir judiciaire, "le montant total restant dû était de CHF 1'120.-" compte tenu des mensualités supplémentaires versées par la recourante. Elle avait obtenu une remise de 424 fr. en payant la somme de 696 fr. (1'120 fr. – 696 fr.).
Cela étant, la créance résiduelle en faveur de l'Etat restait due, selon l'Autorité de première instance, laquelle représentait la différence entre l'intégralité des prestations versées par ce dernier (15'072 fr.), sous déduction de la "contribution totale demandée" (3'600 fr.), soit une créance résiduelle de 11'472 fr. en faveur de l'Etat.
c. Ces observations ont été communiquées par courrier du 8 mai 2024 à la recourante, laquelle a été avisée par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.
d. Par courrier du 14 mai 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.
1. 1.1. Les décisions de remboursement prises par la vice-présidence du Tribunal civil, rendues en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), peuvent faire l'objet d'un recours auprès du président de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC, 11 et 19 al. 5 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC).
1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.
2. 2.1. Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir conformément aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu'ils s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 134 V 306 consid. 4.2). De ce principe découle notamment le droit de toute personne à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État (art. 9 Cst., ATF 136 I 254 consid. 5.2).
Liée à la sécurité juridique, cette exigence s'applique chaque fois qu'une apparence de droit est créée par une autorité, laquelle est liée par les conséquences découlant de son activité (Malinverni/Hottelier/Hertig Randall/Flückiger, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 4ème édition, 2021, n. 1295).
2.2 D'après l'art. 123 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ, une partie est tenue de rembourser l'assistance juridique dès qu'elle est en mesure de le faire (al. 1). La créance du canton se prescrit par dix ans à compter de la fin du procès (al. 2; art. 19 al. 4 RAJ).
Lorsque l'assistance juridique était assortie du versement d'une participation mensuelle valant remboursement anticipé des prestations de l'Etat, la personne bénéficiaire est condamnée, à l'issue de la procédure, au paiement des frais dont elle a été exonérée et au remboursement des montants versés par l'Etat, sous déduction des mensualités déjà payées (art. 19 al. 1 RAJ). La somme due à ce titre ne peut excéder l'équivalent de 60 mensualités si la situation de la personne bénéficiaire ne s'est pas améliorée (al. 2 et art. 4 al. 2 RAJ). Si la situation de la personne bénéficiaire s'est améliorée ou si elle est de toute manière en mesure d'effectuer un paiement, le paiement de l'intégralité des prestations de l'Etat peut être exigé (al. 3).
2.3 En l'espèce, la recourante a été condamnée, par décision du 19 avril 2016, à rembourser à l'Etat "le solde en faveur" de celui-ci, lequel s'élevait à 2'760 fr.
Cette décision a exposé que le montant total des frais consentis par l'Etat s'était monté à 15'072 fr. (soit 9'062 fr. pour l'indemnisation du conseil de la recourante et 6'000 fr. de frais judiciaires), dont à déduire la somme de 840 fr. déjà versée par la recourante à titre de participation, soit un solde en faveur de l'Etat de 2'760 fr. (sic).
Cette décision prête à confusion. En effet, elle est erronée du point de vue de son calcul, en ce sens que la somme de 15'072 fr. sous déduction de celle de 840 fr., donne un solde en faveur de l'Etat de 14'232 fr. Cette décision aurait dès lors dû expliquer que ce montant ne pouvait pas être exigé de la recourante à ce moment-là, parce que sa situation financière ne s'était pas améliorée, raison pour laquelle, en application des art. 4 al. 2 et 19 al. 2 RAJ, sa participation financière était limitée au paiement de 60 mensualités de 60 fr., représentant un total de 3'600 fr., dont à déduire la somme de 840 fr. déjà versée, soit un montant de 2'760 fr.
Ensuite, par courrier du 28 janvier 2021, la direction des finances du Pouvoir judiciaire a accepté un "encaissement du montant de CHF 696.- pour solde de tout compte de votre créance [recte : dette] envers le Pouvoir judiciaire", pour autant que la recourante paie ce montant d'ici au 15 février 2021. Le retard dans le paiement de cette somme entraînait la reconsidération du montant total à devoir, soit 1'120 fr. (…).
En recevant ces deux courriers, la recourante pouvait légitimement comprendre qu'en s'acquittant d'un dernier paiement de 696 fr. dans le délai imparti, sa dette d'assistance juridique était intégralement soldée. La recourante pouvait de bonne foi se fier à ces indications et considérer qu'elle n'avait plus aucune dette d'assistance juridique, étant précisé que selon le courrier du 28 janvier 2021, le montant total à devoir se serait élevé à 1'120 fr et pas à 11'472 fr.
Il s'ensuit que le recours est fondé, de sorte que la décision de la vice-présidence du Tribunal civil du 4 avril 2024 sera annulée. La recourante est ainsi libérée, par l'effet de l'accord du 28 janvier 2021, de tout paiement envers l'Etat en raison de l'assistance judiciaire qui lui a été accordée dans la cause AC/2524/2013 pour se défendre dans un litige successoral (C/1______/2012).
2. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). La recourante ayant comparu en personne, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.
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PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé le 25 avril 2024 par A______ contre la décision rendue le 4 avril 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/2524/2013.
Au fond :
Annule la décision entreprise.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.
Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.
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Indication des voies de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.