Décisions | Assistance juridique
DAAJ/84/2024 du 13.08.2024 sur AJC/1746/2024 ( AJC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/2386/2015 DAAJ/84/2024 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU MARDI 13 AOÛT 2024 |
Statuant sur le recours déposé par :
Madame A______, domiciliée ______ [GE],
contre la décision du 26 mars 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.
A. Par décision du 15 septembre 2015, la vice-présidence du Tribunal civil a octroyé l'assistance juridique à A______ (ci-après : la recourante) dans le cadre d'une procédure en modification du jugement fixant la contribution d'entretien de sa fille mineure, ledit octroi étant limité à la première instance. Me B______, avocate, a été désignée pour défendre les intérêts de la recourante.
B. a. Par courrier du 7 février 2024, reçu le 16 février 2024, le greffe de l'assistance juridique a demandé à la recourante de lui fournir les éléments utiles pour réexaminer sa situation financière, précisant qu'à défaut de réponse d'ici le 27 février 2024, celle-ci serait condamnée à rembourser l'entier des dépenses consenties par l'Etat.
b. En l'absence de réponse de la recourante, un courrier de rappel lui a été adressé le 7 mars 2024, lui impartissant un ultime délai au 18 du même mois pour produire les pièces sollicitées.
c. Par courrier du 10 avril 2024, reçu par le greffe de l'assistance juridique le 17 suivant, la recourante a exposé avoir été malade durant plusieurs mois, de sorte qu'elle n'avait pas pu donner suite à ses courriers. Elle a indiqué que sa situation financière ne s'était pas améliorée depuis l'octroi de l'assistance judiciaire en 2018 et qu'elle émargeait à l'aide sociale. La recourante a également joint à son courrier le formulaire en vue d'établir sa situation financière, lequel n'était accompagné d'aucune annexe.
d. Le 6 mai 2024, le greffe de l'assistance juridique a invité la recourante à lui transmettre, d'ici au 13 mai 2024, une copie du dernier décompte d'aide financière de l'Hospice général. Il était précisé qu'à défaut de réponse dans le délai précité, une décision de remboursement serait rendue sans appel.
C. Par décision du 26 mars 2024, expédiée le 17 avril 2024 et notifiée le 25 du même mois, la vice-présidence du Tribunal civil a condamné la recourante à rembourser la somme de 3'260 fr. à l'État de Genève, correspondant au montant de 2'160 fr. versé à son avocate à l'issue de la procédure pour l'activité déployée en sa faveur et aux frais de justice avancés par l'assistance juridique à hauteur de 1'100 fr. En l'absence de réponse au courrier l'invitant à actualiser sa situation financière, la recourante était présumée pouvoir rembourser l'intégralité des prestations fournies par l'État.
D. a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 30 avril 2024 à la Présidence de la Cour de justice. La recourante conclut à l'annulation de la décision querellée dans la mesure où sa situation financière ne s'est pas améliorée. Elle expose avoir été en arrêt-maladie durant les mois de février et mars 2024 et ne pas avoir été en état de traiter ses courriers. Elle fait en outre valoir que le greffe de l'assistance juridique a expédié la décision entreprise le 17 avril 2024, alors qu'elle lui avait fourni les informations en vue d'établir sa situation financière dans son courrier du 10 avril 2024.
b. Dans ses observations du 22 mai 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a conclu au rejet du recours. Elle a relevé que la décision querellée, envoyée le 17 avril 2024 et notifiée le 25 suivant, s'était manifestement croisée avec le courrier de la recourante daté du 10 avril 2024, lequel n'avait été réceptionné au greffe de l'assistance juridique qu'en date du 17 avril 2024. Celui-ci avait dès lors invité la recourante, par courrier du 6 mai 2024, à lui transmettre d'ici au 13 du même mois une copie du dernier décompte d'aide financière de l'Hospice général. L'attention de la recourante avait été attirée sur le fait qu'en l'absence de retour d'ici le 13 mai 2024, il serait considéré que son indigence n'était pas établie et que la décision de remboursement serait maintenue. La recourante n'avait pas donné suite à ce courrier. A défaut de collaboration et en l'absence de tout justificatif permettant d'établir sa situation financière actuelle, la décision de remboursement du 26 mars 2024 était maintenue.
c. Par pli du 23 mai 2024, notifié le 31 suivant, la recourante a été informée de ce que la cause était gardée à juger et a reçu une copie des observations de la vice-présidence du Tribunal civil.
d. Par courrier du 5 juin 2024, réceptionné le lendemain par le greffe de la Cour de justice, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle a notamment exposé avoir transmis son décompte d'aide financière de l'Hospice général par courrier du 23 mai 2024. Elle a produit une pièce nouvelle, soit le courrier précité, lequel ne contenait toutefois pas son décompte de prestations.
1. 1.1. Les décisions de remboursement prises par la vice-présidence du Tribunal civil, rendues en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC, 11 et 19 al. 5 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC).
1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.
1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515, p. 453).
1.4. Il n'y a pas lieu d'entendre la recourante, celle-ci ne le sollicitant pas et le dossier contenant suffisamment d'éléments pour statuer (art. 10 al. 3 LPA; arrêt du Tribunal fédéral 2D_73/2015 du 30 juin 2016 consid. 4.2).
2. A teneur de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'une procédure de recours.
Par conséquent, le courrier de la recourante adressé le 23 mai à l'autorité de première instance ne sera pas pris en considération, ce d'autant qu'il a été produit après que la cause a été gardée à juger. En tout état, ledit courrier n'était pas accompagné du décompte de prestations de l'Hospice général, de sorte qu'il n'est pas pertinent pour l'issue du litige.
3. 3.1. D'après l'art. 123 al. 1 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ, une partie est tenue de rembourser l'assistance juridique dès qu'elle est en mesure de le faire. L'obligation conditionnelle de remboursement instaurée par cette disposition a été concrétisée en droit genevois par l'art. 19 al. 3 RAJ, qui prévoit que le paiement de l'intégralité des prestations de l'Etat peut être exigé de la personne bénéficiaire de l'assistance juridique si sa situation s'est améliorée ou si elle est de toute manière en mesure d'effectuer un paiement.
La créance en remboursement de l'Etat est une prétention de droit public (ATF
138 II 506 consid. 1) qui naît au moment de la réalisation de la condition suspensive de l'aptitude à rembourser (arrêt du Tribunal fédéral 2C_195/2016 du 26 septembre 2016 consid. 2.2.3). Pour pouvoir faire l'objet d'une procédure d'exécution forcée, elle doit être constatée par une décision rendue par l'autorité compétente selon le droit cantonal (soit à Genève le Président du Tribunal civil [art. 1 al. 1 RAJ]) au terme d'une procédure dans laquelle le bénéficiaire de l'assistance judiciaire aura eu la possibilité de faire valoir son droit d'être entendu (arrêt du Tribunal fédéral 2C_350/2017 du 7 décembre 2017 consid. 6.3; Colombini, in Petit Commentaire CPC, 2020, N 11 ad art. 123 CPC).
Aux fins de permettre à l'autorité compétente d'examiner la réalisation de la condition suspensive de l'aptitude à rembourser, la personne bénéficiaire de l'assistance judiciaire est tenue de collaborer à la détermination de sa (nouvelle) situation financière en fournissant à ladite autorité, à sa demande, toutes les informations et pièces utiles, son obligation à cet égard ayant la même portée que dans la procédure d'octroi de l'assistance judiciaire (Huber, DIKE-Komm-ZPO, N 6 ad art. 123 CPC; Wuffli/Fuhrer, Handbuch unentgeltliche Rechtspflege im Zivilprozess, 2019, p. 369 n° 1061). En cas de violation de cette obligation de collaborer, l'autorité pourra sans arbitraire admettre que la situation financière du bénéficiaire s'est améliorée, et donc que la condition suspensive de l'aptitude à rembourser est réalisée (Colombini, op. cit., N 11 ad art. 123 CPC; Huber, op. cit., N 6 ad art. 123 CPC; Wuffli/Fuhrer, op. cit., p. 369 n° 1061; Bühler, in BK ZPO, Band I, N 39 ad art. 123 CPC).
3.2. En l'espèce, l'autorité de première instance a invité la recourante, par courriers successifs des 7 février et 7 mars 2024, à lui remettre toutes informations et pièces justificatives utiles concernant sa situation financière, dans un délai échéant au 27 février, respectivement au 18 mars 2024. Il est établi que la recourante n'a pas donné suite à ces injonctions en temps utile, son courrier explicatif datant du 10 avril 2024 seulement. Sans requérir formellement la restitution du délai échu, la recourante s'est limitée à exposer qu'elle était en arrêt-maladie durant les mois de février et mars 2024, de sorte qu'elle n'aurait pas été en mesure de traiter sa correspondance. Elle n'a toutefois pas établi son empêchement et n'a en particulier produit aucun certificat médical attestant de sa prétendue incapacité. C'est donc à bon droit que le premier juge a rendu la décision querellée le 26 mars 2024.
Par courrier du 6 mai suivant, l'autorité de première instance a, de manière contradictoire et manifestement par erreur, sollicité de la recourante qu'elle lui transmette son décompte de prestations de l'Hospice général d'ici le 13 mai 2024. Celle-ci, non représentée, pouvait ainsi légitimement comprendre que le premier juge avait rouvert l'instruction de sa cause. Cela étant, la recourante n'a pas donné suite à cette dernière injonction dans le délai imparti au 13 mai 2024. Elle n'a pas sollicité la prolongation du délai précité et n'a pas davantage requis sa restitution, et ce alors que son attention avait été expressément attirée sur les conséquences d'un défaut. Enfin, force est de constater, à toutes fins utiles, que la recourante n'a fourni à aucun moment le décompte de prestations de l'Hospice général, y compris dans le cadre de son recours.
Au vu de ce qui précède, la Cour constate que c'est à juste titre que l'autorité de première instance a considéré que la recourante avait refusé de collaborer et, par voie de conséquence, a retenu que sa situation financière s'était améliorée et qu'elle était en mesure de rembourser l'aide étatique. Le recours doit dès lors être rejeté.
4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).
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PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé le 30 avril 2024 par A______ contre la décision rendue le 26 mars 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/2386/2015.
Au fond :
Le rejette.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.
Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.